613 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] mal sur la plaie, on est guéri sur-le-ehamp. Faisons l’application de ce principe pour étancher la soif des procès ; l’intérêt en est la source ; que l’intérêt nous serve d’instrument pour en extirper la racine. Quand un particulier intentera injustement un procès à un autre, qu’on examine attentivement l’affaire, que l’on n’emploie pour labien saisir que les simples règles du bon sens; cela fait, que l’on confisque, au profit de celui qu’on aura attaqué injustement, l’objet de la contestation ou sa valeur en argent, si l’objet n’est pas confiscable ; et que celui qui aura attaqué injustement soit regardé comme un fou et un perturbateur du repos public. Il n’est pas nécessaire d’avoir recours à un tribunal majeur; qu’on établisse, dans chaque ville, bourg et village, une chambre civile, composée d’un petit nombre d’hommes choisis à la pluralité des voix et dont le jugement sera sans appel. C’est à la sagesse des Etats à développer cette idée. Art. 31. La milice est un terrible fléau pour les campagnes, fléau d’autant plus grand qu’il est gratuit; c’est ce que nous allons démontrer en peu de mots : On ordonne la milice pour avoir des hommes; sont-ils nécessaires ou non ? S’ils sont utiles, pourquoi les rendez-vous? Nous savons bien qu’on ne les rend qu’à prix d’argent ; et de qui exige-t-on et à qui demande-t-on cet argent? à des nécessiteux qui en ont absolument besoin. Et pour qui cet argent ? pour des riches qui en ont plus qu’il ne leur en faut. Ce lucre est donc illégitime. Ah ! si notre bon Roi le savait, il ne le souffrirait pas; mais notre consolation est que ce cahier l’en instruira, et qu’il ne l’aura pas plus tôt appris qu’il y mettra bon ordre. Puisse le ciel favoriser nos intentions, exaucer les vœux que nous faisons pour la prospérité de l’Etat et le bonheur du peuple ! Que le Tout-Puissant daigne nous conserver aussi longtemps que nous le désirons notre Roi, que nous baignerions de nos larmes si nous étions assez heureux de jouir du bonheur de l’embrasser de tout notre cœur ! Nous le supplions à mains jointes de revêtir M Necker du ministère général. Et pour toi, ô incomparable ministre, pour éterniser notre reconnaissance, ton nom enrichira notre langue, comme tes opérations vont enrichir l’Etat ; et puisqu’elle ne nous fournit pas d’expression pour désigner un homme qui réunisse comme toi toutes les vertus, quand on aura le bonheur d’en rencontrer un qui te ressemblera, on s’écriera dans un saint transport : Ah ! c’est un Necker ! CAHIER Des dole'ances, plaintes et remontrances des habitants de la paroisse de Joignes (1). Les habitants du tiers-état de la paroisse de Jaignes, dûment assemblés en exécution des ordres du Roi portés par ses lettres données à Versailles le 24 janvier 1789, à l’effet de rédiger le cahier de leurs doléances, plaintes et remontrances, ont arrêté qu’en conséquence de l’assignation donnée auxdits habitants, le 16 du présent mois d’avril, pour la tenue des Etats généraux, il serait utile de demander : Art. 1er. La suppression de toutes les capitai-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de V Empire. neries dans lesquelles le Roi ne prend pas le plaisir de la chasse, et principalement celle de Monceaux, où tous les habitants qui se trouvent dans son enceinte éprouvent une inquisition perpétuelle et une grande gêne pour la culture, indépendamment des pertes et des dommages considérables causés par le gibier. Art. 2. La suppression de tous privilèges pécuniaires pour les trois ordres de l’Etat. Art. 3. Qu’il soit établi une loi qui fixe les formalités, simples et faciles à suivre, pour constater le dégât causé par le gibier. Art. 4. Qu’il soit défendu à tous seigneurs propriétaires de chasses de les donner à titre de conservation, sous peine de confiscation. Art. 5. Suppression des aides. Art. 6. Une grande diminution sur le prix du sel. Art. 7. La suppression des droits de franc-fief. Art. 8. Que tous les impôts et corvées soient supportés également par tous les ordres de l’Etat, chacun suivant ses facultés. Art. 9. La milice supprimée