546 [Assemblée nationale.] ARÇHIVES PARLEMENTAIRES. [26 février 1791.] dées comme non avenues ; en conséquence, que les accusés seront incessamment remis en liberté. Art. 4. « Enfin, l’Assemblée nationale, profondément touchée des événements désastreux dont on a entendu le récit, invite les citoyens de Nîmes à se prémunir contre les suggestions qu’on pourrait employer encore pour les désunir et pour les plonger dans de nouveaux troubles ; elle les exhorte à sacrifier, pour le bien de la paix, le souvenir et le ressentiment de leurs maux, et à chercher dans l’union la plus durable et dans la tranquillité publique, la consolation et l’oubli des malheurs qu’ils ont éprouvés pour avoir ajouté foi aux perfides insinuations de quelques hommes mal intentionnés. » (Ce décret est adopté.) M. le Président lève la séance à dix heures trois quarts. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ÀSSEMBLÉE NATIONALE DU SAMEDI 26 FÉVRIER 1791, AU SOIR. Opinion de M. Cortois de Balore , évêque de Nîmes, sur la manière de rétablir la tranquillité dans cette ville (1). Messieurs, les mêmes motifs qui vous ont déterminés à renvoyer par devant d’autres tribunaux que ceux de Montauban et de Schelestadt la connaissance des troubles qui ont agité ces deux villes, vous détermineraient, à plus forte raison, au renvoi de la procédure de Nîmes, dont les malheurs ont été plus déplorables encore, et où se sont développées, avec bien plus de chaleur et d’activité, ces passions violentes qu’il importe si fort d’écarter de l’enceinte des tribunaux. Mais, plus j’ai profondément médité sur les causes de nos funestes divisions, sur leurs effets, sur les moyens les plus efficaces de ramener, dans nos murs désolés, sinon Je bonheur (hélas I combien nous aurons longtemps encore de larmes à verser !) an moins le seul adoucissement qui reste après de grands maux, la douceur de pleurer en paix et de s’attacher insensiblement aux objets de consolation qui nous restent ; plus je me persuade que, pour rélablir sincèrement et solidement la paix dans la ville de Nîmes, ce n’est pas le renvoi, mais l’abolition entière de la procédure qu’il faut vous demander; plus je me persuade qu’un oubli et un pardon général, tant de la part des législateurs et des vengeurs des lois, que de la part même des opprimés, qui se croient en droit d’en réclamer la vengeance, sont le seul remède à leurs maux particuliers, comme à ceux de leur malheureuse patrie. (I) La discussion s’étant prolongée pendant cinq séances, M. l’cvêquc de Nîmes, qui n’a pu obtenir la parole aux quatre premières, s’est trouvé, le jour do la cinquième, très malade d’un violent mal de gorge avec la fièvre, et tout à fait hors d’état d’aller à l’Assemblée. Je ne solliciterais, Messieurs, qu’une seule exception sévère si les inculpations, résultant de la procédure contre quelques ecclésiastiques, paraissent avoir Je moindre fondement, je demanderais que la procédure continuât de s’instruire contre eux seuls; l’honneur même de leur ministère rendrait cette exception nécessaire ; mais, Messieurs, quand la faiblesse même des charges ne les justifieraient pas complètement; quand les actions les plus ordinaires, les plus simples, ne seraient pas travesties en actes coupables et séditieux ; quand ces accusations vagues de fanatisme si fastidieusement répétées de nos jours, et qui n’annoncent plus que le fanatisme de l'irréligion et de l’incrédulité, poursuivant avec acharnement la leligion et ses ministres, ne détruiraient pas dans tous les bons esprits jusqu’au moindre soupçon contre ces ecclésiastiques, leur nom seul me rassurerait aussi ; en effet, et je ne sais par quelle fatalité, il semble que ce soit aux hommes les plus respectables du clergé de cette ville qu’une maladroite calomnie ait osé s’attaquer; à ces hommes dont les noms, depuis une longue suite d’années, se trouvent attachés à toutes les bonnes œuvres, inscrits dans les fastes de toutes nos maisons de charité, connus parmi les pères des pauvres; à des curés, à des pasteurs, dignes imitateurs des Vincent de Paul et des Longuet, l’amour et la consolation de leurs troupeaux ; à ces hommes auxquels il fallait bien chercher des crimes , puisqu’on s’était rendu coupable envers eux des plus violentes injustices, mais dont il était plus facile de piller et de dévaster les maisons, comme ou l’a fait, que d’entacher l’innocence ; à ces hommes