SÉANCE DU 9 THERMIDOR AN II (MATIN) (27 .JUILLET 1794) - A1-A2 551 pour cela que je vais faire entendre la vérité. Aucun bon citoyen ne peut retenir ses larmes sur le sort malheureux auquel la chose publique est abandonnée. Partout on ne voit que division. Hier un membre du gouvernement s’en est isolé, a prononcé un discours en son nom particulier; aujourd’hui un autre fait la même chose. On vient encore s’attaquer, aggraver les maux de la patrie, la précipiter dans l’abîme. Je demande que le rideau soit entièrement déchiré. (On applaudit très-vivement à trois reprises différentes) (l). [Long tumulte]. A1 TALLIEN : Je demandais tout à l’heure qu’on déchirât le voile. Je viens d’apercevoir avec plaisir qu’il l’est entièrement, que les conspirateurs sont démasqués, qu’ils seront bientôt anéantis, et que la liberté triomphera. (Vifs applaudissements). Tout annonce que l’ennemi de la représentation nationale va tomber sous ses coups. Nous donnons à notre République naissante une preuve de notre loyauté républicaine. Je me suis imposé jusqu’ici le silence parce que je savais, d’un homme qui approchait le tyran de la France, qu’il avait formé une liste de proscription; je n’ai pas voulu récriminer, mais j’ai vu hier la séance des Jacobins; j’ai frémi pour la patrie; j’ai vu se former l’armée du nouveau Cromwell, et je me suis armé d’un poignard pour lui percer le sein si la Convention nationale n’avait pas le courage de le décréter d’accusation. (Vifs applaudissements). Nous, républicains, accusons-le avec la loyauté du courage, en présence du peuple français. Il est bon d’éclairer les citoyens et ceux qui fréquentent les tribunes des Jacobins ne sont pas plus attachés à Robespierre qu’à aucun autre individu, mais à la liberté. (On applaudit). Ce n’est pas non plus en individu que je viens attaquer, c’est l’attention de la Convention que j’appelle sur cette vaste conspiration. Je ne doute pas qu’elle ne prenne des mesures énergiques et promptes, qu’elle ne reste ici en permanence pour sauver le peuple ; et quoi qu’en aient dit les partisans de l’homme que je dénonce, il n’y aura pas de 31 mai, il n’y aura pas de proscriptions; la justice nationale seule frappera les scélérats. (Vifs applaudissements). Comme il est de la dernière importance que dans les dangers qui environnent la patrie, les citoyens ne soient pas égarés, que les chefs de la force armée ne puissent pas faire de mal, je demande l’arrestation d’Hanriot et de son état-major. Ensuite nous examinerons le décret qui a été rendu sur la seule proposition de l’homme qui nous occupe. Nous ne sommes pas modérés, mais nous voulons que l’innocence ne soit pas opprimée. Nous voulons que le président du tribunal révolutionnaire traite les accusés avec décence et justice. (Nouveaux applaudissements). Voilà la véritable vertu, voilà la véritable probité. (l ) Moniteur (réimpr.), XXI 331-332; Débats,, n° 676, p. 164; J. Mont., n° 93. Trois gazettes (J. Fr., n°671; -J. Lois, n° 667 ; Ann. R.F., n° 238) signalent, à ce moment-là, l’entrée, très applaudie, des membres des comités de salut public et de sûreté générale. Voir P.V., n° 1. Hier un membre du tribunal révolutionnaire a voulu exciter des citoyens à insulter un représentant du peuple qui a toujours été sur la brèche de la révolution. Il a été outragé dans une Société, et la représentation nationale a été avilie dans sa personne. Ceux qui ont combattu Lafayette et toutes les factions qui se sont succédées depuis se réuniront pour sauver la république. Que les écrivains patriotes se réveillent. J’appelle tous les vieux amis de la liberté, tous les anciens Jacobins, tous les journalistes patriotes. Qu’ils concourent avec nous à sauver la liberté. Ils tiendront parole, leur patriotisme m’en est garant. On avait jeté les yeux sur moi. J’aurais porté ma tête sur l’échafaud avec courage, parce que je me serais dit : Un jour viendra où ma cendre sera relevée avec les honneurs dus à un patriote persécuté par un tyran. L’homme qui est à la tribune est un nouveau Catilina. Ceux dont il s’était entouré étaient de nouveaux Verrès. On ne dira pas que les membres des deux comités sont mes partisans, car je ne les