[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, f brumaire an H 627 1 J (9 novembre 1793 légué tout ce qu’elle avait à la réserve de quel¬ ques legs pour ses parents les plus pauvres; l’inventaire se monte à environ 8,000 francs. D’après la loi, je me trouve réduite à remettre, ainsi qu’eux, toute la succession à sept ou huit collatéraux n’ayant pas même de part à l’héri¬ tage, mes père et mère étant morts, et n’étant que petite-nièce, je me trouverais réduite, après avoir perdu douze années de ma jeunesse, a la plus affreuse misère. Pesez, dans votre sagesse, citoyens législateurs, combien d’autres malheu¬ reux qui, après bien des années de servitude n’ont la plupart d’autre ressource que quelques dons ou pensions qui leur ont été faits et à quel état ils vont être abandonnés. « Victoire Gressin. » Les représentants du peuple près l’armée du Rhin fout connaître dans une lettre le complot infâme tramé par les rois, les traîtres et les émi¬ grés, ainsi que les grands moyens qu’ils ont employés pour déjouer ces coupables projets; les mesures prises par ces représentants ont déjà été communiquées au comité de Salut public, Dans le dernier combat qui a duré six heures dans les bois de Rheistel, l’artillerie et les baïon¬ nettes républicaines ont fait perdre à l’ennemi au moins 400 hommes, que les Autrichiens n’ont pas eu le temps d’enlever ; « Nos bataillons se sont emparés du bois au pas de charge, et ont chassé l’ennemi jusqu’au village de Heftz, » Insertion au « Bulletin » (1). Suit le texte de la lettre de Mühaud et Guyardin , d'après le Bulletin de la Convention (2). A. J. -B. Mühaud et Guyardin, représentants du peuple près l'armée du Ithin, à la Convention nationale de France » « A Strasbourg, le 3e jour de la 2e dé cade du 2e mois de la 2è année de la République française, une et indivi¬ sible. « Citoyens collègues, « Après avoir pris toutes les mesures de salut public qu’exigent les circonstances difficiles où se trouve cette frontière importante, nous avons cru qu’il était de notre devoir de faire connaître à la Convention nationale et à la France entière, le complot infâme que les rois, (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 96. (2) Bulletin de la Convention du 9e jour de la 2e décade du 2e mois de l’an 11 de la République (samedi 9 novembre 1793); Archives nationales, car¬ ton C 278, dossier 736 ; Moniteur universel [n° 50 du 20 brumaire an II (dimanche 10 novembre 1793), p. 2Ô4, col. 2]; Journal des Débats et dés Décrets (bru¬ maire an ïî� na 417, p. 260). les émigrés et les traîtres qui fourmillent dans cette contrée avaient tramé pour porter un coup funeste à la liberté; et les grands moyens qui ont été employés par nous pour déjouer les cou¬ pables projets des traîtres et des tyrans. « Nous vous adressons, en conséquence, notre proclamation, nos arrêtés et la lettre infâme d’un émigré dont nous avions déjà fait part au comité de Salut public. « Vous apprendrez sans doute avec satisfac¬ tion que les exemples terribles de lia] sévérité qui â frappé la tête de plusieurs chefs et soldats dont la lâcheté et la trahison avaient contribué à la prise des lignes de Wissembourg (1), ont élec¬ trisé toute l’armée, et que déjà, dans plusieurs affaires partielles, les soldats reprennent leur Supériorité sur les esclaves. « Dans le dernier combat, qui a duré six heures, dans le bois de Rheistat, notre artillerie et nos baïonnettes ont fait perdre à l’ennemi au moins 400 hommes que les Autrichiens n’ont pas eu le temps d’enlever, et leurs eadavres restés sur la place ont pu être comptés par nos bataillons qui, commandés par le brave général Desaix se sont emparés du bois au pas de charge et ont chassé l’ennemi jusqu’au village de Hertz. Si notre cavalerie qui Se distingue dans toutes les actions est bientôt renforcée, nous vous assurons que les armées combinées qui sont en notre présence n’auront avancé que pour trouver leur tombeau dans le Rhin (2). « Salut et fraternité. « J. -B. Milhaub; Guyardin. « P. S. Le tribunal révolutionnaire que nous avons établi pour juger les accapareurs, les agioteurs, les marchands qui ne Veulent pas se conformer à la taxe des denrées, a déjà fait des exemples utiles. Plusieurs ont été condam¬ nés à des amendes de 50 à 100,000 livres, et à quelques années de fers; il faudra encore quel¬ ques jugements pour détruire la cupidité qui est pire dans cette ville que dans toute autre de la