64 (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 janvier 1791. j pièces de 12 deniers, un tiers en pièces de six, et l’autre tiers en pièces de 3 deniers. « Art. 12. Elle sera faite avec de nouveaux coins, dont le modèle sera incessamment décrété par T Assemblée nationale; toute fabrication de monnaie de cuivre avec les anciens cessera dans toutes les monnaies du royaume, aussitôt que les nouveaux pourront être employés. Les anciens seront brisés en présence de ta municipalité qui en dressera procès verbal quelle adressera sans délai au ministre des finances. « Art. 13. Pouraccélérer l’exécution du présent décret, les cloches des églises supprimées seront incessamment vendues à l’enchère, à la charge, par les adjudicataires, de payer partie du prix de l’adjudication en cuivre pur, jusqu’à concurrence du besoin des monnaies. Art. 14. Les comités des finances et d’aliénation proposeront incessamment à l’Assemblée nationale les charges et les clauses qu’ils jugeront convenables d’employer dans l’adjudication. » M. Rewbell. Il est impossible de discuter un projet sur une simple lecture ; je demande l’impression de ce projet de décret et l’ajournement de la discussion. M. Démeunier. Messieurs, vous ne pouvez pas décréter le projet qui vient de vous être lu. Vous ne faites pas attention qu’on vous propose de la petite monnaie au titre des écus. Uneémis-siou aussi considérable dans Paris serait fondue tout aussitôt. Il y en a une raison bien simple, c’est que, par un effet de votre position et de votre commerce, vous êtes obligés de payer des matières d'argent jusqu’à 55 ou 56 livres le marc. Un fondeur n’aurait qu’à prendre votre nouvelle monnaie, la mettre au creuset, porter le lingot à la monnaie et il y gagnerait une somme que je n’ai point calculée, mais qui doit être considérable. Je vous demande la permission de vous lire quatre articles qui me semblent convenir à votre position ; j’indique la somme de 15 millions. Voici ce projet de décret : « Art. 1er. Il sera fabriqué pour 15 millions de petite monnaie, laquelle contiendra huit parties d’argent et quatre de cuivre. Ou augmentera lu somme de la fabrication, si cette augmentation est jugée nécessaire. « Art 2. Les pièces delà nouvelle monnaie seront de 20,15,10 et 5 sous; leur empreinte, leur forme et leur valeur intrinsèque, seront déterminées incessamment par un décret particulier. « Art. 3. Les pièces de billon demeureront dans la circulation jusqu’à l’époque où la fabrication de la nouvelle monnaie permettra de décrier une partie de la monnaie de billon. « Art. 4. Il sera fabriqué pour un million de monnaie de cuivre pur et si les administrations de département trouvent celte somme insuffisante; il sera rendu compte de leurs pétitions à l’Assemblée nationale, qui statuera ce qu’il appartiendra ». J’appuie donc la demande d’ajournement faite par M. Rewbel et je demande que l’Assemblée veuille bien ordonner l’impression de mon projet de décret, en même temps que de celui du comité des monnaies. M. Charles de Lameth. Si le travail des comités aide les délibérations, il arrive aussi souvent que nos délibérations aident les travaux des comités. Je demande que l’Assemblée décide d’abord si ou non elle s’occupera de la révision du système monétaire, ensuite si elle changera la valeur des pièces reçues, si elle substituera les pièces de vingt sous à celles de douze, et enfin si elle veut des pièces d'argent pur ou d’alliage. Le vœu de i’Assemblée étant manifesté sur ces objets, il n’y aura rien de si simple à ordonner que la fabrication. Quant à l’opinion de M. Démeuuier, elle, mérite la plus grande attention. S’il y a du bénéfice à refondre les pièces, il est inutile d’en faire. Il faut qu’une pièce de monnaie ne soit autre chose qu’un facile moyen de commerce; il faut qu’il ne puisse pas y avoir de profit pour celui qui voudrait fondre les pièces de monnaie. Il ne doit pas y avoir ici de bénéfices pour l’Etat. Des brigands ou des ministres déprédateurs peuvent seuls forcer à prendre des pièces à une valeur qu’elles n’ont pas. C’est une chose de la plus haute importance que la petite monnaie; le peuple en a le plus grand besoin; et lorsque les ennemis de la chose publique s’occupent à le