617 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j dSbrem Art. 10. « S’il se trouve dans une commune des ter¬ rains négligés qui donnent l’espérance d’un assez grand produit pour mériter un atelier, l’agent du district le fera établir sous la surveillance de la municipalité ainsi qu’il a été dit article 3. Art. 11. « Dans le cas où une municipalité aurait be¬ soin de quelque avance de fonds pour subvenir aux premières dépenses de cet établissement, elle en fera la demande à l’Administration du dis¬ trict, qui, sur le rapport de son agent, sera au¬ torisée à l’accorder. Cette somme sera prise dans la caisse du receveur du district, et sera rem¬ placée sur le produit du salpêtre récolté par cet atelier, et, en cas d’insuffisance, par une addi¬ tion d’imposition sur les habitants de la com¬ mune. Art. 12. « Les citoyens et les municipalités porteront ou feront porter leur salpêtre au chef-lieu de district à des époques qui seront fixées par l’ad¬ ministration. « Là, l’agent du district jugera si le salpêtre est d’une qualité suffisante, et en constatera la quantité en présence d’un commissaire nommé à cet effet par l’Administration de district. Ce commissaire délivrera aux porteurs des recon¬ naissances de la valeur des salpêtres reçus, qui seront acquittées à l’instant par le receveur du district . « L’état de la recette des matières et des paie¬ ments sera envoyé par l’Administration de dis¬ trict au ministre des contributions publiques, qui fera remplacer, sans délai, le montant de ces sommes dans la caisse du receveur. Art. 13. « Les salpêtres ainsi rassemblés dans les chefs-lieux de district seront à la disposition de la régie des poudres, qui les fera transporter dans les établissements pour le raffinage. Art. 14. « Le ministre des contributions publiques, sur la demande de la régie des poudres, est autorisé à augmenter le nombre des agents de cette régie, en proportion de l’augmentation de ses travaux. « Il sera mis à la disposition de ce ministre une nouvelle somme de quatre millions pour sub¬ venir à la dépense de la fabrication des salpêtres et poudres. Cette somme sera augmentée par la suite, s’il est nécessaire; Art. 15. « Lorsque l’agent de district jugera que les terrains salpêtrés peuvent être exploités dans l’année par les salpêtriers ordinaires de l’arron¬ dissement, ou lorsque les ateliers de la régie suf¬ firont pour exploiter les terres salpêtrées, les ci¬ toyens ne pourront point se livrer à l’extraction du salpêtre de leur terrain. « Les Administrations de district veilleront à ce que l’exécution de cet article n’introduise des abus qui tendraient à priver la République d’une partie de la récolte de salpêtre qu’elle a droit d’attendre d’une exploitation active, et, dans ee cas, elles en informeront promptement le comité de Salut public. Art. 16. « Le ministre des contributions publiques est chargé de l’exécution du présent décret, dans tout ce qui a rapport au service de la régie des poudres. Le comité de Salut public surveillera cette exécution dans toutes ses parties. « La Convention nationale la recommande à la vigilance patriotique des Sociétés populaires(l). Suit le texte du rapport de Prieur (de la Côte-d’Or) d'après le document imprimé par ordre de la Convention (2). Rapport sur le salpêtre fait a la Conven¬ tion NATIONALE, AU NOM DU COMITE DE Salut public, le 14 frimaire, an II de la République, par G. -A. Prieur, député de la Côte-d’Or. Le comité de Salut public a pensé qu’il fal¬ lait avertir le peuple sur un de ses plus impor¬ tants moyens de défense : c’est du nitre ou sal¬ pêtre, base de la poudre, que nous venons vous occuper. Le sol de la République française est riche de cette production. Les recherches des naturalistes et des chimistes offrent à cet égard les plus heureux résultats. Dans toutes les guerres que la France a eu à soutenir, elle n’a emprunté que très peu de ce sel aux nations étrangères; elle a toujours tiré de son propre sol cette matière première de la poudre. Les tra¬ vaux de la régie nationale en ont même cons¬ tamment augmenté la