3o2 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 avril 1791.| Je vais même plus loin, je soutiens que lors même que Paftluence des petits assignats produirait la plus grande rareté des écus, ce ne serait nullement un mal pour la nation. Cette rareté serait bien compensée soit par la restitution des intérêls circulant, soit par le payement des capitaux arriérés de la dette arriérée qui resteraient dans le commerce. Ainsi je demande que l’on ajourne au jour le plus prochain, à vendredi au plus tard, car l’opinion publique est faite sur la proposition très salutaire et très patriotique de Al. Rabaud Saint-Etienne. (L’Assemblée ferme la discussion, ordonne l’impression du discours et du projet de décret de M. Rabaud Saint-Etienne et en remet la discussion à la séance de vendredi.) M. le. Président. Je viens de recevoir une lettre du département et de la municipalité de Paris; je vais en donner lecture à l’Assemblée. Paris, 26 avril 1791. « Monsieur le Président, « Le directoire du département et la municipalité de Paris vous prient de leur obtenir audience auprès de l’Assemblée nationale pendant la séance d’aujourd’hui. L’adresse qu’ils lui présenteront, dont l’objet est important, ne causera point de discussion; elle est de nature à être renvoyée au comité de Constitution. « Nous sommes, etc. » M. le Président. L’Assemblée veut-elle admettre cette députation à la barre? {Marques nombreuses cl' assentiment.) Le directoire et la municipalité de Paris sont introduits à lu barre. M. Pastoret, procureur général syndic , s’exprime ainsi : « Messieurs, « Le premier hommage des administrateurs du département de Paris à l’Assemblée nationale a été l’engagement solennel d’employer toutes leurs forces et tout leur zèle au maintien de l’ordre public. Votre président leur a rappelé cet engagement, lorsqu’ils sont venus vous rendre compte des mesures qu’ils avaient prises pour ramener la paix dans la capitale troublée. Ils ont parlé an roi, ils ont parlé au peuple; la municipalité a employé les mêmes moyens, et le directoire vient avec elle vous annoncer aujourd'hui que le calme se rétablit; mais ils seraient coupables s’ils vous dissimulaient que leurs inquiétudes ne sont pas dissipées. Depuis longtemps les ennemis de la Constitution ont placé leur espoir dans l’anarchie; ils ont compté sur l’exagération du patriotisme et sur l’excès de cette ardeur impatiente que produit la conquête rapide de la liberté; ils ont calculé celte habitude de déliance d’un peuple toujours abusé, cette haine longtemps comprimée d’un gouvernement oppresseur, ces mouvements de crainte et de mépris qu’inspirent tous les actes de l’autorité, quand elle est usurpée : ces sentiments, qu’ils ont du trouver partout, ils les ont employés avec la plus funeste adresse contre tous les pouvoirs légitimes conférés par un peuple libre. Le temps et les lumières dissiperont sans doute ces fuuestes agitations, mais peut-être trop tard, peut-être après des maux que vous devez épargner. <' Il faut que le système complet des lois nouvelles fasse enfin cesser l’impunité, résultat nécessaire de l’intervalle entre des lois qui ne sont encore abrogées que par l’opinion, et des lois qui n’existent pas encore. Hâtez, Messieurs la puolication du Code pénal, afin de contenir ces hommes audacieux qui, par des provocations publiques, excitent à la violence, soit contre les personnes, soit contre les propriétés, et qui prêchent avec un enthousiasme factieux la désohéis-smee aux lois et la révolte contre les autorités constitutionnelles; ne croyez pas, Messieurs, que nous venions nous plaindre ici de la liberté illimitée dans les discours et dans les écrits : cette liberté est un feu sacré qui doit être conservé religieusement ; sa flamme salutaire doit épurer toutes les idées, toutes les opinions, tous les sèu-timents; mais l’homme qui, abusant de cette liberté, conseille le crime à ses concitoyens, celui-là doit être puni, et ce grand délit si multiplié est une des causes les plus puissantes de nos maux. « 11 est une autre loi dont le besoin est urgerft, celle sur le droit de pétition, droit qu’il ne faut pas confondre avec l’exercice des pouvoirs résultants des différentes représentations politiques. Vous penserez aussi peut-être, Messieurs, que les actes émanés des autorités constitutionnelles, devraient avoir dans le mode de leur publication un caractère qui les distinguât de ceux étrangers à l’ordre public. Ne faudrait-il pas que les citoyens pussent les reconnaître par la manière dont ils leurs sont présentés, et que les actes produits par des individus ou par des sociétés particulières, ne eussent plus se montrer sous la forme et avec l’appareil de la loi. « Voi là, Messieurs, les trois objets sur lesquels le directoire et la municipalité viennent vous demander des lois promptes et précises. Ils ne les ont point sollicitées pendant l’orage ; mais c’est dans les moments de calme qu’il faut prévenir le retour d’un orage nouveau. « La ville que les législateurs habitent doit donner l’exemple de la soumission et de l’obéissance. Les citoyens de Paris sont pénétrés de ce s mtiment, et si l’on avait pu le révoquer en doute, l’énergie avec laquelle la garde nationale, un moment égarée, vient de le manifester, fera connaître atout l’Empire que ceux qui, les premiers, ont acquitté le saint devoir de l’insurrection contre le despotisme, seront aussi les plus fermes soutiens de la Constitution et de vos lois. » M. le Président. C’est quand les ennemis du bien public s’agitent en tous sens et sous toutes les couleurs pour égarer le peuple et lui faire oublier ses devoirs, que les corps administratifs doivent veiller et l’éclairer sur ses véritables intérêts. Vous avez rempli, Messieurs, glorieusement ce devoir et la pétition que vous venez de faire est encore une preuve de votre zèle et de votre surveillance. L’Assemblée nationale la prendra en très grande considération ; elle vous invite à assister à la séance. (L’Assemblée décrète le renvoi de la pétition du directoire et de la municipalité de Paris au comité de Constitution.) M. le Président annonce l’ordre du jour de la séance de demain et lève la séance à trois heures.