[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 décembre 1790. | la maison d’arrêt ne pourra le recevoir, sous peine d’être poursuivi comme coupable de détention arbitraire. Art. 10. « Aucun dépositaire de la force publique ne pourra entrer dans la maison d’un citoyen, pour quelque motif que ce soit, sans un mandat de police ou ordonnance de justice. » Plusieurs membres du comité d'aliénation proposent de vendre des biens nationaux à diverses municipalités. L’Assemblée prononce le décret suivant : « L’Assemblée nationale, sur les rapports qui lui ont été faits, par plusieurs membres du comité d’aliénation, des soumissions faites suivant les formes prescrites, par différentes municipalités ci-api ès nommées, a déclaré leur vendre les biens nationaux dont l’état est annexé aux procè'- verbaux respectifs des évaluations ou estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour ies sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret; Savoir : « A la municipalilé deChâlons, département de la Marne, pour la somme de 857,973 1. 8 s. 2 d. « À celle de Bronssy-le-Pettt, pour la somme de 4,506 liv. 19 s. 6 d. « À celle de Soisy-aux-Bois, pour la somme de 24,640 livres. « A celle de Châlons, département de la Marne, pour la somme de 134,516 liv. 19 s. 6 d. « A celle de Saint-Lumier, pour la somme de 22,634 1.8 s. « A celle de Broyés, pour la somme de 16,512 livres. « A celle de Péas, pour la somme de 9,900 livres. « A la municipalité de Nesle, pour la somme de 210,668 liv. 7 s. 8 d. < A la municipalité d’Amiens, pour la somme de 2,339,992 liv. 15 s. 11 d. « A celle de Villiers -Saint-Orient, pour la somme de 28,331 liv. 8 s. 7 d. « A celle de Bonneval, pour la somme de 69,392 liv. 16 s. « A celle de Gasville, pour la somme de 19,902 liv. 6 s. « A celle de Brancourt, pour la somme de 364,302 liv. 15 s. 4 d. « Le tout ainsi qu’il est plus au long porté aux décrets annexés au procès-verbal de ce jour. » M. le Président informe l’Assemblée de la mort de M. Lefranc, ci-devant archevêque de Vienne, député à l'Assemblée, qui sera inhumé à sept heures du soir dans l’église Saint-Sulpice. (La séance est levée à trois heures.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. D’ANDRÉ. Séance du jeudi 30 décembre 1790, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et demie. Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivantes : 719 Adresse des officiers du tribunal du district de Cnstelj doux , de ceux du district de Toulouse, du district de Fougèies et du district de Pi ailes, qui, avant de commencer leurs fonctions, présentent à l’Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement. Les juges du district de Prades proposent plusieurs questions relatives à Turdie judiciaire. Adresse de la société patriotique de jurisprudence de Provins, et de la société des amis de la Constitution séant à Tartas; elles supplient l’Assemblée d’approuver leur établissement. Adresse de la société des amis de la Constitution établie à Amiens. Elle demande que les séances des corps administratifs soient rendues publiques. Adresse de la sociélé des amis de la Constitution de Clermont-Ferrand, séant aux Jacobins, contenant un rapport imprimé de deux députés de cette sociélé et de celle établie à Issoire, auprès de celle établie à Lyon, au sujet des derniers troubles arrivés dans celte ville ; il résulte de ce rapport que le sieur Money, ouvrier à Lyon, a mérité les éloges du civisme, en déconcertant, avec autant de prudence que de zèle, les projets infâmes des ennemis de la Révolution. M. Bracq, curé de Ribecourt, député du département du Nord, prête sou serment dans les termes prescrits par le décret du 27 novembre dernier. Le sieur Royllet, qui a déjà fait hommage à l’Assemblée d’un mausolée exécuté à la plume et consacré à la mémoire de Benjamin Fr.mcklin, vient lui offiir deux tableaux faits pour accompagner ce mausolée. L’un contient l’explication des allégories que présente le mausolée; l’autre offre à l’Assemblée une couronne de laurier national, uans laquelle est inscrite la lettre que l’auteur avait adressée à M. Merlin, alors président. (L’Assemblée agrée avec satisfaction ce nouvel hommage patrio ique du sieur Royllet, et lui accorde les honneurs de la séance.) M. Ic Président fait introduire à la barre une députation des dames de la halle de la ville de Pans ; une d’entre elles adresse à l’Assemblée le discours suivant : « Messieurs, c’est avec le zèle le plus ardent, la satisfaction la plus pure, que nous saisissons l’occnsion que nous offre le renouvellement de celte année, de nous acquitter du plus sacré de nos devoirs envers l’auguste Assemblée des représentants de la nation française, dont nous avons l’honneur de faire partie ; nos cœurs embrasés du feu divin de la liberté que vos sages lois nous préparent, viennent en rendre hommage à vos vertus sublimes, dont elles sont émanées; ce ne sont plus de vils esclaves qui viennent ramper aux pieds de leurs maîtres, pour en obtenir des grâces, mais des âmes libres qui, d’abondance de cœur, vous jurent un éternel dévouement. « O précieuse liberté, dont nous vous sommes redevables, tu nous retraceras sans cesse les nombreux travaux de ces héros français qui, au mépris de la mort même, ont affronte les périls les plus imminents pour parvenir