1 66 (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |17 avril 1791.] liberté en ce moment que par une prévoyance illégale de la part du tribunal de Nîmes, qui ne peut pas être mon juge. » « Tel est, Monsieur le Président, l’état de la question qui se réduit au point de savoir si l'Assemblée nationale a entendu, par l’article 3 de la loi du 2 mars, étendre le bienfait de l’amnistie sur tous les accusés indistinctement, sauf à poursuivre devant le tribunal d’Arles, les auteurs des crimes désignés dans l’article 2, ou bien si elle a voulu excepter de l’amnistie ceux que la première procédure accuse des crimes dont la loi a ordonné l’information. Je vous prie de soumettre cette question à l’Assemblée nationale. » « Je suis, etc. « Signé : Düport. » (L’Assemblée décrète que cette lettre sera renvoyée aux comités des recherches et des rapports.) Lettre du ministre de la marine. « Monsieur le Président, « Dans le nombre des officiers de la marine qui ont demandé leur retraite, je trouve celle de M. de la Bintinaye, major de vaisseau, à qui mon prédécesseur l’a fait espérer, et qui aurait dù être expédiée au mois de mars dernier, avant l’époque fixée précédemment pour le travail des pensions; mais comme il n’en a pu être accordé aucune depuis deux ans, cet officier est resté inscrit sur le tableau de la marine. « Il a renouvelé sa demande en 1790, parce qu’il est souvent incommodé des douleurs qu’il éprouve, et dont le principe est l’amputation qui lui a été faite, après avoir perdu un bras au combat de la Surveillante , en 1779. Ainsi son vœu est bien prononcé ; et il n’a pas dépendu de lui de ne pas être retiré depuis le commencement de l’année dernière. « Cependant, comme il m’a écrit depuis peu pour m’annoncer qu’étant sorti de France après son itérative demande, il ne voulait pas y rentrer. Je dois, pour me conformer à la loi du 22 décembre 1790, considérer M. de la Bintinaye comme n’étant plus au service à compter de l’époque à laquelle le délai accordé par cette loi a dû expirer. Je vais prendre les ordres du roi en conséquence; et je proposerais à sa Majesté de nommer à l’emploi de cet officier. « Je suis, etc. « Signé ;DE FLEURIEU. » Lettre du ministre de la guerre. « Monsieur le Président, « Je crois devoir envoyer à l’Assemblée nationale les détails des événements fâcheux qui viennent d’avoir lieu à Wissembourg ; ils sont contenus dans les lettres de M. Kellermann, dont j’ai l’honneur de vous envoyer des copies. L’Assemblée verra qu’ils ont eu pour cause la différence des opinions sur l’admission des soldats au club des Amis de la Constitution. > Plusieurs membres à droite :Hem ! Hem ! Hem ! « Un décret de l’Assemblée nationale du 19 dé-' cembre dernier s’exprime ainsi : « Art. 2. Il est défendu à l'avenir à toute asso-« dation ou corporation d' entretenir , sous aucun «■ prétexte, des correspondances avec les régiments « français , suisses et étrangers qîd composent Varie mée. U est pareillement défendu aux dits corps « d’ouvrir ou de continuer de pareilles correspondan-« ces , à peine par les premiers d'être poursuivis, « par les magistrats chargés du main tien des lois, « comme perturbateurs du repos public , et par les « seconds , d'être punis suivant la rigueur des or-« donnances. ». « Les uns pensent que ces décrets interdisent absolument aux soldats d’entrer dans les dites sociétés ; les autres ne l’interprètent point d’une manière aussi sévère. « Il y a environ deux mois que quelques commandants de troupes de ligne m’écrivirent que les sociétés des Amis de la Constitutions de villes avaient établi une correspondance avec les soldats et leur avaient envoyé des invitations d’aller à leur séance; que plusieurs de leurs membres étaient venus dans les chambrées des soldats, pour les solliciter à cet effet ; que ceux-ci, sans le consentement de leurs officiers, s’étaient rendus à ces assemblées ; qu’ils y étaient eux-mêmes reçus comme membres ; qu’ilsy délibéraient, qu’ils y rendaient compte de ce qui se passait, à leur régiment; en un mot qu’on leur permettrait de parler sur tontes sortes de sujets. « Les commandants crurent que c’était absolument défendu par le décret que j’ai cité : et comme les soldats n’avaient été à ces clubs que d’après des démarches que ceux-ci n’auraient pas dû se permettre, ils leur défendirent d’y aller davantage. Ils m’en ont rendu compte, et je leur exprimai, par une lettre extrêmement courte, et qui n’entre dans aucun détail, que leur conduite me paraissait convenable. « On a donné, je ne sais pourquoi, de la publicité à cette lettre, dans laquelle les officiers généraux et autres commandants, qui n’approuvent nas que les