[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. grands ateliers agricoles seront toujours ouverts, dans les mortes saisons, aux ouvriers robustes des divers départements, à ces hommes que l’agriculture seule conserve dans toute leur force, et que les ateliers intérieurs d’industrie tendent à faire dégénérer; c’est par ce moyen, Messieurs, que vous soulagerez la capitale, et les autres grandes villes, que vous ferez des conquêtes patriotiques sur votre territoire, que vous conserverez une infinité de citoyens, toujours menacés maintenant par leur situation au bord des marais; c’est par ce moyen, en un mot, que vous créerez des propriétés, des propriétaires, des subsistances, des consommateurs, et que vous rendrez à voire tour tributaires de votre territoire, les peuples chez lesquels aujourd’hui vous portez par nécessité votre numéraire, et la preuve des négligences et des fautes de votre ancien gouvernement. Quand je considère ces avantages immenses que la nation peut retirer du dessèchement des marais , et que je me demande quels sont les motifs qui ont pu arrêter l’Assemblée nationale dans la continuation de cet utile décret, je vois que les moments où l’on vous a présenté ce travail étaient peu favorables et précipités, je vois que la détresse des finances ne vous permettait de faire aucun sacrifice des deniers du Trésor public; je vois surtout que votre respect, votre inquiétude pour les propriétés particulières vous ont fait craindre de ne pas dédommager assez le propriétaire, dépossédé de son marais, pour le bien de la société. Partageant tous vos sentiments, Messieurs, le comité a mis destempéraments dans l’article cinquième, qui vous paraîtront, je l’espère, remplir vos vues, et qui vous prouveront que votre comité d’agriculture et de commerce, ainsi que vos autres comités , n’ont pas cessé un instant de se regarder comme les défenseurs nés des propriétés. Qu'établit-il en effet? Il établit que la propriété, incertaine dans l’état de la nature, devient inviolable dans l’état de société. Il distingue la propriété d’un sauvage, de la propriété d’un citoyen : il vous dit que l’homme a le droit d’abuser de la première, mais que le citoyen n’a que le droit d’user de la seconde pour son avantage, et pour celui de la grande association. Votre comité établit que toute propriété particulière, sous la condition d’une indemnité juste et préalable, est subordonnée à l’utilité générale; que dans le droit absolu de propriété individuelle, il n’y a d’exceptions que celles qui dérivent de la société entière, ou de ses représentants. Que vous propose ensuite votre comité? Il vous propose de confier les intérêts des propriétaires aux assemblées administratives, composées dans le plus grand nombre de propriétaires territoriaux; de laisser aux propriétaires la juste liberté de faire dessécher eux-mêmes leurs marais dans un temps déterminé; deperrnettre aux assemblées des départements d’accorder aux propriétaires un délai quand elles le jugeront convenable, et même, des secours, si cela leur est possible. Ce n’est qu’apiès toutes les marques de protection de la souveraineté de la nation, que voire comité vous propose d’obliger enfin ces mêmes propriétaires, au nom du bien général, et par le pouvoir imprescriptible de la nation, à céder aux adjudicataires entrepreneurs ces terrains nuisibles, pour le prix qu’ils valent, et en y ajoutant des dédommagements subordonnés aux espérances que la nature du soi pourra donner, si ces dédomma-lro Sème, T. XXI, [24 décembre 1790.] (357 gements paraissent justes aux experts nommés à cet effet. Si vous vous retracez ensuite, Messieurs, que vous avez accordé 25 années de non-augmentation d’imposition, aux propriétaires de ces terrains nuisibles, dans l’espoir de leur faire faire des efforts pour les m ttre en valeur : si vous vous rappelez que l’imposition de ces terrains peut n’êlre que de trois deniers par arpent : si vous vous dites que vous avez reconnu et continué les anciens encouragements, accordés aux marais desséchés sur la foi des divers édits ou déclarationsdu roi, je présume que vous ne verrez plus d’obstacles à compléter le décret ajourné tant de fois. L’Assamblée nationale, qui a détruit tant d’abus, laisserait-elle subsister le plus pernicieux de tous en agriculture, les marais? Craindriez-vous, Messieurs, d’employer la souveraineté de la nation pour cet acte d’humanité, dont les siècles les plus reculés manifesteront à votre mémoire leur reconnaissance? Pouvant réaliser, par un seul article de décret, un bienfait que quatorze cents ans d’un gouvernement sans suite et sans force réelle, n’ont pu produire, hésiteriez-vous de vous en approprier la gloire? Quelques vils intérêts particuliers seraient-ils, sans qu’on les soupçonnât, un obstacle invincible à ce grand bienfait que l’agriculture attend de tous les' représentants de la nation? J’aime à croire que non; de môme que je me plais à penser que vous n’aurez vu, Messieurs, dans ma constance à voua reparler de cette partie de l’agriculture, qu’un intérêt ardent pour tout ce qui est grand dans ses effets, et divin, dans ses