SÉANCE DU 3 FLORÉAL AN II (22 AVRIL 1794) - Nos 46 A 49 163 refaites avec p. en étoffe, 1 bonnet de grenadier ayant été porté, 50 liv. de charpie et vieux lingue, environ. » Honneurs de la séance, mention honorable, insertion au bulletin (1). 46 «La Convention nationale, après avoir entendu [PEYSSARD, au nom de] son comité des secours publics, rend les décrets qui suivent : «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics, sur la pétition du citoyen Potin, tendante à obtenir un secours provisoire imputable sur la pension à laquelle il a droit en considération de trente années de service, et notamment d’une blessure qu’il a reçue à la main gauche à l’attaque du camp de Famars, décrète ce qui suit : «Art. I. — A l’exhibition du présent décret, il sera payé par la trésorerie nationale au citoyen Potin, soldat vétéran, à titre de secours provisoire, la somme de 300 livres, imputable sur la pension que lui assure la loi du 6 juin, relative aux militaires blessés dans les combats. «II. — Le décret ne sera imprimé que dans le bulletin de correspondance» (2). 47 «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics, sur la pétition du citoyen Fischer, capitaine au deuxième régiment d’infanterie belge, et que les blessures qu’il a reçues mettent dans l’impossibilité de continuer son service, décrète: «Art. I. — Sur la présentation du présent décret, la trésorerie nationale paiera au citoyen Fischer, à titre de secours provisoire, la somme de quatre cents livres, imputables sur la pension à laquelle il a droit. «II. — Le comité de liquidation déterminera incessamment la quotité des secours dus au citoyen Fischer, d’après la loi du 6 juin, relative aux militaires blessés dans les combats. « III. — Le présent décret ne sera imprimé que dans le bulletin de correspondance » (3). 48 «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics, sur la lettre du directoire du département de Loir-et-Cher, relative à la restitution (1) P.V., XXXVI, 55. (2) P.V., XXXVI, 55. Minute de la main de Peyssard, rapporteur (C 301, pl. 1066, p. 27). Décret n° 8882. Reproduit dans Bin, 4 flor. (2° suppl1) . (3) P.V., XXXVI, 56. Minute de la main de Peyssard, rapporteur (C 301, pl. 1066, p. 31). Décret n° 8886. Reproduit dans Bin, 4 flor. (2e suppl1). des secours déjà distribués à des réfugiés de Cholet, ordonnée par le district de Mon-doubleau, décrète le renvoi de cette lettre, et des pièces qui l’accompagnent, aux représentons du peuple près l’armée de l’ouest, les charge d’examiner l’affaire, et de prendre telle détermination qu’ils jugeront convenable. « Le présent décret ne sera point imprimé. » (1). 49 P. COLLOMBEL : Vous avez renvoyé à votre Comité des secours publics la pétition de Marie Clericeau, veuve Dorion. Je vais vous mettre sous les yeux le tableau des malheurs de cette mère de famille infortunée, et vous serez convaincus que les secours que le Comité vous proposera d’accorder ne peuvent être mieux appliqués. Dorion était de ce très petit nombre de patriotes que la Vendée pouvait compter dans son sein. Il habitait la commune de Roche-Servière, district de Montaigu. Ses opinions et sa conduite étaient celles d’un franc et loyal républicain. C’en était assez pour exciter toute la rage des rebelles contre lui ainsi que contre sa famille. Le 13 mars 1793 (vieux style) fut l’époque de la révolte de ce village contre la république. Ce jour même, Dorion et son fils aîné, âgé de dix-huit ans, furent traînés par les brigands au pied de l’arbre de la liberté, où ils furent massacrés. Marie Clericeau, sa veuve, survit avec cinq enfants, dont trois en bas âge; elle a été obligée de fuir à Nantes avec eux, après avoir perdu généralement tout ce qu’elle possédait; tout son mobilier a été pillé ou brûlé, ses métairies incendiées, ses bestiaux enlevés; l’état de ses pertes se porte à 45,830 liv. Tous ces faits sont attestés par la commune et par l’agent national du district de Montaigu, qui a été également forcé de se retirer dans la ville de Nantes. La veuve Dorion sollicite de votre justice un secours provisoire pour elle et ses cinq enfants; vous ne lui refuserez pas. Nous serons toujours sans pitié envers les ennemis de la patrie; mais nous serons humains et reconnaissants envers ceux que l’amour de la République aura rendus victimes de leur dévouement. D’après ces considérations le Comité m’a chargé de vous proposer le projet de décret suivant : [adopté] (2). « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de ce député au nom] de son comité des