enfin que, sur le théâtre de leurs vertus et de leur charité, on est aussi étonné d’entendre calomnier que vous le fûtes, Messieurs, lorsqu’au milieu de vous-même, vous entendîtes tout à coup un nom, dont la loyauté vous était si bien connue, le nom de Toulouse-Lautrec , prostitué dans la fable absurde d’une dénonciation maladroitement concertée entre deux vils calomniateurs et cependant adoptée par les magistrats. Je ne m’abaisserai donc pas à craindre, pour de tels hommes, que leur honneur puisse être même soupçonné; et, lorsque l’abolition entière de la procédure me semble être le seul moyen d’adoucir les maux de notre malheureuse patrie, ces noms chéris et respectés auront beau y être témérairement compromis, je n'en répéterai pas avec moins de persuasion et de confiance à l’Assemblée nationale : Nîmes ne peut être sauvé qu’en ensevelissant tout ce qui s’est passé dans un éternel oubli. Et ne croyez pas, Messieurs, que ce conseil soit uniquement celui du ministère de paix et de miséricorde que je remplis près des habitants de ces contrées, la religion ne conseille rien que la prudence et la saine politique ne doivent faire adopter. Malgré la différence étonnante des récits qui vous ont été faits de nos désastres, la voix forte et convaincante, quoique tardive, de la vérité, s’est fait entendre; elle aura dissipé ces épaisses vapeurs, dont les lieux et les premiers instants de ces scènes terribles sont toujours enveloppés, pour les yeux meme les plus perçants et les moins prévenus; sans vous en laisser imposer par ces noms de patriotes ou de rebelles, témérairement usurpés ou donnés, vous aurez déjà discerné, Messieurs, entre les oppresseurs et les opprimés, entre les victimes et les coupables. Mais, si la dure nécessité de repousser une (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 février 1791.] 547 injuste accusation et d’en soustraire les victimes à lu pius cruelle oppression a forcé les officiers municipaux à rechercher et à faire connaîire les vrais auteurs des troubles, loin d’eux, plus loin de vous encore, le sentiment pénible de la haine et de la vengeance ! que l’innocence soit reconnue, elle est assez vengée. Le désir le plus ardent de ramener la paix entre deux portions d’un peuple naguère si uni, maintenant si cruellement divisé, nous anime seul; nous ne voulons plus voir ni coupables, ni victimes ; mais des concitoyens honteux, désespérés d’avoir cessé un instant d’être frères, oubliant tout, pardonnant tout, pour la paix et le bonheur commun. 11 n’est nul autre moyen de redevenir frères et amis. Dans les crimes particuliers, dans les délits ordinaires, sans doute la vengeance des lois est nécessaire à l’ordre social; mais dans ces grands crimes publics, dans ces mouvements convulsifs de tout un peuple, dans ces plaies si générales et si enflammées, l’usage des remèdes violents serait aussi dangereux que celui des calmants est utile et salutaire... La clémence doit repousser le glaive de la loi, la prudence doit l’en chaîner. Telle est l’utile leçon que nous donna toujours la sagesse romaine. Après les troubles intestins qui agitèrent tant de fois cette puissante République, au premier retour de l’ordre, le peuple, pour l'affermir , prononçait cette formule si brève et si expressive de" l’abolition de tout le passé : acta ddeta. Et certes les plus justes considérations avaient fait embrasser, à ce peuple généreux, une mesure aussi sage qu’humaine. En effet, à ces époques redoutables pour les nations où une fermentation générale agite les esprits dans tous les sens, les hommes les plus innocents et les plus simples sont aussi les plus faciles à sortir des limites de leurs devoirs; plus susceptibles d’alarmes sur leurs plus chers intérêts, sur leur religion, leurs propriétés, leur liberté, leur vie, à la parole du premier fourbe adroit qui se sera emparé de leur esprit, leur imagination, frappée de toutes les préventions, de toutes les terreurs qu’on veut leur inspirer, ne voit plus, dans tous ceux sur lesquels on dirige leur haine et leurs coups, que des ennemis du bien public à punir des forfaits odieux à prévenir ou à venger. Souvent, dans l’ivresse du carnage se livrant aux excès d’une joie barbare, leur férocité même est pour eux un objet de triomphe que, bientôt rendus, avec le calme de ces passions factices, à la bonté et à la simplicité naturelle de leur âme, ils détesteront avec la plus amère douleur. 