374 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 avril 1791.] à savoir si Avignon et le Comtat Venaissin ont pu être vendus et séparés de l’Empire français. La seconde consiste à savoir si le vœu des habitants d’Avignon et du Comtat Venaissin, pour leur réunion à la France, est suffisante pour prononcer cette réunion et ici se présente une question secondaire : le vœu de la majorité des habitants est-il pour la réunion ? J’ai, pour ma part, donné mon opinion dans le comité diplomatique sur chacune de ces questions et je n’ai à me reprocher aucun retard; mais je crois indispensable que l’Assemblée, avant d’entamer la discussion, connaisse tous les détails de cette affaire. Aussi je conclus à ce que l’on envoie demander à M. de Menou son rapport et à ce qu'on en fasse faire la lecture par un membre de l’Assemblée. (L’Assemblée adopte la motion de M. Martineau, appuyée par M. d’André et charge son Président d’écrire de suite à M. de Menou.) M. d’André, au nom du comité diplomatique. Messieurs, votre comité diplomatique m’a chargé de vous rendre compte de l’affaire concernant le sieur Châlons, ci-devant aide-major à Belfort, qui s’était enfui lors du décret qui avait ordonné son arrestation, à raison des désordres auxquels il avait livré les soldats de cette garnison. Vous vous rappelez que, en vertu de votre décret, le sieur Châlons a été arrêté et conduit en prison à Belfort. On a prétendu, à ce moment, que cet officier avait été illégalement arrêté parce que, lorsqu’on l’a surpris, il se trouvait hors des terres de France et sur les terres de M. l’évêque de Bâle, prince de l’Empire. Sur la prétention de l’irrégularité de l’arrestation, l’Assemblée a renvoyé l’affaire à son comité diplomatique en le chargeant d’éclaircir et de vérifier les faits. Cette vérification a été faite ; il est constant aujourd’hui que le fuyard a été pris dans un village sous la domination "du prince évêque. Le comité diplomatique a communiqué ces renseignements aux députés d’Alsacequi, connaissant parfaitement les localités, en sont tombés d’accord. Une violation du droit des gens a donc été commise. D’après cela le comité a pensé qu’il était de la dignité de la nation française de rendre la liberté à un homme qui, coupable sans doute envers elle, a pour lui le droit des gens, droit qui sera désormais sacré pour les Français, et nous avons pensé que l’Assemblée nationale de France ne pouvait pas tolérer cette violation. Nous vous proposons donc de décréter que le roi sera prié d’ordonner de faire reconduire à la frontière le sieur Châlons pour y être mis en liberté. (Applaudissements.) (Cette motion est décrétée à l’unanimité.) M. d’André, au nom du comité diplomatique. Je dois maintenant vous entretenir de deux autres objets. A l’égard de l’un, je préviendrai des inquiétudes qu’on pourrait concevoir; à l’égard de l’autre, je répondrai aux inquiétudes qu’oa a conçues. Le comité diplomatique a reçu le 29 du mois passé une lettre de M. de Montmorin, ministre des affaires étrangères à laquelle était jointe une dépêche de la cour d’Espagne qui annonçait qu’elle avait cru qu’il était de son intérêt de former un cordon de troupes le long des frontières de France. Votre comité a été chargé de vous en rendre compte; mais je crois que le meilleur rapport que nous puissions faire est de vous lire la pièce elle-même. Voici d’abord la lettre de M. le comte de Fer-nan-Nunezà M. de Montmorin. « Paris le 28 mars 1791. « Monsieur, « J’ai l’honneur de vous adresser ci-joint une copie de la dépêche que je viens de recevoir de ma cour, au sujet des mesures que Sa Majesté catholique croit devoir prendre pour assurer la tranquillité des provinces espagnoles, limitrophes de la France. Le roi mon maître juge que le moyen qu’il prend est le plus convenable pour éviter que des gens malintentionnés et des vagabonds puis sent troubler, par des vues particulières, l’amitié et l’union qui subsistent si heureusement depuis longtemps entre les deux nations pour leur bonheur réciproque, et à laquelle Sa Majesté attache un si grand prix. Elle ne doute pas que Sa Majesté très chrétienne et son ministère, animés par les mêmes intérêts, ne prennent de leur côté toutes les mesures que les circonstances actuelles peuvent leur permettre, afin de contribuer à la nécessité d’un objet qui intéresse également les deux nations. « La langue espagnole étant parfaitement connue de Votre Excellence, je préfère de lui envoyer une copie exacte de la dépêche à en faire une traduction qui pourrait en altérer le sens... « J’ai l’honneur, d’être, etc. « Signé : FernaN-NüNEZ. » Voici maintenant la traduction de cette dépêche : « Madrid, le 19 mars 1791. « Dans l’impartialité avec laquelle le roi s’est conduit jusqu’à présent par rapport aux affaires intérieures de France, en dépit des faussetés et des impostures au moyen desquelles on a voulu séduire contre nous les habitants français, par des gens malintentionnés, Sa Majesté a donné les preuves les plus positives de son amour pour la paix et de ses désirs à conserver les liens d’amitié qui l’unissent avec le souverain et les sujets français. « Afin de ne pas donner le plus petit motif de plainte et de soupçon, après le désarmement que Sa Majesté finit de faire dans sa marine, elle a suspendu d’augmenter ses troupes, quoique l’état de son armée la nécessite et s’est abstenue de les placer dans des parages qui inquiétassent les habitants des frontières ; mais, nonobstant cette conduite prudente, on commence à éprouver que les désordres de quelques provinces immédiates à l’Espagne cherchent à se communiquer aux habitants de cette dernière, au moyen du passage d’un très grand nombre de malfaiteurs, spécialement par les frontières de Catalogne et d’Aragon, qui, réunis aux nôtres, pourront mettre en combustion beaucoup de districts, malgré leur fidélité éprouvée et leur disposition à se sacrifier pour leur roi et pour la tranquillité publique. « En conséquence de quoi, Sa Majesté ne pouvant manquer à la protection qu’elle doit à ses sujets, elle se voit obligée, cootre ses désirs, de former un cordon sur les frontières et d’empêcher, avec cette précaution, le passage des Français dont on n’aurait pas une grande connaissance et sûreté; et afin que la cour de France et son gouvernement, loin de former le moindre soupçon contre les dispositions pacifiques du roi,