SÉANCE DU 5 FRIMAIRE AN III (25 NOVEMBRE 1794) - N° 47 181 attaques, avec toute la valeur et la prudence d’un guerrier républicain expérimenté. La colonne du centre n’a été occupée qu’à des diversions: les généraux, commandants, officiers, soldats, tous se sont conduits avec valeur ; notre artillerie à cheval, commandée par le général Guillaume, et notre cavalerie, commandée par le général Dogua, qui étaient en réserve sur le centre, n’ont pas eu l’occasion de satisfaire à l’impatience qu’elles avaient de se mesurer à leur fantaisie avec l’ennemi. Le général Victor, chargé d’une fausse attaque sur Spouilles, par le col de Bagnols, l’a très bien dirigée ; enfin tous nos frères d’armes ont combattu de manière à mériter la reconnaissance publique. L’attaque fut vive et meurtrière, la défense fut opiniâtre ; nous ignorons le nombre des morts et des blessés ennemis, mais il doit être considérable, notamment vers notre droite. Nous avons a regretter la mort du général en chef Dugommier ; nous étions sur la Montagne Noire, où il était monté pour être mieux à même de voir et diriger les opérations ; les ennemis jetaient sur cette montagne une quantité considérable d’obus; un de ces obus tomba sur le tête du général, qui mourut sur-le-coup. Je le fais enterrer sur le fort de Sud-Libre ; je laisse à la Convention nationale le soin d’honorer sa mémoire et de secourir ses enfants. Ce n’est ici qu’un premier aperçu de l’expédition d’hier; nous vous ferons parvenir de plus grands détails aussitôt que nous les aurons recueillis. Salut et fraternité. Signé, Delbrel. RICHARD: Le comité [de Salut public] me charge aussi de vous annoncer les nouveaux triomphes de l’armée de la Moselle; elle s’est emparée d’un poste important, et a repoussé tout ce qui s’opposait à sa marche victorieuse. [Le général Moreau, commandant l’armée de la Moselle, aux représentants du peuple composant le comité de Salut public, à Saulveiller, le 2 frimaire, l’an 3 de la République française une et indivisible ] (136) Sitôt, citoyens représentants, que la forteresse de Reinsfeld fut au pouvoir de la République, je fis marcher la division sous les ordres du général Debrun sur Luxembourg, pour, avec les forces qui étaient déjà dans cette partie, en faire le blocus. Le 29 brumaire, le général Debrun arriva, avec les troupes qu’il commande, à la hauteur d’Yeuglester, et le 30, il poussa, avec son avant-garde, une reconnaissance du côté de la route de Luxembourg à Liège. Il a rencontré l’ennemi près de Blascheidt et Lorenteweiller, au nombre d’environ douze cents hommes d’infanterie et huit cents de cavalerie. Cette cavalerie a chargé la nôtre, qui n’était composée que de deux compa-(136) Moniteur, XXII, 606. Rép., n° 66 (suppl.), n° 67 ; Débats, n° 793, 931-932 ; Ann. Patr., n° 695 ; C. Eg., n° 830 ; F. de la Républ., n° 66; J. Fr., n° 791; M.U., n° 1353, 1354; J. Univ., n° 1825 ; Mess. Soir, n° 830 ; Ann. R.F., n° 65. gnies de dragons du 5e régiment, qui ont soutenu valeureusement ce choc, ont rechargé à leur tour, et ont culbuté l’ennemi, qui a eu douze hommes tués, une trentaine de blessés et six prisonniers, ainsi que seize chevaux pris. Les deux compagnies de dragons, capitaines Rovillais et Fortier, se sont conduites avec la plus grande bravoure, ainsi que les grenadiers du 38e régiment du 1er bataillon des Vosges ; et, en général, toute la troupe a montré le plus grand courage dans cette action, qui ne nous a coûté qu’un dragon et un grenadier blessés, avec quatre chevaux aussi blessés. L’adjoint Dobres s’est parfaitement comporté; il a eu son cheval blessé d’un coup de feu. Le capitaine Fortier a été blessé à la main et au pied. Le 1er frimaire, toutes les troupes se mirent en marche pour prendre position devant cette forteresse. La division du général Debrun balaya la forêt de Grûneswald, où l’ennemi était fort d’environ quatre mille hommes d’infanterie, deux cents hussards, de l’artillerie et des abattis considérables. Le feu fut vif de part et d’autre, mais l’ennemi a été forcé de céder, malgré tous ses avantages, à la valeur républicaine, et de nous abandonner trois pièces de canon, dont deux de 7, et quatre caissons; on croit même qu’il a été obligé de laisser d’autres objets dans la forêt de Strassen ; on en est à la recherche. L’action a duré depuis onze heures du matin jusqu’à la nuit; l’ardeur emporta tellement nos frères d’armes qu’ils ont été fusiller jusqu’aux palissades des ouvrages avancés. Les brigades sous les ordres des généraux Huet et Loduchelle ont poussé l’ennemi avec la plus grande valeur, et avec une telle précipitation qu’il n’a pu se rallier que sous le canon de la place, où il a fait résistance, mais avec beaucoup de perte ; elles leur ont pris vingt-quatre hommes d’infanterie, et tué un plus grand nombre. Partout la troupe s’est conduite avec la plus grande bravoure. Toute la garnison de Luxembourg était sortie, à l’exception d’un bataillon et deux compagnies d’un autre; partout elle a été repoussée avec beaucoup de perte. Nous occupons toutes les positions avantageuses autour de la place, et éloignées d’une demie à trois quarts de lieue. Salut et fraternité. Signé, Moreau. RICHARD: Le comité de Salut public me charge de vous proposer le décret suivant : «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Salut public, décrète : Que le nom du général Dugommier, commandant en chef de l’armée des Pyrénées-Orientales, tué à la bataille du 27 brumaire, sur la Montagne Noire, d’un coup d’obus, sera inscrit sur la colonne élevée au Panthéon à la mémoire des défenseurs de la patrie. La Convention charge son comité de Salut public de prendre des renseignements sur la famille de Dugommier, et de lui en rendre compte. »