[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [8 août 1791.] 269 et imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la loi. <• 12° La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique: cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. « 13° Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. « 14° Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. « 15° La société a ledroitde demander compte à tout agent public de son administration. 16° Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. 17° La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ». (Cette déclaration est adoptée.) M. Thouret, rapporteur. Je propose à la délibération de l’Assemblée le préambule du titre Ier qui est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, voulant établir la Constitution française sur les principes qu’elle vient de reconnaître et de déclarer, abolit irrévocablement les institutions qui blessaient la liberté et l’égalité des droits. « Il n’y a plus ni noblesse, ni pairie, ni distinctions héréditaires, ni distinction d’ordres, ni régime féodal, ni justices patrimoniales, ni aucuns destitres, dénominations et prérogatives qui en dérivaient, ni aucun des ordres de chevalerie, corporations ou décorations, pour lesquels on exigeait des preuves de noblesse, ni aucune autre supériorité que celle des fonctionnaires publics dans l’exercice de leurs fonctions. « Il n’y a plus ni vénalité, ni hérédité d’aucun office public. « 11 n’y a plus, pour aucune partie de la nation ni pour aucun individu, aucun privilège ni exception au droit commun de tous les français. « Il n’y a plus ni jurandes, ni corporations de professions, arts et métiers. « La loi ne reconnaît plus de vœux religieux, ni aucun autre engagement qui serait contraire aux droits naturels ou à la Constitution. » M. d’Aremberg de La illarck. Je demande la parole. ( Murmures à gauche.) Tant que l’Assemblée n’aura pas statué sur le premier article de l’acte constitutionnel qui porte « que tous les citoyens sont admissibles aux places et emplois sans autre distinction que celles des vertus et des talents, » mon engagement solennel d’honneur envers ceux qui m’ont envoyé pour soutenir la noblesse, subsiste toujours. Dans la position des choses, je pense que je ne puis rien faire de mieux que de m’en remettre aux lumières de l’Assemblée et à la plus mûre réflexion de tous ses membres : ils examineront, dans leur sagesse, quelle influence peut avoir ce décret pour assurer au peuple français un bonheur et une paix durables. Ce sera toujours pour atteindre ce but que nos commettants et moi ne cesserons de former les vœux les plus sincères. M. de Lusignan. Je fais la même déclaration que M. d’Aremberg. M. de Croix. Quant à moi, si je n’avais pas été absent de l’Assemblée le 19 juin 1790, je me serais opposé de toutes mes forces à l’anéantissement de la noblesse héréditaire : l’honneur et la délicatesse m’auraient obligé (Murmures à qau-che) ..... Si vous ne voulez pas m’entendre, je déclare que je ne prends nulle part à la délibération. (Rires à gauche.) A gauche : On s’en passera. M. Crussol d’Amboise. Je déclare ne point prendre part à la délibération pour remplir mes devoirs envers mes commettants, et être conséquent avec les principes que j’ai toujours [eus sur la noblesse. M. Camus. J’ai deux observations à présenter sur le préambule du titre premier qui est actuellement en discussion. La première porte sur le second paragraphe de ce préambule. Je crois que l’on n’a pas rapporté les propres termes du décret que vous avez prononcé ces jours derniers relativement aux ordres. Vous n’avez pas seulement supprimé les ordres de chevalerie où l’on exigeait des preuves de noblesse, vous avez supprimé les ordres de chevalerie et ensuite vous avez supprimé les décorations qui exigeaient des preuves de noblesse. Aussi je demande que l’article soit rédigé en ces termes : « Ni aucun ordre de chevalerie, ni aucune des corporations ou décorations pour lesquelles on exigeait des preuves de noblesse ..... » La seconde observation porte sur le dernier paragraphe du préambule. Ce paragraphe porte : <: La loi ne reconnaît plus de vœux religieux , ni aucun autre engagement qui seront contraires au droit naturel ou à la Constitution ». Je demande que vous rétablissiez les termes de votre décret au 13 lévrier 1790 qui porte que la loi ne reconnaît plus de vœux monastiques solennels. M. Thouret, rapporteur. J’adopte la première observation de M. Camus. ( Assentiment .) En ce qui concerne la seconde, voici ma réponse : Les comités ont adopté la rédaction qu’ils vous présentent parce qu’elle éiait nécessaire pour consacrer le principe tel qu’il est, tel qu’il doit être reconnu et professé par les pouvoirs constituants, et même par un Corps législatif. En faisant un gouvernement et en faisant des lois pour des citoyens membres d’un Etat politique , les citoyens ne peuvent être considérés que sous leur rapport d’homme à homme, de citoyen à citoyen, nullement sous les rapports de l’homme à Dieu, sous les rapports de simples engagements de conscience. Ces objets ne sont point du domaine de la loi civile ni de la Constitution des gouvernements politiques. Ainsi les comités ont énoncé une vérité éternelle, uue vérité qui doit être universelle, c’est que jamais la puissance civile ni l’autorité gouvernante ne peuvent se mêler des engagements 270 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 18 août 1791-] religieux, que par conséquent la loi ne peut pas connaître les engagements religieux. (Bravo! bravo!). Gela n’interdit ni ne prescrit les vœux religieux qui en assurent l’exécution; cela est étranger à la loi civile, cela est étranger à la Constitution politique d’un gouvernement. Plusieurs