rapports, pour la santé du peuple, pour les travaux des ouvriers, pour le soulagement et la subsistance des pauvres, pour l’augmentation de la population, pour tous les sublimes objets qui sont l’âme et même la religion de votre Constitution. Je vais avoir l’honnenrde vous relire le préambule et les quatre premiers articles décrétés, afin d’achever de mettre l’Assemblée au cours des idées qui se présentent à la délibération, et nous passerons ensuite au cinquième article qui est le seul qui soit susceptible d’une discussion approfondie : L’Assemblée nationale, considérant qu’un de ses premiers devoirs est de veiller à la conservation des citoyens, à l’accroissement de la population, et à tout ce qui peut contribuer à l’augmentation des subsistances, qu’on ne peut attendre que de la prospérité de l’agriculture, du commerce et des arts utiles, soutiens des Empires; Considérant que le moyen de donner à la force publique tout le développement qu’elle peut acquérir, est de mettre en culture toute l’étendue du territoire ; Considérant qu’il est de la nature du pacte social que le droit sacré de propriété particulière, protégé par les lois, soit subordonné à l’intérêt général ; L’Assemblée nationale, considérant enfin qu’il résulte de ces principes éternels que les marais, soit comme nuisibles, soit comme incultes, doivent fixer toute l’attention du Corps législatif, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les assemblées de département et leurs directoires s’occuperont des moyens de faire dessécher les marais, les lacs et les terres de leur territoire habituellement inondées, dont la conservation, dans l’état actuel, ne serait pas jugée 42 658 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |24 décembre 1790.] plus utile au bien général, et d’une utilité préférable au dessèchement, pour les particuliers, ou pour les communautés dans l’arrondissement desquelles ces terres seront situées, en commençant, autant qu’il sera possible, ces améliorations par les marais les plus nuisibles à la santé, et dont le sol pourrait devenir le plus propre à la production des subsistances, et chaque directoire de département emploiera les moyens les plus avantageux aux communautés pour parvenir au dessèchement de leurs marais. Art. 2. «Les municipalités enverront, sous trois mois, au directoire de leur district, un état raisonné des marais ou terres inondées de leur arrondissement, et le directoire du district le fera passer dans le mois, avec ses observations, au directoire du département; cet état contiendra les noms des propriétaires, la situation et l’étendue de ces terrains, les causes de leur submersion, le préjudice qu’ils portent au pays, les avantages u’ils pourrait retirer de leur culture, les moyens 'effectuer le dessèchement, et l’aperçu des dépenses qu’il exigera. Art. 3. « Les directoires de département communiqueront ces états et les mémoires qui leur auront été adressés à toutes personnes qui voudront en prendre connaissance; ils feront vérifier sur le lieu, de la manière qui leur conviendra, la nature des marais dont le dessèchement leur sera indiqué, et les observations des mémoires qui les concerneront : le procès-verbal en sera rendu public par la voie de l’impression, envoyé à toutes les municipalités du district, et le rapport de tous les mémoires, ainsi que du procès-verbal de vérification, sera fait le plus tôt possible au directoire du département. Art. 4. « Lorsque le directoire d’un département aura déterminé, pour le bien général, de faire exécuter le dessèchement d’un marais des domaines nationaux des communautés et des particuliers, le propriétaire de ce marais sera requis rie déclarer, dans l’espace de six mois, s’il veut le faire dessécher lui-même, le temps qu’il demande pour l’opérer, et les secours dont il a besoin pour cette entreprise. L’Assemblée nationale, comme conservatrice des biens nationaux, tant qu’ils ne seront pas vendus, décidera seule de ce qui les concernera, et le conseil général des municipalités déclarera ce qu’il croira être le plus utile pour les marais des communautés. Le directoire du département pourra, suivant les circonstances ou l’étendue des marais, accorder un délai au propriétaire, et, dans tous les cas, il fera connaître au propriétaire du marais, s’il peut lui procurer les secours qu’il réclame. » La discussion s’ouvre sur les articles suivants; il est fait plusieurs amendements. Les uns sont écurlésparla question préalable; les autres sont adoptés et font partie des articles décrétés par l’Assemblée dans ces termes : Art. 5. « Si les propriétaires renoncent à faire eux-mêmes le dessèchement de leursmarais, ou s’ils neremplissent pas l’engagement qu’ils auront contracté, de les faire dessécher aux termes convenus, le directoire du département fera exécuter ie dessèchement, en payant aux propriétaires la valeur actuelle du sol du marais, à leur choix, soit en argent, soit en partie du terrain qui sera desséché, le tout, à dire d’experts, dont l’un sera nommé par le procureur syndic du di trir-t, l’antre par le propriétaire. Si le directoire du district, instruit par l