comme dévastant les campagnes et tombant sur la classe la plus indigente. Art. 10. Etablissement du droit de contrôle des actes dans tout le royaume, afin que personne n’en soit exempt ; la fixation du droit à 5 sous sur 100 livres, à quelque somme que l’acte puisse monter, afin que le riche contribue et soulage le pauvre. Art. 1 1 . Suppression des droits d’échange contre les particuliers, le double droit exigé par ces sortes d’actes mettant une entrave à l’agriculture. Art. 12. Suppression des péages , banalités , minages et autres droits de cette nature, en indemnisant toutefois les propriétaires qui ont des titres valables. Art. 13. Attendu que les moulins du canton sont employés pour la provision de Paris, ce qui met le particulier dans une grande gêne pour la mouture de son grain, qu’il soit ordonné que chaque meunier soit tenu de moudre les jours de la semaine qui seront fixés pour le service public, en lui payant la mouture en grains ou argent, suivant l’usage. Art. 14. Que les laboureurs ou fermiers soient tenus de cultiver les terres des particuliers de leur paroisse, lorsqu’ils n’en feront valoir qu’un ou deux arpents en propriété, sauf au fermier à exiger des particuliers le payement de ses labours suivant l’usage et le prix des denrées. Art. 15. Qu’il soit accordé une indemnité pour les vignes et les arbres gelés. Art. 16. Que les acquéreurs et nouveaux propriétaires à titre singulier soient tenus d’exécuter les baux faits par les anciens propriétaires, et ne puissent évincer les locataires ou fermiers, même en les indemnisant. Art. 17. Ordonner que tous les baux à ferme seront de dix-huit ans, ceux actuels empêchant les fermiers, par leur courte durée, de faire des améliorations dans leurs terres. Art. 18. Que tous les nouveaux titulaires de bénéfices, même de collation royale, soient tenus d’exécuter, dans tous les cas, les baux de leurs prédécesseurs, sauf à prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter les abus et la fraude. Art. 19. Augmenter les cures médiocres de manière que les titulaires puissent soulager les pauvres de leur paroisse. Art, 20, Fixer les portions congrues à 1,200 li- 614 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] vres, les vicariats à 700, le casuel supprimé pour l’administration des sacrements, même convois et mariages. Art. 21. La résidence des titulaires dans leurs bénéfices, et qu’aucun n’en puisse posséder deux. Art. 22. Que tous les bénéfices qui ne sont pas à charge d’âmes, dont les revenus modiques ne peuvent faire vivre les titulaires, soient supprimés et les revenus employés en des établissements de charité. Art. 23. Qu’aucun bénéficier ne puisse posséder aucun bénéfice à l’âge de trente ans, qu’il ne soit prêtre. Art. 24. Que chajque fermier ne puisse exploiter en location que quatre charrues, à moins qu’il y en ait davantage dans un seul corps de ferme ou qu’il ne soit propriété d’une autre. Art. 25. De pourvoir le plus tôt possible à la disette et à la diminution des grains. Art 26. L’abolition des justices seigneuriales et arrondissement des bailliages royaux. Art. 27. Etablissement d’un bureau de charité dans toutes les paroisses, de manière que chaque paroisse nourrisse ses pauvres. Art. 28. Que la punition des criminels soit la même dans tous les états et conditions. Art. 29. Que l’infamie attachée au crime soit personnelle. Art. 30. La police exercée dans les campagnes par les municipalités. Art. 31. Conseil ambulant pour veiller à ce que la police soit exactement faite par la municipalité. Art. 32. Réformer la coutume de Meaux, en tant que les neveux n’héritent point avec les oncles. Ce fut ainsi fait et délibéré et arrêté par lesdits habitants de la paroisse de Jaignes, assemblés au nombre de dix-neuf personnes, après que les pu blications ont été Lûtes desdites lettres du Roi et règlement y annexé, le dix-neuvième jour d’avril 1789/ Et ont signé avec nous, bailli de Jaignes, ceux desdits habitants qui savent signer. Signé Claude Mirax; Jullien; Mabille ; P. Fa-bert; F, Lelong; P. Lelong; J. -P. Moreau; P. Ni-coley; L. Gautier; Jacques