532 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Robespierre termine en protestant de nouveau qu’en publiant ces vérités, il n’a voulu que servir la patrie (l). Un membre [LECOINTRE (de Versailles)] demande l’impression du discours; un autre [BOURDON (de l’oise)] demande le renvoi au comité de sûreté générale et de salut public, pour l’examiner avant de le livrer à l’impression, attendu qu’il s’y est glissé des erreurs, et que la malveillance pourroit en tirer de mauvaises inductions. Robespierre et un autre membre [BARÈRE] s’opposent à ce renvoi (2). BOURDON (de l’Oise) : Je m’oppose à l’impression ; ce discours contient des matières assez graves pour être examinées; il peut y avoir des erreurs comme des vérités, et il est de la prudence de la Convention de le renvoyer à l’examen des deux comités de salut public et de sûreté générale avant d’en ordonner l’impression. BARERE : Et moi aussi j’estime avant tout la qualité d’homme et celle de citoyen français; je parle ici comme individu et non comme membre du comité; j’insiste pour l’impression du discours, parce que dans un pays libre il n’est aucune vérité qui doive être cachée; la lumière ne doit pas être sous le boisseau, et il n’est aucune assertion qui ne (l) Rép., n°219; C. Univ., n° 938 (dans l’analyse du discours présentée par cette gazette, on relève, entre autres « attaques » reprochées par Robespierre à « ses ennemis », des « projets de finances propres à augmenter le nombre de mécontens », « l’épouvante jetée dans l’âme des nobles et des prêtres », « un arrêté surpris au comité de salut public pour faire arrêter les membres de la commune du 10 août, sous prétexte de non-reddition de comptes », un « projet qu’on lui prête (à Robespierre) de vouloir immoler la Montagne, les députés détenus et de soutenir le Marais ». « Il s’est plaint, continue la gazette, d’un système continu de persécutions contre le plus pur civisme. Il s’est plaint aussi, mais en général, des comités de salut public et de sûreté générale, et surtout de ce que des professeurs de royalisme, des intrigans, des émigrés même, ont eu l’art d’entrer dans le dernier de ces comités et d’exercer des actes tyranniques ». Il a fini par dire, conclut la gazette, que si l’on ne remédioit aux maux présens, tout étoit perdu, et que si l’on repoussoit encore la lumière, il savoit mourir ». Autres gazettes à présenter une analyse assez détaillée et, semble-t-il, objective du discours : J. Perlet, n° 672; -J. Sablier, n° 1461 (dans cette dernière, l’analyse du discours occupe 70 lignes, la discussion 4 lignes et la décision est escamotée); Audit, nat., n° 671 ; J. Lois, n° 666 (9 lignes d’analyse vague, puis bons extraits du discours. Assez favorable. L’une des 2 gazettes à signaler des applaudissements pour Robespierre); Ann. patr., n° DL XXII (très opportuniste, compliments pour Robespierre, signale des applaudissements); Ann. R.F., n°238; J. Fr., n°670; J. Paris, n° 573; J. S. Culottes, nos 527 et 528; M.U., XLII, 137-138 ; Mess. Soir, n° 706 ; F.S.P., n° 387 ; C. Eg., n° 707. (les dernières gazettes citées se compromettent peu, se bornant à résumer la discussion au maximum ou ménageant l’avenir au point d’annoncer pour les jours suivants la parution intégrale du discours de Robespierre) ; J. Univ., n° 1706 (résumé très partiel, assorti de commentaires violemment anti-robespierristes). D’après plusieurs Gazettes, la lecture du discours de Robespierre a duré environ deux heures. Voir ce discours Contre les factions nouvelles et les députés corrompus dans Oeuvres de Maximilien Robespierre, tome X, p. 542 à 576, Paris, P.U.F., 1967. (2) P.V., XLII, 195. puisse être attaquée et examinée; c’est pour cela que vous êtes Convention nationale, et je ne doute pas que tous nos collègues n’insistent pour l’impression (l). Un autre membre [COUTHON], en appuyant la motion de l’impression, demande en outre qu’il soit envoyé à toutes les communes de la République et aux armées, afin de détruire le système de calomnie qui existe contre les anciens athlètes de la révolution (2). COUTHON : J’ajoute à la proposition de l’impression un amendement qui a l’air très-faible, et que je regarde comme très-sérieux; il faut que la France entière, que la plus petite commune, sache qu’il est ici des hommes qui ont le courage de dire la vérité tout entière; il faut que l’on sache que la