[États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.J fruits de leurs travaux, soit pour les récoltes, soit pour les exemptions à eux accordées par la déclaration ; ils eurent plusieurs contestations à soutenir, desquelles ils devinrent les victimes ; ils n’ont pas eu non plus des grâces pour le droit de tarque. Nota. —Un seul habitant, pour apporter son pain de l’aire au village au moment d’un orage, paya 150 livres au prieur pour amende ou pour dépens, et cela parce qu’il n’avait pas prévenu le collecteur. Tel est l’état des habitants et possédant biens de la Roquette ; le seigneur et le prieur perçoivent chaque année la sixième partie des grains que lesdits habitants recueillent par des longs et pénibles travaux, soit dans les terres à eux propres, soit dans les terres gastes ; le sieur prieur a en sus la dîme des agneaux. Le droit de tarque dérive des désemparations que les anciens seigneurs avaient faites de leurs mauvaises terres nobles, qui, passant dans les mains des habitants, devenaient roturières, et par-conséquent soumises aux tailles et autres impositions communales; après ces désemparations, les seigneurs, usant des prétendus droits de compensation, rendirent les bons fonds nobles et s’assurèrent le droit de tarque sur les terres désemparées; au moyen de ce, les bonnes terres qui produisaient beaucoup de tailles à la communauté donnaient au seigneur un bénéfice, et les mauvaises qui ne produisaient rien leur en assuraient un plus considérable par le moyen de la tarque. La communauté ose espérer qu’elle sera dégagée de toutes ces charges ruineuses, qui ne sont faites que pour enrichir les seigneur et prieur, qui possèdent beaucoup et ne payent rien. Les habitants dudit la Roquette, forains et possédant biens, ont le droit de couper bois et autres exploits utiles et nécessaires sans en abuser, suivantl’acte du 10 janvier 1561, notaires Geoifroi, Ventris et Thenori. Malgré la teneur de cet acte, le seigneur de la Roquette prive lesdits habitants et forains de cette faculté ; il veut même priver un fabricant de tuiles de Quinson, qui a sa fabrique dans le terroir de la Hoquette, de couper le bois qui lui est nécessaire, contre la teneur de ladite transaction, et un acte particulier que ses ancêtres avaient passé avec ceux du fabricant actuel. Ce pauvre fabricant, qui est possédant biens audit la Roquette, ayant une nombreuse famille, se trouve privé des fruits de son état, qui lui fournissait les moyens de subslanter sa famille. Nota. — Le fabricant de tuiles donne audit seigneur de la Roquette cent tuiles par fournée. Les habitants et possédant biens de cette communauté seront forcés d’abandonner leurs propriétés, si la dîme n’est pas supprimée ou modérée ainsi que les droits seigneuriaux; elle demande encore l’encadastrement des biens nobles, pour que chacun s’aide à payer les charges royales et provinciales et à mettre un ordre au rétablissement des finances. Elle demande une justice différente pour le bien des peuples, la vente des biens de l’Eglise, pour du produit former un fonds, duquel on fixerait à chaque ministre de l’Eglise, suivant son grade et sa place, un revenu honnête, et le restant du prix des ventes, versé dans le trésor royal ; encore d’obliger tous les prieurs et évêques de résider 'dans leurs diocèses et lieux de leurs bénéfices. La communauté demande un nouveau règlement pour l’administration de la province; que les ha-335 bitants des trois ordres n’y soient jamais qu’en nombre égal. Que les sommes que Sa Majesté délaisse toutes les années ne puissent être distribuées qu’en faveur des communautés affligées. L'assemblée charge ses députés de demander que les chemins soient réparés ; ils étaient en grandre partie chemins de seconde classe de province ; la viguerie n’a pas soutenu ses droits, au contraire, elle a changé nos chemins du tableau, aussi ils sont impraticables, et le commerce diminue chaque jour, et la viguerie, sans entendre les communautés, a procédé auxdits changements pour placer son principal chemin passant par Beau dinar. Signé J. -J. Martin; Avoud ; Grambois; Bertrand père ; Chabran ; Lourrière; J. Massebeuf; Gasayne, et Nausset, greffier. CAHIER. Des doléances de la communauté de la Tour d'1 Aiguës, sénéchaussée d'Aix (1). La communauté de la Tour d’Aiguès a fait une triste expérience de tout ce que l’anarchie féodale, l’organisation