198 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE taux fixés par la table n° 5, annexée au décret du 23 floréal, laquelle ne pourra pas cependant être moindre de 50 L. Art. XI. - Ceux qui seront dans le cas de recevoir leur remboursement, seront tenus de fournir leur déclaration qu’ils n’ont pas d’autres créances non-viagères sur la République : en cas de fausse déclaration, ils seront condamnés à une amende double de la somme qu’ils auront reçue. Art. XII. - Ceux qui voudront convertir leur capital en une rente viagère, seront tenus de fournir leur acte de naissance. Art. XIII. - La nation ayant des droits à réclamer en qualité d’actionnaire, la commission des revenus nationaux fera recevoir, comme les autres actionnaires, les sommes qui seront dues à la République pour les actions qui lui sont acquises; elle en fera faire le versement avec le produit de ses autres recettes, et elle se conciliera avec la Trésorerie nationale pour les transferts qu’il y aura à faire pour lesdites actions. Art. XIV. - Les créanciers, associés ou actionnaires desdites compagnies, seront tenus de se faire connoître, à peine de déchéance, à la Trésorerie nationale, d’ici au premier nivôse prochain, en y remettant les deux certificats mentionnés aux articles VIII et IX : les parties non réclamées, tant sur les sommes ou effets déposés, que sur le produit de la liquidation des créances dues par la République, sont acquises à la nation, comme représentant les créanciers en déchéance. Art. XV. - Après le premier nivôse, la Trésorerie nationale sortira de la caisse des dépôts et portera en recette les sommes qui n’auront pas été réclamées : elle fera porter au crédit du compte de la République, les sommes provenant de la liquidation qui n’auront pas été réclamées. Art. XVI. - Les directeurs, syndics et autres agens des compagnies mentionnées au présent décret, qui seroient détenus, et dont la présence seroit nécessaire pour la reddition de leur compte, ou pour la confection des états exigés par l’article IV, seront mis provisoirement sous la garde d’un citoyen jusqu’à ce que leurs opérations soient terminées. Art. XVII. - La commission des revenus nationaux assistera par un de ses préposés, aux assemblées des actionnaires qui pourront avoir lieu, pour y faire valoir les intérêts de la République et examiner les comptes qui seront rendus; elle en présentera le résultat chaque décade au comité des Finances (75). (75) P.-V., XLV, 271-275. C 318, pl. 1286, p. 33. Décret n° 10 888, Cambon rapporteur. Bull., 29 fruct. (suppl.); Débats, n° 725, 477-481; Moniteur, XXI, 774-775; J. Mont., n° 141; J. Fr., n° 723; F. de la Républ., n° 436; Mess. Soir, n° 758; Rép., n08 274 et 275; J. Perlet, n° 723; Ann R. F., n° 288; J. Paris, n° 624. 43 BLUTEL, au nom du comité de Commerce et approvisionnements (76) : Citoyens, témoin de la tourmente qui agite le commerce français, votre comité de Commerce et approvisionnements n’a cessé depuis son organisation de s’occuper des moyens propres à en connaître les causes et à en arrêter les effets. En attendant qu’il vous communique le résultat de ses travaux, il m’a chargé de vous présenter aujourd’hui quelques réflexions générales sur le commerce. Leur but est de dissiper des prestiges à la faveur desquels les ennemis du bien public ont paralysé les ressources du gouvernement par l’anéantissement de l’industrie nationale. Trop longtemps la voix de votre comité a été étouffée par l’effet des machinations perfides des tyrans que vous avez abattus; elle sera entendue, aujourd’hui que le peuple ne voit ici que des amis; rien de ce qui constitue son bonheur ne peut vous être indifférent. Jusqu’ici on n’a considéré dans le commerce que l’avantage qu’en retirent les personnes qui s’y livrent. Revenons enfin aux vrais principes, et examinons-le sous les rapports qui l’attachent au bien général. Citoyens, la population d’un Etat fait sa force; sa richesse fait sa puissance. La première source de cette force et de cette puissance, c’est l’agriculture et le commerce; c’est donc particulièrement de l’agriculture et du commerce que la nation française doit s’occuper, puisque ces deux mobiles organisent sa force et assurent sa puissance. Il faut attacher l’intérêt du propriétaire aux progrès de l’agriculture : il faut que l’industrie manufacturière et commerciale trouve les moyens de lui procurer l’échange du superflu du produit de ses travaux contre des jouissances agréables ou utiles. Sans ce véhicule, celui qui ne possède point assez ne trouvera plus les moyens de se procurer le nécessaire. Si le partage égal des propriétés n’était pas une chimère, sans doute la nécessité de se nourrir, de se vêtir, de se loger, suffirait à chacun pour stimuler son industrie : le besoin personnel serait un encouragement certain; mais cet encouragement même serait illusoire, et son effet nul pour la patrie; le corps entier de la nation languirait, les besoins généraux ne seraient point satisfaits. Je dis plus, l’intérêt du corps politique est essentiellement lié aux progrès du commerce et de l’industrie; il faut que l’artisan et le commerçant se concertent sans cesse pour créer à l’étranger des besoins toujours renaissants, au moyen desquels nous puissions nous procurer nos approvisionnements journaliers. La France composée de vingt-cinq millions d’hommes libres, pour qui la patrie est tout, et la vie n’est rien, saura bien dans tous les (76) Moniteur, XXI, 779-780. Le projet de décret est identique à celui rédigé de la main de Blutel. Mentionné par Débats, n° 725, 484. SÉANCE DU 29 FRUCTIDOR AN II (LUNDI 15 SEPTEMBRE 1794) - N° 43 199 temps repousser par son courage les