production annuelle; mais les récoltes accoutumées ne répondent plus à l’ardeur républicaine, et le riche dépôt de sal¬ pêtre que la nature confie sans cesse à nos terres, demande à passer en plus grande abondance dans la main de nos guerriers. Le royalisme avait soigneusement repoussé la fabrication des armes qu’un cri général appelait de toutes parts il) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 350 à 355. « (2) Bibliothèque nationale : 19 pages in-8°. Le38, n° 591. Bibliothèque de la Chambre des députés : Collection Portiez (de l’Oise), t. 25, n° 72 et 36, n° 10. Moniteur universel [n° 76 du 16 frimaire an II (ven¬ dredi 6 décembre 1793), p. 306. col. 11. 618 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j A\ SSbr “Æ depuis deux ans : aujourd’hui que la liberté offre partout à ses braves défenseurs la foudre qui doit frapper les tyrans, il faut qu’elle mul¬ tiplie en même proportion la matière qtii la lance. Votre comité s’est entouré de toutes les lumières, de toutes les connaissances qui pou¬ vaient le mettre à portée de réaliser ses vues sur tous les moyens de multiplier promptement la récolte du salpêtre, et d’en faire accroître la quantité en proportion des armes à feu que l’énergie républicaine vient en quelque sorte de tirer du néant. Indépendamment des mesures générales qu’il va vous proposer, il a envoyé dans plusieurs départements des hommes éclairés pour accé¬ lérer et multiplier les travaux des salpêtriers, pour reconnaître les édifices et les terrains sal-pêtrés qui étaient ignorés : déjà un travail nou¬ veau a été mis en activité par ses soins dans le département d’Indre-et-Loire, un des plus riches en cette production. Bientôt le département de Vaucluse, celui du Bec-d’Ambez, vont fournir un nouveau tribut de salpêtre aux besoins de la République. Les édifices qu’une juste punition doit faire abattre dans Commune-Affranchie fourniront aussi des matériaux pour notre dé¬ fense. L’accroissement de la fabrication du sal¬ pêtre exigeait une quantité de potasse propor¬ tionnée, et l’on sait que jusqu’à présent nous n’en avons pas fabriqué pour nos besoins. Il n’y a que deux moyens d’y pourvoir, et votre comité se dispose à les employer tous deux. L’un, à la vérité, est momentané; mais il a l’avantage de remplir une vue politique bien importante, celle de réduire en cendres ces forêts qui forment les repaires des brigands de la Vendée et de la Lozère. Le second est de transformer en soude le sel marin, qui est en quantité inépuisable sur nos côtes ; de réserver par là toutes les potasses à la préparation du salpêtre; de nous rédimer du tribut que nous payons à l’étranger, pour les soudes que consomment nos blanchisseries, nos manufactures de savon, et divers arts aussi utiles : de sorte que cet objet, considéré sous cq, seul rapport, produirait encore un avantage immense à la République. Mais les mesures partielles et isolées n’attein¬ draient point encore le but que l’on doit se pro¬ poser; il faut que la Convention imprime elle-même un grand mouvement, une grande acti¬ vité aux moyens généraux que nous venons vous offrir. Outre le salpêtre que l’entassement des. hommes dans les maisons des grandes villes fournit aux salpêtriers qui en lessivent et en exploitent les vieux matériaux, la nature pro¬ duit abondamment ce sel dans tous les lieux où des matières animales et végétales sont peu à peu accumulées : ainsi le sol des écuries, des étables, des remises, des serres, des caves, des cuisines, celui d’une foule d’ateliers ou l’on tra¬ vaille des substances organisées, s’enrichit per¬ pétuellement du nitre ou salpêtre qui s’y forme spontanément. Les salpêtriers sont autorisés par la loi à fouiller ceux de ces dépôts qui sont les plus vastes et les plus généralement connus pour contenir du salpêtre. Mais combien de terrains ont échappé jus¬ qu’ici à leufs recherches? Quelle masse de sal¬ pêtre y ' repose inerte et sans utilité pour la République? Quelle espérance ne doit -on pas concevoir de la quantité qu’on peut en obtenir, en intéressant tous les citoyens à cette récolte. Il