secours, sur la pétition de Marie Clericeau, veuve Dorion, dont le mari et le fils aîné ont été massacrés le 13 mars 1793 (vieux style), par les brigands de la commune de Roche-Servière, district de Montaigu, département de la Vendée, décrète : «Art. I. — La trésorerie nationale mettra à la disposition de la commission des secours publics la somme de mille livres, qu’elle fera passer à la municipalité de Nantes, pour être (1) P.V., XXXVI, 57. Minute de la main de Peyssard, rapporteur (C 301, pl. 1066, p. 32). Décret n° 8891. J. Perlet, n° 579. (2) Mon., XX, 283. SÉANCE DU 3 FLORÉAL AN II (22 AVRIL 1794) - Nos 46 A 49 163 refaites avec p. en étoffe, 1 bonnet de grenadier ayant été porté, 50 liv. de charpie et vieux lingue, environ. » Honneurs de la séance, mention honorable, insertion au bulletin (1). 46 «La Convention nationale, après avoir entendu [PEYSSARD, au nom de] son comité des secours publics, rend les décrets qui suivent : «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics, sur la pétition du citoyen Potin, tendante à obtenir un secours provisoire imputable sur la pension à laquelle il a droit en considération de trente années de service, et notamment d’une blessure qu’il a reçue à la main gauche à l’attaque du camp de Famars, décrète ce qui suit : «Art. I. — A l’exhibition du présent décret, il sera payé par la trésorerie nationale au citoyen Potin, soldat vétéran, à titre de secours provisoire, la somme de 300 livres, imputable sur la pension que lui assure la loi du 6 juin, relative aux militaires blessés dans les combats. «II. — Le décret ne sera imprimé que dans le bulletin de correspondance» (2). 47 «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics, sur la pétition du citoyen Fischer, capitaine au deuxième régiment d’infanterie belge, et que les blessures qu’il a reçues mettent dans l’impossibilité de continuer son service, décrète: «Art. I. — Sur la présentation du présent décret, la trésorerie nationale paiera au citoyen Fischer, à titre de secours provisoire, la somme de quatre cents livres, imputables sur la pension à laquelle il a droit. «II. — Le comité de liquidation déterminera incessamment la quotité des secours dus au citoyen Fischer, d’après la loi du 6 juin, relative aux militaires blessés dans les combats. « III. — Le présent décret ne sera imprimé que dans le bulletin de correspondance » (3). 48 «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics, sur la lettre du directoire du département de Loir-et-Cher, relative à la restitution (1) P.V., XXXVI, 55. (2) P.V., XXXVI, 55. Minute de la main de Peyssard, rapporteur (C 301, pl. 1066, p. 27). Décret n° 8882. Reproduit dans Bin, 4 flor. (2° suppl1) . (3) P.V., XXXVI, 56. Minute de la main de Peyssard, rapporteur (C 301, pl. 1066, p. 31). Décret n° 8886. Reproduit dans Bin, 4 flor. (2e suppl1). des secours déjà distribués à des réfugiés de Cholet, ordonnée par le district de Mon-doubleau, décrète le renvoi de cette lettre, et des pièces qui l’accompagnent, aux représentons du peuple près l’armée de l’ouest, les charge d’examiner l’affaire, et de prendre telle détermination qu’ils jugeront convenable. « Le présent décret ne sera point imprimé. » (1). 49 P. COLLOMBEL : Vous avez renvoyé à votre Comité des secours publics la pétition de Marie Clericeau, veuve Dorion. Je vais vous mettre sous les yeux le tableau des malheurs de cette mère de famille infortunée, et vous serez convaincus que les secours que le Comité vous proposera d’accorder ne peuvent être mieux appliqués. Dorion était de ce très petit nombre de patriotes que la Vendée pouvait compter dans son sein. Il habitait la commune de Roche-Servière, district de Montaigu. Ses opinions et sa conduite étaient celles d’un franc et loyal républicain. C’en était assez pour exciter toute la rage des rebelles contre lui ainsi que contre sa famille. Le 13 mars 1793 (vieux style) fut l’époque de la révolte de ce village contre la république. Ce jour même, Dorion et son fils aîné, âgé de dix-huit ans, furent traînés par les brigands au pied de l’arbre de la liberté, où ils furent massacrés. Marie Clericeau, sa veuve, survit avec cinq enfants, dont trois en bas âge; elle a été obligée de fuir à Nantes avec eux, après avoir perdu généralement tout ce qu’elle possédait; tout son mobilier a été pillé ou brûlé, ses métairies incendiées, ses bestiaux enlevés; l’état de ses pertes se porte à 45,830 liv. Tous ces faits sont attestés par la commune et par l’agent national du district de Montaigu, qui a été