|50 [Assemblée natioflale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 avril 1790.] M. l’abbé Grégoire appuie cette opinion. M. Ea Poule. A qui cette indemnité sera-t-elle demandée? Est-ce à la nation? Elle a supprimé la dîme, parce que la dîme était un abus ; peut-on exiger d’elle une indemnité pour la suppression des abus? Est-ce au titulaire? Il vous dira : la résiliation n’est pas de mon fait. M. Garat l'aîné examine la question de droit, et conclut qu’il n’y a pas lieu à délibérer. L’Assemblée le décide ainsi. M. Tronchet. Je m’oppose à la dernière phrase du deuxième» paragraphe qui commence ainsi : si mieux n'aiment , etc., et qui finit par ces mots : les baux auront leur effet. Pour que vous soyez conséquents, il faut que cet article soit rédigé'de même qu’un article semblable, relatif aux droits féodaux. L’article 10 est décrété avec la suppression de la phrase ; il est ainsi conçu : « Les baux à ferme des dîmes, tant ecclésiastiques qu’inféodées, sans mélange d’autres biens ou droits, seront et demeureront résiliés à l’expiration de la présente année, sans autre indemnité que la restitution des pots-de-vin, celle des fermages légitimement payés d’avance, et la décharge de ceux non payés, le tout au prorata de la non-jouissance. Quant aux fermiers qui ont pris à bail des dîmes, conjointement avec d’autres biens ou droits, sans distinction de prix, ils pourront seulement demander réduction de leurs pots-de-vin, loyers et fermages, en proportion de la valeur des dîmes, dont ils cesseront de jouir, suivant l’estimation qui en sera faite par les assemblées administratives ou leurs directoires, sur les observations des municipalités. » L'article 11 (ancien art. 12) est lu ainsi qu’il suit. « Aussitôt après la publication du présent décret, les assemblées de district ou leur directoire feront faire, sans frais et sans droits de contrôle, un inventaire du mobilier, des titres et papiers dépendant de tous les bénéfices, corps, maisons et communautés de l’un et de l'autre sexe, compris au premier article, qui n’auront pas été inventoriés par les municipalités en vertu du décret du 20 mars dernier, sauf auxdites assemblées à commettre les municipalités pour les aider dans ce travail. » M. l’abbé Gouttes entre dans le détail de quelques dilapidations de plusieurs établissements religieux. M. Régnault d’Epercy. Je demande que les directoires soient autorisés à se faire remettre les inventaires qui ont été faits dans les bénéfices à la mort des titulaires. M. le comte de La Galissonnière. Il est inutile de faire faire des inventaires chez les religieuses : très peu d’entre elles sortiront de leur cloître. M. Treilhard. Il n’en est pas moins certain qu’elles ont le droit d’en sortir, et je sais que beaucoup en ont le désir. Si elles sortent, il est à craindre que le mobilier ne soit dilapidé. M. le comte de Ea Galissonnière. Il n’est pas vrai que beaucoup aient le désir de sortir de leur cloître. M. Treilhard. Qn me remet à l’instant une lettre des officiers de la municipalité de Vie ; presque toutes les religieuses du monastère de cette ville veulent sortir; la supérieure veut également quitter le cloître. Les officiers municipaux n’ont pas encore reçu le décret qui concerne le traitement des religieuses; ils ne savent quel parti prendre. Il y a au comité ecclésiastique beaucoup de lettres qui annoncent la même chose. Des personnes s’opposent à la sortie des religieuses, et notamment les supérieures, qui veulent continuer à jouir du despotisme qu’elles exerçaient : c’est une occasion que vous ne devez pas laisser échapper de faire connaître vos décrets dans les couvents de femmes; rien d’ailleurs ne peut vous dispenser d’y faire faire l’inventaire du mobilier. Les religieuses resteront si elles le veulent ; et dans le cas où elles sortiront, vous aurez assuré la conservation d’une partie précieuse de la propriété de la nation. M. de La Galissonnière. 