de nos tribunaux, et les préjugés en faveur de la noblesse ont de plus fâcheux. Elle est encore sous le joug de dix -neuf procès qui lui ont été suscités par son seigneur, et la plupart à même d’être jugés par le parlement, dont son seigneur est membre, peut-être aussi par une chambre qu’il préside. L’on ne doit pas être surpris si elle porte ses réclamations peut-être plus loin qu’aucune autre, communauté. Art. 1er. Le désir le plus ardent de la communauté et de tous les membres qui la composent, est de maintenir l’autorité royale dans toute sa force et dans tous ses privilèges. Art. 2. Les députés sont expressément chargés de requérir l’abolition de tout privilège et la contribution à toutes les charges, de la part de tous les sujets de Sa Majesté suivant leurs facultés, en quoi elles consistent ou puissent consister. Soit biens capitaux, droits seigneuriaux ou autres, la puissance royale protège toutes ces espèces de biens. Toutes ces espèces de biens doivent donc contribuer pour la maintenir. Art. 3. Les députés requerront que la nation insiste pour avoir une nouvelle formation d’Etats non-seulement pour l’administration, mais pour la députation aux Etats généraux, la députation actuelle n’étant pas constitutionnelle et la communauté n’y ayant consenti que pour donner à Sa Majesté une nouvelle preuve de sa' soumission, de sa fidélité, et dans l’espoir qu’elle a suppléé les protestations du pays par le préambule des lettres patentes et reconnu la nécessité que la nation soit légalement représentée. Art. 4. Les députés proposeront que le pays soit maintenu dans�tous ses privilèges, franchises, et immunités, notamment dans le droit de concourir à la formation des lois, à rétablissement des impôts et dans le choix des moyens pour en opérer l’acquittement. Art. 5. Les députés feront instance pour que les députés de la nation aux Etats généraux ne souffrent pas que les députés que la noblesse fieffée a nommés en contravention des lettres patentes de Sa Majesté, soient admis dans les Etats généraux contre la disposition de l’arrêt du con-(I) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archive* de l’Empire. 336 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.] seil du 23 février dernier, et moins encore que leur nombre ajouté à celui des autres membres de la noblesse détruise l’égalité ordonnée par l’arrêt du conseil du 27 décembre dernier. Art. 6. Les députés proposeront la réformation de la justice civile et criminelle, notamment.celle des tribunaux ; que les habitants des villages ne soient plus jugés sur les questions relatives aux droits seigueuriaux uniquement par les seigneurs. Que le parlement de cette province soit composé de membres des trois ordres sur le modèle de l’égalité prescrite tant pour les Etats généraux que pour nos Etats particuliers. Que les offices de judicature ne soient plus vénaux, et que les juges ne soient institués que sur la présentation des Etals ou des vigueries. Art. 7. Les députés formeront vœu pour la suppression de toute justice seigneuriale tant au civil qu’au criminel, comme un germe d’abus et de vexations qui reproduit la tyrannie des premiers temps de l’anarchie féodale. Art. 8. Les députés demanderont que les troupeaux du seigneur ne puissent plus dévaster les biens des habitants sans encourir les mêmes peines que celles imposées aux habitants quand ils dévastent les biens du seigneur. Art. 9. Les députés demanderont que le pays fasse maintenir les communautés dans les droits et privilèges attachés aux offices municipaux dont les maires pourvus par Sa Majesté jouissaient avant que la province eût acquis ses officiers municipaux, et dont ils ont été dépouillés par le parlement immédiatement après la réunion consommée. Art. 10. Les députés demanderont que l’hommage prêté au seigneur soit réduit à sa véritable nature, c’est-à-dire que n’élant que relatif aux biens, il ne soit plus que le signe d’une servitude personnelle, et qu’on ne l’exige plus à genoux. Cette cérémonie, humiliante pour des hommes, enfle trop l’orgueil de ceux qui la reçoivent, sans en être eux-mêmes humiliés. Art. 11. Les députés demanderont que la police soit attribuée aux consuls , comme pères du peuple. C’est le seul moyen pour qu’elle soit bien exercée et que les protégés du seigneur, de ses agents et de ses officiersne puissent plus lesvexer avec espoir d’impunité. Art. 