n’y a pas un lieu habité par des hommes ou des animaux qui ne Contienne du nitre, pas de caveau, d’écurie qui ne recèle plus ou moins de ce sel précieux. D’une autre part, tout ce qui peut contribuer au soutien de la liberté appar¬ tient à la République. Tous les citoyens sont donc intéressés individuellement à recueillir le salpêtre que la nature dépose journellement dans leurs asiles; tous sont également appelés, et par la loi, et par leur intérêt particulier, à fournir ce qui peut concourir à la défense de la patrie, et celui qui recèlerait sciemment des ma¬ tériaux utiles à cette défense, soit par le conseil de la malveillance, soit par la froideur de l’indif¬ férence, serait justement rangé dans la classe des contre-révolutionnaires et des conspirateurs. C’est sur ces bases que les lumières des artistes et les principes républicains rendent également certaines, qu’est fondée la proposition que vous fait en ce moment le comité de Salut public. Il appelle tous les citoyens à fournir, par des moyens simples qui sont en leur puissance, un nouvel aliment à l’ardeur qui fait voler aux combats les défenseurs de la patrie. Il propose aux habitants de la France qui tous sont devenus soldats, de recueillir aussi le sal¬ pêtre qu’ils ont sous la main. Et ne croyez pas qu’il s’agisse ici de l’exercice d’un art difficile. Une instruction, à peine de deux pages, qui a été rédigée par les hommes les plus habiles en ce genre, suffira pour mettre Ce travail à la portée de l’intelligence la plus commune. Le patriotisme aura une nouvelle occasion de servir efficacement la cause de la liberté et de l’égalité. Sous les tyrans français, les citoyens étaient obligés de laisser faire, dans tous les points de leurs demeures, des recherches, des fouilles pour en obtenir le salpêtre. Sous l’empire de la liberté et de la raison, le bon citoyen offre de lui-même ce ‘qu’il possède d’utile pour la patrie; et si l’égoïste s’y trouve contraint par des mesures révolutionnaires, ce n’est qu’à son opiniâtreté qu’il peut imputer la gêne qu’il éprouve. Dans l’exécution même de ces mesures qui doivent contribuer au Salut public, les citoyens trouveront l’avantage de tirer un produit nou¬ veau de leurs possessions. Si des modérés, des malveillants, des aristocrates enfin se refusent à cette mesure, ne craignez rien de leur tiédeur ou de leur opposition. Les sans-culottes de toutes les municipalités auront, par la loi que nous vous présentons, l’œil toujours ouvert sur leur mal¬ veillance; ils sauront bien faire fouiller pour eux dans leurs caves, et y puiser la matière même qui doit servir à détruire leurs espérances et à renverser leurs projets. Les difficultés apparentes de convertir tous les citoyens en salpêtriers seraient nulles pour des républicains qui sont prêts à tout faire pour leur patrie, quand même elles ne disparaîtraient pas par l’exposé des procédés simples qu’une instruction répandue partout rendra bientôt familiers. Qu’on n’oublie pas qu’en quelques décades des hommes que leurs occupations avaient éloignés du métier des forges et des ate¬ liers d’armes, sont devenus non seulement habiles dans cet art, mais même capables de diriger les travaux des autres, et de leur apprendre ce qu’ils n’avaient pas encore pratiqué. L’énergie et l’adresse des Français sont, il faut le dire sans cesse, au-dessus de celles de tous les peuples. L’amour-propre de chaque citoyen est aujour¬ d’hui l’amour de la République; toutes les choses, comme toutes les personnes et tous les [CjpBvention nationale, j ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j gédémb® eaiT93 019 talents, sont en réquisition. Que les tyrans qui conspirent contre nous, apprennent que leurs efforts seront toujours vains, que nous ferons servir jusqu’aux débris même de nos corps et de notre sol pour les foudroyer. L’aperçu du résultat que doit produire la loi que vous propose le comité de Salut public est une récolte de 30 à 40 millions de salpêtre; ce qui fait une quantité suffisante pour exterminer tous les ennemis de la liberté que pourraient vomir