11 faut distinguer le mobilier des titulaires de celui du bénéfice. M. Treilhard. On n’a jamais entendu les confondre. M. Bouche. Il serait peut-être à propos d’ajouter à l’article : « que les municipalités informeront des divertissements, dilapidations et ventes qui auraient été faits. » La question préalable sur l’amendement relatif aux religieuses est mise aux voix. A la première partie de l’épreuve, très peu de membres se lèvent. — MM. Du val d’Eprémesnil et l’abbé d’Eymar font signe aux membres de la partie droite, qui depuis quelques jours se dis-ensaient quelquefois de prendre part à la déli-ération, de se lever à la contre-partie ; ils se lèvent en effet. M. le Président. Il ne m’est pas possible d’indiquer la majorité, parce que beaucoup de membres ne se sont levés ni pour ni contre : je vais recommencer l’épreuve. L’épreuve est recommencée. — A la première partie, la très grande majorité se lève. — A la contre-partie, sur l’invitation de MM. d’Eprémesnil et l’abbé d’Eymard, les membres de la partie droite ne concourent point à la délibération. M. le président prononce qu’il n’y a pas lieu à délibérer. L’article est ensuite mis aux voix et adopté dans les termes suivants : « Art. i l. Aussitôt après la publication du présent décret, les assemblées de district, ou leurs directoires feront faire, sans aucun frais, même du contrôle, un inventaire du mobilier, des titres et papiers dépendant de tous les bénéfices, corps, maisons et communautés de l’un et de l’autre sexe, compris au premier article, qui n’auront pas été inventoriés par les municipalités, en vertu du décret du 20 mars dernier, sauf auxdites assemblées à commettre les municipalités pour les aider dans ce travail. « Et les uns et les autres se feront également remettre les inventaires faits dans chaque bénéfice ou maison, après la mort du dernier titulaire ou religieux. » M. le Président informe ensuite l’Assemblée que M. de Thébaudière, député de Saint-Domingue, vient de lui adresser sa démission, parce qu’il est obligé de retourner dans cette colonie, et [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [ÎO avril 1790.} 151 qu'il demande à être remplacé par M. le comte de Villeblanche, son suppléant, dont les pouvoirs ont été vérifiés. La démission de M. de Thébaudière est acceptée, et l’Assemblée renvoie à son comité de vérification l’examen des pouvoirs de M. le comte de Villeblanche. M. le Président, après avoir annoncé l’ordre du jour du lendemain, lève la séance à trois heures, et la continue à six du soir de ce jour. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE MARQUIS DE BONNAY. Séance du mardi 20 avril 1790, au soir (1). La séance est ouverte à 6 heures du soir. Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivantes : Adresse de félicitation, adhésion et dévouement des gardes nationales de la ville de l’Aigle ; elles supplient l’Assemblée de s’occuper de l’organisation des milices nationales. Adresse de la ville de Saint-Mihiel en Lorraine, contenant le procès-verbal du serment civique, prêté tant par la commune que par la garde nationale de cette ville. Adresse de la ville de Caen, contenant une proclamation faite par le conseil-général de la commune, pour assurer la perception des octrois et des impôts indirects. Adresses des nouvelles municipalités des communautés de Challerange, d’Artaize, de Stonne, de Saint-Hilaire-les-Andresy, d’Excideuil en Périgord, du Louzac, d’Azy en Berry, de Mailly-le-Château en Auxerrois ; de Figueville en Franche-Comté ; de La Veze, de Menotey, département du Jura; de Périgny-sur-Loire, de Mens, de Breyrs en Dauphiné; de la ville de Nangis en Briè ; de la commune et municipalité de Pordit ; De la communauté de Fontenilles en Poitou ; elle accuse la commission intermédiaire de Saint-Maixant, d’avoir augmenté ses impositions de sa propre autorité ; De la communauté de Charcé, près Angers; elle porte plainte contre les dames abbesse et religieuses de l’abbaye royale du Perray ; De la communauté de Sainte-Jalle, district du Buis, en Dauphiné; elle demande le