[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j J rctmbr " 17 93 /j-7 ses magasins l’inscription indicative des quan¬ tité et qualité des vins qui y étaient déposés. La loi du 26 juillet contre les accapareurs a été reçue avec la plus vive satisfaction de la part des amis du peuple; elle a été considérée comme le seul moyen de lui rendre la tranquil¬ lité, d’assurer ses subsistances, et de les main¬ tenir à un prix raisonnable; aussi devons-nous donner des éloges aux fonctionnaires publics qui en appliquent les dispositions avec une juste sévérité. Cependant la Convention n’a pas voulu con¬ fondre les innocents avec les coupables, et punir d’une peine capitale des hommes qui se sont conformés aux .dispositions essentielles de la loi, et qui auraient négligé de remplir dans toute leur exactitude quelques formalités, mais qui ont fait d’ailleurs preuve de bonne foi, par une déclaration exacte. C’est cette circonstance frappante qu’a remar¬ quée principalement votre comité dans cette affaire. Gandon paraît avoir été absent lors de la pro¬ mulgation de la loi. Il donne ordre de faire la déclaration des vins qu’il avait en dépôt. Cette déclaration est faite avec exactitude; il ordonne à ses préposés de mettre son nom au-dessus de la porte, avec ces mots : marchand en gros; le commissaire aux accaparements vient le 19 août chez lui; il vérifie sa déclaration, il la trouve exacte. Cependant, il observe que Gandon n’a pas fait placer à l’extérieur de chacun de ses maga¬ sins l’inscription contenant le détail de tous les vins qui y étaient déposés. Cette formalité est à la vérité exigée, sous peine d’être réputé accapareur; mais quand d’ailleurs Gandon a fait une déclaration exacte, quand d’ailleurs il a indiqué, par une inscrip¬ tion, qu’il est marchand en gros, il est difficile de penser qu’il ait voulu céler ses marchandises. ’ Du moment que la déclaration était faite, le commissaire ou la municipalité pouvait le requé¬ rir, à la forme de l’article 6 de la loi, de déclarer s’il voulait mettre ses denrées en vente à petits lots et à tout venant; ils pouvaient l’y con¬ traindre. Le comité a observé d’ailleurs que d’après l’interrogatoire, Gandon semblait n’être arrivé de ses voyages à Paris que trois jours avant la vérification, et qu’ayant donné des ordres pour qu’on se conformât à la loi pendant son absence, il pouvait présumer qu’on avait fait tout ce qu’elle exigeait de lui. Toutes ces considérations, celle surtout de la bonne foi résultant de l’exactitude de la décla¬ ration faite au comité de surveillance de la sec¬ tion de l’Arsenal, et le décret que vous avez rendu pour faire surseoir à l’exécution de peine de mort prononcée pour fait d’accaparement, avant la révision de la loi, ont déterminé votre comité de législation à vous proposer le projet de décret suivant : ( Suit le texte du projet de décret que nous avons inséré ci-dessus, d’après le procès-verbal.) La lecture de ce projet de décret est suivie des plus vifs applaudissements. Il est adopté au milieu des acclamations unanimes, et des témoignages flatteurs de la sensibilité. « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport de son comité de législation [Merlin (de Douai), rapporteur (1)], sur la né¬ cessité d’accélérer l’installation du tribunal central des directeurs du juré du département de Paris, « Décrète ce qui suit : Art. 1er. « Le conseil exécutif est chargé de mettre en pleine activité, dans le courant de ce mois, le tribunal central des directeurs du départe¬ ment de Paris; à défaut de quoi les dispositions de la section V de la loi du 14 frimaire dernier, auront leur entier effet envers qui il appar¬ tiendra. Art. 2. ’ « L’Assemblée électorale du département de Paris ayant, en conséquence de la loi du 14 mars 1793, nommé le greffier de ce tribunal, l’article 2 de la loi du 13 frimaire est rapporté. Art. 3. » La somme déterminée par l’article 7 de la même loi, pour les dépenses annuelles de ce tribunal, pourra s’il y a lieu, y être employée tout entière dans les quatre premiers mois, sauf à statuer après ce terme sur les observations des directeurs du juré, relatives à