[États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén. de Villefr.-de-Rouergue.] 169 universités; une plus grande surveillance sur les études, et la création, dans chaque université, d’une chaire de droit public. Art. 57. L’uniformité de poids, mesures et aunages dans tout le royaume, sera prise en considération, et les députés représenteront le désir de la province de la voir établir. Art. 58. Il n’y a, dans la province, aucune ressource pour l’éducation des demoiselles de condition pauvres, et il existe, dans beaucoup d’autres, des chapitres de chanoinesses qui sont du plus grand secours et de la plus grande utilité. Les députés demanderont, pour cette province, un établissement dans ce genre; et que, pour sa dotation, le Roi soit supplié d’y pourvoir au moyen des biens ecclésiastiques. MILITAIRE. Art. 59. Les députés demanderont la refonte entière du code militaire, et qu’il en soit préparé un nouveau qui devienne stable et permanent ; que Jes officiers de tous grades soient admis au conseil de la guerre et de la marine ; que les lieutenances colonelles soient rendues à l’ancienneté ; que tout régiment de toute arme soit admis à la garde de la personne du Roi ; que les privilèges attachés à certains corps militaires soient abolis; que la punition avilissante des coups de plat de sabre soit convertie en d’autres punitions qui maintiennent la discipline, et plus analogues à l’esprit de la nation, et que les écoles militaires pour l’éducation de la noblesse pauvre soient multipliées et placées dans les différents cantons du royaume. Art. 60. La défense de l’Etat exige que la marine de France soit maintenue dans un état de force ; nos députés feront prendre cet objet en très-grande considération aux Etats généraux. Art. 61. Les députés demanderont une augmentation de maréchaussée, par une création de brigades à pied, pour veiller à la sûreté publique. Tels sont les vœux que la noblesse charge ses députés déporter à l’assemblée nationale, en leur recommandant de concourir à régler tout ce que le temps permettra de statuer sur la restauration des mœurs, le maintien de la religion, le respect dû au culte. Clôturé le 25 mars, 1789. Signé Corneillan, président ; le comte de Cruzy de Marcillac, vice-président; le comte deBourna-zel ; Montcalm de Goyon ; d’Albignac ; d’Izarn de Fraissinet ; Dulac ; deVezins ; Lacombe ; deGualy ; d’Armagnac de Gastanet ; Dourdon de Pierre-fiche ; de Corneillan ; de Granier ; de Gros de Per-rodil; de Tauriac ; de Combettes delà Fajolle; Combettes descendes, tous commissaires, ce dernier rédacteur.- CAHIER Des articles à proposer par les députés du tiers-état delà sénéchaussée de Rouergue aux Etats généraux de France , convoqués à Versailles le 27 avril 1789 (1). Le tiers-état de la sénéchaussée de Rouergue, assemblé à Villefranche par ordre du Roi, pour rédiger le cahier des remontrances, plaintes et doléances de ladite sénéchaussée, et nommer des députés aux Etats généraux, convoqués à Versailles pour le 27 avril 1789, offre au Roi l’hom-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. mage respectueux de sa soumission à sa volonté, de son amour pour sa personne sacrée, et de sa vive reconnaissance de l’acte de bienfaisance et de justice que Sa Majesté vient d’exercer envers ses' peuples, en rendant à la France ses Etats généraux, en réintégrant la nation dans ses droits imprescriptibles; et désirant de coopérer, autant qu’il est en lui, à l’heureuse révolution qui se prépare, il va rédiger le présent cahier contenant le vœu de Rassemblée du tiers-état de ladite sénéchaussée, que les députés sont chargés de porter à Rassemblée nationale, avec tous pouvoirs nécessaires pour proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, Rétablissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, et la prospérité générale du royaume. CONSTITUTION. Art. 1er. Les députés ne sont autorisés à consentir aucun impôt, ni traiter aucuns autres objets : 1° Que la constitution ne soit fixée par des lois immuables , qui conservent l’autorité du prince et les droits de la nation ; 2° Que le retour périodique des Etats généraux ne soit arrêté. Art. 2. Dans toutes les