SÉANCE DU 25 BRUMAIRE AN III (SAMEDI 15 NOVEMBRE 1794) - N° 48 267 vité, un puissant motif les animait, l’espérance de voir bientôt les pavillons travaillés de leurs mains, protéger notre commerce et porter la terreur dans l’ame des brigands ligués contre nous. Nous vous présentons, citoyens législateurs, les prémices de nos travaux, agréez un hommage qui vous est offert par des coeurs simples et embrasés des patriotismes les plus pûr. Nous n’aurons plus rien a desirer, si la victoire est aussi fidèle a suivre les pavillons de nos braves marins que les drapeaux des héros qui combattent sur nos frontières, n’en doutons pas, citoyens : nos voeux seront remplis : déjà la marine ennemie a été plusieurs fois humiliée : de nouveaux succès immortaliseront celle de la république : des flottes nombreuses iront porter jusqu’aux extrémités du globe, l’amour de la liberté et de l’égalité, la gloire du nom français, celle de nos législateurs, et nous, citoyens, satisfaits d’avoir contribué en quelque chose aux triomphes de la République, nous célébrerons avec nos frères les exploits de nos guerriers et les travaux de nos représentants. Approuvé et par l’administration du district du Mans. Suivent 19 signatures. 48 Des citoyens se disant fondés de pouvoir des patriotes de Saint-Domingue présentent une pétition ou mémoire accompagné d’un extrait du procès-verbal des assemblées des colons de Saint-Domingue, réfugiés à New York, dans les États-Unis de l’Amérique. La Convention décrète le renvoi de leurs réclamations à la commission des Colonies et les admet aux honneurs de la séance (114). Les fondés de pouvoirs des colons de Saint-Domingue sont admis à la barre. L’orateur : Citoyens représentants, vous venez de décréter la mise en liberté des colons détenus dans les diverses parties de la République ; vous aviez, le jour précédent, décrété la liberté provisoire des fondés de pouvoirs des patriotes de Saint-Domingue, depuis si longtemps repoussés de votre barre; ils y parviennent enfin aujourd’hui. Ceux qui, pendant quatre ans, luttèrent constamment contre les efforts des agents de l’Angleterre chargés de la ruine du commerce national, sont-ils des patriotes? Ceux qui disputèrent si longtemps à ses agents les débris fumants des îles à sucre, réduites en cendres, sont-ils patriotes? Ceux qui pouvaient conserver leurs riches cultures sous la bannière des despotes coalisés, et qui cependant, sous les auspices du pavillon de la République, se sont retirés aux États-Unis, où, sans asile, sans vête-(114) P.-V., XL IX, 224. ments, sans pain, ils tendent les bras vers vous, ceux-là sont-ils des patriotes? Eh bien, Législateurs, ce sont ceux-là qui nous ont envoyés vers nous : « Allez, nous ont-ils dit, allez vers les représentants du peuple français, accuser les dictateurs que nous envoya le dernier tyran, au moment où il conspirait contre la souveraineté du peuple : accusez Pol-verel et Sonthonax; ils nous ont privés de la consolation de donner notre assentiment au décret qui constitue la France en République. Dites aux législateurs de la France que, le poignard et la torche à la main, Polverel et Sonthonax nous ont forcés à fuir le sol que notre industrie fertilisait pour la prospérité nationale ; dites-leur que, ruinés, proscrits, punis par eux de notre amour pour la mère-patrie, nous n’en jurons pas moins fidélité inviolable à la République française une et indivisible » Tels sont, citoyens représentants, les expressions de leur dévouement à la France ; elles sont consacrées dans cette pièce dont nous allons vous donner lecture. L’orateur lit un procès-verbal dont voici l’extrait : « L’an 1793, le 2e de la République française, et 22e du mois d’octobre, trois heures de relevée, les colons français de Saint-Domingue, réfugiés dans la ville de New-York, se sont réunis dans la salle patriotique des états, lieu de leurs séances, conformément à l’ajournement de la séance du 19 du courant. L’adresse à la Convention nationale et à tous les républicains français a été généralement approuvée. Un membre a développé avec énergie les vertus civiques, les principes invariables, la fermeté courageuse de ces victimes arrachées du sein de leurs familles par les satellites de Sonthonax. L’on est passé au scrutin pour la nomination des commissaires auprès de la Convention nationale. Le dépouillement nous a donné ces noms si chers à nos coeurs, Larche-vêque-Thibault, Daugy, Raboteau, Page, Brul-ley, Lavergne, Vemeuil, Hugues, actuellement à New-York, qui tous, individuellement ou collectivement, réunis à nos compatriotes nommés à Philadelphie et dans les autres villes des États-Unis, sont chargés de dénoncer tous les ennemis, tous les auteurs des désastres sanglants de Saint-Domingue... Nous les chargeons spécialement de se présenter à la barre de la Convention nationale, pour y prononcer, au nom de la colonie et en notre nom particulier, le serment solennel de fidélité à la mère-patrie, et d’y faire connaître nos voeux sincères pour le succès de ses armes et la défaite entière de ses méprisables ennemis » L’orateur reprend la parole. Il demande en terminant qu’au lieu d’un inventaire mécanique et stérile des papiers qui sont sous les scellés, examen en soit fait, selon l’usage, sans déplacer ; qu’immédiatement après cet examen la discussion contradictoire ait lieu sans délai, et avec toute la publicité possible; qu’un tachygraphe recueille les expressions littérales de chacune 268 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE des parties, afin de les transmettre fidèlement chaque jour à la Convention et au peuple français. Un membre observe que la Convention ne peut prononcer sur ces pétitions contradictoires que sur le rapport des commissaires des Colonies. La pétition est en conséquence renvoyée à cette commission, et les pétitionnaires sont admis aux honneurs de la séance (115). 