[5 mars 1790.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 29 tions de l’Assemblée. Je demande que le parlement de Bordeaux soit supprimé, et les membres de la chambre des vacations déclarés incapables d’exercer les droits de citoyen actif. (Les mouvements d’une partie de l’Assemblée augmentent.) M. Alexandre de Lanielli. L’Assemblée est très décidée à ne pas abandonner cette question sans la traiter : il faudrait donc la laisser délibérer paisiblement. Ne vous aveuglez pas ; on peut frapper la liberté dans sa naissance. Si l’Assemblée faisait bien, elle renverrait cette affaire au Châtelet. Sous peu de jours, d’autres parlements nous occuperont encore; qu’on ne nous parle pas des prétendus services des membres du parlement de Bordeaux, quand ils sont coupables de délits certains... M. Lambert de Frondeville. Il est temps de délivrer les parlements des persécutions véritables qu’ils éprouvent ; c’est une persécution que de les accuser sans preuves. Je fais la motion que, dès ce moment, toutes les chambres de vacations soient supprimées. M.Defermon propose le décret suivant: « L’Assemblée nationale supprime la chambre des vacations du parlement de Bordeaux, et défend aux membres qui la composent de continuer leurs fonctions. Ordonne que son président se retirera pardevers le roi, pour le supplier de donner des ordres pour la formation d’une nouvelle cour. » La question préalable est demandée sur divers amendements, successivement présentés et rejetés ou adoptés. Après de longs et tumultueux débats, l’Assemblée décrète ce qui suit : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le comité des rapports sur la dénonciation faite par les officiers municipaux et les citoyens de la ville de Bordeaux, de l’arrêt de la chambre des vacations, du 20 février 1790, et du réquisitoire du procureur général du roi : « Décrète que le président de la chambre des vacations et le procureur général du roi du parlement de Bordeaux, seront mandés à la barre pour rendre compte des motifs de leur conduite, ët qu’ils s’y rendront dans un intervalle de quinze jours, à compter de celui de la notification du présent décret ; «‘Et cependant l’Assemblée nationale, prenant en considération le grand âge du sieur Dudon, procureur général, le dispense de se rendre à la barre, et lui ordonne de rendre compte par écrit des motifs de sa conduite. « L’Assemblée charge en outre son président de témoigner par une lettre aux officiers municipaux, à la milice nationale et aux citoyens de la Ville de Bordeaux, la satisfaction avec laquelle l’Assemblée a reçu les nouvelles preuves de leur zèle et de leur patriotisme. » M._ le Président lève la séance à minuit et demi, après avoir indiqué celle du lendemain pour neuf heures et demie du matin. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRESIDENCE DE M. L’ABBÉ DE MONTESQUIOU. Séance du vendredi 5 mars 1790 (1). M. le comte de Castellane, l'un de MM. les secrétaires , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier matin. M. le comte de Croix observe qu’on a omis d’insérer dans la rédaction du décret portant suppression de la féodalité la liberté accordée aux communes de se pourvoir, dans cinq ans, contre les usurpations qui ont été faites de leurs biens communaux. L’Assemblée décide que cette omission sera réparée au procès-verbal. M. l’abbé Gouttes, membre du comité des finances, fait un rapport sur une demande de la ville d'Orléans qui sollicite V autorisation de faire un emprunt pour le soulagement des pauvres. M. Salomon de La Saugerie appuie le décret proposé par le comité des finances. Le décret est mis aux voix et adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances, a décrété et décrète ce qui suit : « Art. Ier. La commune d’Orléans est autorisée à faire un emprunt de la somme de deux cent quarante-trois mille six cents livres, dont le gage spécial sera le capital des rentes dues à la commune d’Orléans par la ville de Paris, et dont l’intérêt est de 12,180 livres. « Art. 