616 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. | JéïeSrelM « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport du comité de la guerre (Prieur, {de la Côte-d'Or), rapporteur (1)], décrète ce qui suit : « La Convention nationale, considérant que tous les citoyens français sont également appelés à la défense de la liberté, que tous les bras doi¬ vent être armés pour elle, que toutes les pro¬ priétés doivent concourir aux moyens de re¬ pousser la tyrannie, et qu’au moment où les ma¬ nufactures d’armes à feu se multiplient sur toute la surface de la République, il faut multiplier les fabriques de salpêtre en même proportion, dé¬ crète ce qui suit : Art. 1er-« Tous les citoyens, soit propriétaires, soit lo¬ cataires, excepté ceux dont les habitations sont comprises dans l’arrondissement d’un salpêtrier, et dont il sera parlé ci-après, sont invités à les¬ siver eux-mêmes le terrain qui forme la surface de leurs caves, de leurs écuries, bergeries, pres¬ soirs, celliers, remises, étables, ainsi que les dé¬ combres de leurs bâtiments. « Le salpêtre qu’ils auront ainsi récolté leur sera payé, par la régie des poudres, 24 sous la livre, prix déjà déterminé par la loi du 28 août dernier (vieux style). Art. 2. « Pour mettre cette opération à la portée de tous les citoyens, il sera envoyé par le comité de Salut public, dans toutes les communes, une instruction sur l’extraction du salpêtre : cette instruction sera lue sous l’arbre de la liberté trois décadis consécutifs, et sera déposée à la municipalité pour être consultée ou transcrite par tous ceux qui voudront en faire usage. Art. 3. « Afin de suppléer au travail de ceux qui ne pourraient pas s’y livrer par eux-mêmes, les mu¬ nicipalités sont invitées à former un atelier com¬ mun destiné à lessiver les terres où à faire éva¬ porer les lessives que les citoyens y feraient trans¬ porter. « A cet effet elles choisiront l’homme le plus propre, par ses connaissances et par son patrio¬ tisme, à diriger ces opérations, et à éclairer ses concitoyens sur celles qu’ils voudront faire chez eux. « Le salpêtre provenant de ce travail commun sera de même payé par la régie, à raison de 24 sous la livre. Art. 4. « Les municipalités pourront, avec l’approba¬ tion de l’Administration de district, prendre en location une maison, soit nationale, soit parti culière, convenable à l’atelier commun indiqué dans l’article précédent. Le prix de la location, ainsi que les autres frais des opérations, seront acquittés sur le produit du salpêtre. Art. 5. « Pour assurer le succès de ces nouveaux éta¬ blissements, la régie nationale des poudres pla¬ cera dans chaque département un de ses préposés, dont les fonctions auront pour principal objet d’instruire les agents de district dont il sera parlé dans les articles suivants, de juger de leur capacité, et d’entretenir avec eux la correspon¬ dance nécessaire. Le ministre des contributions fixera, sur le rapport de la régie des poudres, le traitement de ces préposés. Art. 6. « Chaque Administration de district sera te¬ nue d’envoyer auprès du préposé de la régie, dans le département un citoyen qui fera preuve de connaissances suffisantes, ou qui s’instruira dans le travail de l’extraction du salpêtre jus¬ qu’à ce que le préposé le juge capable de diriger ce travail. Art. 7. « Lorsque le préposé de la régie jugera ce ci¬ toyen suffisamment instruit, il lui délivrera un certificat de capacité, et alors celui-ci sera re¬ connu comme agent du district pour l’exploi¬ tation du salpêtre, ce dont il sera donné avis au ministre des contributions publiques par l’Ad¬ ministration du district. Art. 8. « Le traitement de ces agents sera de 150 li¬ vres par mois. Le ministre les leur fera payer d’après un certificat d’activité de service délivré par l’Administration de district, et sur les fonds qui sont à sa disposition pour les poudres et salpêtres. Art. 9. « Ces agents du district pour la confection du salpêtre seront chargés de faire une tournée dans toutes les municipalités du district. Us répan¬ dront la connaissance des procédés les meilleurs et les plus économiques; ils feront la visite d# lieux qui sont propres à donner du salpêtre, afin de s’assurer s’il n’y en a point dont l’exploitation soit négligée: (1) D’après le document imprimé; 617 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j dSbrem Art. 10. « S’il se trouve dans une commune des ter¬ rains négligés qui donnent l’espérance d’un assez grand produit pour mériter un atelier, l’agent du district le