harceler par toutes sortes de manœuvres, il faut bien que l’Assemblée nationale cherche les moyens de le consoler. M. de Crillon. L’objection qu’a faite M. Dé-meunier ne me paraît pas devoir vous arrêter; car s’il y a un profit, aussi certain qu’il l’annonce, à foudre la monnaie qu’on vous propose acluelle-iernent, il est évident qu’on peut aujourd’hui fondre vos écus M. Démeimlet*. C’est ce qui se fait. M. de CriElon. Je voudrais que M. Démeunier me laissât parler; car c’est, un avantage que je ne lui dispute pas. Je ne crois point que b s écus soient fondus avec l’activité qu’on vous annonce; il paraît au contraire que l’argent devient moins cher. L’argent avait disparu par méfiance; mais la confiance qu’obtiennent les assignats le font sortir tous les jours avec plus d’abondance. I! est certain que l’argent est moins rare; c’est uu fait dont tout le inonde est témoin. Je sais, d’après ces differentes raisons, que les vues proposées par vos comités, qui nous ont annoncé, ce me seml.de, avoir consulté le gouvernement et s’être accordés avec lui, ont un grand avantage. Ain>i je conclus à ce qu’on aille aux voix sur le projet des comités. (L’Assemblée, consultée, ordonne l’impression des projets de décret et ajourne la discussion à dimanche prochain.) M. le Président fait lecture à l’Assemblée d’une lettre de M. Montmain, membre de la ci-devant assemblée générale de Saint-Domingue, par laquelle il demande, nonobstant le décret du 12 octobre dernier, d’aller à Tonnerre, ensuite en Picardie et en Normandie, d’où il se rendra dans la capitale, aux ordres de l’Assemblée et du roi. (L’Assemblée lui accorde sa demande.) M. Charles de Lameth. Messieurs, il y a un député à l’Assemblée nationale, de la députation de la ci-devant province d’Artois, qui, m’a-t-on dit, est parti sans congé pour se rendre dans son pays. Je demande que l’Assemblée se fasse rendre compte si M. Boudard, curé de laGouture, a effectivement demandé un congé; s’il n’en a pas obtenu, comme c’est un des curés qui n’ont pas prêté leur serment et qui ne se sont pas conformés au décret, (7 janvier 1791.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 65 le demande qu’il lui soit ordonné de revenir dans l’Assemblée, de donner ou d’envoyer sa démission et d’envoyer son suppléant, parce qu’il ne peut plus s’absenter sans avoir rempli les formes qu’elle a prescrites. ( Applaudissements .) Je me crois autorisé à manifester ces sentiments, parce qu’un membre de l’Assemblée nationale, curé, qui s’est refusé à un décret, qui part sans en avoir donné connaissance à l’Assemblée, peut être soupçonné, avec que que raison, de porter de mauvaises intentions dans les provinces. (Applaudissements à gauche.) On vient de me dire dans le moment qu’un autre (M. Delaplace) curé du bailliage de Péronne était parti également. Il est clair q m l’on prépare des moyens de résistance (Grands applaudissements ); il est clair que l’on se prépare parioul à une té-sistance aux décrets de l’Assemblée nationale, gué l’on veut égarer le peuple, que, par des écrits incendiaires, on veut déplacer le point de la question. Il est donc nécessaire que l'Assemblée s’oppose aux impressions momentanées que pourraient faire, en invoquant leur sacré caractère, des évêques infractaires aux lois. Or, le premier et le plus sûr moyen c’y parvenir est ne les rappeler à l’Assemblée; s’ils n’y viennent pas, d’y appeler les suppléants qui doivent les remplacer. Je crois qu’il est impossible que l’Assemblée nationale se refuse à cette mesure, qui est absolument conforme à la marche qu’elle a tenue jusqu’à présent pour toutes les permissions qu’elle a données. Il faut donc d’abord qu il soit vérifié si i\l. Boudard, curé de la Couture, et M. Delaplace, curé du bailliage de Péronne, sont partis sans congé : première proposition. La seconde tend à faire décréter qu’en cas qu’ils soient partis sans congé, ils soient mandés et qu’il leur soit ordonné de revenir, si mieux ils n’aiment donner leur démission et envoyer leurs suppléants. Voilà quelle est ma motion. M. l’abbé Royer. Souvent j’ai entendu à cette tribune des ecclésiastiques, des évêques annoncer que, si leur conscience leur empêchait de prêter le serment décrété par l’Assemblée