250 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE mille intrigants, venue des départements pour se faire donner des missions, qui battent maintenant le pavé de Paris, et fuient la surveillance de leur municipalité. Je demande en conséquence que les citoyens qui ont été chargés de missions par les représentants du peuple dans les départements ou près les armées, par les comités de Salut public et de Sûreté générale, par le ci-devant conseil exécutif provisoire ou par la commission de commerce et d’approvisionnements, et dont les pouvoirs sont finis, soient tenus de retourner dans leur municipalité (103). CARRIER : Citoyens, il y a des jeunes gens de la première réquisition, de ceux qu’on désigne sous le nom de muscadins, lesquels, au moyen de certificats qu’ils ont eu l’art d’obtenir d’officiers de santé complaisants, se sont dérobés à la réquisition. Ils sont en très-grand nombre : leur fourmilière s’agite depuis quelque temps, et on les remarque aux spectacles et dans tous les lieux publics. On les reconnaît à leurs habits carrés, à leurs mains fines, à leurs souliers à la pointe du pied; ils se rendaient ici, les premiers jours qui suivirent la chute du tyran; nous les vîmes applaudir aux motions modérantines, et on donnait à leurs trépignements le nom de la voix du peuple. Non, ce n’était point le peuple, ce n’étaient point cès vrais sans-culottes, qui sont à leurs travaux et dans les ateliers de la République. Ces jeunes gens sont accoutumés à une vie molle; ils ont de la peine à se décider à la vie austère et à la discipline des camps; ils cherchent à s’y soustraire. Qu’on ne croie pas toutefois qu’ils soient incapables de défendre la République; ils sont Français; au champ de l’honneur ils se battront bien, et ils prendront, au milieu des camps, un caractère plus viril et plus convenable à leur sexe. Je demande donc qu’ils soient aussi tenus de partir. BENTABOLE : La proposition de Carrier est juste et nécessaire; mais je crois qu’il lui faut donner encore une plus grande extension. Les représentants qui ont eu des missions dans les départements peuvent vous attester que les certificats des officiers de santé ont été donnés très-souvent par l’ignorance, et quelquefois aussi par un esprit contre-révolutionnaire; de là il arrive que la patrie se trouve privée de plus de vingt mille défenseurs. (Plusieurs voix : Plus de soixante-dix-mille). Quand vous aurez fait partir tous ces jeunes gens, on verra que la première réquisition est bien suffisante; car c’est un des moyens employés par les malveillants de prétendre que la seconde réquisition sera nécessaire. Je demande que non seulement tous ceux qui ont obtenu des certificats de santé, mais tous ceux qui se sont soustraits à la réquisition par des emplois, soient tenus de partir. (On applaudit.) BOURDON (de l’Oise) : J’appuie l’amendement proposé par divers membres : nous ne pouvons être divisés que sur les moyens d’exé-(103) Selon le Moniteur, qui place ici l’intervention de Clauzel, citée plus haut d’après les Débats, à la suite de la lecture de l’article 1. cution : voici celui que je propose : c’est que chacun des comités donne la liste de ses commis et employés, avec leur âge: vous y reconnaîtrez une foule de ces jeunes gens qui ont fait renchérir les lunettes. Ce n’est pas l’intention de la Convention que des hommes qui ont mieux aimé porter des lunettes que le mousquet ravissent à des pères de famille des places qui leur sont nécessaires pour nourrir leur famille. Cependant cela ne doit point s’appliquer aux fils des sans-culottes qui travaillent aux salpêtres; ceux-là aussi font le service militaire. MERLIN (de Douai) : Les mesures qu’on vous propose sont générales pour toute la République; celle qui fait l’objet du décret que je vous propose est particulière à Paris. On ne doit donc pas les confondre. La Convention renvoie les propositions incidentes aux comités de Salut public et de Sûreté générale, et décrète l’article II avec les additions proposées par Clauzel. Les autres articles du projet de décret sont successivement adoptés. Après une légère discussion, le projet de Merlin est décrété dans les termes suivants (104) : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de Salut public et de Sûreté générale, décrète : ARTICLE PREMIER. Les militaires,* commissaires des guerres et autres citoyens employés dans les armées ou dans les places de guerre, qui se trouvent dans ce moment à Paris en vertu de congés, de commission ou de permission, autres que celles données par la commission de l’organisation et du mouvement des armées de terre, et approuvées par le comité de Salut public, seront tenus de sortir de Paris le troisième jour qui suivra la publication du présent décret, et de retourner à leur poste sans aucun délai, sous peine de destitution et d’être traités comme suspects. II. Les militaires qui ont donné leur démission dans l’intervalle du 14 juillet 1789 au 10 août 1792, ayant moins de trente années de service; les militaires destitués ou suspendus depuis le 10 août 1792, les citoyens qui, revêtus de fonctions publiques ou employés par le gouvernement, ont été destitués ou suspendus depuis le 31 mai 1793, et tous ceux qui, ayant été arrêtés comme suspects ou comme prévenus de délit contre-révolutionnaires, ont été mis en liberté depuis le 10 thermidor; les