12. Les députés demanderont qu’il soit opposé un terme à l’exercice du droit féodal beaucoup moins court que celui de trente années, et que le payement du Jods, quand même il sera fait au fermier, vaille investiture, puisque le fermier, quant à ce, est l’homme du seigneur. Art. 13. Les députés demanderont que les communautés ne soient plus exposées aux vexations des droits d’indemnité et de rapport qu’on leur fait essuyer à ce sujet. Quand le seigneur a appelé des habitants dans sa terre, il a entendu qu’ils auraient tout ce qui est nécessaire à l’habitation, et qu’on n’exigerait pas d’eux une contribution pour avoir soit un hôpital, soit une maison curiale, soit une boucherie et hôtel de ville; et non que, pour en connaître la valeur sur laquelle doit être fixé le droit d’indemnité, on ferait de dix en dix ans ou de vingt en vingt ans, aux frais de la communauté, un rapport qui coûte souvent plus que le droit lui-même, et que l’on n’aurait pas la liberté d’offrir au seigneur une somme quelconque pour éviter les frais de ce rapport. Art. 14- Les députés demanderont qu’on tâche de délivrer les communautés de la banalité des fours et des moulins, où se commettent tant d’injustices et où se perçoivent tant de droits indus sous prétexte des œuvres de surérogation que les seigneurs et les arrêts du parlement ne permettent pas de faire faire par un tiers. On connaît aujourd’hui le prix de la liberté des hommes; il ne faut donc pas permettre qu’elle soit plus longtemps enchaînée, et moins encore que leur esclavage devienne une occasion de profft pour le seigneur, au moyen des vexations de ses préposés. Le Languedoc a obtenu un arrêt du conseil qui lui permet de racheter le droit d’indemnité, à plus forte raison doit-il donc être permis de racheter des droits qui affectent la personne et la liberté de l'homme. Art. 15. Les députés auront le pouvoir de concourir à toutes délibérations, voter et. consentir tous les objets de doléances que la communauté n’a pas prévus, et se concilier à cet égard soit avec les commissaires, soit avec les députés qui rédigeront le cahier national. Art. 16. Les députés demanderont encore de pouvoir jouir du droit ou faculté de la chasse, ainsi qu’il a été accordé aux habitants parla transaction passée entre le seigneur et la communauté, afin de pouvoir détruire chacun dans ses possessions le gibier et notamment les lapins qui dévastent tous les fruits et les jeunes arbres, surtout les oliviers, sauf à la communauté de prendre les mesures nécessaires pour user sans abus de ce droit plus utile aux habitants qu’aux seigneurs eux-mêmes. Art. 17. Les députés réclameront aussi qu’en contribuant comme ils font à l’abonnement des droits de Sa Majesté à cause de la directe universelle qui lui appartient dans tous les pays de Provence et détaillé dans l’arrêt du conseil d’Etat du 19 juin 1691, il sera permis aux habitants de cette communauté de se servir de l’eau de leurs fontaines, des eaux pluviales et de celles des rivières, ruisseaux et autres sources publiques qui sont dans leur terroir, afin d’en arroser leurs possessions et généralement pour en faire l’usage qui leur paraîtra nécessaire. Art. 18. Les députés représenteront que la multiplicité des pigeonniers qui existent dans le terroir causent un dégât considérable à tous les semis des grains que les habitants sèment dans leurs possessions, parce que les pigeons en mangent ou en empêchent de germer une grande partie; ils en demanderont l’abolition sans aucune exception, soit en faveur des habitants, soit en faveur du seigneur. Les députés solliciteront encore la réduction des dîmes que notre communauté paye à un’prieur décimateur étranger, de façon qu’il n’en soit plus perçu qu'une quotité suffisante pour payer les prêtres qui font les services de la paroisse. Signé d’Estienne, lieutenant de juge; d’Albon, maire, consul; Lange, député; Beyer; Gavasse; Rey; A.-D. Hupais; B. Bogert; Duly; Chauvet; Tournatare; Dorgon; J. -H, Meit; Pierre Escoffîer; Bougon; L. Blanc; M. Chel; Brun ; E. Panisfête; Lancelme ; Estienne ; Carbonnel ; F. Goiraud ; A. Hesse; Maurel; André Bonnet; Germain; J. -J. Richard; Charles Ginon; Valette; C. Fourasse; Gaspard Lombard; Languier; P. Charbonriel; J. -B. Roux; J. Briou; P. Carbonet; Aubion;À, Cha-teminois; L. Donzel; B. Terras; J. Consolin; Gou-don; Cbateminois; Richaud; Carretier; May.