11 est donc ju te, autant qu’il est prudent et humain, que cette déplorable facilité à se laisser tromper et séduire, qui est en eux en proportion de leurs plus estimables qualités, soit aussi pour eux la vraie mesure de la vindicte légale et qu’à tant de coupabh-s, dont le cœur l’est si peu, les remords soient leur seul châtiment. Déjà ce tourment est trop cruel pour vos âmes. Oh vous! instruments aveugles de nos malheurs, portion égarée de nos concitoyens, habitants des contrées circonvoisines, dont l’amour infatigable du travail, la sobriété, l’économie formaient le caractère et les mœurs estimables ; vous qu’on a nourri de mensonges et cle calomnies, dont, par mille suggestions perfides, on a fasciné l’esprit et les yeux pour vous arracher à vos foyers, à vos vertus, pour vous inspirer la haine la plus violente, contre des hommes, des frères, dont vous n’aviez reçu aucun outrage, pour vous mêler à leurs querelles domestiques, et vous faire impitoyablement plonger vos mains dans leur sang. Alt! puissé-je moi-même, au prix de tout mon sang, effacer la part douloureuse que vous avez eue à nos malheurs I Peuples plus abusés que coupables, oui, vous inspirez encore assez d’intérêt pour croire vos cœurs étrangers aux crimes que vos mains ont commis! Oui, revenus de ces moments d’ivresse et de fureur qui vous ont jetés si loin hors de vous-mêmes, rendus au calme de la réflexion et de la raison, à vos sentiments naturels, vous ne regarderez pas sans horreur derrière vous ; déchirés de remords, vos peines les plus cruelles seront en vous-mêmes; en garde désormais contre ces periides suggestions qui vous ont égarés, d’autant moins coupables à nos yeux que vous le serez davantage aux vôtres, le reste de votre vie vous paraîtra trop peu pour réparer de si grands excès; vous n’aurez un instant été pour nous des ennemis cruels que pour être, par la suite, des voisins plus précieux, des amis plus sincères, des frères plus empressés à con-inbuer de tous vos efforts au soulagement de nos maux. Pleins de ces consolantes pensées, loin de nous livrer à aucune idée de vengeance contre vous, nous l’abjurons même, contre les coupables auteurs de vos égarements et de nos maux comre vos séducteurs. Sans doute, si nous ne considérions que leur perversité, ce serait sur eux que, avec l’indignation et la haine publique, nous devrions appeler encore toute la sévérité des lois et la rigueur des supplices; mais leur coupable adres-e a su tellement allier leur perfidie à votre simplicité, les perquisitions, les recherches à faire pour parvenir à les convaincre, jetteraient nécessairement encore, parmi vous, tant d’alarmes et de craintes, que votre propre sûreté demande que la clémence et le pardon s’étendent jusqu’à eux. Nous n’avons que trop cruellement éprouvé à Nîmes l’abus pertide que sait faire la vengeance contre les vaincus qui, dans les troubles civils, ont échappé aux premiers moments de proscription et de carnage, de ce dangereux prétexte de poursuivre les chefs et les auteurs des crimes. En vain le nom consolant et sacré d’amnistie a-t-il été prononcé dans cette malheureuse ville; en vain y a-t-dle été solennellement proclamée, on n’a cessé d’y donner aux procédures l’extension la plus alarmante; les arrestations, les décrets multipliés, exécutés avec tout l'appareil de la force militaire, ont jeté l’eflroi dans toutes les familles du parti opprimé; celles quin’avaieut point encore offert de victime tremblaient de se voir frappées à leur tour. Les délations accueillies, récompensées, semaient partout les soupçons, les défiances, les terreurs: et ce mol redoutable Vœ victis! malheur aux vaincus, n’a jamais été d’une vérité si désespérante qu’il l’est à présent, pour la portion la plus nombreuse du peuple de Nimes. Peignez-vous tout ce que peut déployer de plus formidable l’appareil militaire, toutes ces précautions effrayantes qui annoncent qu’un pays i st en état de guerre; des batteries menaçantes disposées sur toutes les avenues ; des postes avancés, des palrouilles fréquentes, des visites sévères de tout ce qui entre et qui sort, et vous n’aurez encore qu’une faible idée de la désolation qui règne dans une ville où tout cet appareil menaçant n’est dirigé que contre ses propres habi- 548 jAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 février 1791.] tants; que les nias aisés comme les plus