l’insuffisance de cette somme. Art. 4. « Conformément à l’article 1er du titre II de la loi du 14 mars 1793, les directeurs actuels du juré du département de Paris continueront leurs fonctions pendant six mois, à compter du jour de la formation de leur tribunal central. « Le présent décret ne sera publié que dans le département de Paris (2). Suit la lettre des directeurs du jury du dépar¬ tement de Paris, qui a motivé le décret ci-dessus (3). Les directeurs du jury du département de Paris, aux représentants du peuple, membres du comité de législation de la Convention natio¬ nale. « Paris, le 3 nivôse, l’an II de la République française, une et indivsible. « Citoyens représentants, « Au moment où nous allons nous réunir en tribunal central pour la plus prompte adminis¬ tration de la justice, souffrez que nous vous (1) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 287. dossier 851, (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 145. (3) Archives nationales, carton D. III, 257, l'r dos¬ sier 428 [Convention nationale.] AUCHflœS 'PARLEMENTAIRES. 4"�““ communiquions quelques réflexions sur les lois qui nous concernent. « L’article 1er du titre 1er de la loi du 29 sep¬ tembre 1791 attribue aux juges de paix les fonc¬ tions de la police de sûreté; mais, depuis la Révolution du 10 août 1792, depuis la suppres¬ sion de l’infâme bureau central, ces fonctions n’ont plus été remplies par les nouveaux juges de paix élus par le peuple : elles ont constam¬ ment résidé à Paris, depuis cette époque, dans les mains des commissaires de police, commis¬ saires civils, commissaires de surveillance et dans celles des commissaires aux accaparements pour l’exécution de la loi du 26 juillet dernier. « Nous ne nous permettrons pas d’examiner à quels officiers ces fonctions conviendraient le mieux, surtout à Paris; mais nous réclamons contre la lenteur des opérations : la plupart des comités, n’osant pas prendre sur eux de décer¬ ner les mandats d’arrêt, envoient les prévenus, les procès-verbaux et les pièces à conviction à l’Administration de police, et il s’écoule ainsi six semaines, deux mois, et souvent davan¬ tage, avant que nous soyons saisis des affaires; souvent même encore, les accusés sont envoyés au tribunal de police correctionnelle avant d’être renvoyés au jury. Nous demandons que les fonctionnaires publics, quels qu’ils soient, qui auront dressé les procès-verbaux lancent les mandats d’arrêt et que, sans aucun intermé¬ diaire, ils nous envoient, dans les vingt-quatre heures, tons les accusés de délits de la compé¬ tence des jurés. Seconde réflexion. « L’article 1er du titre 2 de la loi du 14 mars dernier, porte que les directeurs de jurés des six tribunaux de Paris seront en activité pen¬ dant six mois consécutifs et se réuniront à un point central qui sera indiqué par-l’Administra¬ tion du département de Paris. « De quelle époque courront ces six mois? Ne sera-ce que du moment où nous commen¬ cerons à nous former en tribunal central ? Alors, on contreviendra à l’article 2 du titre 1er de l’institution des jurés, qui veut que le directeur du jury soit pris à tour de rôle tous les six mois parmi les membres composant le tribunal civil. Les six mois courront-ils au contraire à compter du 1er octobre dernier que nous sommes direc¬ teurs des jurés? Alors, serons-nous à peine deux mois au tribunal central, car le local où nous nous rassemblerons et qui ne nous est pas même encore indiqué, ne sera pas prêt, selon toutes apparences, avant le 1er pluviôse. Nous deman¬ dons qu’en dérogeant, quant à nous seulement, à l’article 2 du titre 1er de l’institution des jurés, et sans avoir égard au service que nous aurons déjà fait en qualité de directeurs de jurés, nous soyons en activité pendant six mois consécutifs au tribunal central et que ces six mois ne courent que du jour de notre installation à ce tribunal; on concevra facilement que ce n’est, ni pour notre intérêt, ni pour notre plaisir que nous demandons cette prolongation, car les fonctions déjugés dans les tribunaux civils sont infiniment plus agréables et moins assujettis¬ santes que celles de directeurs de jurés, mais