délibérations des Etats généraux, les députés des trois ordres voteront en commun, en croisant les voix, qui seront comptées par tète et non par ordre ; et s’il était délibéré que les ordres voteraient séparément, et que les trois suffrages ne fussent pas unanimes, les trois ordres se réuniraient, et leurs opinions seraient recueillies par tète. Art. 3. Dans aucun cas, le tiers-état ne pourra être représenté aux Etats généraux que par des membres de son ordre. CLERGÉ. Art. 4. Les députés du tiers-état sont chargés de demander l’exécution des canons concernant la résidence et la visite des évêques dans leur diocèse. Art. 5. Suppression de tous les bénéfices en commende, et leurs revenus employés , dans chaque province, à des objets d’utilité publique. Art. 6. Suppression des bénéfices non sujets à résidence, et réunion des prieurés simples aux cures. Art. 7. De demander une loi sur le fait des dîmes et prémices, qui tarisse, autant qu’il se pourra, les procès qui s’élèvent à cet égard , en suppliant Sa Majesté et les Etats généraux de prendre en considération qu’il est de toute justice de fixer une moindre quote en représentation des frais de semence et de culture. Art. 8. L’abolition de toute espèce de casuel , et l’augmentation des portions congrues jusqu’à 1,200 livres pour les curés, et 600 livres pour les vicaires des petites villes, bourgs et paroisses peuplées de 1,500 habitants ou au-dessous; et de 2,000 livres pour les curés, et 800 livres pour les vicaires des villes et paroisses plus considérables. Art. 9. L’établissement, dans chaque diocèse, d’une caisse ecclésiastique, dont les fonds soient employés à fournir des pensions aux ecclésiastiques infirmes ou d’un âge trop avancé. Art. 10. La suppression des maisons religieuses où la conventualité n’est pas observée, et les revenus applicables aux établissements énoncés dans l’article précédent et autres œuvres pieuses. [Sén. de Villefi’.-de-Rouergue.] 170 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Art. 11. Que les dispenses des mariages ne puissent être demandées àRoine, que sur le refus de l'évêque diocésain et du métropolitain. Art. 12. Que les cures vacantes soient toutes mises au concours, sans préjudice du droit des patrons laïques, en n’admettant que les seuls gradués à concourir pour celles qui vaqueront dans les mois de grade ; et que les juges du concours, sans la présidence de l’évêque, soient librement choisis, pour un temps limité, par tous les bénéficiers du diocèse. Art. 13. Que les réparations des églises et presbytères soient à la charge des décimateurs. Art. 14. L’arrondissement des paroisses, et l’érection d’autres dans celles trop étendues et d’un service difficile. JUSTICE. Art. 15. De supplier Sa Majesté d’accorder, à des jours déterminés, son audience publique et paternelle, pour recevoir les requêtes et écouter les plaintes de ses sujets. Art. 16. Que, pour rapprocher les juges des justiciables, il soit établi un tribunal souverain dans chacune des provinces qui seront régies par des Etats provinciaux parti culiersa Art. 17. L’abolition de la vénalité des bffices, à la charge, par chaque province, de rembourser la finance, les cas de vacance avenant par mort ou démission des titulaires. Art. 18. La suppression de toutes épices, pour les juges, dans tous les tribunaux; et attribution des gages proportionnés à l’importance de leurs fonctions, payables par chaque province aux officiers royauxj et par les seigneurs à leurs juges, tenus à une assiduité rigoureuse, les absents devant en être privés au profit des présents. Art. 19. La suppression de tous les tribunaux d’exception, sauf des juridictions consulaires : réunion des fonctions des tribunaux supprimés aux juridictions ordinaires, et remboursement effectif de la finance par chaque province. Art. 20. Que les tribunaux souverains, qu’il plaira au Roi de créer, soient composés de sujets présentés à Sa Majesté par l’assemblée générale des Etats provinciaux, et choisis parmi les juges ou les avocats de la province qui auront l’exercice ou une postulation honorable de quinze années ; et qu’à l’égard des présidiaux l’exercice ou la postulation soit bornée à huit