49 Elle renvoyé au comité des Finances une pétition qui lui est présentée par les créanciers de l’émigré Louis Stanislas Xavier Capet ci-devant Monsieur (116). 50 LOUIS (du Bas-Rhin) : Citoyens, je viens, au nom de vos comités de Salut public et Militaire, vous faire part de quelques observations, et vous soumettre des mesures qui leur ont paru importantes, relativement à la situation de la force armée de Paris, et à des circonstances qui peuvent influer sur la prospérité des armes de la République. Les premiers regards qui se portent sur l’organisation du service militaire à Paris ne permettent pas de douter combien les corps qui en sont chargés diffèrent de l’institution commune. D’un côté, on remarque de nombreuses divisions militaires formées sans adjonction d’aucune compagnie de canonniers, tandis qu’il existe réellement des compagnies de canonniers que la solde dont elles jouissent, leur création et l’ordre de service qui leur est particulier, rendent absolument étrangères à ces divisions. Mais, s’il est important d’organiser la garde nationale suivant le décret du 13 mars 1792 (vieux style), il n’est pas d’un moindre intérêt de mettre les compagnies de canonniers soldés, et actuellement à Paris, à portée de servir plus utilement encore la chose publique ; elles y semblent principalement appelées par les circonstances dans lesquelles se trouvent les armées françaises; en effet, la rapidité des conquêtes qui signalent leur marche victorieuse ne pourrait manquer d’affaiblir considérablement ces armées si leurs canonniers volontaires étaient incessamment obligés de demeurer dans chaque place ou fort nouvellement conquis, pour en assurer eux-mêmes le service. Vos comités de Salut public et Militaire, s’étant occupés des moyens de prévenir la nécessité de semblables disséminations, vous présentent comme vraiment dignes de veiller à (115) Moniteur, XXII, 513-514. F. de la Républ., n° 56 ; Mess. Soir, n° 820 ; Gazette Fr., n° 1048 ; Ann. Patr., n° 684 ; Ann. R.F., n°55; J. Fr., n°781; J. Mont., n°32; J. Paris, n°56. (116) P. V., XLIX, 224. la conservation de ces boulevards devenus si importants pour la République celles des compagnies de canonniers formées à Paris qui y sont encore existantes. Elles méritent d’autant plus cette préférence que déjà depuis longtemps elles ont paru ambitionner un service plus actif que celui dont elles sont aujourd’hui chargées; vos comités, en les proposant pour cette nouvelle destination, ont pensé que c’était seconder, autant qu’il est possible, leur attente, et offrir à la Convention nationale l’occasion de donner une nouvelle marque de confiance à des républicains dont les services dans le cours de la révolution, l’expérience et le patriotisme sont également reconnus. Le rapporteur termine par un projet de décret qui est adopté en ces termes (117) : Un membre [LOUIS (du Bas-Rhin)] propose et la Convention adopte le décret suivant relatif aux canonniers de Paris. La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de Salut public et Militaire décrète : Article premier.- Il sera procédé, sans délai, à la formation d’une compagnie de canonniers volontaires par section à Paris, conformément à la loi du 13 mars 1792 (vieux style), sur l’organisation de la garde nationale. Art. II.- Le comité de Salut public pourra disposer pour les besoins des armées, des compagnies de canonniers soldés actuellement à Paris. Art. III.- Il sera délivré des congés à tous ceux des canonniers soldés qui ne seront pas dans le cas de faire la campagne (118). 51 Un membre [HARMAND (de la Meuse)], au nom des comités de Sûreté générale et de Salut public, donne lecture d’un procès-verbal qui leur a été transmis par l’administration de police, sur ce qui s’est passé à la séance de la société populaire des Quinze-Vingts le 24 de ce mois. Des agitateurs de diverses sections s’y sont introduits et par des déclamations insensées essayoient de troubler la tranquillité publique en formant dans cette société un noyau de réunion, mais les bons citoyens du fauxbourg Antoine n’ont point donné dans le piège ; la société est demeurée calme, malgré les clameurs de quelques femmes qui compo-(117) Moniteur, XXII, 506-507. Débats, n° 784, 789-790; Bull., 27 brum. ; J. Mont., n° 32; J. Paris, n° 56. (118) P.-V., XLIX, 224-225. Moniteur, XXII, 507; Débats, n° 784, 790-791; Rép., n° 56; Bull., 27 brum.; J. Mont., n° 32; J. Perlet, n° 783 ; C. Eg., n° 819 ; Mess. Soir, n° 820 ; F. de la Républ., n° 56; Gazette Fr., n° 1048; J. Fr., n° 781; Ann. Patr., n° 684; Ann. R.F., n" 56. Rapporteur Louis (du Bas-Rhin) selon C* II, 21.