membres ; Aux voix ! aux voix ! M. Camus. Je suis d’accord avec M. le rapporteur sur les principes qu’il vient d’émettre, mais je crois que la manière dont ils sont exprimés dans le projet des comités n’est pas vraie. Je conviens avec lui que la loi civile n’a pas à se mêler des engagements religieux, des rapports de l’homme avec Dieu ; mais je crois que c’est aller trop loin que de dire que la loi ne reconnaît plus de vœux religieux. Par cette expression, j’aurais. en effet le droit de conclure que tout vœu religieux quelconque est proscrit. (. Murmures à gauche.) Je me restreins à demander l’adoption de la disposition suivante : « La loi ne s’entremet en aucune manière de l’exécution des vœux religieux. » Voix diverses : La question préalable ! — Aux voix l’article ! (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur le second amendement de de M. Camus.) M. Rœderer. Je propose une addition au 2e paragraphe qui concerne les ordres de chevalerie et les corporations ou décorations pour lesquelles on exigeait des titres de noblesse. Il ne me semble pas inutile d’insérer, dans ce paragraphe, les termes mêmes du décret que vous avez rendu il y a 8 jours, el qui supprime tout ordre, toute corporation, toute décoration, tout signe extérieur qui supposaient des distinctions de naissance. La noble.-se est, dans l’esprit de bien des gens, une maladie incurable... M. Chastenay de Lenty. M. Rœderer ne l’a peut être pas dans le cœur... M. Rœderer. Tant que cette maladie est attaquée par la loi sous une certaine forme, elle trouve les moyens de reparaître sous une autre. Il serait possible, par exemple, qu’à la longue on instituât un ordre en France sans faire revivre cette noblesse alors peut-être oubliée par bien du monde ; des ordres semblables à ceux qui existent en Espagne, tel que celui de la Toison-d’Or, pour lequel on n’exige point de preuve de noblesse, parce que, dit-on, cet ordre est au-dessus de toute noblesse; et il pourrait même s’introduire une autre sorte de noblesse telle qu’elle existait dans plusieurs parlements du royaume, qui ne consentaient à ouvrir les cours qu’aux gens possédant la noblesse proprement dite, à ceux qui comptaient 4 à 5 générations de roture vivant noblement. Pour prévenir ces inconvénients, je crois donc qu’il faudrait ajouter dans ce paragraphe après les mots : « Pour lesquels on exigeait des preuves de noblesse. » ceux-ci : « ou qui supposaient des distinctions de naissance. » Je demande qu’on mette aux voix cet amendement. M. Thouret, rapporteur. J’adopte l’amendement qui est un développement nécessaire de l’intention du décret. M. Chastenay de Centy. Je croirais manquer à l’honneur et à la fidélité que j’ai juré à mes commettants, si je ne me joignais pas à la déclaration faite par M. de Croix. Je n’ai pas non plus assisté au décret du 19 juin il%. (Murmures prolongés à gauche)... M. Toys. L’observation que j’ai à présenter porte sur le dernier paragraphe du préambule actuellement en discussion : il y est dit que la loi ne reconnaît plus aucun engagement qui serait contraire aux droits naturels ou à la Constitution. Il y a dans le monde des engagements qui jusqu’ici ont été sacrés, sous l’empire desquels la société subsiste et qui peuvent paraître contraires à ce qu’on appelle les droits naturels. (Murmures prolongés.) M. Rarnave. Je demande la parole. Plusieurs membres : Aux voix 1 aux voix 1 M. Thouret, rapporteur. Voici, avec les amendements de MM. Camus et Rœderer, sur le 2a paragraphe, la rédaction définitive du préambule : L’Assemblée nationale, vou ant établir la Cons-tution française sur les principes qu’elle vient de reconnaître et de déclarer, abolit irrévocablement les institutions qui blessaient la liberté et l’égalité des droits. « Il n’y a plus ni noblesse, ni pairie, ni distinctions héréditaires, ni distinctions d’ordres, ni régime féodal, ni justices patrimoniales, ni aucun des titres, dénominations et prérogatives qui en dérivaient, ni aucun ordre de chevalerie, ni aucune des corporations ou décorations pour lesquelles on exigeait des preuves de noblesse, ou qui supposaient des distinctions de naissance, ni aucune autre supériorité, que celle des fonctionnaires publics dans l’exercice de leurs fonctions. « Il n’y a plus ni vénalité ni hérédité d’aucun office public. « 11 n’y a plus, pour aucune partie de la nation, ni pour aucun individu, aucun privilège ni exception au droit cornmuD de tous les Français. « Il n’y a plus ni jurandes, ni corporations de professions, arts et métiers. « La loi ne reconnaît plus de vœux religieux, ni aucun autre engagement qui serait contraire aux droits naturels ou à la Constitution. » (Ce préambule est mis aux voix et adopté.) M. Rarnave. J’avais demandé la parole avant que le préambule fût mis aux voix, pour un article additionnel qui est une disposition décrétée par l’Assemblée nationale, et que je crois véritablement constitutionnelle. Parmi les inégalités de partage dans les successions, il en est de deux espèces; celles qui résultent de la loi sur lesquelles l’Assemblée nationale a prononcé et qu’elle a proscrites, et celles qui résultent de la faculté de tester, sur lesquelles elle n’a pas encore prononcé. Je prétends que ces inégalités sont de nature différente. Les inégalités résultant de la loi, sont véritablement politiques ; elles tiennent à la Constitution puisqu’elles sont pour les citoyens une source d’inégalité de fortune qui découle de la loi elle-mêm�. Cette nature de successions tient par conséquent aux principes et aux maximes constitutionnels. Les inégalités, au contraire, n’étant que la reconnaissance des droits plus ou moins étendue que peut recevoir te droit de tester, sont plus essentiellement législatives; ainsi elles ne me paraissent