2. Les fonds provenant de cet emprunt seront employés à faire des achats de grains; et les sommes pr°yeimnt des ventes qui serontfai-tes, au marché, desdits blés conformément à la délibération de la commune, serviront au remboursement dçs sommes prêtées au comité dans l’urgent besoin que la ville a éprouvé au mois dernier. « Art. 3. La municipalité d’Orléans justifiera du remboursement ci-dessus , par les quittances qu’elle produira à l’administration du district, et par un compte public. » M. l’abbé Gouttes. Gomme nous sommes assaillis par un grand nombre de demandes semblables, votre comité a cru devoir vous proposer l’article suivant : « L’Assemblée nationale exhorte toutes les municipalités du royaume à pourvoir, de la manière la plus prompte et la plus convenable, à la subsistance des pauvres de chaque municipalité.» On demande l'ajournement de ce projet de décret. Le rapporteur consent à l’ajournement, qui est prononcé. M. le baron «le Cernon, rapporteur du comité de constitution, fait le rapport d’une difficulté survenue entre les districts de Riom et de Tbiers en Auvergne. Chacun de ces districts réclame la ville de Maringues et les paroisses de Limons, Lu-zillat, la Vialle, la Tissonnière et Joze. Le comité est d’avis de les comprendre provisoirement dans (i) Celte séance est incomplète au Moniteur. i [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 inars 1790-] 30 le district de Riom avec faculté d’optioii ultérieure pour Thiers. M. Gaultier de Biauzat combat les conclusions du rapport en disant que le vœu des habitants s’est déjà manifesté pour Thiers. M. Bibcrolles de Martiuanges. Il a été délibéré que la ville de Maringues serait réunie au district de Riom, jusqu’à ce qu’elle eût [)U faire parvenir des réclamations contraires, et qu’il eût été prouvé que ces réclamations étaient fondées. Les habitants de la ville de Maringues, instruits des dispositions de ce décret, se sont, à l’invitation des officiers municipaux, réunis dans un môme lieu; le nombre des délibérants était de soixante et un, et il a été décidé, à l’unanimité, qu’il serait adressé à i’Assembiée nationale la demande expresse de réunir cette ville au district de Thiers. Comme député de la ville de Maringues, j’ai le droit d’appuyer ses réclamations; je demande s’il ne serait pas despotique, et conséquemment indigne de vous de faire venir des administrés dans un lieu qui ne leur convient pas, et pour lequel ils montrent une si grande répugnance; je demande enfin que le vœu de la ville de Maringues soit décrété par l’Assemblée. M. le Président. Je vais mettre aux voix l'a-vis du comité. M. Lavïe. Nous demandons la priorité pour la proposition du député de Maringues. La priorité est accordée et le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale, d’après l’arrêté de la ville de Maringues, pris à l'unanimité des suffrages dans une délibération générale de la commune du 22 février 1790, décrète que la ville de Maringues. ensemble les paroisses de Limons, Luzillat, la Vialle, la Tissonnière et Joze resteront au district de Thiers. » M. le Président. Je donne la parole à M. Camus qui la demande pour proposer un décret au nom du comité des pensions. M. Camus. Vous avez chargé votre comité des pensions de vous rendre compte des différents abus qui s’étaient multipliés dans la distribution des grâces. Votre comité n’a pas encore [m faire connaître les obstacles qu’il a rencontrés et qu’il rencontre tous les jours pour arriver à la perfection de son travail : tel est le rapport que votre comité des pensions m’a chargé de vous présenter ; « Messieurs, il est juste de vous rappeler deux décrets que vous avez rendus relativement aux pensions; vous avez dit, par le premier, que, sur le compte qui vous sera remis de l’état exact des pensions, vous vous occuperez de la suppression de celles qui ne sont pas légitimes, et de la réduction de celles qui seront trop fortes; sauf à déterminer ensuite uup somme quelconque, dont le roi pourra