également forcé de se retirer dans la ville de Nantes. La veuve Dorion sollicite de votre justice un secours provisoire pour elle et ses cinq enfants; vous ne lui refuserez pas. Nous serons toujours sans pitié envers les ennemis de la patrie; mais nous serons humains et reconnaissants envers ceux que l’amour de la République aura rendus victimes de leur dévouement. D’après ces considérations le Comité m’a chargé de vous proposer le projet de décret suivant : [adopté] (2). « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de ce député au nom] de son comité des secours, sur la pétition de Marie Clericeau, veuve Dorion, dont le mari et le fils aîné ont été massacrés le 13 mars 1793 (vieux style), par les brigands de la commune de Roche-Servière, district de Montaigu, département de la Vendée, décrète : «Art. I. — La trésorerie nationale mettra à la disposition de la commission des secours publics la somme de mille livres, qu’elle fera passer à la municipalité de Nantes, pour être (1) P.V., XXXVI, 57. Minute de la main de Peyssard, rapporteur (C 301, pl. 1066, p. 32). Décret n° 8891. J. Perlet, n° 579. (2) Mon., XX, 283. 164 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE remise, sans délai, à titre de secours, à la citoyenne Marie Clericeau, veuve Dorion, qui s’est retirée dans ladite commune de Nantes, avec ses cinq enfants, après avoir perdu généralement tout ce qu’elle possédoit. « II. — La pétition et les pièces jointes, seront envoyées au comité de liquidation pour régler les indemnités qui pourront être dues à ladite veuve Dorion. « III. — Le présent décret ne sera point imprimé; il sera seulement inséré au bulletin de correspondance » (1). 50 Isoré communique des vues qui sont le fruit de son expérience, sur l’agriculture en général, et sur les moyens d’approvisionner la ville de Paris (2). J. ISORE : C’est de l’agriculture que je vais vous parler; car il est intéressant pour le bien public de nous occuper souvent de cette matière. Je parlerai en même temps de l’approvisionnement de la commune de Paris et des établissements qu’il faut faire pour garantir cette célèbre cité des machinations que ses ennemis lui susciteront sourdement tant qu’ils se souviendront qu’elle enfanta la liberté. Je vais m’expliquer d’après ce que j’ai vu; la théorie n’y entrera pour rien; les économistes auront tout à prendre sur ce que je dirai; ma seule ambition est de donner à la Convention nationale connaissance de quelques abus, pour qu’elle se détermine à réviser les lois rurales et à porter de prompts remèdes aux maux que la cupidité engendre tous les jours. Chargé par le Comité de salut public de surveiller l’approvisionnement en blé et farine de la commune de Paris, j’ai eu occasion de voir le sol et de connaître les habitudes des districts assujettis à cet approvisionnement. Partout j’ai rencontré l’égoïsme le plus marqué, même dans les lieux les plus abondants. Le peuple est toujours prêt, mais les autorités constituées l’arrêtent par des observations qui souvent sont le fruit de l’intrigue et de l’intérêt particulier; et, si j’osais, je dirais qu’il est d’usage parmi beaucoup de municipalités de se servir des subsistances pour acquérir de la popularité. Les usages des cultivateurs, dont se plaignent les économistes, sont enracinés d’une manière à ne pas les détruire, et peut-être est-ce un bonheur; car les laboureurs modernes, tout en voulant donner des leçons, ne s’occupent qu’à de petites choses, et l’homme habitué au grand travail ne veut pas faire d’épreuves à moins qu’elles ne paient ses peines. La perfection est souvent trop difficile; les épreuves sont très onéreuses; les saisons ne sont pas toujours propices; le laboureur industrieux ri’est pas toujours celui qui a les facultés de faire des expériences, parce qu’il faut non seulement être aisé, mais il faut encore avoir les (1) P.V., XXXVI, 57. Minute de la main de Collombel (C 301, pl. 1066, p. 34). Décret n° 8895. Reproduit dans Bln, 4 flor. (2e suppl1) ; Débats n° 580, p. 26. (2) P.V., XXXVI, 58. emplacements et les terrains convenables. C’est l’usage des baux, ce sont les spéculations du moment qui nuisent à l’avenir; c’est sur ces vices qu’il faut que la Convention porte de grandes attentions. L’étude rurale ne servira jamais à rien si les plus belles terres sont asservies aux spéculations des fermiers. Ne nous écartons pas de cette vérité, et soyons pénétrés que tous ceux qui embrassent de trop grandes cultures sont les fléaux des lieux qu’ils habitent. Ce n’est pas