rétablissement de deux foires et d’un marché, qui s’y tenaient anciennement; De la communauté de Saint-Martial-de-Vallette; elle fait le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés ; elle supplie l’Assemblée d’autoriser l’emprunt qu’elle a fait de 3,000 livres, pour subvenir aux dépenses inséparables de la formation de la municipalité, comme aussi de l’autoriser à former un autre emprunt de 3,000 livres, pour le soulagement des pauvres dont le nombre augmente ae jour en jour ; Des treize communautés, formant le canton de la ville de Monségur; elles s’engagent solennellement de faire rentrer, d’ici au premier septembre prochain, tous les impôts arriérés : (1) Cette séance est incomplète au Moniteur, De la ville de Sainl-Pol-de-Léon en Bretagne; elle sollicite, de concert avec les communautés voisines, l’établissement d’une cour royale et d’une amirauté ; De la communauté de Perteraigues en Provence ; elle supplie l’Assemblée de .statuer au plus tôt sur le remplacement de la dîme; De la communauté d’Aubiac ; elle fait le don patriotique du produit des impositions sur les ci-devant privilégiés; Enfin, de la ville de Roanne en Lyonnais ; elle annonce que sa contribution patriotique s’élève à prés de 100,000 livres. Toutes ces municipalités, après avoir prêté, de concert avec les habitants, le serment civique, présentent à l’Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement. Adresse de la municipalité de la ville de Sainte-Marie en Béarn ; elle adhère à tous les décrets de l’Assemblée, témoigne sa reconnaissance pour ceux concernant les nouvelles municipalités, et supplie l’Assemblée nationale : 1° De maintenir la ville de Sainte-Marie, siège de l’évêché d’Oléron, pour le siège du département ; 2° Lors de la formation des districts en Béarn, d’établir le chef-lieu d’un district à Oléron, et de prendre en considération que les districts en Béarn doivent être plus étendus que dans le reste du royaume. Adresse de la nouvelle municipalité de la ville de Lyon, qui exprime avec énergie les sentiments d’admiration, de reconnaissance et de dévouement dont les citoyens de cette grande ville sont pénétrés pour l’Assemblée nationale.» C’est par amour, dit-elle, de la liberté que nous avons chéri d’anciens privilèges, précieux tant qu’ils ont pu nous servir d’égide contre l’invasion de nos droits, inutiles aujourd’hui, et dont le souvenir ne servira plus qu’à rappeler l’époque où, nous honorant de leur entier abandon, nous sommes venus prononcer notre adhésion entière à la volonté suprême de la nation, promulguée par ses représentants, et prêter le serment solennel de maintenir de tout notre pouvoir la constitution qui assure la liberté de l’empire français, de vivre et de mourir fidèles à la loi et au monarque chargé de son exécution. » Adresses des habitants de la ville de Gannat et de la communauté de Jaignes; ils font à la nation le don patriotique du montant de l’imposition des ci-devant privilégiés, pour les six derniers mois de l’année 1789 ; ils désireraient que leurs facultés leur permissent d’en faire davantage pour venir au secours de l’Etat. Adresse des neuf communes de la paroisse, de la municipalité et delà garde nationale de Mouthe, département du Doubs en Franche-Comté. Tous les habitants de cette paroisse, officiers municipaux, officiers et soldats de la garde nationale, adhèrent aux décrets de l’Assemblée nationale, qui les a délivrés de l’état de servitude dans lequel le régime féodal les avait réduits ; ils sont prêts à sacrifier leur vie, et jurent de périr tous, si le cas l’exige, pour le maintien de leur liberté et celui de l’heureuse régénération du royaume. A peine ont-ils eu connaissance de l’impôt patriotique, qu’ils se sont empressés à l’envi d’y souscrire ; il n’en est pas un, même jusqu’au plus pauvre, qui n’ait fait sa souscription et son offrande : leurs soumissions réunies se portent à 14,000 livres. Adresse de la municipalité de Liancourt, près Clermont en Beauvoisis ; elle demande des biens