soldats aillent dans ces sociétés, ont cru trouver la confirmation de leurs principes. Ainsi ils défendent absolument aux soldats l’entrée de ces clubs. D’autr s ne donnent pas une semblable interprétation à ma lettre, soit parce qu’ils ont suies circonstances particulières auxquelles elle répondait, soit parce qu’ils n’avaient pas de raison d’empêcher les soldats d’aller entendre les discussions dont l’objet est d’expliquer et de faire respecter et aimer les lois sous lesquelles ils doivent vivre, comme les autres citoyens, pourvu toutefois qu’ils ne prennent point part aux délibérations. « Comme je vois des patriotes également zélés sur cette matière, je ne puis m’empêcher de désirer que l’Assemblée nationale veuille bien résoudre la question par un décret explicatif. Qu’elle daigne se souvenir que le militaire doit obéir, non pas seulement à l’esprit, mais à la lettre de la loi ; ainsi, que toutes celles qui le concernent doivent être de dernière évidence et ne pas souffrir différentes interprétations. « Lorsque l’Assemblée peut elle-même s’occuper de l’objet que je viens de lui soumettre, je ne me permettrai assurément pas de déclarer mon opinion particulière; mais j’ose espérer qu’elle ne désapprouvera pas que, charge de veiller à l’exécution de la loi, je lui présente quelques vues de détail, propres à en multiplier les avantages. « Par exemple, si l’Assemblée décide, ainsi qu’il me paraît naturel de le penser, que les soldats ont le droit d’assister aux séances des Amis de la Constitution, ne serait-il permis aux chefs de corps de faire les règlements de discipline, d’ordre, qui doivent s’étendre à toutes les fonc- 167 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [U avril 1791.] tions, à toutes les occupations du militaire. ( Mur - mures.) Je verrais avec bien du plaisir naître l’usage que les soldats allassent à ces sortes d’assemblées avec leurs sous-ofliciers et officiers : on eût autrefois adopté cette mesure dans la seule vue du maintien de l’autorité. Je n’abandonne pas sûrement cette considération; mais une autre peut s’y joindre, celle d’établir peu à peu entre les soldats et leurs officiers celte fraternité qui doit unir des concitoyens, et qui n’exclut cependant pas cette hiérarchie de grades et de rang qu’exige la régularité du service. {Applaudissements prolongés à gauche.) Plusieurs membres : Cela n’est pas supportable ! « Je suis, etc. « Signé : DUPORTAIL-» Copie d'une première lettre de M. Kellermann, maréchal de camp , commandant dans les troupes le département du Bas-Iihin à M. Duportail, ministre de la guerre. « Wissembourg, le 11 avril 1791. « Monsieur le Ministre, « Je me suis rendu hier matin à Wissembourg, à cause de l’insurrection arrivée au régiment de Beauvoisis. En voici la cause : « Avant-hier, à 5 heures après-midi, 7 ou 8 soldats de ce régiment allèrent, comme spectateurs, à la Société des amis de laConstitu-tion. Plusieurs officiers les attendirent à la sortie et les envoyèrent en prison, avec des menaces très dures et des propos également injurieux pour les soldats et pour la Société. Les soidats se rendirent en prison. Leurs camarades, l’ayant appris, allèrent chez le colonel pour le prier de leur faire grâce. Il l’a refusée. Après l’appel, le désordre a commencé. Les grenadiers ont déposé les drapeaux du quartier et la caisse chez le commandant de la place ; il y a eu un premier coup de donné. On a fait battre la générale : les officiers disent que ce sont les soldats, et les soldats disent que ce sont les officiers. Le désordre a augmenté ; il est enfin arrivé au point que 5 ou 6 officiers et 7 ou 8 sold as ont été blessés. Vers une heure du matin, le tumulte a été calmé, et tout était tranquille à mon arrivée. J’ai fait assembler le régiment et, avant de rien entendre, j’ai ordonné que les drapeaux et la caisse fussent remis à leur place : ce qui a été fait sur-le-champ. « Dans la journée d’hier j’ai reçu les dépositions des officiers et des soldats. Ce matin plusieurs citoyens font les leurs ; je les enverrai aujourd’hui à M. Guelp qui vous les fera passer, afin que vous ordonniez surcet article. En attendant, il est nécessaire que le régiment sorte d’ici pour aller à Strasbourg. J’attends pour cela les ordres de M. Guelp, à qui j’ai rendu compte de cette affaire. « Hier au soir, à l’appel j’ai tenté tous les moyens de conciliation ; ils ont échoué ! Les soldats servent bien, sont exactement dans l'ordre, mais ils ne veulent pas entendre parler de certains de leurs officiers qui, disent-ils, ont les premiers tiré l’épée contre eux et en ont blessé plusieurs. Il faudra nécessairement que ces officiers