602 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 mai 1791.] ressources diminuent à mesure que le danger nous menace. L’ennemi du dehors peut nous attaquer en face ; l’ennemi du dedans nous mine sourdement. Les prêtres rebelles, plus dangereux, sentant l’avantage qu’ils ont, redoublent leurs manœuvres. En accueillant la demande que nous avons l’honneur de vous faire, vous donnerez une nouvelle preuve de votre sollicitude paternelle pour un département que sa position rend tous les jours plus digne d’attirer votre attention et de ressentir les effets de vos bontés. « Nous sommes avec respect, etc... « Signé : Les administrateurs faisant les fonctions du directoire du département du Bas-Rhin. » M. Regnaud(ete Saint-Jean-d'Angèly). Il n’est pas nécessaire de s’étendre sur l’urgente nécessité de prendre une détermination relativement à la lettre dont vous venez d’entendre la lecture. Je ne doute pas qu’une des principales mesures qu’il y ait à proposer ne paraisse à vos comités, à qui je fais la motion de la renvoyer, possible à adopter; et je ne doute point, moi personnellement, de son succès. Je suis convaincu qu’une très grande portion de la garde de l’intérieur du royaume, et particulièrement de la garde nationale parisienne, s’empressera d’aller porter à nos frères du Bas-Rhin le même courage, le même zèle, la même énergie qu’elle a développée. {Applaudissements des tribunes.) Je crois devoir rappeler que déjà un très grand nombre de citoyens, d’amis de la liberté et surtout d’amis de la paix qu’on veut troubler sur les confius de l’Empire, pour pouvoir la troubler ensuite au milieu ; qu’un très grand nombre de citoyens, dis-je, se sont déjà fait inscrire pour cette mission honorable et glorieuse, et je ne doute pas qu’aussitôt que vous leur aurez permis de partir, vous n’ayez plus d’autre embarras que celui de choisir parmi ceux qui s’offriront; mais, pour qu’on puisse prendre une détermination aussi prompte que la nécessité semble l’exiger, je demande que la lettre dont vous venez d’entendre la lecture soit renvoyée aux comités diplomatique et militaire réunis pour en faire le rapport demain saus faute à midi. (4 gauche: Oui I oui !) Un membre ; M. le procureur général syndic du département des Vosges m’écrit que ce département manque d’armes et il en demande avec les plus vives instances. Il vient de recevoir une quantité de 1 ,600 fusils pour 562 municipalités dont la plupart sont composées de 10 à 12 villages, formant une population de 10 à 12,000 hommes. Ce département n’a point de poudre, et cependant le même procureur général me marque que, dans les arsenaux et dans les magasins, il y en a de grandes quantités. Vous voyez, Messieurs, combien il est intéressant que ce département soit armé. J’ai l’honneur de vous représenter qu’il touche à l’Alsace, de toutes les provinces de la France la plus exposée. J'ajouterai même, Messieurs, qu’il y a de ce côté de nos frontières un passage où, dans la supposition d’une irruption, l’on pourrait s’introduire jusqu’au milieu du département. Je demande, avec le renvoi de la lettre de Strasbourg au comité., que l'Assemblée veuille bien ordonner quede comité prendra en considération la situation de ce département, afin de mettre le peuple à l’abri d’un coup de main. M. Rabaud-Salnt-Etlenne. On vient d’en* voyer au comité diplomatique une lettre de Pontarlier, dans laquelle on témoigne également que malgré le sang-froid que l’Assemblée nationale a gardé sur tous ces bruits, ainsi que le commandait sa dignité, bruits dont la plupart sont mal fondés, il est cependant de sa justice et de son amour pour les peuples, de terminer les alarmes qui régnent sur toutes nos frontières. J’ai reçu des administrateurs du district de Pontarlier des détails sur l’état de l’émigration. Cette ville est une de celles qui s’en rendent plus facilement compte parce qu’elle est au passage. L’on m’écrit dans cette lettre qu’il passe tous les jours quinze ou vingt berlines pleines de monde, escortées de beaucoup de domestiques, de beaucoup de gens à pied et à cheval, lesquels emportent de l’argent. Aussi la municipalité, la garde nationale et le directoire du district se sont réunis pour faire de concert cette lettre, afin