pauvres quittent en foule, laissant ceux qui restent livrés à une énorme douleur, plus dénués de consolation et de soutien. Et c'est sur ce théâtre de terreur, c’est au milieu de tant de scènes désastreuses, que s’instruisent des procédures plus désastreuses encore ! Législateurs de la France, vous.qui savez bien que, pour être accessible à la vérité, le sanctuaire de la justice doit être inaccessible à ia crainte, quelle que soit la courageuse intégrité des membres du tribunal, croyez-vous que, dans un état de chose si violent, l’autorité de ses jugements soit à l’abri de toute contrainte; hors le danger d’être vioiée, l’innocence elle-même ne doit-elle pas trembler de se trouver compromise dans des procédures commencées sous de si terribles auspices? Je dis plus, dans quelle ville neutre, devant quelque tribunal étranger que vous transportiez cette procédure funeste, quels témoins pourront être entendus qui ne soient en même temps parties, et qui, totalement désintéressés au milieu des troubles de leur patrie, n’aient embrassé aucun des deux partis qui ia divisaient? Qu’elles s’anéantissent donc, qu’elles s’évanouissent à votre voix, les procédures odieuses qui ne peuvent que perpétuer les haines et les malheurs de la ville de Nîmes; que l’appareil formidable de la guerre, déployé pour les soutenir, disparaisse avec elle ! Que les forces menaçantes se dissipent ! La morne tranquillité qu’elles maintiennent depuis quelque temps, dans cette ville désolée, n’estquelecalme repoussant delà terreur, et c'est le calme attrayant de la confiance et du bonheur qu’üdoit être dans vos intentions bienfaisantes d’y rétablir. Il n’en est qu’un seul moyen. Là où tant de ressentiments personnels peuvent encore se couvrir du masque imposteur de la loi, que la vindicte publique s’arrête; que la clémence seule se fasse entendre; que l’abolition de tout le passé, que le pardon général soient prononcés ; que le désir même d’une juste vengeance s’éteigne dans les cœurs les plus ulcérés; qu’à la voix paternelle de nos législateurs imposant silence à la sévérité des lois, nos concitoyens opprimés, oubliant leur haine et leurs ressentiments particuliers, en fassent le sacrifice à l’amour de la commune patrie. Que le jour où sera publié ce décret pacifique une fête publique et solennelle réunisse tous nos concitoyens ; car il faut que les imaginations soient fortement frappées du bonheur nouveau que de si douces et de si sages dispositions pourraient ramener dans nos murs ; il faut que les impressions profondes de terreur et de tristesse, dont les âmes sont pénétrées, cèdent aux impressions vives et promptes de la consolation et de l’espérance ; il faut que la patrie, de ses mains paternelles etbienfaisantes, essuie les larmes de tant de veuves et d’orphelins ; il faut que ses bienfaits les arrachent au moins à la misère, si elle ne peut les arracher au sentiment douloureux delà perte, à jamais déplorable, d’un père, d’un époux, d’un frère ; il faut couvrir de quelques fleurs des cicatrices si récentes encore ; il faut embellir les serments mutuels de tout oublier, de se traiter, de s’aimer en frères, comme ils s’aimaient depuis tant d’années. Oui, ces temps heureux de concorde et de bonheur renaîtraient, quelques moments d’ivresse et de fureur s’effaceraient de nos annales et de notre souvenir ; et la voix majestueuse et tendre de la religion se joindrait encore à ces doux transports pour les consacrer et les perpétuer. Victimes infortunées de la plus cruelle oppression, vous envers qui on s’est porté à de si cruels excès, qu’eussiez-vous été, tels qu’on vous a dépeints? Des coupables et des rebelles. Vous auriez encore mille fois plus à pardonner qu’on ne vous pardonnerait; plus vous fûtes innocents, plus vous fûtes opprimés; et plus cet oubli généreux et patriotique est digne de vous, parce que toute la générosité en sera de votre côté, parce que la patrie en pleurs le réclame de vous au nom même de ces mânes chéris , que vous croiriez venger et que vous ne feriez qu’attrister par de nouveaux malheurs ; au nom surtout de votre sainte religion, qui la première imposa à ses disciples le précepte sublime du pardon des ennemis. D’après toutes ces considérations, j’ai l’honneur de vous proposer le projet de décret suivant : « L’Assemb'ée nationale, ouïs les comités des rapports et des recherches réunis, ainsi que le maire de Nîmes mandé