s’absententjusqu’aujugement. Leurprésence produirait des scènes encore plus fâcheuses que la première. La nuit s’est passée tranquillement. Pas un homme n’est sorti du quartier, et les patrouilles se sont faites avec ordre. « Je dois les plus grands éloges aux chasseurs de Guyenne et à la garde nationale, qui s’est conduite à merveille. Je viens de faire distribuer de quoi faire mille cartouches. « Vous voyez, Monsieur le Ministre, combien il est important de décider, comme j’ai eu l’honneur de vous le demander, si les soldats peuvent assister aux lectures publiques faites par les sociétés des amis de la Constitution. Le colonel de Beauvoisis s’est cru en droit de le leur défendre, d’après un décret rendu pour Courbevoie, par lequel il est défendu à toute association d’entretenir correspondance avec les corps militaires. Ce décret ne paraît pas devoir s’appliquer aux lectures publiques qui n’ont pas ce caractère de secret qui constitue la correspondance. Les soldats sont avides de tout ce qui est relatif à la Constitution. Dans vingt villes du royaume, et surtout à Strasbourg, on leur lit les nouvelles sans que la discipline en souffre. Tout le mal est venu du sens peu clair du décret; de ce que l’on croit pouvoir faire dans une ville ce qui est permis dans une autre. Il faut enfin que personne n’aille aux lectures, ou que tous y puissent aller. Les amis de la Constitution formant société à Landau ont bien voulu, pour parer à tout, suspendre leurs séances jusqu’à la décision. {Applaudissements.) « Je ne quitterai pas Wissembourg, que le régiment ne soit parti. J’ai laissé Landau en bon état. 11 y a 24 pièces de canon montées et chargées à mitraille, 20,000 cartouches d’infanterie. On continue à travailler; et j’ai donné, avant de partir, l’ordre de distribution des troupes en cas d’alarme. J’aurai sous peu à vous donner des nouvelles de Worms et de l’autre côté du Rhin. « Je suis, etc. « Signé : KELLERMANN. » « Pour copie : Duportail. » Copie de la deuxième lettre de M. Kellermann à M. Duportail, ministre de la guerre. « Wissembourg, le 12 avril 1791. Monsieur le Ministre, « Je suis parvenu, à force de fermeté et de moyens conciliants, à ce que les soldats de Beauvoisis reçussent tous leurs officiers, à l’exception de ceux, comme j’ai eu l’honneur de vous le dire hier matin, dont ils ne voulaient aucunement entendre parler. Je me suis rendu à l’appel du soir. Le régiment s’est porté au quartier autour de moi. J’ai ordonné à tous les officiers de prendre leur place et de faire l’appel : tout cela s’est exécuté sans le plus petit murmure. On est rentré dans les chambres sans bruit. Il semble enfin qu’il n’y a eu aucun désordre. M. Guelp vous fera passer incessamment les procès-verbaux des dépositions que je lui envoie ce matin. J’aurai l’honneur de vous informer par ma première lettre si je puis espérer que cette affaire se termine sans faire usage des procès-verbaux, ou s’il est nécessaire qu’il y ait un jugement fondé sur les procès-verbaux. « J’ai l’honneur d’être, etc. « Signé : KELLERMANN. « Pour copie : Duportail. » (L’Assemblée ordonne le renvoi de la lettre de 468 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. in avril 1791.] M. Duportail et des deux lettres de M. Kellermann aux comités réunis de Constitution, miliiaire, des recherches et des rapports, en les chargeant de lui proposer incessamment leurs vues.) Lettre de la municipalité de Nantes. « Monsieur le Président t Nous croyons devoir instruire l’Assemblée nationale de l’événement qui a troublé la fête 'le l’inauguration du pavillon national : En conséquence nous vous envoyons le rapport, que nous vous prions de mettre sous ses yeux; nous en envoyons un double au ministre. «< Nous avons eu la disgrâce de voir la cérémonie de l’inauguration du pavillon national, que nous fîmes hier, troublée par une rixe qui s’éleva entre M. d’Hervilly, colonel du 84e régiment, ci-devant de Rohan, et le peuple et la garde nationale, qui ont cru qu’il s’était refusé aux cris de Vive la nation, dans le moment où tout le monde se livrait aux transports de la plus vive allégresse. Quelque violents qu’aient pu être les mouvements qui ont accompagné cette discussion, dont nous n’avons pas été témoins, nous devons cependant espérer qu’elle n’aura pas de suite; mais les cris ainsi que l’état de mécontentement du peuple, qui, outre ce que nous avons entendu nous-mêmes, nous ont été confirmés de la part de différentes associations de citoyens, nous ont fait craindre les plus grands malheurs. « La fermentation était si grande et si générale qu’il n’est resté à notre disposition aucun moyen de force pour en arrêter les suites. Celui que nous