disposer pour cet objet. Par un autre décret vous avez dit que le paiement des pensions sera différé jusqu’à ce que l’Assemblée ait connu les motifs de chacune d’elles, et statué sur leur légitimité. « Ces deux décrets ont été sanctionnés par le roi ; jugez, Messieurs, de notre surprise, lorsque nous avons reçu une lettre de M. de Saint-Priest, qui nous annonce que le roi a cru devoir augmenter de 1,200 livres une pension de la même somme déjà accordée au commissaire M. de Cheu-. non.Les principaux motifs de cette nouvelle grâce sont l’âge de M. de Chenon, son peu de fortuné, ‘ et le zéieavec lequel il a rempli ses devoirs dJ inspecteur de la Bastille. Plusieurs brevets postérieurs à vos décrets ont étéexpédiés, et plusieurs surtout en faveur de gens occupés à la Bastille, et par exemple à M. Jourdan de Saint-Sauveur,’ 4 ,000 livres; à la veuve du lieutenant de roi, 600 livres; à un major 600 livres, etc., etc. Total arrêté à Paris, le 19 janvier 1790 : 17,593 livres. ( « Cet exposé fait frémir : d’abord les pensions n’ont pas dû être accordées, parce que les décrets que vous avez rendus, et qui s’opposent à une nouvelle distribution de grâces, ont été sanctionnés par le roi ; en second lieu, est-ce dans un fimips où la fortune publique est presque ébranlée, o.ù - les ressources sont difficiles, je ne dis pas impossibles; est-ce enfin dans un temps où la rareté'. du numéraire est certaine, qu’on doit payer des pensions accordées à la faveur? est-ce dans ce temps que l’on doit contracter de nouveaux engagements? et avec qui? avec les vils suppôts dfi-despotisme. Quoi ! à cause qu’un homme aura osé devenir le porte-clefs de la Bastille, il faudra qu’un malheureux qui aura obtenu du gouvernement un mince dédommagement pécuniaire, puisse être arrêté dans la jouissance de sa somme par celui qui l’aura retenu dans les fers! Non, Messieurs, on n’examinera pas !a conduite des gouverneurs, sous-gouverneurs, inspecteurs, sous-inspecteurs de la Bastille; mais la récompenser cette conduite, serait le scandale le plus révoltant pour la nation. Le ministre s’est donc rendu coupable de contravention à vos décrets ; je l’ai prouvé, et je passe à un autre objet. « Nouvel obstacle au travail de vos comités des finances, des pensions, etc. Vous avez décrété que les élats authentiques, ainsi que les pièces jiistir ficatives des finances et des pensions, seraient remis à vos comités, pour par eux vous en être rendu compte. Vous avez décrété qu’un livre, connu sous le nom de Livre rouge , serait surtout remis à vos comités. Ce livre a été longtemps de-: mandé, et longtemps on a eu l’espoir de l’obtenir. Le comité des finances s’est enfin adressé au premier ministre: sa lettre à ce sujet était remplie de sentiments d’égards et de respect. M Nec-ker a répondu, et son billet est en date du 27 janvier. « L’Assemblée nationale ne m’a jamais - fait connaître son désir d’avoir tous les détails contenus dans le livre dont vous me parlez : ce livre est entre les mains du roi; je lui commuai-, querai votre lettre; il recevra avec satisfaction l’expression de votre respect et de vos égards; j’aurai l honneur de vous faire connaître ses intentions. » « Quelques jours après, le ministre a demandé d’avoir une conférence avec un membre du comité : celte conférence a eu lieu. Le 14 janvier,; nouvelle lettre du premier ministre: « Le roi à désiré de garder le Livre rouge; il m’autorisera sans doute àén donner communication à une députation du comité des finances ou de celui des pensions : j’aurai l’honneur de vous faire connaître les dernières intentions de Sa Majesté. .» Votre comité a crû devoir réitérer ses demandes ; il a encore écrit au premier ministre, et a obtenu une uouvelle réponse en date du 25 janvier: « Le roi m’a remis dimanche le Livre rouge, avec permission de le communiquer à une députation du comité des finances ou de celui des pensions. Je ne crois pas que l’Assemblée y trouve tous les renseignements qu’elle en attend. Au reste, je ne