à leur but, le bonheur de la France ! Peuple français 1 lais succéder la joie à celte morne tristesse qui t’accable depuis tant d’années ; jouis à présent d’une vie que tu regardais auparavant comme un pré-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 720 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 décembre 1790.] sent funeste; bientôt tu vas recueillir les fruits de notre sainte Constitution; c’est au courage de ces braves défenseurs, à la sagacité de ces prudents législateurs, et à leur désintéressement épuré, que tu dois ta fé icité-« Et vous, départements de cet Empire, au retour de vos représentants, décernez les honneurs du triomphe à ces vainqueurs de l’orgueil; ils les méritent ajuste titre. Pour nous, après avoir eu le bonheur de posséder dans notre ville des têtes aussi chères, nous en conserverons le souvenir jusqu’au tombeau, et ne cesserons de former les vœux les plus ardents pour la conservation de vos précieux jours. » M. le Président applaudit, au nom de l’Assemblée, au zèle et au patriotisme des dames de la Halle, et leur accorde les honneurs de la séance. (L’Assemblée, consultée par M. le président, décrète que le discours des dames de la Halle sera imprimé et inséré en entier dans le procès-verbal de ce jour.) Des députés extraordinaires de la commune de Saint-Pierre de la Martinique sont admis ensuite à la barre. Un d’eux fait lecture de l’adresse suivante : « Nous arrivons de la Martinique, que nous avons laissée en proie aux plus funestes divisions: envoyés par la ville de Saint-Pierre, pour solliciter vos st cours aux maux dont nous avons été les témoins, nous venons vous demander la paix pour ses malheureux habitants. Nous avons su en arrivant que votre sollicitude s’en était occupée; nous avons vu, dans votre décret du 29 novembre, des puissants moyens pour nous rendre la tranquillité; permettez-nous d’en solliciter la prompte exécution. Déjà un mois s’est écoulé, et chaque instant peut amener des désastres que tous vos efforts réunis ne sauraient réparer... Vous êtes instruits des principaux événements de la Martinique. Notre vœu, comme le vôtre, est que tout soit connu. Nos commettants verront avec joie examiner leur conduite et les motilsqui les ont mus; ils attendrontavecsécurité ce moment qui doit être pour eux un moment de triomphe. Vous verrez les troubles de la colonie commencer presque au même instant où la régénération de la mère-patrie devait nous faire jouir d’une nouvelle prospérité : les colons s’élancent vers la liberté ; le général Vioménil, ennemi des nouvelles opinions, ignorant sur la politique des colonies, est par imprudence le principe de tous nos malheurs ; il met la division entre les colons, il arme les mulâtres contre les blancs, et déclare laguerreà tousceux qui nesontpasdesonopinion. Une assemblée coloniale se forme, s’arroge le pouvoir législatif... Nous devions tous trouver la paix dans le décrût du 8 mars, et les instructions du 28; mais l’assemblée coloniale abuse de la faiblesse de M. Damas pour se maintenir, et elle obtient par son secours la cou li rrnation des paroisses... Vous connaissez l’expédition contre la ville de Saint-Pierre. « C’est en méconnaissant l’autorité des tribunaux, c’est en voulant retenir dans les fers des citoyens qu’ils avaient déclarés innocents, que l’ Assemblée a été came de nos derniers malheurs. Les soldats qui gardaient les prisonniers les ont mis en liberté; la garnison presque entière s’est déclarée en faveur des patriotes; ils se son! vus maîtres des forts ; leur première démarche a été de proposer des paroles de paix : vaines tentatives. M. Damas, entraîné par l’assemblée coloniale, se prépare à la guerre, se procure, dans les îles étrangères, des armes et des munitions. Des commissaires de quatorze paroisses se réunissent au fort Bourbon : ils proposent encore la paix et sont refusés. La Guadeloupe et toutes les îles voisines envoient à notre secours des gardes nationales et des troupes de ligne. M. Damas leur ordonne de retœ rner à leur garnison. « Nos adversaires ont armé les nègres par une aveugle fureur, aussi fatale pour eux que pour nous. Déjà plusieurs blancs ont péri. Savons-noussi la ville de Saint-Pierre n’est pas anéantie, et si l’on n’a pas prononcé contre ses habitants un arrêt de mort, quand on a mis le fer et le feu dans les mains des esclaves?... Nous attendons avec sécurité le résultat des recherches de vos commissaires. Ce que nous vous demandons avec instance, c’est l’exécution de vos promesses, c’est un nouveau gouverneur, des commissaires, des forces, et les nouvelles instructions qui doivent organiser les colonies. Nous idolâtrons la Révolution; nous avons combattu pour elle en Amérique; mais nous devons vous dire que les colonies sont perdues, que leur population disparaîtra de la surface du globe, si vous ne conservez pas la ligne de démarcation qui doit séparer le blanc de l’affranchi, et l’affranchi de l’esclave. L"S philosophes, dont les écrits ont pénétré dans les colonies, ont été la cause de beaucoup de troubles, et si leur malheureuse doctrine se propageait, dans le bouleversement qu’elle opérerait, ceux mêmes qu’on invite à l’insurrection, en seraient les premières victimes... Pénétrés de notre douleur, à peine vous avons-nous parlé de vos travaux,