avons jugé le plus sage, et même le seul qui se soit présenté à nos réflexions les plus sérieuses, a été d’engager M. d’Hervilly à s’éloigner de Nantes, pour la tranquillité de la ville et la sûreté de ses propres jours. « Le cas nous a paru de la plus grande importance; et afin de nous assurer de nouveau du meilleur parti à suivre, nous avons invité MM. les administrateurs du département et du district, que nous avions déjà pressentis sur ce point, à nous aider de leurs lumières. Ils ont eu la complaisance de répondre à nos désirs et de se rendre dans la nuit à la maison commune. Ils ont persisté dans le premier parti que nous avions jugé le meilleur. En conséquence, nous avons répété à M. d’Hervilly l’invitation que nous lui avions faite de quitter la ville, démarche à laquelle il a bien voulu se rendre, le matin de ce jour. La ville jouit maintenant de la plus grande tranquillité. « Nous sommes, etc. » M. le Président. M. de Broglie, rapporteur du comité militaire , a maintenant la parole. M. de Broglie, au nom du comité militaire. Messieurs, lorsque vous avez décrété l’organisation de l’artillerie, vous avez fixé à 53 le nombre des capitaines détachés et employés dans les places de guerre. Vous les avez en même temps classés; mais des observations qui intéressent le bien du service et dont la convenance s’aperçoit, obligent à augmenter de deux le nombre des capitaines de la troisième classe, et à réduire à 28 le nombre de 30 déterminé précédemment pour la quatrième; ce qui fait en tout une augmentation de dépense de 800 livres par an, à raison de 400 livres par capitaine. Voici le projet de décret que nous vous proposons : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité militaire, décrète que sur les 42 capitaines destinés à être détachés et employés au service des places de guerre, 14 seulement seront de la troisième classe et 28 de la quatrième. » (Cette motion est décrétée.) M. le President indique l’ordre du jour de la séance de demain et lève la séance à trois heures. PREMIÈRE ANNEXÉ A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE OU DIMANCHE 17 AVRIL 1791. RAPPORT fait le 17 avril 1791 à la commission des assignats par M. Pérlsse-Buliic , sur un projet présenté à l'Assemblée nationale , le 10 mars 1791, pour assurer le transport des assignats d’une ville à l’autre. Messieurs, tous ceux qui ont mûrement réfléchi sur la confiance actuelle de la nation pour les assignats-monnaie, reconnaissent que leur unité de forme et leur parité intrinsèque qui est en tout de même nature que celle des espèces entre elles, sont une des bases de cette confiance et de leur facile circulation, et l’on ne peut nier que sans cette parfaite conformité ils n’auraient, ni la nature, ni le cours, ni les effets de la monnaie. C’est donc avec une grande sagesse que le comité des finances et vous, Messieurs, avez constamment repoussé tous les projets qui tendaient à altérer cette précieuse unité de forme et de valeur, soit par des endossements, timbres, talons, certificats de vérification, soit par des procédés chimiques et autres pratiques qui auraient établi des dissemblances apparentes et un cours plus ou moins accrédité entre les assignats de même somme. Les vrais principes, à cet égard, ont été démontrés avec assez d’évidence pour vous convaincre que tout moyen de ce genre qui eût été autorisé par la loi même de l’émission des assignats, les eût bientôt privés de la faculté de circuler comme monnaie et aurait ainsi renversé les justes espérances que la nation avait conçues de cette grande opération. Mais combien serait plus dangereuse encore toute innovation téméraire qui, par une loi postérieure à leur émission, viendrait inquiéter la confiance due aux assignats, ébranler leur crédit, porter atteinte à cette unité, à cette homogénéité qui leur fut dévolue par leur création, et détruire cette parité absolue qui est et doit toujours être, entre les assignats de même somme, ainsi qu’elle existe entre un écu et un écu; eu sorte qu’il n’y ait jamais dans la circulation aucun motif de préférer un assignat à un autre assignat de même valeur et de donner plus de confiance et de prise à l’un qu’à l’autre. Bien loin doue, Messieurs, que l’Assemblée nationale, sous quelque prétexte que ce soit, doive autoriser aucune empreinte qui apporterait des différences daus les assignats, c’est que déjà, peut-être, elle aurait dû prononcer que toute certification apposée sur les nouveaux assignats, par signatures privées, timbres ou autrement, serait regardée comme un attentat, une alteration à la monnaie nationale comme un moyen de monopole, et déclarer, en conséquence, suspendus dans la