citoyens qui ont été chargés de mission par les représentants du peuple dans les départements ou près les armées par les comités de Salut public et de Sûreté générale, par le ci-devant conseil exécutif provisoire ou par la commission de commerce ou des approvisionnements, et dont les pouvoirs ont pris fin, seront tenus de sortir de Paris le troisième jour qui suivra la publication du présent décret, de se rendre dans leur domicile et d’y (104) Moniteur, XXI, 679-680. Débats, n° 714, 310-312. J. tY., nu 710. SÉANCE DU 18 FRUCTIDOR AN II (4 SEPTEMBRE 1794) - N08 63 251 justifier de leur retour devant leur municipalité dans le délai de deux décades pour ceux qui sont à cent lieues de distance de Paris ou au-dessus, et de quatre décades pour ceux qui sont à de plus grandes distances; le tout à peine d’être traités comme suspects. III. Les militaires compris dans l’article précédent seront tenus, dans le délai et sous les peines qu’il détermine, de se retirer à vingt lieues de Paris, des frontières et des armées. IV. Ne sont pas compris dans les dispositions de l’article II. 1) Les citoyens qui étoient résidents à Paris avant leur destitution, suspension ou arrestation; 2) Ceux qui ont été mis en réquisition et qui remplissent dans ce moment des fonctions, emplois ou missions qui leur ont été confiés par le gouvernement ou par les commissions exécutives. V. Il n’est point dérogé aux dispositions de la loi du 27 germinal, relatives aux ci-devant nobles, étrangers et généraux non en activité de service. VI. Les décrets des 2 et 5 thermidor, relatifs à l’obligation imposée aux fonctionnaires publics et autres, de sortir de Paris et de retourner dans leur domicile, sont rapportés. L’insertion du présent décret au bulletin de correspondance tiendra lieu de publication (105). 64 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Législation sur la pétition de Jean-Claude Revin, fermier du domaine de Germales, déclare nul et comme non avenu l’arrêté pris contre le pétitionnaire le 21 prairial dernier par le département de Saône-et-Loire. Le présent décret ne sera pas imprimé, il sera inséré au bulletin de correspondance (106). 65 Un membre [Bentabole] demande que le comité de Salut public fasse sous trois jours un rapport sur la suspension du décret qui exclut les ci-devant nobles et prêtres de toutes fonctions publiques, et présente à la Convention les vues qu’il convient d’adopter définitivement sur ce objet. (105) P.-V., XLV, 60-62. C318, pl. 1283, p. 26. Décret n° 10 742. Rapporteur : Merlin (de Douai). Moniteur XXI, 680; Débats, n° 714, 312-313; C. Eg., n° 747; J. Paris, n° 613; M. U., XLIII, 298; Ann. R.F., n° 277; Gazette Fr., n° 978; F. de la Républ., n° 428, J. Perlet, n° 712; J. S.-Culottes, n° 567; J. Univ., n° 1 746; J. Mont., n° 129. (106) P.-V., XLV, 62. C 318, pl. 1 283, p. 27. minute signée de Bezard. Décret n° 10 718. Bull. 18 fruct. Cette proposition est décrétée (107). 66 Le même membre demande que les comités révolutionnaires de la République soient chargés de vérifier toutes les exemptions accordées dans leurs arrondissements aux citoyens de la première réquisition, soit par certificats de maladie ou toutes autres causes, ainsi que les ordres de réquisition pour différents services de la République, à la faveur desquels lesdits citoyens ne se rendent point aux armées, et d’en rendre compte au comité de Sûreté générale afin de restituer aux armées une foule de citoyens de la première réquisition qui ont éludé la loi. Cette proposition est renvoyée au comité de Salut public (108). 67 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité de la Guerre et de la Commission chargée de la révision des lois contre les émigrés, décrète ce qui suit : ARTICLE PREMIER. Dans la décade de la réception du présent décret, les directoires de district feront parvenir à la commission de l’organisation du mouvement des armées de terre les états de tous ceux portés ou à porter sur la liste des émigrés de leur arrondissement, dont l’absence est reconnue avoir pour objet le service dans les armées de la République. Ces états indiqueront, autant qu’il sera possible, les corps militaires ou bataillons dans lesquels les absents ont servi ou servent en ce moment. II. Ladite commission adressera de suite et successivement aux généraux de chaque armée les extraits desdits états, concernant les citoyens absents, reconnus et présumés être en activité de service dans les corps militaires ou bataillons sous leurs ordres, et elle renverra les extraits relatifs aux employés dans les différents services de l’armée aux autres commissions exécutives chargées de la partie de ces services, pour qu’elles les fassent parvenir sans délai à leur destination respective. III. Les conseils des administrations des corps militaires, des états-majors et d’administration des différents services de l’armée, enverront dans le délai de deux décades aux directoires de district l’état de ceux qui, portés sur lesdits extraits, peuvent être morts, prisonniers ou déserteurs, et délivre-(107) P.-V., XLV, 62. C 318, pl. 1 283, p. 28. minute de la main de Bentabole, rapporteur, Décret n° 10 708. J. Perlet, n° 712; J. S.-Culottes, n° 567; Rép., n° 259. (108) P.-V., XLV, 63. C 318, pl. 1 283, p. 29. minute de la main de Bentabole, Décret n° 10 706. Rapporteur anonyme selon C*Il20, P-280.