l’homme trop occupé qui perfectionne l’art ou le métier qu’il professe; c’est celui qui n’a point l’ambition des richesses, mais seulement de gagner ou de conserver une aisance modeste. Le bon laboureur est celui qui tient lui-même la charrue; celui-là n’a pas été corrompu par l’ambition ni l’oisiveté; il est vrai qu’il tient à sa routine; mais qu’y faire ? Les économistes ont beau dire que les anciens usages du laboureur sont des absurdités à détruire; on ne peut pas démentir le laboureur ancien lorsqu’il dit : « Gardez-vous bien de croire à l’écriture en matière d’agriculture; ne vous fiez qu’à vos bras et à vos soins, car vos champs deviendraient déserts. Les laboureurs modernes sont des dupes qui finissent toujours par écrire lorsqu’ils sont ruinés ». Voilà les observations de l’homme qui ne se fie qu’à son activité; ses idées se forment à la pluie et au soleil, et je crois qu’elles valent bien celles qui se forment dans un cabinet. Notre agriculture a été corrompue pendant le règne du despotisme; la variété de la jouissance occasionnée par le renouvellement continuel des baux des biens du clergé, le gibier, la dîme et les servitudes en nature ont toujours empêché le laboureur de faire des sacrifices pour améliorer les fonds qu’il faisait valoir. Ce mal a singulièrement contredit l’établissement des prairies artificielles et les clôtures des pâturages utiles à chaque exploitation dans tous les pays de grande culture; aussi voyons -nous aujourd’hui dans tous ces pays la disette de bestiaux. Les mutations d’immeubles contribuent encore à cette disette; elle n’est pas factice, croyez-y bien, et empressez-vous d’y remédier en pressant la vente des biens nationaux, et en encourageant la formation des prairies artificielles et des pâtures clôturées au pied de chaque ferme ou habitation. Les trèfles serviront les terrains froids et humides; les luzernes, les terres fortes et glaiseuses, et le sainfoin, les terres sèches et arides. Avec cette mesure les étables et les greniers regorgeront en quatre années. La disette de bestiaux qui se fait sentir dans le Nord était inévitable à cause de la guerre; aux frontières, le mal n’est rien; mais dans les départements de l’Aisne, de la Somme, de l’Oise, de Seine-et-Oise, de Seine-et-Marne, d’Eure-et-Loir, et presque partout à trente lieues aux environs de Paris, c’est une calamité qu’il faut réprimer. Ces départements ont toujours calculé leur bénéfice sur le produit du blé; les fermes ont toujours appartenu aux privilégiés, d’où il est résulté que les cultivateurs n’ont travaillé avec aucune stabilité; ils n’ont jamais fait d’élèves; ils n’ont jamais établi une pâture; au contraire ils les défrichaient pour jouir de la dépouille, sans s’embarrasser de la ruine qui en résulterait plus tard, et par cet usage, au lieu de donner des élèves de leur 164 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE remise, sans délai, à titre de secours, à la citoyenne Marie Clericeau, veuve Dorion, qui s’est retirée dans ladite commune de Nantes, avec ses cinq enfants, après avoir perdu généralement tout ce qu’elle possédoit. « II. — La pétition et les pièces jointes, seront envoyées au comité de liquidation pour régler les indemnités qui pourront être dues à ladite veuve Dorion. « III. — Le présent décret ne sera point imprimé; il sera seulement inséré au bulletin de correspondance » (1). 50 Isoré communique des vues qui sont le fruit de son expérience, sur l’agriculture en général, et sur les moyens d’approvisionner la ville de Paris (2). J. ISORE : C’est de l’agriculture que je vais vous parler; car il est intéressant pour le bien public de nous occuper souvent de cette matière. Je parlerai en même temps de l’approvisionnement de la commune de Paris et des établissements qu’il faut faire pour garantir cette célèbre cité des machinations que ses ennemis lui susciteront sourdement tant qu’ils se souviendront qu’elle enfanta la liberté. Je vais m’expliquer d’après ce que j’ai vu; la théorie n’y entrera pour rien; les économistes auront tout à prendre sur ce que je dirai; ma seule ambition est de donner à la Convention nationale connaissance de quelques abus, pour qu’elle se détermine à réviser les lois rurales et à porter de prompts remèdes aux maux que la cupidité engendre tous les jours. Chargé par le Comité de salut public de surveiller l’approvisionnement en blé et farine de la commune de Paris, j’ai eu occasion de voir le sol et de connaître les habitudes des districts assujettis à cet approvisionnement. Partout