grande majorité de la Convention sait l’entendre et la prendre en considération. Je demande non-seulement que ce discours soit imprimé, mais aussi qu’il soit envoyé à toutes les communes de la république; et quand on a osé demander qu’il fût renvoyé à l’examen des deux comités, c’était faire un outrage à la Convention nationale : car elle sait sentir, elle sait juger. Je suis bien aise de trouver cette occasion d’épancher mon âme. Depuis quelque temps, au système de calomnie contre les représentants les plus fidèles à la cause du peuple, les plus vieux serviteurs de la révolution, on joint cette manœuvre abominable de faire circuler que quelques membres du comité de salut public cherchent à l’entraver; je suis un de ceux qui ont parlé contre quelques hommes, parce que je les ai regardés comme immoraux et indignes de siéger dans cette enceinte. Je répéterai ici ce que j’ai dit ailleurs; et si je croyais avoir contribué à la perte d’un seul innocent, je m’immolerais moi-même de douleur (3). La Convention nationale, après avoir fermé la discussion, décrète que le discours de Robespierre sera imprimé, distribué aux membres de la Convention, envoyé à toutes les communes, et aux armées de la République. Un autre [VADIER] se plaint de ce que le discours de Robespierre attaque le rapport fait sur Catherine Théos et ses complices, et annonce que de nouveaux complices sont découverts, et qu’il ne tardera pas à faire un autre rapport à cet égard (4). VADIER : J’ai entendu avec douleur Robespierre dire que le rapport concernant une fille nommée Catherine Théos ne semblait se rattacher qu’à une farce ridicule de mysticité, que c’était une femme à mépriser. ROBESPIERRE : Je n’ai pas dit cela. CAMBON : Je demande la parole aussi... (il s’élance à la tribune.) Avant d’être déshonoré, je parlerai à la France... Le PRÉSIDENT : Vadier a la parole. VADIER : Je parlerai avec le calme qui convient à la vertu. Robespierre a dit que ce rapport, ayant donné lieu à un travestissement ridicule, a pu nuire à la chose publique. Ce rapport a été fait avec le ton (l) Mon., XXI, 329; Débats, n° 676. 2 P.V., XLII, 195. (3) Mon., XXI, 329; Débats, n°676. (4) P.V., XLII, 195. 532 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Robespierre termine en protestant de nouveau qu’en publiant ces vérités, il n’a voulu que servir la patrie (l). Un membre [LECOINTRE (de Versailles)] demande l’impression du discours; un autre [BOURDON (de l’oise)] demande le renvoi au comité de sûreté générale et de salut public, pour l’examiner avant de le livrer à l’impression, attendu qu’il s’y est glissé des erreurs, et que la malveillance pourroit en tirer de mauvaises inductions. Robespierre et un autre membre [BARÈRE] s’opposent à ce renvoi (2). BOURDON (de l’Oise) : Je m’oppose à l’impression ; ce discours contient des matières assez graves pour être examinées; il peut y avoir des erreurs comme des vérités, et il est de la prudence de la Convention de le renvoyer à l’examen des deux comités de salut public et de sûreté générale avant d’en ordonner l’impression. BARERE : Et moi aussi j’estime avant tout la qualité d’homme et celle de citoyen français; je parle ici comme individu et non comme membre du comité; j’insiste pour l’impression du discours, parce que dans un pays libre il n’est aucune vérité qui doive être cachée; la lumière ne doit pas être sous le boisseau, et il n’est aucune assertion qui ne (l) Rép., n°219; C. Univ., n° 938 (dans l’analyse du discours présentée par cette gazette, on relève, entre autres « attaques » reprochées par Robespierre à « ses ennemis », des « projets de finances propres à augmenter le nombre de mécontens », « l’épouvante jetée dans l’âme des nobles et des prêtres », « un arrêté surpris au comité de salut public pour faire arrêter les membres de la commune du 10 août, sous prétexte de non-reddition de comptes », un « projet qu’on lui prête (à Robespierre) de vouloir immoler la Montagne, les députés détenus et de soutenir le Marais ». « Il s’est plaint, continue la gazette, d’un système continu de persécutions contre le plus pur civisme. Il s’est plaint aussi, mais en général, des comités de salut public et de sûreté générale, et surtout de ce que des professeurs de royalisme, des intrigans, des émigrés même, ont eu l’art d’entrer dans le dernier de ces comités et d’exercer des actes tyranniques ». Il a fini par dire, conclut la gazette, que si l’on ne remédioit aux maux présens, tout étoit perdu, et que si l’on repoussoit encore la lumière, il savoit mourir ». Autres gazettes à présenter une analyse assez détaillée et, semble-t-il, objective du discours : J. Perlet, n° 672; -J. Sablier, n° 1461 (dans cette dernière, l’analyse du discours occupe 70 lignes, la discussion 4 lignes et la décision est escamotée); Audit, nat., n° 671 ; J. Lois, n° 666 (9 lignes d’analyse vague, puis bons extraits du discours. Assez favorable. L’une des 2 gazettes à signaler des applaudissements pour Robespierre); Ann. patr., n° DL XXII (très opportuniste, compliments pour Robespierre, signale des applaudissements); Ann. R.F., n°238; J. Fr., n°670; J. Paris, n° 573; J. S. Culottes, nos 527 et 528; M.U., XLII, 137-138 ; Mess. Soir, n° 706 ; F.S.P., n° 387 ; C. Eg., n° 707. (les dernières gazettes citées se compromettent peu, se bornant à résumer la discussion au maximum ou ménageant l’avenir au point d’annoncer pour les jours suivants la parution intégrale du discours de Robespierre) ; J. Univ., n° 1706 (résumé très partiel, assorti de commentaires violemment anti-robespierristes). D’après plusieurs Gazettes, la lecture du discours de Robespierre a duré environ deux heures. Voir ce discours Contre les factions nouvelles et les députés corrompus dans Oeuvres de Maximilien Robespierre, tome X, p. 542 à 576, Paris, P.U.F., 1967. (2) P.V., XLII, 195. puisse être attaquée et examinée; c’est pour cela que vous êtes Convention nationale, et je ne doute pas que tous nos collègues n’insistent pour l’impression (l). Un autre membre [COUTHON], en appuyant la motion de l’impression, demande en outre qu’il soit envoyé à toutes les communes de la République et aux armées, afin de détruire le système de calomnie qui existe contre les anciens athlètes de la révolution (2). COUTHON : J’ajoute à la proposition de l’impression un amendement qui a l’air très-faible, et que je regarde comme très-sérieux; il faut que la France entière, que la plus petite commune, sache qu’il est ici des hommes qui ont le courage de dire la vérité tout entière; il faut que l’on sache que la grande majorité de la Convention sait l’entendre et la prendre en considération. Je demande non-seulement que ce discours soit imprimé, mais aussi qu’il soit envoyé à toutes les communes de la république; et quand on a osé demander qu’il fût renvoyé à l’examen des deux comités, c’était faire un outrage à la Convention nationale : car elle sait sentir, elle sait juger. Je suis bien aise de trouver cette occasion d’épancher mon âme. Depuis quelque temps, au système de calomnie contre les représentants les plus fidèles à la cause du peuple, les plus vieux serviteurs de la révolution, on joint cette manœuvre abominable de faire circuler que quelques membres du comité de salut public cherchent à l’entraver; je suis un de ceux qui ont parlé contre quelques hommes, parce que je les ai regardés comme immoraux et indignes de siéger dans cette enceinte. Je répéterai ici ce que j’ai dit ailleurs; et si je croyais avoir contribué à la perte d’un seul innocent, je m’immolerais moi-même de douleur (3). La Convention nationale, après avoir fermé la discussion, décrète que le discours de Robespierre sera imprimé, distribué aux membres de la Convention, envoyé à toutes les communes, et aux armées de la République. Un autre [VADIER] se plaint de ce que le discours de Robespierre attaque le rapport fait sur Catherine Théos et ses complices, et annonce que de nouveaux complices sont découverts, et qu’il ne tardera pas à faire un autre rapport à cet égard (4). VADIER : J’ai entendu avec douleur Robespierre dire que le rapport concernant une fille nommée Catherine Théos ne semblait se rattacher qu’à une farce ridicule de mysticité, que c’était une femme à mépriser. ROBESPIERRE : Je n’ai pas dit cela. CAMBON : Je demande la parole aussi... (il s’élance à la tribune.) Avant d’être déshonoré, je parlerai à la France... Le PRÉSIDENT : Vadier a la parole. VADIER : Je parlerai avec le calme qui convient à la vertu. Robespierre a dit que ce rapport, ayant donné lieu à un travestissement ridicule, a pu nuire à la chose publique. Ce rapport a été fait avec le ton (l) Mon., XXI, 329; Débats, n° 676. 2 P.V., XLII, 195. (3) Mon., XXI, 329; Débats, n°676. (4) P.V., XLII, 195.