nous voulons monter notre tribunal en juges républicains, épuiser toutes les affaires arriérées et ne laisser à nos successeurs que les affaires qui leur seront envoyées après notre départ. Troisième réflexion. « L’article 2 de la loi du 23 frimaire dit que les membres du tribunal, à l’ouverture de leur séance, éliront, à la majorité des voix, pour faire les fonclimis de greffier, un citoyen ayant au moins 20 ans accomplis. « La Convention, en nous donnant ce droit, ignorait-elle que l’Assemblée électorale, convo¬ quée par le département pour élire le greffier de notre tribunal, le second substitut du président du tribunal criminel et différents juges civils en remplacement de ceux qui ont donné leurs démissions, a effectivement élu le greffier de notre tribunal central? « La Convention nationale aurait-elle jugé au contraire que, d’après la nouvelle constitu¬ tion acceptée le 10 août dernier, l’assemblée électorale était dissoute et désormais sans fonc¬ tions ? Pouvons-nous prendre sur nous de consi¬ dérer comme non avenue une élection faite au nom du peuple? Nous prions la Convention nationale de nous tirer de la perplexité dans laquelle nous nous trouvons. Dernière réflexion. « Les six directeurs de jurés, perpétuelle¬ ment en activité tous les jours matin et soir, doivent avoir chacun un cabinet : il faut deux chambres pour les jurés ordinaires et spéciaux qui seront convoqués tous les jours; il faut au moins deux chambres pour les témoins, souvent deux pour les accusés, une pour les huissiers et un emplacement très vaste pour un greffe aussi important que le nôtre; il nous faut enfin une chambre de conseil et une salle d’audience. « Cependant, l’article 7 de la loi du 23 fri¬ maire ne nous accorde, pour nos menues dépenses en papiers, registres, bois, lumières et concierges, que la somme à laquelle sont réglées les dépenses de chacun des tribunaux civils, c’est-à-dire la somme unique de seize cents livres. « La Convention nationale nous permettra de lui observer qu’il n’y a absolument aucune comparaison entre notre tribunal et un tribu¬ nal civil, que le greffier d’un tribunal civil sup¬ porte seul ses dépenses sur le produit de son greffe, que les juges du tribunal civil n’ont pas besoin de cabmets et ne sont que trois ou quatre heures à l’audience, et que les dépenses des tri¬ bunaux civils vont encore être diminuées par l’extraction des directeurs de jurés. « Les dépenses du tribunal criminel du dépar¬ tement ne sont pas même encore à comparer à celles de notre tribunal; d’un côté, les juges du premier ne sont presque jamais dans leurs cabi¬ nets; d’un autre côté, son greffier supporte encore seul, sur son casuel, les dépenses de son greffe, et au contraire les dépenses journalières de notre greffe doivent entrer dans nos dépenses, puisque notre greffier n’aura absolument aucun casuel. « La Convention nationale est trop éclairée pour ne pas sentir la disproportion, et elle est trop juste pour ne pas nous accorder toutes les [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j nn-use ami _ 429 dépenses que notre tribunal entraînera indis¬ pensablement. « Saint et fraternité. <( Vivier, directeur du 3e arrondissement; Allix, directeur du (je arrondissement; Arton, directeur du 1er arrondissement; Niège, directeur du 5e arrondissement; Colltgnon, directeur du 4e arrondisse¬ ment. » « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport de son comité des secours pu¬ blics [Briet, rapporteur (1)], sur la pétition de Pierre Donvilliers, aubergiste à Vervins, dont la maison a été incendiée le 15 octobre dernier (vieux style), par le feu pris aux îours nouvel¬ lement construits dans cette commune pour le service des armées; et sur la pétition de la ci¬ toyenne veuve Lalouette, âgée de 95 ans, dont les nippes et effets ont été consumés par le même incendie, décrète ce qui suit ; Art. 1er. « H sera payé par la trésorerie nationale, sur la présentation du présent décret, à la citoyenne veuve Lalouette, la somme de 215 liv. 14 s., importance de l’état estimatif de ses nippes et effets incendiés, certifié véritable par la muni¬ cipalité de Vervins. Art. 