[10 février 1791.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. gg [Assemblée nationale.] les aperçus présentés : cela est d’autant plus important que la détermination que vous allez prendre sur les dépenses publiques, sera la base de la législation nouvelle del’impôt. Àtténuerla somme nécessaire aux dépenses publiques ce serait vous mener à établir un ordre de choses qui produirait, dans la recette de l’année, un déficit de 30 à 40 millions, malheur passager qu’il serait peut-être possible de remplacer, mais qui détruirait, dans les années suivantes, les ressources que vous pourriez avoir pour suppléer à ce déficit. Au surplus, je ne puis m’empêcher d’admirer la facilité avec laquelle le comité des finances et le comité d’imposition s’appuient constamment sur la caisse de l’extraordinaire, c’est-à-dire la facilité avec laquelle ils vous proposent de manger vos capitaux, au lieu d’établir vos revenus. C’est par cette méthode que les administrateurs des finances ont creusé le précipice où a failli être engloutie la fortune publique ; c’est ainsi que les derniers ministres des finances ont accumulé une dette de 2 milliards par une coupable indulgence pour les peuples. Un membre à gauche : Dites : pour les grands ! M. de Cazalès. Ainsi, je ne puis trop vous dire combien il est important que vous ne cherchiez à vous abuser vous-mêmes sur la portion d’impositions que vous devez décréter. Vous devez vous armer de sévérité à cet égard, parce que, si vous êtes trop indulgents dans ce moment-ci, les générations suivantes vous le reprocheront amèrement ; et elles auront payé bien cher le petit triomphe que vous vous serez donné d’établir 20 ou 40millions de moins sur l’impôt. Je conclus donc à ce que la quotité de l’impôt à répartir sur la nation ne soit déterminée qu’a-près la distribution des tableaux promis par le comité des finances, et à ce que les comités militaire et de marine soient invités à donner au plus tôt l’état de leurs dépenses. M. de La Rochefoucauld. Votre comité des contributions publiques ne vous entraînera pas à une indulgence coupable; mais il a senti, et vous sentirez aussi, que vous devez fixer les contributions au taux seulement nécessaire pour pourvoir à vos besoins; et que, s’il y avait quelque incertitude, il vaudrait bien mieux que les impositions restassent plutôt au-dessous pour cette année, que de s’élever au-dessus... {Murmures à droite; applaudissements à gauche.) Nous serons très loin de vous proposer d’absorber des capitaux considérables par vos dépenses courantes, mais nous avons pensé, et nous pensons encore, qu’il sera de votre prudence de faire faire par la caisse de l’extraordinaire, s'il y a lieu, quelques avances qui seront ensuite recouvrées par le meilleur ordre des finances que vous allez établir. Votre comité des contributions désire que vous lui disiez, le plus tôt possible, quelle somme vous est nécessaire; il vous présentera des moyens de vous la procurer. Je demande donc qu’on passe à l’ordre du jour. M. de FoilevIHe. Je demande que l’on présente incessamment à l’Assemblée le rapport concernant les dettes particulières des anciennes provinces, afin qu’il soit possible de déterminer la portion de ces dettes qui restera à la charge de la nation. (L’Assemblée décrète l’ordre du jour.) L’ordre du jour est un rapport du comité de l'imposition sur les taxes , vulgairement nommées droits , à Ventrée des productions et des marchandises dans les villes. M. ©upont {de Nemours ), rapporteur (1). Messieurs, votre� comité de l’imposition, en poursuivant sa pénible carrière, est obligé de vous parler aujourd’hui des taxes à l’entrée dans les villes sur les objets destinés à la consommation de leurs habitants. Ces taxes sont aussi, et comme toutes les autres, des impôts déguisés sur les campagnes. Les habitants des villes vivent, en général, de revenus déterminés. Les uns dépensent le fermage de leurs terres, l’intérêt de leurs capitaux, les honoraires de leurs emplois, et n’ont pas autre chose à dépenser; les autres reçoivent des salaires ou font des gains ; et ces gains, ces salaires des commerçants détailleurs, des artisans, des ouvriers, des domestiques qui viennent participer dans les villes, pour prix de leurs utiles travaux, à la distribution de richesses que les propriétaires de revenus y exercent , ne peuvent être pris que sur la dépense de ces propriétaires. Il y a quelques commerçants qui se livrent aux spéculations et à l’entrepôt, dont les profits s’étendent sur la dépense des propriétaires de plusieurs villes; et, quand ils se portent jusqu’au commerce étranger, ils sont balancés du plus au moins par les profits que les commerçants étrangers font sur les marchandises qu’ils donnent en retour. Il y a des manufacturiers et des fabricants ; mais un homme qui fait des étoffes vit de son gain, précisément comme un homme qui, de ces étoffés, fait des habits; comme un nomme qui les use à des jeux frivoles, pour amuser des spectateurs; comme un maçon qui construit un mur ; et ce gain, que les agents de tous les services utiles ou agréables font les uns sur les autres, ne peut, en dernière analyse, être payé que par les gens à qui la terre, les mines, les carrières où la pêche donnent un revenu, et dont ceux qui préfèrent la variété des jouissances à leur douce intensité , se réunissent dans les villes avec les principaux fonctionnaires publics. Il faut bien remarquer ce principe fondamental et d’une incontestable vérité, qu’aucun de ces propriétaires, ni de ces fonctionnaires, ne peut dépenser plus qu’il n’a; et que les artisans qu’ils font travailler, les commerçants qui les approvisionnent, ne peuvent gagner, ni par conséquent dépenser à leur tour, qu’en raison de ce que les propriétaires de revenus dépensent. La consommation des villes, estimée en argent, est donc inviolablement bornée au revenu que les propriétaires qui s’y rassemblent tirent de leurs capitaux, de leurs terres, de leurs rentes, ou de leurs emplois. Lorsque l’on met des taxes sur les denrées qu’eux et leurs salariés consomment, qu’est-ce à dire? Que l’on fera i enchérir leur subsistance et augmenter le prix de leurs consommations? Non ; car , sur leurs moyens bornés , ils ne peuvent pas payer plus de consommations, ni des consommations plus chères. Quelle est donc la chose que l’on fait ? Ün prend une partie du prix de leur consom-(1) Le Moniteur ne donne que des extraits de ce rapport.