145 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 novembre 1789.] preuve en est dans la nomination des 60 membres qui forment le conseil de ville. Chaque district a nommé 5 députés; les uns à temps limité, les autres avec certains pouvoirs. Les districts se plaignent, et c’est le plus grand nombre, que les députés à l’Hô tel-d e-Ville ont bientôt usurpé une autorité qui ne leur appartient pas. Ainsi ils ont formé un régiment de chasseurs , fait des règlements de police qu’ils ont portés à l’Assemblée, pour éviter de les soumettre à la décision des districts, et ont prié le Roi de rappeler les gardes du corps, etc. Le district des Cordeliers a révoqué ses députés et en a nommé d’autres sur la démission des trois membres de la commune qui n’ont pas voulu prêter le serment qui leur était demandé ; ces députés nouveaux n'ont de pouvoirs que pour un réglement provisoire et non des pouvoirs indéfinis. L’assemblée des représentants des communes a voulu conserver les anciens membres et rejeter les nouveaux. Les questions soumises à l’Assemblée sont donc : 1° de savoir si d’un côté les commettants peuvent révoquer à leur gré leurs députés nommés par un réglement provisoire de police et d’administration; 2° s’ils peuvent leur imposer tel ou tel serment. Le serment exigé soumet les députés à l’assemblée de la commune, à la révocabilité volontaire des districts; 3° si la commune peut casser l’arrêté du district, rappeler les anciens députés dans son sein, malgré la volonté expresse du district qui, sur la démission de ses représentants en l’assemblée de la commune, en a nommé d’autres. M. Duport a demandé que toutes choses demeurassent en état jusqu A, ce que l’Assemblée nationale pût donner elle-même un plan de municipalité ; il lit un décret conforme à ses idées de paix et propose de l’étendre à toutes les municipalités. M. Démeunier propose un projet de décret portant que l’Assemblée nationale s’occupant de L’organisation des municipalités et de l’élection qui aura lieu incessamment pour les membres municipaux, recommande la modération à toutes les villes qui n’ont pas changé leurs municipalités, ou qui, entraînées par des circonstances impérieuses, en ont formé d’autres, sur lesquelles il y a des réclamations. On demande l’ajournement. M. Hébrard demande qu’on décide sur-le-champ, parce que le district n’a plus de représentants. M. Fréteaude Saint-Just appuie la motion de M. Démeunier. L’ajournement demandé pour demain, deux heures après midi, est mis aux voix et prononcé. La séance est levée. ANNEXES à la séance de l1 Assemblée nationale du 20 novembre 1789. PREMIÈRE ANNEXE. RÉFLEXIONS DU comte de Custine sur la proposition du ministre des finances de sanctionner , comme caisse nationale , la caisse d'escompte appartenant à des capitalistes. Messieurs, ce n’est qu’avec crainte que je me permets quelques réflexions sur le plan qui vous a été présenté par le ministre des finances : sa grande réputation , sa longue expérience , tout concourt à faire regarder comme audacieux l’homme qui ose se le permettre. Mais, Messieurs, un représentant de la nation doit à l’Assemblée nationale, à un ministre même, à la probité duquel toute la nation rend hommage, au meilleur, au plus vertueux des rois, enfin, à son devoir, le développement des erreurs des administrations précédentes, qui ont amené la crise où nous sommes aujourd’hui (1) ; il doit faire connaître combien la caisse d’escompte a facilité ces opérations qui, n’étant que des palliatifs, n’ont fait qu’ajouter à nos maux; il est de son devoir de vous faire observer que cette caisse d’escompte, que l’on vous propose de sanctionner comme caisse nationale, à laquelle on vous invite à recourir dans ce moment pour vous assurer ses secours, acquerrait par votre acquiescement une consistance que vous ne pourriez plus ébranler. Il est de son devoir de vous faire connaître, Messieurs, que cette consistance que vous donneriez à la caisse d’escompte, facilitant le retour à ces fausses spéculations dont je vais vous tracer les effets, augmenterait encore cette déperdition de numéraire qui cause aujourd’hui ces suspensions dans la circulation. Il en est, Messieurs, du corps politique comme du corps humain : la suspension de la circulation du numéraire dans le premier produit le même effet que celle de la (1) Sans doute, ces erreurs n’étaient point présentes à la mémoire du premier ministre, lorsqu’il a adopté le plan de la caisse d’escompte, comme caisse nationale dans les mains des capitalistes : si elles lui eussent élé présentes, il n’aurait pas donné, dans la séance du 14 novembre, pour raison principale de la pénurie d’argent, l’éloignement des voyageurs étrangers et l’émigration momentanée qui a eu lieu depuis quatre mois. H n’aurait aussi tenu qu’à lui, en fermant l’exportation à la fin de 1788, et se contentant d’employer l’autorité exécutrice, qui alors avait toute sa vigueur, pour faire exécuter un arrêt du conseil qui aurait cassé tous ceux des parlements, qui tendaient à concentrer les grains dans leur ressort, les empêchait de circuler librement des provinces où ils étaient en abondance, dans celles où l’on éprouvait la pénurie ; enfin, en ne donnant point de prime pour l’importation des grains, car ce moyen n’a servi qu’à faire sortir du grain en fraude pour le faire rentrer, et par là obtenir la prime. Il n’aurait tenu qu’à lui, dis-je, de n’avoir pas ce dernier moyen à employer dans son discours, s’il avait voulu le supprimer des erreurs de son administration. Le ministre des finances se plaint d’éprouver la censure : à quoi servirait-il de donner des louanges à un homme qui sait si bien s’en donner lui-même, sans réfléchir que ce sont les actions des administrateurs qui les élèvent, et non la fumée de l’encens que Ton brûle aux pieds de Tidole ? lr* Série, T. X. 10