nationale, accepté et sanctionné par le roi, ils étaient bien éloignés de faire un crime à ceux qui avaient cru pouvoir ie prêter en sûreté de conscience. Cependant j’ai l’honneur de vous dénoncer ici formellement que sur des assertions positives dans le temple auguste de la nation, temple qui ne doit retentir que de la vérité, où on ne doit se permettre aucune restriction mentale, ayant pris pour règle de ma conduite des aveux aussi formels, intimement convaincu d’ailleurs par les principes de la religion, que je pouvais prêter le serment, je l’ai prêté, je l’ai annoncé, et lorsque je me présentai à un confesseur pour purifier de plus en plus ma conscience ..... (Murmures à droite; applaudissements à gauche.) Avant de m’entendre dans le tribunal de la pénitence, le confesseur me demande si j’étais membre de l’Assemblée. — Oui, lui dis-je. (Murmures.) M. Bouche. Taisons-nous et écoutons. M. l’abbé Royer. Mon confesseur me de-mandesij’avais prêté leserment. — Oui, réponds-je. 11 me demande ensuite si je voulais le rétracter. -—Non, répliquai-je. — Eh bien ! me dit-il, je ne puis vous entendre. (Murmures et rires à gauche; applaudissements à droite.) 1" Série. T. XXII. Ni mon honneur, ai-je continué, ni ma conscience ne m’obligent à faire ce que vous me dites. Je puis rester en conséquence dans mes principes; cela ne vous regarde en aucune manière et je vous rends, ainsi que les évêques, responsable de tous les maux qui peuvent résulter de cette résolution. M. l’abbé Maury. J’ai demandé la parole pour faire quelques observations relatives à la motion de M. de Lameth ; elle intére-se mon collègue, et je me regarde comme sou défenseur naiurel. Je ï’exara nerai dans le fait et dans le droit. Quant au fait, M. l’abbé Delaplace, député de Péronne, comme moi, est dans l’usage d’aller chez lui pour les fêtes solennelles, parce qu’il ne peut avoir de desservant. C’est un homme honnê.e, doux, sensible ..... (Murmures.) M. Charles de Caineth. Oui, c’est un des plus grands ennemis de la chose publique. M. l’abbé llaury. Personne ne le soupçonnera d’avoir de mauvaises intentions. Une fois pour toutes, je ne crois pas qu’on puisse ici dénoncer les intentions. Si elles se manifestaient par la conduite, celle de mon confrère est digne des plus grands éloges. Quant au droit, il est certain que les députés ue sont responsables qu’à leurs commettaïus: l’Assemblée n’a aucune juridiction sur ses membres; elle ne peut donner des ordres, des veniat; cette cause entre les commettants et les députés intéresse la liberté plus qu’on ne pense. Les représentants de la nation ne seront pas les derniers esclaves. (Murmures.) M. Charles deCameth. Ils sont esclaves de leurs devoirs. M. l’abbé llaury. Vous ne connaissez un député comme député, que quand il est ici ; vous n’avez de juridiction sur lui que dans le sein de ceue Assemblée, encore cette juridiction n’est-elle que de police et purement correctionnelle. Hors d’ici nous cessons d’être vos justiciables, et si vous vouliez donner à un absent l’ordre de revenir, ce ne pourrait être que par un avis inséré dan3 le procès-verbal et non par une espèce de jugement. Je supplie M. de Lameth de ne pas abuser de la faveur populaire dont il jouit, pour dénoncer des intentions qui soot au-dessus du jugement des hommes. C’est à cause que mon collègue est absent qu’il est innocent ; c’est à cause qu’il est innocent et que personne n’a droit de jeter des nuages sur son patriotisme, que je demaude la question préalable sur la motion de M. de Lameth. M. de Mirabeau. Messieurs... M. de Folleville. Nous perdons notre temps. M. de Mirabeau, s’adressant à la droite ; Messieurs, ayez assez d’indulgence pour croire que je ne vous ferai pas plus perdre votre temps que M. l’abbé Maury. Je ne suis pas monté à cette tribune pour parler de l’affaire du député de Péronne ; cette affaire ne me paraît devoir faire une question que pour ceux qui rêvent encore, appellent encore, invoquent encore les bailliages, et oublient que nous n’avons d’autres commettants que la nation. (Murmures à droite; applaudissements à gauche.) Ils oublient que la volonté bien connue de la nation est d’être représentée; et que nous, ses organes, nous avous droit de veiller à ce que sa 5