République; mais le tribunal n’épargne per¬ sonne, et cela ira. « Guyardin. » B. Quiconque n’est pas pour le peuple, est contre le peuple et mérite la mort. « Proclamation des citoyens J. -B. Milhaud et Guyardin, représentants du peuple près l’ar-(1) Nous avons cru devoir réunir en une annexe (voy. ci-après annexe n° 1, p. 662), un certain nombre de lettres adressées à lâ Convention par les commissaires à l’armée du Rhin, et qui n’ont pas été lues en séance. Toutes sont relatives aux mesures rendues nécessaires par la prise dés lignes de Wissembourg. (2) Applaudissements, d’après le Mercure univer¬ sel [20 brumaire an II (dimanche 10 novembre 1793), p. 153� coï. ï]. 628 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j novembre 1793* mée du Rhin (1), aux habitants, à la garnison de Strasbourg et à l'armée du Rhin. « A Strasbourg, le 1er jour de la 2e décade du 2e mois de l’an II de la République, une eb indivisible. « Républicains, « Le génie de la liberté veille au salut de la France : en vain l’ aristocratie, T égoïsme et l’or corrupteur des puissances populicides conspi¬ rent conre le succès des armes de la République. Le monstre hideux du fanatisme est couché sous les pieds de la sainte égalité, et les armées victorieuses qui achèvent d’anéantir la rébellion et la guerre civile, vont bientôt se réunir aux braves combattants des frontières, et leur aider à détrôner tous les rois coalisés contre l’indé¬ pendance de la plus grande nation de l’univers. « La réprésentation nationale qui se multi¬ plie, qui fait sentir sa puissance salutaire sur tous les points du territoire français se trouve partout pour déjouer les complots affreux des traîtres et des tyrans. « Les représentants du peuple qui ont déclaré cette ville en état de siège, et qui ont depuis quelque temps approfondi les causes funèbres des malheurs qui menacent cette frontière sont entièrement résolus à tout entreprendre pour sauver cette belle contrée des ennemis qu’elle renferme dans son sein et des esclaves étrangers qui la souillent par leur présence; leurs peines, leurs veilles et leur vie ne sont rien à leurs yeux, au prix glorieux de contri¬ buer à la conservation de la plus petite partie de la République. Aussi ne veulent -ils rien négliger dans la mission importante qui leur a été confiée par la Convention nationale, au-dêssus de tous les dangers qui les environnent; fiers d’être descendus de la Montagne pour élever à son niveau tous les départements con¬ fiés à leur surveillance, ils ont ordonné que pour entretenir dans l’abondance les défenseurs de la liberté, et pour détruire les armées com¬ binées des despotes, tous les grains et toutes les denrées, tous les chevaux et tous les bestiaux inutiles à l’agriculture d’une année dans tous les départements exposés à l’invasion de l’en¬ nemi, seraient, sur-le-champ, transportés dans les places fortes et dans l’intérieur : cet arrêté, de la plus haute importance, a été entravé dans son exécution par la cupidité et par la malveillance. « Ils ont ordonné que tous les riches égoïstes, fanatiques et aristocrates des villes et des cam¬ pagnes, seraient arrêtés et conduits dans les prisons de l’intérieur avec tous leurs papiers et numéraire, comme otages jusqu’à la paix. « Pour mettre à exécution toutes ces grandes mesures de salut public, toutes les autorités constituées de cette frontière ont été purgées de ce qu’elles avaient de feuillants et de roya¬ listes; les administrations des vivres et des habillements ont été provisoirement mises en état d’arrestation, mais de manière à pouvoir vaquer à leurs fonctions; les chefs de la force armée dont le républicanisme n’etait pas pro¬ noncé, ont été suspendus; enfin un comité de surveillance générale a été créé; une armée (1) Archives nationales , carton G 278, dossier 736. et un tribunal révolutionnaires ont été formés, afin que les traîtres et les partisans de l’ancien régime ne puissent échapper à la loi qui doit frapper à la fois leurs personnes et leurs biens. « Des commissaires civils, choisis dans les Sociétés populaires, ont été envoyés dans tous les départements environnants, pour hâter et compléter l’approvisionnement de bouche et de guerre des places fortes et de l’armée. Les fonds nécessaires et la force armée ont été mis à leur disposition. « O vous, habitants de Strasbourg, qui voulez la liberté; vous, qui sentez encore couler dans vos veines le sang de vos ancêtres