connais pas, et, depuis ma mission, je n’ai été abreuvé que de dégoûts. Robespierre voulait tour à tour nous attaquer, nous isoler, et enfin il serait resté un jour seul avec les hommes crapuleux et perdus de débauche qui le servent. Je demande que nous décrétions la permanence de nos séances jusqu’à ce que le glaive de la loi ait assuré la révolution, et que nous ordonnions l’arrestation de ses créatures. Les deux propositions de Tallien sont adoptées au milieu des plus vifs applaudissements et des cris de vive la république (l). A2 BILLAUD-VARENNE : Je demande la parole pour une motion d’ordre. Hier la Société des Jacobins était remplie d’hommes apostés, puisqu’aucun n’avait de carte; hier on a développé dans cette Société l’intention d’égorger la Convention nationale. (Il s’élève un mouvement d’horreur). Hier, j’y ai vu des hommes qui vomissaient ouvertement les infamies les plus atroces contre ceux qui n’ont jamais dévié de la révolution. Je vois sur la Montagne un de ces hommes qui menaçaient les représentants du peuple. Le voilà... (De toutes parts on s’écrie : Arrêtez ! arrêtez ! - L’individu est saisi et entraîné hors de la salle au milieu des plus vifs applaudissements) (2). Le moment de dire la vérité est arrivé... Je m’étonne de voir Saint-Just à la tribune après ce qui s’est passé. Il avait promis aux deux comités de leur soumettre son discours avant de le lire à la (l) Moniteur (réimpr.), XXI, 332; Débats, 167-168; -J. Mont., n° 93 ; -J. univ., n°“ 1708, 1710 ; -J. Sablier, n° 1463 ; Ann. patr., n° DLXXIV ; Rép., nos 220 et Suppl1 ; Ann. R.F., n° 239 ; -J. Lois, n° 668 ; C. Eg., n° 708 ; -J. Fr., n° 671 ; -J. Perlet, n°673; C. univ., n° 939 ; F.S.P., n° 388 ; J. S.- Culottes, n° 528 ; M.U., XLII, 151. Voir P.V., nos 1, 3 et 4. (2) Certaines gazettes situent alors une tentative de faire sortir de la salle les non-députés [« Le président propose de ne laisser entrer que les députés» (Ann. R.F., n° 238 ; J. Fr., n° 67 1) ; « faites sortir les étrangers, s’écrie quelqu’un. - Non, répond la majorité» (Ann. patr.,, n° DLXXIV; Ann. R.F., n° 238)]. SÉANCE DU 9 THERMIDOR AN II (MATIN) (27 .JUILLET 1794) - A1-A2 551 pour cela que je vais faire entendre la vérité. Aucun bon citoyen ne peut retenir ses larmes sur le sort malheureux auquel la chose publique est abandonnée. Partout on ne voit que division. Hier un membre du gouvernement s’en est isolé, a prononcé un discours en son nom particulier; aujourd’hui un autre fait la même chose. On vient encore s’attaquer, aggraver les maux de la patrie, la précipiter dans l’abîme. Je demande que le rideau soit entièrement déchiré. (On applaudit très-vivement à trois reprises différentes) (l). [Long tumulte]. A1 TALLIEN : Je demandais tout à l’heure qu’on déchirât le voile. Je viens d’apercevoir avec plaisir qu’il l’est entièrement, que les conspirateurs sont démasqués, qu’ils seront bientôt anéantis, et que la liberté triomphera. (Vifs applaudissements). Tout annonce que l’ennemi de la représentation nationale va tomber sous ses coups. Nous donnons à notre République naissante une preuve de notre loyauté républicaine. Je me suis imposé jusqu’ici le silence parce que je savais, d’un homme qui approchait le tyran de la France, qu’il avait formé une liste de proscription; je n’ai pas voulu récriminer, mais j’ai vu hier la séance des Jacobins; j’ai frémi pour la patrie; j’ai vu se former l’armée du nouveau Cromwell, et je me suis armé d’un poignard pour lui percer le sein si la Convention nationale n’avait pas le courage de le décréter d’accusation. (Vifs applaudissements). Nous, républicains, accusons-le avec la loyauté du courage, en présence du peuple français. Il est bon d’éclairer les citoyens et ceux qui fréquentent les tribunes des Jacobins ne sont pas plus attachés à Robespierre qu’à aucun autre individu, mais à la liberté. (On applaudit). Ce n’est pas non plus en individu que je viens attaquer, c’est l’attention de la Convention que j’appelle sur cette vaste conspiration. Je ne doute pas qu’elle ne prenne des mesures énergiques et promptes, qu’elle ne reste ici en permanence pour sauver le peuple ; et quoi qu’en aient dit les partisans de l’homme que