fera établir sous la surveillance de la municipalité ainsi qu’il a été dit article 3. Art. 11. « Dans le cas où une municipalité aurait be¬ soin de quelque avance de fonds pour subvenir aux premières dépenses de cet établissement, elle en fera la demande à l’Administration du dis¬ trict, qui, sur le rapport de son agent, sera au¬ torisée à l’accorder. Cette somme sera prise dans la caisse du receveur du district, et sera rem¬ placée sur le produit du salpêtre récolté par cet atelier, et, en cas d’insuffisance, par une addi¬ tion d’imposition sur les habitants de la com¬ mune. Art. 12. « Les citoyens et les municipalités porteront ou feront porter leur salpêtre au chef-lieu de district à des époques qui seront fixées par l’ad¬ ministration. « Là, l’agent du district jugera si le salpêtre est d’une qualité suffisante, et en constatera la quantité en présence d’un commissaire nommé à cet effet par l’Administration de district. Ce commissaire délivrera aux porteurs des recon¬ naissances de la valeur des salpêtres reçus, qui seront acquittées à l’instant par le receveur du district . « L’état de la recette des matières et des paie¬ ments sera envoyé par l’Administration de dis¬ trict au ministre des contributions publiques, qui fera remplacer, sans délai, le montant de ces sommes dans la caisse du receveur. Art. 13. « Les salpêtres ainsi rassemblés dans les chefs-lieux de district seront à la disposition de la régie des poudres, qui les fera transporter dans les établissements pour le raffinage. Art. 14. « Le ministre des contributions publiques, sur la demande de la régie des poudres, est autorisé à augmenter le nombre des agents de cette régie, en proportion de l’augmentation de ses travaux. « Il sera mis à la disposition de ce ministre une nouvelle somme de quatre millions pour sub¬ venir à la dépense de la fabrication des salpêtres et poudres. Cette somme sera augmentée par la suite, s’il est nécessaire; Art. 15. « Lorsque l’agent de district jugera que les terrains salpêtrés peuvent être exploités dans l’année par les salpêtriers ordinaires de l’arron¬ dissement, ou lorsque les ateliers de la régie suf¬ firont pour exploiter les terres salpêtrées, les ci¬ toyens ne pourront point se livrer à l’extraction du salpêtre de leur terrain. « Les Administrations de district veilleront à ce que l’exécution de cet article n’introduise des abus qui tendraient à priver la République d’une partie de la récolte de salpêtre qu’elle a droit d’attendre d’une exploitation active, et, dans ee cas, elles en informeront promptement le comité de Salut public. Art. 16. « Le ministre des contributions publiques est chargé de l’exécution du présent décret, dans tout ce qui a rapport au service de la régie des poudres. Le comité de Salut public surveillera cette exécution dans toutes ses parties. « La Convention nationale la recommande à la vigilance patriotique des Sociétés populaires(l). Suit le texte du rapport de Prieur (de la Côte-d’Or) d'après le document imprimé par ordre de la Convention (2). Rapport sur le salpêtre fait a la Conven¬ tion NATIONALE, AU NOM DU COMITE DE Salut public, le 14 frimaire, an II de la République, par G. -A. Prieur, député de la Côte-d’Or. Le comité de Salut public a pensé qu’il fal¬ lait avertir le peuple sur un de ses plus impor¬ tants moyens de défense : c’est du nitre ou sal¬ pêtre, base de la poudre, que nous venons vous occuper. Le sol de la République française est riche de cette production. Les recherches des naturalistes et des chimistes offrent à cet égard les plus heureux résultats. Dans toutes les guerres que la France a eu à soutenir, elle n’a emprunté que très peu de ce sel aux nations étrangères; elle a toujours tiré de son propre sol cette matière première de la poudre. Les tra¬ vaux de la régie nationale en ont même cons¬ tamment augmenté la production annuelle; mais les récoltes accoutumées ne répondent plus à l’ardeur républicaine, et le riche dépôt de sal¬ pêtre que la nature confie sans cesse à nos terres, demande à passer en plus grande abondance dans la main de nos guerriers. Le royalisme avait soigneusement repoussé la fabrication des armes qu’un cri général appelait de toutes parts il) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 350 à 355. « (2) Bibliothèque nationale : 19 pages in-8°. Le38, n° 591. Bibliothèque de la Chambre des députés : Collection Portiez (de l’Oise), t. 25, n° 72 et 36, n° 10. Moniteur universel [n° 76 du 16 frimaire an II (ven¬ dredi 6 décembre 1793), p. 306. col. 11.