ans ; que la même forme soit observée, avenant vacance des offices. Art. 21. Que, dans toutes les municipalités royales, les officiers municipaux soient autorisés à juger en dernier ressort, jusqu’à la somme de 12 livres dans les matières dont la compétence leur est attribuée. Art. 22. L’abolition de toute distraction du ressort, et de tout privilège de juridiction, sauf pour la régale et les pairies. Art. 23. La simplification de la procédure civile; aviser aux moyens de la rendre plus prompte et moins dispendieuse, pour qu’il n’y ait jamais que deux degrésde juridiction, et notamment quclesju-gements de compétence, prescrits par la déclaration d’août 1777, soient poursuivis et rendus sans aucuns frais; qu’il ne puisse être rien porté, à raison de ce, sous aucun prétexte. Art. 24. Presser la réformation du code criminel, si désirée depuis longtemps. Art. 25. Que nul ne puisse être pourvu d’office de notaire, s’il n’est gradué, et ne justifie d’une postulation de six ans au moins, en qualité de clerc dans une étude ; et qu’il ne soit reçu qu’après avoir été examiné et trouvé capable par le tribunal auquel ses provisions seront adressées. FINANCES. Art. 26. Le tiers-état, pénétré de cette vérité incontestable que la nation seule peut consentir l’impôt; que tous ceux établis depuis la dernière tenue des Etats généraux, l’ont été illégalement; que le consentement de la nation n’a pu être suppléé par l’enregistrement dans les cours qui n’ont jamais reçu d’elle aucun pouvoir, charge ses députés de prendre connaissance de la situation des finances, du produit des divers impôts, de leur emploi, de la dette nationale ; il les autorise à consentir, d’après cette connaissance de la situation des finances, la partie des impôts qui leur paraîtra devoir être conservée, et même d’en consentir de nouveaux, en représentation de ceux qui seront supprimés, de manière que la somme totale des impositions du tiers-état de cette province, soit diminuée à raison de sa surcharge reconnue; impôts qui ne pourront être perçus que jusqu’à l’époque fixée pour la prochaine tenue des Etats généraux, et qui cesseront de plein droit à cette époque. Art. 27. Les députés demanderont expressément qu’il soit enjoint à tous les tribunaux de poursuivre, avec toute la rigueur des lois, comme exacteurs, ceux qui s’ingénieraient en aucune manière, dans la perception d’un impôt qui n’aurait pas été consenti par l’assemblée de la nation. Art. 28. Que l’emploi du produit des différents impôtsjsoit déterminé parles Etats généraux, sans pouvoir être interverti. Art. 29. La comptabilité des ministres envers les Etats généraux, et leurs comptes rendus publics. Art. 30. Suppression de tous privilèges pécuniaires, soit personnels, soit réels. Art. 31. Abolition de tout impôt et de tout rôle distinctif, et notamment du droit de franc-fief. Art. 32. Suppression de tous droits de marque, d’entrée, de sortie et autres qui gênent la liberté du commerce dans l’intérieur du royaume. Art. 33. Révocation de l'édit concernant les hypothèques. Art. 34. Suppression du tarif du contrôle, insinuation des actes et droits réservés des greffes, en conservant néanmoins un droit unique, modéré et uniforme. Art. 35. Réduction de la formule à un taux modéré, et dispense du parchemin pour tous extraits, comme plus susceptible d’altération. Art. 36. Suppression entière de la gabelle. Art. 37. De simplifier la perception de l’impôt, en autorisant les Etats provinciaux à choisir et employer les voies les plus simples et les plus économiques, soit pour la perception elle-même, soit pour le versement dans le trésor royal. Art. 38. De supplier Sa Majesté de rentrer dans ses domaines, aliénés ou engagés à titre d’échange ou autrement; et de renvoyer l’adjudication des ventes qui en seront faites à titre incommutable, suivant les formalités, au plus offrant et dernier enchérisseur, devant les Etats provinciaux des lieux où lesdits domaines se trouveront situés, pour le prix en être employé au payement des dettes de l’Etat. Art. 39. De fixer une somme destinée aux pensions et gratifications; laquelle une fois épuisée, il ne puisse plus être accordé que des survivances. Art. 40. L’égalité de répartition des impôts entre les différentes provinces du royaume; représenter la surcharge énorme de la haute Guienne, et met- [Êtatsgén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES . [Sén. de Villefr.