à la barre, sur les troubles qui ont si cruellement affligé celte ville dans les mois de mai et juin dernier ; considérant que la poursuite des procédures, déjà commencées par-devant le tribunal de Nîmes ne pourraient qu’ajouter à l’animosité et à la haine des différents partis, sans faire mieux connaître ia vérité des faits, toujours incertaine dans les discordes civiles, où tous les citoyens ont pris parti pour ou contre, voulant plutôt, par son indulgence et ses bienfaits, etïàcer, s’il est possible, jusqu’aux dernières traces de ces malheurs, a décrété et décrète ce qui suit : « 1° Le roi sera supplié de déclarer toutes les procédures déjà instruites nulles et comme non avenues et d’accorder une abolition entière et générale de tout le passé; « 2° Les frais, dommages, indemnités, résultant de ces funestes événements seront supportés par le Trésor public, d’après les états qui en seront dressés par le directoire du département et envoyés à l’Assemblée nationale; « 3° D’après les lois qui vont être données pour l’organisation des milices nationales, celle de Nîmes sera formée de nouveau et les armes distribuées entre tous ceux qui la composeront, sans aucune distinction d’anciennes et de nouvelles compagnies. « 4° L’Assemblée nationale , désabusée des fausses apparences qui lui avaient fait mander à la barre le maire de Nîmes après l’émeute du mois de mai, et qui, après celle du mois de juin, lui avaient fait suspendre la municipalité de Nîmes du droit de requérir les forces militaires, reconnaît que c’est principalement à la vigilance, à l’activité, au courage de M. de Marguerittes, maire de Nîmes, que doit s’attribuer le prompt rétablissement du calme à l’époque du mois de mai; et qu’à l’époque bien plus désastreuse du mois de juin, les officiers municipaux n’ont cessé de lutter avec tout le zèle du patriotisme ie plus pur, contre ia force insurmontable des circonstances; en conséquence, elle les rétablit avec éloge dans l’universalité de leurs fonctions, et, néanmoins, s’ils persistant dans les démissions qu’ils ont données, lève la suspension provisoirement ordonnée par un précédent décret, pour le renouvellement de la municipalité, et autorise la commune à y procéder sans délai. « Décrète enfin qu’il sera indiqué, par les officiers municipaux de Nîmes, un jour de rassemblement solennel où tous les citoyens seront invités à venir se jurer mutuellement l’oubli gé- 549 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 février 179I.J néreux du passé, une paix et une union fraternelles. » Signé : P. M. M., évêque de Nîmes. 26 février 1791. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU SAMEDI 26 FÉVRIER 1791, AU SOIR. Opinion de M. ©uval d’Eprémesnil, ENTREMÊLÉE DU RÉCIT DES FAITS OUI SE SONT PASSÉS a la séance du matin, le 25 février 1791, à l'occasion du projet de loi présenté par M. Le Chapelier, au nom du comité de Constitution, sur la résidence des fonctionnaires publics. — (Véritable édition, conforme à l’original déposé chez M. Dufouleur, notaire au Châtelet, rue Montmartre.) La discussion était engagée sur ce projet de loi qui prescrit au roi d’avoir sa résidence à portée de l’Assemblée nationale, lorsqu’elle est réunie, et le déclare déchu de sa couronne en cas de contravention; projet qui n’est rien moins qu’un système mûrement réfléchi, un moyen toujours prêt, de conjuration contre le trône et la maison régnante. M. l'abbé Maury occupait la tribune. Il discutait le projet au fond. M. l 'abbé Maury, me suis-je écrié, vous traitez la question au fond , et vous n'avez pas ce droit, ni V Assemblée non plus. Attaquez ouvertement sa compétence . Vous êtes dans un mauvais poste, Monsieur. Dites à V Assemblée quelle est sans pouvoir pour créer , pour discuter une seule hypothèse où le roi puisse être puni. Un membre du côté gauche, que je n’ai pu connaître, dit alors à haute voix : Le Parlement de Paris a-t-il toujours pensé ainsi ? — Oui, oui! ai-je répondu ; le Parlement de Paris a été et sera toujours , malgré sa suspension , fidèle au roi et l’un des appuis du trône. M. l’abbé Maury avait été frappé de mes observations ; il rentra dans la vraie route et s’appuya sur la maxime de l’inviolabilité du roi. On feint de s’impatienter, on l’interrompt; mais, au milieu de ce tumulte, M. l’abbé Maury s’aperçut promptement que la majorité du côté gauche penchait du moins pour l’ajournement. Réduit