2. « Le conseil général et le comité de surveil¬ lance de la commune de Vervins sont spéciale¬ ment chargés de rechercher les causes et les auteurs de l’incendie ci-dessus mentionné. Ils en rendront compte directement au comité des secours publics de la Convention nationale. Art. 8. « Le comité des secours publics fera ensuite un rapport sur les causes et les auteurs de l’in¬ cendie, pour être statué définitivement sur la pétition du citoyen Donvilliers (2). » On fait lecture [Barere (3)] de diverses lettres des représentants du peuple près les armées de l’Ouest, par lesquelles ils annoncent qu’il n’est plus de brigands en deçà de la Loire, et que tout se prépare pour que tous ceux de la Vendée subissent le même sort. Deux citoyens qui ont apporté ces dépêches sont introduits à la barre. Ils présentent une adresse, écrite le 3 nivôse sur le champ de bataille de Savenay, au nom des soldats composant les armées de l’Ouest, de Brest et de Cherbourg réunies, où ils jurent de se montrer toujours de dignes enfants de la République. La Convention nationale couvre d’applaudissements l’adresse de ces intrépides défenseurs de la patrie, et en ordonne la mention honorable et l’insertion au « Bulletin ». (1) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 287, dossier 85 1. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 147. (3) D’après les divers journaux de l’époque. L’un des citoyens qui ont apporté les dépêches des représentants du peuple et l’adresse des armées réunies de l’Ouest, a présenté à La Con¬ vention le dernier étendard qu’avait conservé la cavalerie des brigands, l’autre a déposé une décoration militaire, prise sur un rebelle qu’il a tué, et deux bracelets en or, avec un portrait qu’il a également pris sur une femme rebelle. H en fait hommage à la patrie; « parce, dit-il, l’or des brigands ne peut rester dans les mains d’un républicain. » La Convention ordonne qu’il sera fait mention honorable de ce don civique. Un membre [Robespierre (1)] observe qu’entre les belles actions qui ont éclaté dans la guerre de la Vendée, la nation entière doit dis¬ tinguer celle du jeune Barra, comme offrant à la fois le plus beau modèle de l’amour de la patrie et de la piété filiale. Il demande que, pour exciter dans les jeunes cœurs l’amour de la gloire, de la patrie et de la vertu, pour préparer d’autant mieux les pro¬ diges que va opérer la génération naissante, et pour apprendre à nos ennemis à désespérer de soumettre un peuple chez qui les plus sublimes vertus datent de l’âge le plus tendre, les hon¬ neurs du Panthéon soient décernés à Joseph Barra; que cette cérémonie soit prompte et pompeuse; que le génie des arts l’embellisse, et que David soit chargé d’en donner le plan. Un autre membre [Barère (2)] demande que tous les artistes et graveurs concourent à re¬ tracer les traits de ce jeune martyr de la liberté, et qu’un exemplaire soit placé dans chaque école primaire. La Convention applaudit à ces diverses pro¬ positions, et le décret suivant est rendu : « La Convention nationale décerne lès hon¬ neurs du Panthéon au jeune Barra. David est chargé de donner ses soins à l’embellissement de cette fête nationale. « La gravure qui représentera l’action hé¬ roïque de Joseph Barra sera faite aux frais de la République, d’après un tableau de David;: et un exemplaire, envoyé par la Convention nationale, sera placé dans chaque école pri¬ maire (3 ). » Compte rendu du. Moniteur imiversel (4). Robespierre. Parmi les belles actions qui se sont passées dans la Vendée et qui ont honoré, (1) D’après les divers journaux de l’époque. (2) D’après les divers journaux de l’époque. (3) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 148,, (4) Moniteur universel [n° 100 du 10 nivôse an II (lundi 30 décembre 1793), p, 403, col. 2], D’autre part, le Journal des Débats et. des Décrets (nivôse-an II, n» 406, p. 124) rend compte de là motion de Robespierre dans les termes suivants : Robespierre. Parmi les belles actions des répu¬ blicains qui ont combattu dans la Vendée, et en général parmi les traits d’héroïsme qui ont illustré sa guerre de la liberté contre la tyrannie, la nation