-de-Rouergue.] 171 tre sous les yeux du Roi et de l’assemblée nationale, les preuves qui justifient cette surcharge, et desquelles il résulte que le taux commun cle la taille est le cinquième du produit, et que les deux tiers de l’entier produit des fonds de cette province sont absorbés par les impositions directes, sans y comprendre les impositions indirectes. ÇOLICE GÉNÉRALE ET RIEN. PUBLIC. Art. 41. Etablissement d’Etats provinciaux dans chaque généralité duroyaume* dont l’organisation sera fixée par les Etats généraux de la manière la plus convenable aux localités. Art. 42. Rétablissement de l’élection libre pour les charges municipales. Révocation et suppression des provisions en titre, accordées jusqu’ici avec remboursement de la finance. Art. 43. Que les comptes des collecteurs des communautés soient communiqués à quatre commissaires au choix des communautés, qui ne soient comptables ni reliquataires; qu’ils soient révisés et impugnés, article par article, par lesdits commissaires, et envoyés avec toutes les pièces à la commission intermédiaire des Etats provinciaux, pour être clôturés sans aucuns frais. Art. 44. Réformations dans les universités; surveillance sur les études, et création, dans chaque université, d’une chaire de droit public. Art. 45. üe demander une loi qui légitime l’intérêt du prêt à jour, au taux porté par les ordonnances. Art. 46. Qu’il soit accordé des encouragements à l’agriculture, première source des richesses de l’Etat, et principalement aux nouvelles plantations des bois, objet très-important. Art. 47. Abolition de toute espèce de droits, connus sous le nom de commun de paix. Art. 48. Abolition de tout privilège concernant le logement des gens de guerre. Art. 49. Suppression de la milice en la forme qu’elle est pratiquée, à la charge, par les Etats provinciaux, de faire enrôler, aux frais de la province, le nombre de soldats auquel elle sera taxée. Art. 50. Suppression des maîtrises, et liberté pour l’exercice de tous arts et métiers. Art. 51. Révocation des lois qui ont exclu le tiers-état des emplois militaires, des emplois de la marine, et de la maison du Roi ; cassation de tous arrêtés et délibérations des cours qui excluent le tiers des charges de magistrature. Art. 52, Représenter le désir de la province sur l’uniformité des poids, mesures et aunages, dans tout le royaume. Art, 53.' Exécution de l’article 129 de l’ordonnance de 1629, qui rend prescriptible, par le laps de cinq ans, tous arrérages de toute espèce de rentes foncières, loyers, et fermages. Art. 54. Liberté individuelle des citoyens ; suppression des lettres de cachet, sauf les cas précis qui pourront être exceptés par les Etats généraux. Art. 55. Liberté de la presse. Art. 56. Demander que les hôpitaux particuliers, et les fondations et distributions d’aumônes des paroisses et communautés, soient réintégrés dans tous les biens réunis aux hôpitaux généraux. Art� 57. De bannir à jamais toute différence dans les attitudes des députés qui se présenteront devant Sa Majesté, chacun des trois ordres, composés d’hommes libres, de Français, de sujets de Louis XVI, ne devant être autrement distingué que par l’expression de son zèle et de sa fidélité. Ce sont les vœux que le patriotisme le plus pur a dictés au tiers-état de la sénéchaussée de Rouergue pour le bonheur de la France. Puissent tous les sujets de Louis XVI sentir l’importance du bienfait dont ils vont jouir ! Un prince accompli, plus sage que Titus, Trajan, et Louis Xll, veut briser les fers d’une nation qu’il aime, et dont il est adoré, en élevant, sur une base immuable, des monuments de sa liberté. Un ministre vertueux et éclairé, que l’estime publique conduit à l’immortalité, que le vœu général a reporté sur les marches du trône, pour le bien qu’il y avait fait, seconde, en ce moment, les désirs du monarque; la raison et la justice président à la régénération du royaume ; que d’heureux présages pour le succès!