répu¬ blicains, apprendriez -vous sans indignation que les persécuteurs de l’humanité, que les rois coalisés ont établi dans votre sein un foyer de contre-révolution et d’égoïsme, plus dan¬ gereux encore que l’aristocratie, et que jusque dans les guérites des sentinelles de la ville on a trouvé, sous les capotes, des couronnes, des fleurs de lis, des signes proscrits de la royauté? « Apprendriez-vous avec indifférence que l’existence d’un complot liberticide, tramé dans vos murs, est consignée dans une lettre, écrite par un émigré à ses correspondants à Stras¬ bourg, et trouvée aux avant-postes de l’ar¬ mée? « Non, sans doute; vous ne vous laisserez pas endormir dans une sérénité coupable, qui nous plongerait dans un abîme de malheurs; non, vous ne serez pas indifférents sur les trames odieuses que les malveillants ourdissent dans votre sein. « Les représentants du peuple comptent encore sur un grand nombre de bons citoyens, et pensent que la masse des habitants de Stras¬ bourg se lèvera contre l’intrigue et contre le crime des suppôts perfides du royalisme et du fédéralisme. Oui, la masse pure du peuple de cette ville sera digne d’être une partie importante du peuple français et se ralliera autour de la représentation nationale, pour chasser loin d’elle les complices des rebelles de l’infâme Toulon, et pour exterminer les satel¬ lites du despotisme qui osent encore se flatter de la corrompre plutôt que de la vaincre. « Pour nous, qui ne respirons que pour le bonheur de la patrie, et qui bravons les poi¬ gnards des traîtres, comme la colère des rois, nous déclarons et arrêtons ce qui suit : « Quiconque sera assez audacieux, assez ennemi du peuple pour favoriser, par ses dis¬ cours inciviques ou par ses actions, les ennemis intérieurs et extérieurs de la République, une et indivisible ; « Quiconque portera des signes extérieurs ou cachés de royauté ou de contre-révolution; « Quiconque refusera d’obéir ou de prêter main -forte aux réquisitions faites en vertu d’arrêtés des représentants du peuple, relatifs, soit à la sûreté des frontières, soit à l’appro¬ visionnement des places fortes de l’armée, « Sera saisi par la force publique ou l’armée révolutionnaire, traduit au tribunal extraor¬ dinaire et puni de mort dans les 24 heures, et ses biens confisqués au profit de la République. « Tout dénonciateur civique qui déclarera ou saisira un conspirateur, recevra une récompense proportionnée à ses services. « Défenseurs des frontières du Rhin, que tous les moyens énergiques de salut public employés par les représentants du peuple soient exécu¬ tés et soutenus de votre confiance et de votre [Convention nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { brumaire an H 629 1 1 19 novembre 1793 force; votre triomphe est assuré comme celui de la République. « Signé : J. -B. Milhaud et GIuyardin. « P.-S. Les représentants du peuple, après avoir arrêté que tous citoyens de tout sexe seraient munis de leurs cartes civiques pour rester à Strasbourg; après avoir fait, par le moyen de visites domiciliaires, la recherche de tontes les personnes suspectes; après avoir ordonné et fait exécuter l’arrestation de tous les riches égoïstes et contre-révolutionnaires qui pouvaient être en relation avec l’étranger; après s’être concertés avec les généraux pour que l’ennemi ne puisse plus profiter des corres¬ pondances secrètes; après avoir livré au glaive de la loi ceux des lâches ou des traîtres qui ont contribué à la prise des lignes de Wissembourg, ont cru qu’il était de leur devoir de faire con¬ naître au peuple la lettre suivante, qui dévoile les manœuvres honteuses des malveillants et des despotes, et qui prouve que les esclaves ne peuvent avoir de succès sur les hommes libres que par les trahisons. Copie de la lettre adressée à Monsieur, Mon¬ sieur le citoyen en e JD 17, 18, place d'armes à Strasbourg, et envoyée aux représentants du peuple par le général Michaud. « Tout est arrangé, mon ami, ils danseront, suivant leur expression, la Carmagnole ; Stras¬ bourg est à nous dans 3 jours au plus tard, j’espère vous y embrasser, tenez bon, n’épar¬ gnez ni or, ni argent, ni adresse, enfin em¬ ployez tout pour gagner du monde, l’opinion publique d’une grande partie doit être pour nous. « Depuis ma dernière, nous sommes arrivés à Brumpt sans résistance. Là, seul, ces petits crapeaux (sic ) bleus ont résisté, mais solidement ; faites -nous savoir qui les