l’Europe et l’Asie, si elles étaient liguées contré elle. DÉCRET Du 14 frimaire, Van II de la République. La Convention nationale, considérant que tous les citoyens français sont également appe¬ lés à la défense de la liberté, que tous les bras doivent être armés pour elle, que toutes les pro¬ priétés doivent concourir aux moyens de re¬ pousser la tyrannie, et qu’au moment où les manufactures d’armes à feu se üiultiplient sur toute la surface de la République, il faut multi¬ plier lés fabriques de salpêtre en même propor¬ tion, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Tous les citoyens, soit propriétaires, soit locataires, excepté ceux dont les habitations sont comprises dans l’arrondissement d’un sal-pêtrier, et dont il sera parlé ci-après, sont invités à lessiver eux-mêmes le terrain qui forme la surfaoe de leurs caves, de leurs écuries, berge¬ ries, pressoirs, celliers, remises, étables, ainsi que les décombres de leurs bâtiments. Le salpêtre qu’ils auront ainsi récolté leur sera payé par la régie des poudres, 24 sols la livre, prix déjà déterminé par la loi du 28 août der¬ nier (vieux style). Art. 2. « Pour mettre cette opération à la portée de tous les citoyens, il sera envoyé par le comité de Salut public, dans toutes les communes, une instruction sur l’extraction du salpêtre : cette instruction sera lue sous l’arbre de la liberté trois décadis consécutifs, et sera déposée à la municipalité pour être consultée ou transcrite par tous ceux qui voudront en faire usage. Art. 3. « Afin de suppléer au travail de ceux qui ne pourraient pas s’y livrer par eux-mêmes, les municipalités sont invitées à former Un atelier commun destiné à lessiver les terres, ou à faire évaporer les lessives que les citoyens y feraient transporter. A cet effet, elles choisiront l’homme le plus propre par ses connaissances et par son patrio¬ tisme, à diriger ces opérations, et à éclairer ses concitoyens sur celles qu’ils voudront faire chez eux. Le salpêtre provenant de ce travail commun sera de même payé par la régie, à raison de 24 sols la livre. Art. 4. « Les municipalités pourront, avec l’approba¬ tion de l’administration de district, prendre en location une maison, soit nationale, soit parti¬ culière, convenable à l’ateüer commun indiqué dans l’article précédent. Le prix de la location, ainsi que les autres frais des opérations, seront acquittés sur le produit du salpêtre. Art. 5. « Pour assurer le succès de ces nouveaux éta¬ blissements, la régie nationale des poudres pla¬ cera dans chaque département un de ses pré¬ posés, dont les fonctions auront pour principal objet d’instruire les agents de district dont il sera parlé dans les articles suivants, de juger de leur capacité et d’entretenir avec eux la corres¬ pondance nécessaire. Le ministre des contribu¬ tions fixera, sur le rapport de la régie des poudres, le traitement de ces préposés. Art. 6. « Chaque administration de district sera tenue d’envoyer auprès du préposé de la régie dans le département, un citoyen qui fera preuve de connaissances suffisantes, ou qui s’instruira dans lé travail de l’extraction du salpêtre, jusqu’à ce que le préposé le juge capable dé diriger cü tra¬ vail. Art. 7, « Lorsque le préposé de la régie jugera ce ci¬ toyen suffisamment instruit, il lui sera délivré un certificat de capacité, et alors celui-ci sera reconnu comme agent du district pour l’exploi¬ tation du salpêtre; ce dont il sera donné avis au ministre des contributions publiques par l’administration de district. Art. 8. « Le traitement de ces agents sera de 150 livres par mois. Le ministre les leur fera payer d’après un certificat d’activité de service, délivré par l’administration de district, et sur les fonds qui, sont à sa disposition pour les poudres et sal¬ pêtres. Art. 9. « Les agents de district pour la confection du salpêtre seront chargés de faire une tournée dans toutes les municipalités du district ; ils ré¬ pandront la connaissance des procédés les meil¬ leurs et les plus économiques : ils feront la visite des lieux qui sont propres à donner du salpêtre,