à cet espoir et toujours maître de son sujet, il se rabat sur cette idée, se résume en peu de mots, indique, pluiôt qu’il ne propose, l’ajournement, et quitte la tribune. Nous y vîmes paraître successivement MM. le duc d’ Aiguillon et Regnaud (de Saint-Jean-d’An-géiy). Quand ce dernier eut cessé de parler, M. d André proposa de décréter l’ajournement à jour fixe, puisqu’il n’était combattu par personne. J’ai demandé la parole pour le combattre , ai-je dit aussitôt. La parole ne pouvait plus m’être contestée. M. Duport, qui présidait, me laisse monter à la tribune. J’y débute en ces termes : « Messieurs, je parais rarement à la tribune. Il fallait un intérêt aussi majeur que celui qui vous occupe pour m’y ramener... (On m'interrompt),.. Oui, Messieurs, il fallait un intérêt aussi pressant que celui qui vous occupe pour m’y ramener. Et ce qui rend ma situation plus difficile, c’est que j’y viens combattre mon illustre et courageux ami, M. l’abbé Maury... (On m’applaudit du côté droit)-,... mais, dans cette pénible tâche, je me sens soutenu par les applaudissements que je viens d’entendre... (Le côté gauche éclate en longues risées)... ]q\\q suis pas venu demander à l’Assemblée des faveurs, mais du silence... (On se tait , et je reprends)... J’admire les talents de M. l’abbé Maury... ( Nous n’avons pas besoin de son éloge)... j’ai besoin de le faire : vous savez si j’aime son courage ; je ne saurais douter de la pureté de ses principes : mais je le prie de ne pas familiariser son éloquence et son génie, ni l’attention de l’Assemblée, ni celle des Français, avec des discussions directement contraires à la fidélité que nous devons au roi. « Oui, Messieurs, des discussions directement contraires à la fidélité que nous devons au roi. Et d’abord, de quel droit votre comité ose-t-il vous proposer de réduire le roi à la simple qualité de premier fonctionnaire public? De quel droit ose-t-il vous proposer de confondre, dans une dénomination commune, le suppléant d’un député et l’héritier du trône? Est-ce ainsi qu’on prétend nous apprendre à respecter nos rois ? Je ne suis pas surpris que des expressions aussi nouvelles, aussi peu respectueuses, aient conduit le comité à dépouiller la personne royale de ses plus essentiels attributs. Mais j’avertis, mais j’interpelle tous les vrais Français, tous les fidèles serviteurs du roi : je leur déclare qu’aucun deux ne peut rester dans l’Assemblée si le projet du comité est accueilli, si la question même en est traitée, autrement que pour en improuverla proposition. « Quant à moi, j’annonce hautement que, si le projet du comité passe en décret, rien au monde ne m’empêchera de protester et de me retirer : et j’espère bien n’êtrepas seul. . . . (Non, non; s'est écrié le côté droit; vous en êtes le maître, m ci-t-on crié du côté gauche avec des battements de mains dérisoires.) Oh, répliquai-je, malgré les applaudissements que je viens de subir, je suis sûr et je n’en serai pas démenti; quand toute la France apprendra le motif de ma retraite, je suis sûr que la majorité elle-même y fera quelque attention. .... (Le côté gauche devint sérieux ; je poursuivis.) « Nous avons prêté au roi un premier serment, un serment que nul autre ne peut effacer ni con-tre-ba lancer ..... » M. Duport, qui présidait , saisit habilement ces dernières paroles , non pour me rappeler à l’ordre, comme on l’a dit, mais bien pour m’observer très poliment , très froidement, que je blessais la Constitution qui renfermait d’autres objets que le roi dans notre serment. A V instant , mon autre ami, non moins illustre, non moins courageux que le premier, M. de Cazalès se lève et s’empare de la parole. Que ne puis -je le peindre dans cet heureux et juste mouvement! Il accablait de ses regards l’imprudent observateur ; et s’ attachant dans sa pensée à l’esprit plus qu’à la lettre de l'observation : « — Vous avez tort, Monsieur le Président ; M. d’Eprémesnil n’a rien dit que d’exact. C’est la Constitution même que je réclame à l’appui de ses principes. Nous avons juré de la maintenir. Mais je déclare que nous n’aurions jamais prêté ce serment, si nous avions pensé que la Constitution dût produire un décret par lequel le serment primitif qui nous lie au roi fût affaibli ; notre langue se fût attachée à notre palais, nos mains se fussent desséchées avant de proférer ce serment criminel. L’autorité royale est la pierre