je dénonce, il n’y aura pas de 31 mai, il n’y aura pas de proscriptions; la justice nationale seule frappera les scélérats. (Vifs applaudissements). Comme il est de la dernière importance que dans les dangers qui environnent la patrie, les citoyens ne soient pas égarés, que les chefs de la force armée ne puissent pas faire de mal, je demande l’arrestation d’Hanriot et de son état-major. Ensuite nous examinerons le décret qui a été rendu sur la seule proposition de l’homme qui nous occupe. Nous ne sommes pas modérés, mais nous voulons que l’innocence ne soit pas opprimée. Nous voulons que le président du tribunal révolutionnaire traite les accusés avec décence et justice. (Nouveaux applaudissements). Voilà la véritable vertu, voilà la véritable probité. (l ) Moniteur (réimpr.), XXI 331-332; Débats,, n° 676, p. 164; J. Mont., n° 93. Trois gazettes (J. Fr., n°671; -J. Lois, n° 667 ; Ann. R.F., n° 238) signalent, à ce moment-là, l’entrée, très applaudie, des membres des comités de salut public et de sûreté générale. Voir P.V., n° 1. Hier un membre du tribunal révolutionnaire a voulu exciter des citoyens à insulter un représentant du peuple qui a toujours été sur la brèche de la révolution. Il a été outragé dans une Société, et la représentation nationale a été avilie dans sa personne. Ceux qui ont combattu Lafayette et toutes les factions qui se sont succédées depuis se réuniront pour sauver la république. Que les écrivains patriotes se réveillent. J’appelle tous les vieux amis de la liberté, tous les anciens Jacobins, tous les journalistes patriotes. Qu’ils concourent avec nous à sauver la liberté. Ils tiendront parole, leur patriotisme m’en est garant. On avait jeté les yeux sur moi. J’aurais porté ma tête sur l’échafaud avec courage, parce que je me serais dit : Un jour viendra où ma cendre sera relevée avec les honneurs dus à un patriote persécuté par un tyran. L’homme qui est à la tribune est un nouveau Catilina. Ceux dont il s’était entouré étaient de nouveaux Verrès. On ne dira pas que les membres des deux comités sont mes partisans, car je ne les connais pas, et, depuis ma mission, je n’ai été abreuvé que de dégoûts. Robespierre voulait tour à tour nous attaquer, nous isoler, et enfin il serait resté un jour seul avec les hommes crapuleux et perdus de débauche qui le servent. Je demande que nous décrétions la permanence de nos séances jusqu’à ce que le glaive de la loi ait assuré la révolution, et que nous ordonnions l’arrestation de ses créatures. Les deux propositions de Tallien sont adoptées au milieu des plus vifs applaudissements et des cris de vive la république (l). A2 BILLAUD-VARENNE : Je demande la parole pour une motion d’ordre. Hier la Société des Jacobins était remplie d’hommes apostés, puisqu’aucun n’avait de carte; hier on a développé dans cette Société l’intention d’égorger la Convention nationale. (Il s’élève un mouvement d’horreur). Hier, j’y ai vu des hommes qui vomissaient ouvertement les infamies les plus atroces contre ceux qui n’ont jamais dévié de la révolution. Je vois sur la Montagne un de ces hommes qui menaçaient les représentants du peuple. Le voilà... (De toutes parts on s’écrie : Arrêtez ! arrêtez ! - L’individu est saisi et entraîné hors de la salle au milieu des plus vifs applaudissements) (2). Le moment de dire la vérité est arrivé... Je m’étonne de voir Saint-Just à la tribune après ce qui s’est passé. Il avait promis aux deux comités de leur soumettre son discours avant de le lire à la (l) Moniteur (réimpr.), XXI, 332; Débats, 167-168; -J. Mont., n° 93 ; -J. univ., n°“ 1708, 1710 ; -J. Sablier, n° 1463 ; Ann. patr., n° DLXXIV ; Rép., nos 220 et Suppl1 ; Ann. R.F., n° 239 ; -J. Lois, n° 668 ; C. Eg., n° 708 ; -J. Fr., n° 671 ; -J. Perlet, n°673; C. univ., n° 939 ; F.S.P., n° 388 ; J. S.- Culottes, n° 528 ; M.U., XLII, 151. Voir P.V., nos 1, 3 et 4. (2) Certaines gazettes situent alors une tentative de faire sortir de la salle les non-députés [« Le président propose de ne laisser entrer que les députés» (Ann. R.F., n° 238 ; J. Fr., n° 67 1) ; « faites sortir les étrangers, s’écrie quelqu’un. - Non, répond la majorité» (Ann. patr.,, n° DLXXIV; Ann. R.F., n° 238)].