efforts impuissants des audacieux qui oseraient l’attaquer; mais pour le faire avec plus de succès, il lui faut des objets que son sol lui refuse, ou dont les qualités qu’il fournit sont insuffisantes pour ses besoins. Comment parviendra-t-elle à se les procurer? Ce ne peut être que par l’échange des fruits de l’industrie de ses habitants, et cet échange, le commerce peut seul l’opérer; je dis le commerce seul, et je réfute ici l’opinion de ceux qui pourrait croire qu’il peut être fait par le gouvernement, opinion dangereuse dont les effets funestes entraîneraient la perte de la chose publique; une grande nation qui fait le commerce par son gouvernement est une monstruosité dans l’ordre politique, que les législateurs doivent s’empresser de faire disparaître. Si donc le commerce peut seul pourvoir aux besoins de la patrie, s’il rend les hommes industrieux, pourquoi cette défaveur qui semble attachée à ceux qui s’y livrent. Quel génie ennemi de la liberté avait pu souffler des principes dont les conséquences anéantissent par contre-coup l’industrie, les arts et l’agriculture. Les ressources de la République sont immenses; les efforts de ses ennemis ne pourront les épuiser; mais le législateur prudent doit tout prévoir, tout craindre et tout ménager. Les tyrans, sous le despotisme desquels la France a trop longtemps gémi, en ont tiré 60 milliards en cent quarante-six années. Comment la France, qui ne produit presque point d’or, a-1- elle pu se procurer les moyens d’assouvir cette insatiable cupidité? par son commerce et par le produit de l’industrie de ses habitants. Relevons donc le commerce et l’industrie; soutenons-les par une protection dont la volonté nationale soit la garantie; rappelons la confiance, et nous verrons bientôt accourir l’abondance des quatre parties du monde; rap-portons-nous-en entièrement au commerce sur les moyens d’exécution : il les trouvera dans son infatigable activité et dans sa prévoyance toujours active, dans ses relations universelles. Mais, je le répète, il faut, pour parvenir à ce but, s’empresser de détruire une prévention qui a porté le découragement dans le commerce et suspendu ses opérations; car, je vous le demande, citoyens, existe-t-il un homme assez ennemi de lui même pour se livrer à un état qui doit appeler le soupçon sur sa tête et exposer chaque jour sa personne et ses propriétés? Il serait absurde de le croire et injuste de l’exiger. Sans doute, il s’est introduit des abus dans le commerce; de vils agioteurs, sous le manteau de l’intérêt public, ont spéculé sur la misère du peuple. Voilà la plaie qu’il faut guérir; mais il ne faut pas que tout périsse, parce qu’une de ses parties est grangrénée; et, pour me servir des expressions de Mably : « On n’abandonna jamais l’exploitation d’une mine riche parce que quelques paillettes de cuivre s’y trouvaient mêlées avec des veines d’or. » La Grèce fut l’asile de l’industrie et des arts, parce que dans la Grèce on encourageait les lumières et les talents. Dans la Perse, au contraire le germe du génie fut étouffé; on était puni d’oser y dire la vérité. Abjurons parmi nous tout système destructeur de l’industrie et du commerce; regardons comme des hérésies politiques les déclamations propres à jeter le trouble et le découragement dans les esprits. Ne confondons plus le commerçant honnête avec l’agioteur avide qui abuse de cet état pour tromper. Que les encouragements s’étendent sur le premier, en même temps que la justice nationale frappera le dernier; que la société garantisse le fruit de ses travaux à celui qui travaille lui-même pour le bonheur de la société. Pénétrons-nous surtout de cette importante vérité, qu’il doit exister un accord parfait entre la partie propriétaire, la partie industrieuse et la partie commerçante de la population française; que sans cet accord, tout ordre moral est interverti. Que le propriétaire n’oublie jamais que les blés qu’il récolte doivent nourrir aussi l’artisan et le commerçant, puisque de leur côté les derniers fournissent à ses autres besoins. Rappelons aussi à l’homme moins fortuné que cet habit dont l’éclat l’importune, que ce meuble qui le scandalise, sont les fruits de l’industrie et la cause de l’aisance de trente familles qui ont contribué à leur fabrication. Votre comité sait qu’il est des circonstances où les besoins de l’Etat prescrivent des bornes à la liberté du commerce. Il fera tous ses efforts pour rattacher et réunir tous les fils qui tiennent le résultat de ses travaux. En attendant, il croit devoir vous proposer une mesure tendant à faire cesser quelques obstacles qui s’opposent à la fabrication. Les entrepreneurs des manufactures, les fabricants n’osent plus faire venir de l’étranger les matières premières nécessaires à l’aliment de leurs fabriques. Ce décret ne changera rien aux opérations du gouvernement, puisque si vous ne le rendez pas, les fabricants ne feront plus venir des matières premières, et qu’au contraire en le rendant vous en faciliterez l’importation. Ce décret est sollicité d’ailleurs par la commission de Commerce et d’approvisionnements qui en a senti la nécessité. Citoyens, réunissons tous nos efforts pour appeler l’industrie à la liberté. Le feu du génie échauffe l’âme; les arts aussi sont des républicains. Voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter : Un membre [Blutel], au nom du comité de Commerce et approvisionnemens, présente un projet de décret tendant à exempter du droit de réquisition et de préemption les matières premières que les fabricans font venir de l’étranger (77). La Convention nationale après avoir entendu le rapport de son comité de Commerce et (77) P.-V., XLV, 276.