quelle ait plus de poids auprès de l’Assemblée nationale. Il y a d’autres objets qu’il est inutile d’énumérer maintenant; mais je demande que cette lettre soit jointe au rapport que le comité diplomatique doit faire, puisque cela regarde la même frontière. M. Eavie. Dans les départements du Haut et du Bas-Rhin nous avons le malheur d’être infectés de moines... {Rires et applaudissements.) Je disais donc, Monsieur le Président, que dans les deux départements du Haut et du Bas-Rhin nous avons le malheur d’être infectés de moines; le terme n’est pas trop fort, Messieurs... Un membre à droite : Le terme est insolent. M. Eavîe. Ce sont vos camarades... Je disais donc que ces hommes après avoir été traités par la nation comme vous savez {Rires à droite.) avec munificence, avec générosité, puisqu’on a donné à ceux qui demandaient l’aumône 8 ou 9 livres de reote; et dans nos provinces c’est une grande somme. Ceux qui ne pensent pas comme cela sont accoutumés aux déprédations. Je dis donc, Messieurs, que ces hommes vous payent de l’ingratitude la plus monstrueuse, que ces hommes sont perpétuellement à colporter de maisons en maisons, de châteaux en châteaux, d’un côté du Rhin à l’autre, toutes sortes de pamphlets, d’écrits incendiaires, tous plus abominables les uns que les autres, et qui ressemblent à leurs auteurs. Eh bien ! Messieurs, les départements ont voulu s’eu débarrasser;onavoulu,parexemple, envoyer des capucins à Belfort, où il y a des hommes vraiment constitutionnels {Rires), et où nous saurions bien les contenir, car il y a une justice prompte. On a voulu les déplacer : ces mauvais citoyens, ces hommes, reste de ces déprédateurs de ma province qui existent encore à Colmar, ces hommes qui rendaient toujours des arrêts en faveur du riche contre le pauvre, et qui vivaient de la substance du malheureux; ces hommes ont fait entrer le peuple en insurrection, et ont empêché le département d’en venir à bout, du moins jusqu’à présent. Je demande donc que le département soit autorisé non seulement à envoyer chez nous, où nous les contiendrons, mais dans l'intérieur du royaume, ces moines incendiaires; et là, quand une fois ils y seront, ils n’infecteront plus la province. {Murmures prolongés.) Je demande premièrement que ma demande [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 mai 1791.] QQ3 soit aussi renvoyée au comité de Constitution, pour que, sur son rapport, l’Assemblée statue. Je demande en outre que la loi par laquelle vous avez ordonné que les protestants de la Franche-Comté seront réintégrés dans leurs dro ts, soit exécutée, et que l’Assemblée demandeàM. le garde des sceaux, pourquoi elle n’est point en vigueur, pourquoi ces hommes se plaignent inutilement, pourquoi les églises qu'on leur a ôtées ne leur sont pas rendues. Il faut qu’on les leur restitue, et que quelques monstres, soi-disant ecclésiastiques, ne viennent point avilir notre sainte et sacrée religion. Par l’intolérance qu’ils montrent, ils la font haïr dans cette province. Qu’ils soient doux comme Jésus-Christ et nous vivrons en paix. M. Prieur. Il y a environ quinze jours que l’on a dit à cette tribune. « Encore deux mois, et la Constitution est faite ; » et alors tous les suppôts du despotisme ont frémi d’un bout du royaume à l’autre. (A droite ; Ah ! Ah !) Oui, j’ose le répéter, encore deux mois, et la Constitution est faite ; mais, pendant ces 2 mois, il faut que tous les bons citoyens se rallient, se serrent, parce que le fanatisme, le despotisme, la tyrannie dans lesquels la France a gémi si longtemps, vont réunir leurs efforts pour tâcher de la rendre esclave, ou delà plonger dans les horreurs de l’anarchie. Voilà quels sont aujourd’hui les projets de nos ennemis. Ils sont allés dans les cours étrangères faire retentir le bruit des fers qu’ils veulent continuer de porter; ils ont cherché à attirer la fureur des despotes sur la France; mais leurs efforts seront aussi vains qu’impuissants : quatre millions de Français les attendent. Ils seront invincibles puisqu’ils combatieut pour la liberté. (. Applaudissements . ) Le déparlement du Bas-Rhin vous demande de lui envoyer 5, OOOgardes nationales, s’ilen demandait 50,000, il les aurait sous huit jours. (Applaudissements.) Oui ! oui 1 ils seront prêts sous huit jours ; et si la patrie n’avait pas besoin de nos conseils, nous irions la défendre nous-mêmes, les armes à la main. Mais ce n’est pas assez; on vous parled’une armée étrangère que jeregarde comme aussi peu effrayante qu’elle est ridicule en elle-même. Il y a bien des officiers; mais on y compte peu de soldats ; mais cette armée n’osera jamais se présenter sur nos frontières, tant que l’union, la paix régneront dans toutes nos contrées. Alors qu’ont fait ceux qui étaient à la tête de ces officiers ? Ils ont cru qu’ils devaient s’associer des fanatiques pour séduire le peuple; car ce n’est qu’en égarant ce bon peuple, qu’on parvient àle porier à ('insurrection contre une Constitution faite pour son bonheur; ils se sont donc ralliés, et ce sont des Français qui osent aujourd’hui venir porter les armes contre leur patrie. Que devons-nous faire dans les circonstances actuelles? Il faut que nous fassions enfin, puisqu’ils nous y forcent, il faut que nous fassions suspendre sur leur tête le glaive de la justice; il faut que nous sachions quel doit être le sort de ces rebelles qui ont l’infamie de porier les armes contre leur patrie, et je demande que le comité de Constitution, réuni avec le comité de jurisprudence criminelle, nous présente dans deux jours une loi qui décide le sort des rebelles. (Applaudissements.) M. Gaultier-Biauzat. Les craintes qu’on cherche à répandre sous prétexte d’épouvantails extérieurs, sont fomentées par des personnes qui sont dans l’intérieur du royaume, et. fort près de nous, s’il n’y en a pas parmi nous. En conséquence, je demande que le comité des recherches qui, qu’on me permette de le dire, fait beaucoup mieux son. devoir que le comité diplomatique, lui soit adjoint, ainsi que le comité militaire. En voici la raison. 11 se fait, Messieurs, des émigrations nouvelles tous les jour£; n’en craignez cependant pas les suites. Il est des ci-devaut nobles dans ma ci-devant province, devenus fous de rage, qui ont pris le parti de sortir tous (Rires.) ; il n’y a pas d’inconvénient à cela; mais l’inconvénient consiste dans la mauvaise intention des personnes qui espèrent le plus grand succès de ce parti insensé. J’ai déposé hier au comité des recherches une lettre explicative de ces zélés contre-révolutionnaires. Ne redoutez pas encore les événements, car cette lettre annonce que ce ne sera que dans deux mois d’ici la contre-révolution. (Murmures.) Ce monsieur, l’auieur de la lettre, est un de ces personnages qu’on appelait ci-devant gentilshommes... Un membre à droite : Ils le sont encore. M. Gaultier-Biauzat. 11 est à Paris; il sert près du roi, et il s’appelle Aubier ; il a écrit, dans une lettre que j’ai vue, que, pourvu que l’on veuille bien attendre encore deux mois, il répond de la cure de Paris. M. de Montlosier. C’est vrai. M. Gaultier-Biauzat. Voilà, Messieurs, les alarmes que des imbéciles cherchent à répandre; mais, quelque dépourvues de fondement qu’elles soient, il est de notre devoir de tranquilliser nos concitoyens, nos frères, sur les inquiétudes par le-quelles on cherche à les travailler. Je demande en conséquence la réunion du comité des recherches, et que les trois comités nous proposent demain un décret qui vous donne des mesures pour empêcher que désormais les mauvais prêtres, les gens sans religion, et qui prétendent en avoir, puissent continuer d’agiter le peuple; et pour qu’ils soient punis, ainsi que vous l’avez décrété, comme perturbateurs du repos public. M. le Président. Je mets aux voix la demande de MM. Regnauld et Biauzat tendant au renvoi de la lettre des administrateurs du département du Bas-Rhin aux trois comités des recherches, militaire et diplomatique réunis. M. Prieur. Et ma proposition? M. le Président. Messieurs, je vous observe que le Code pénal est à l’ordre du jour de demain. M. Prieur. C’est bien alors. (L’Assemblée consultée décrète le renvoi de la lettre des administrateurs du département du Bas-Rhin aux trois comités des recherches, militaire et diplomatique réunis.) M. Dupont (de Nemours). Voici, Messieurs, l’ instruction pour les colonies , telle que les. commissaires que vous avez désignés croient devoir vous la présenter après un mûr examen :