Fabert; L’Epine; Boissard, J. Bouche; Pontonnier; Hunnier; Jacques Cherin; Nicolas Charnus. CAHIER Des plaintes , doléances et vœux du tiers-état de la paroisse de Janvry , délibéré et arrêté en P assemblée générale dudit .tiers-état, convoquée en exécution du règlement de Sa Majesté du 24 janvier dernier , pour la tenue des Etats généraux du royaume , et présidée par M. THIBAULT, notaire et greffier du bailliage de Janvry (lj. Pour entrer dans les vues bienfaisantes de Sa Majesté, le tiers-état de ladite paroisse estimerait qu’il serait avantageux au bien de l’Etat et au bonheur des peuples de simplifier les lois, de réformer les abus qui se sont introduits dans les parties de l’administration, notamment dans les finances, la justice et le commerce, et veiller continuellement à ce qu’il ne s’en introduise à l’avenir. En conséquence : (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. Art. 1er. Que le retour des Etats généraux soit fixé tous les cinq ans. Art. 2. Que tous les impôts soient supprimés et qu’il en soit créé un seul qui serait supporté proportionnellement par les biens-fonds, le commerce et l’industrie, et qu’il n'en soit à l’avenir établi aucun que du consentement des Etats généraux. Art. 3. Que les droits d’aides, notamment ceux sur les boissons, soient supprimés et remplacés par un droit unique sur les boissons. Art. 4. Que les gabelles soient supprimées et le prix du sel diminué, ainsi que celui du tabac. Art. 5. Qu'il ne soit accordé aucune pension que du consentement des Etats généraux et pour juste cause, et que celles actuellement existantes soient vérifiées par les Etats généraux, pour être supprimées, réduites ou conservées. Art. 6. Que les intendants de provinces et les élections soient supprimés, et leurs juridictions attribuées aux juges royaux ordinaires. Art. 7. Que les juridictions des eaux et forêts et les capitaineries soient supprimées, et la juridiction des eaux et forêts attribuée aux juges ordinaires. Art. 8. Que le droit de chasse soit restreint et limité, et permis aux cultivateurs de prendre sur leurs héritages le menu gibier dévastateur des récoltes. Art. 9. Que les lapins soient détruits dans tous les bois et remises quelconques. Art. 10. Que les pigeons soient enfermés dans les temps de semaille et de moissons, et permis dans ces temps aux cultivateurs de les prendre sur leur héritage. Art. 11. Que le droit de planter des arbres le long des grands chemins soit réservé aux propriétaires riverains exclusivement. Art. 12. Que les petits couvents et chapitres, et bénéfices simples inutiles, soient supprimés et leurs biens employés à l’augmentation du revenu des curés et vicaires et des fabriques pauvres, à l’établissement des maîtres et maîtresses d’école, au supplément des fonds de charité dans les paroisses et des lits dans les Hôtels-Dieu, pour pouvoir recevoir tous les pauvres malades in-disti n ctement, et à l’établissement d’hôpitaux dans les villes pour les pauvres orphelins, vieillards et infirmes, pour empêcher la mendicité et opérer la suppression et l’inutilité des dépôts. Art. 13. Qu’il soit pourvu à l’administration des justices de campagne, de manière à opérer la simplicité des procédures, la célérité de l’instruction et des jugements et la diminution des frais. Art. 14. Que les jurés-priseurs et les 4 deniers pour livre soient supprimés comme onéreux au peuple, notamment aux veuves et aux orphelins et contraires à la liberté du choix. Art. 15. Que les abus qui se sont produits dans la rénovation des papiers terriers soient réprimés et les droits diminués, le terme de chaque rénovation très-éloigné, sauf aux seigneurs à faire reconnaître les redevances sujettes à prescription lorsqu’il serait nécessaire pour l’empêcher seulement. Art. 16. Que les droits de contrôle soient supprimés, surtout dans les actes de famille, et déchargés des extensions que les commis leur donnent. Art. 17. Que le centième denier ne soit pas exigible pour les donations ou démissions de propriétés par des pères et mères en faveur de leurs enfants, en cas de successions collatérales ni pour soulte, et qu’il ne soit en aucun cas perçu le double droit.