j’ai rencontré l’égoïsme le plus marqué, même dans les lieux les plus abondants. Le peuple est toujours prêt, mais les autorités constituées l’arrêtent par des observations qui souvent sont le fruit de l’intrigue et de l’intérêt particulier; et, si j’osais, je dirais qu’il est d’usage parmi beaucoup de municipalités de se servir des subsistances pour acquérir de la popularité. Les usages des cultivateurs, dont se plaignent les économistes, sont enracinés d’une manière à ne pas les détruire, et peut-être est-ce un bonheur; car les laboureurs modernes, tout en voulant donner des leçons, ne s’occupent qu’à de petites choses, et l’homme habitué au grand travail ne veut pas faire d’épreuves à moins qu’elles ne paient ses peines. La perfection est souvent trop difficile; les épreuves sont très onéreuses; les saisons ne sont pas toujours propices; le laboureur industrieux ri’est pas toujours celui qui a les facultés de faire des expériences, parce qu’il faut non seulement être aisé, mais il faut encore avoir les (1) P.V., XXXVI, 57. Minute de la main de Collombel (C 301, pl. 1066, p. 34). Décret n° 8895. Reproduit dans Bln, 4 flor. (2e suppl1) ; Débats n° 580, p. 26. (2) P.V., XXXVI, 58. emplacements et les terrains convenables. C’est l’usage des baux, ce sont les spéculations du moment qui nuisent à l’avenir; c’est sur ces vices qu’il faut que la Convention porte de grandes attentions. L’étude rurale ne servira jamais à rien si les plus belles terres sont asservies aux spéculations des fermiers. Ne nous écartons pas de cette vérité, et soyons pénétrés que tous ceux qui embrassent de trop grandes cultures sont les fléaux des lieux qu’ils habitent. Ce n’est pas l’homme trop occupé qui perfectionne l’art ou le métier qu’il professe; c’est celui qui n’a point l’ambition des richesses, mais seulement de gagner ou de conserver une aisance modeste. Le bon laboureur est celui qui tient lui-même la charrue; celui-là n’a pas été corrompu par l’ambition ni l’oisiveté; il est vrai qu’il tient à sa routine; mais qu’y faire ? Les économistes ont beau dire que les anciens usages du laboureur sont des absurdités à détruire; on ne peut pas démentir le laboureur ancien lorsqu’il dit : « Gardez-vous bien de croire à l’écriture en matière d’agriculture; ne vous fiez qu’à vos bras et à vos soins, car vos champs deviendraient déserts. Les laboureurs modernes sont des dupes qui finissent toujours par écrire lorsqu’ils sont ruinés ». Voilà les observations de l’homme qui ne se fie qu’à son activité; ses idées se forment à la pluie et au soleil, et je crois qu’elles valent bien celles qui se forment dans un cabinet. Notre agriculture a été corrompue pendant le règne du despotisme; la variété de la jouissance occasionnée par le renouvellement continuel des baux des biens du clergé, le gibier, la dîme et les servitudes en nature ont toujours empêché le laboureur de faire des sacrifices pour améliorer les fonds qu’il faisait valoir. Ce mal a singulièrement contredit l’établissement des prairies artificielles et les clôtures des pâturages utiles à chaque exploitation dans tous les pays de grande culture; aussi voyons -nous aujourd’hui dans tous ces pays la disette de bestiaux. Les mutations d’immeubles contribuent encore à cette disette; elle n’est pas factice, croyez-y bien, et empressez-vous d’y remédier en pressant la vente des biens nationaux, et en encourageant la formation des prairies artificielles et des pâtures clôturées au pied de chaque ferme ou habitation. Les trèfles serviront les terrains froids et humides; les luzernes, les terres fortes et glaiseuses, et le sainfoin, les terres sèches et arides. Avec cette mesure les étables et les greniers regorgeront en quatre années. La disette de bestiaux qui se fait sentir dans le Nord était inévitable à cause de la guerre; aux frontières, le mal n’est rien; mais dans les départements de l’Aisne, de la Somme, de l’Oise, de Seine-et-Oise, de Seine-et-Marne, d’Eure-et-Loir, et presque partout à trente lieues aux environs de Paris, c’est une calamité qu’il faut réprimer. Ces départements ont toujours calculé leur bénéfice sur le produit du blé; les fermes ont toujours appartenu aux privilégiés, d’où il est résulté que les cultivateurs n’ont travaillé avec aucune stabilité; ils n’ont jamais fait d’élèves; ils n’ont jamais établi une pâture; au contraire ils les défrichaient pour jouir de la dépouille, sans s’embarrasser de la ruine qui en résulterait plus tard, et par cet usage, au lieu de donner des élèves de leur