commandait, son ca¬ ractère, ses passions; nous sommes décidés à sacrifier cinquante mille francs pour le gagner, quand le diable y serait, ce n’est pas la redoute entre Stinfeld et Niederotexback, nous l’avons eue à meilleur compte. « Vous avez dû voir, hier, le marquis de la Villette et le comte de Sône. Ils ont trouvé singulièrement le moment d’entrer dans Stras¬ bourg (Dieu les y maintienne sains et saufs) ils vous aideront de tout leur possible. Comme j’ignore si vous les avez vus, je vais vous conter comment ils ont pu tromper la vigilance de vos crapeaux. « Nous savons, et vous savez de même, qu’il faut une permission signée de leur général pour entrer à Strasbourg; hé bien ! nous avons trouvé le moyen de vous faire passer au moins deux cents hommes petit à petit, sans qu’ils puissent s’en apercevoir. Vous savez qu’il y entre journellement des caissons en ville, nos deux amis habillés en nationaux ont feint d’être blessés, et ont demandé à y entrer en donnant la pièce aux conducteurs, ces derniers y ont consenti, et nos gens sont chez notre tré¬ sorier. En partant nous leur avons recommandé de ne point se montrer et d’être prudents. Retenez-les tant que vous pourrez; sans votre prudence, je vois notre projet échoué, vous êtes notre espérance; ces-maudits Jacobins veillent, tenez-les en haleine; faites-leur faire des bévues tant que vous pourrez, ils se fient à vous, moyen de plus pour les tromper. « Dans leur retraite, notre victoire a été complète; dans presque tous les camps nous avons trouvé un butin immense, je crois que leurs officiers voulaient plutôt faire la guerre aux femmes qu’à des hommes, nous avons trouvé des toilettes complètes. Tenez votre promesse. Suivant votre dernière, les scélérats, leurs commissaires n’avaient pas 24 heures à vivre, et la lumière les éclaire encore ! Leurs Sentinelles ne sont pas surveillantes, quand nos 200 hommes vous auront joint, faites jouer tous les ressorts. Hasardez un coup des plus écla¬ tants. « Voici le projet : « 2,000 hommes habillés en nationaux (nous en avons déjà 1,200) se présenteront à la porte de Strasbourg environ les 4 heures du soir, vous pouvez compter sur eux. C’est tout ce que nous avons de meilleur, c’est l’élite de la noblesse française. Leur costume seul les fera entrer. Ils ne s’empareront que des derniers postes. Je veux dire dans la dernière enceinte. S’ils éprouvaient quelques retards, n’oubliez pas un jour, un instant, de nous envoyer le mot d’ordre, c’est une grande ressource. « 200 d’entre eux se porteront chez les commissaires de la Convention et les égorgeront sans coup férir ainsi que tous leurs suppôts. Tous vos honnêtes gens n’auront pour cri de ralliement que le nom du roi et une cocarde blanche, seul signe qui sera respecté. Les mu¬ nicipaux, dont nous avons les noms, seront poi¬ gnardés; les autres, nos amis, seront respectés. Ils mettront leur écharpe blanche sur-le-champ. « Ne manquez pas, sitôt nos deux cents hommes entrés par le moyen des fourgons, d’enclouer, suivant votre projet, les pièces de canon. Il est très facile de l’effectuer en faisant vos patrouilles. Egorgez les sentinelles; si votre projet est déjoué et reconnu, n’y survivez pas; que nos gens périssent en mettant le feu aux magasins à poudre. « Une bonne partie de nos camarades sont dans la forêt d’Haguenau; ils y sont retran¬ chés, ils y tiendront bon. La taxe qui a lieu met notre projet plus à même d’être exécuté. Il y a, suivant les rapports, 2,000 mécontents de plus. « Nous sommes surpris, nous recevons leur mot d’ordre toujours trop tard; le plus tôt est à 3 heures; tâchez que nous puissions par ce moyen, le surprendre de meilleure heure. Le prince vous promet tout. Employez contre ces monstres tous les moyens, regardez -les comme des animaux plutôt que comme des hommes. « J’oubliais de vous demander des nouvelles de grand nombre de nos prêtres qui se sont rendus chez vous. Je crois que c’est le seul des moyens, et le meilleur qu’on pût employer, ils sont de Strasbourg et le connaissent parfaite¬ ment. Faites trotter ces bougres-là et sans relâche, ils ont la finesse du diable, ils vous seconderont infiniment. « Il nous paraît que nous sommes sûrs de votre ville. Décriez tant que vous pourrez les assignats; les 13 millions que vous avez sont destinés pour cela, donnez, ou plutôt prodiguez l’or, c’est une grande ressource. Notre bon ami Pitt vient de nous faire passer par la' Hollande