227 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (14 janvier 1791.} être conféré aux enseignes non entretenus, qu’a-près cinq années de navigation, en leur qualité, sur les vaisseaux de l’Etat ou sur les corsaires; et cette condition de service militaire sera nécessaire pour que les années de navigation sur les navires marchands comptent pour moitié de celles employées au service de l’Etat dans l’obtention des grades, récompenses et décorations militaires. Si les enseignes non entretenus, après avoir rempli en temps de paix les conditions de service prescrit, ne pouvaient être corn (iris, à défaut de places vacantes, dans la classe des lieutenants de vaisseau entretenus, ils seront faits lieutenants surnuméraires; et s’ils ont servi cinq années pendant la guerre sur les vaisseaux de l’Etat en qualité d’officiers, il leur sera accordé en demi-paye, la moitié du traitement dont jouiront les entretenus, jusqu’à ce qu’ils puissent, par rang d’ancienneté, ou au choix du roi, être placés dans la classe des entretenus. Telles sont les modifications que je désire être faites au projet du comité dont j’adopte les autres dispositions. — Mon plan ne diffère du sien : 1° qu’en ce que je mets une grande importance à conserver des écoles militaires dans les grands ports, à ou-vrir ainsi une route plus directe aux jeunes gens que leur inclination dirige particulièrement vers le service militaire. — 2° En ce que je ne fais pas nécessairement de tout officier du commerce un officier de la marine militaire, mais j’assure également à tout navigateur, à tout capitaine de navire qui servira militairement, la perspective d’honneur et les avantages auxquels il a droit. — Je distingue donc les deux services, lorsque la raison, la justice et l’intérêt même du commerce le commandent. — Je les réunis, ou plutôt j’en cumule les titres et le mérite, lorsqu’il est utile et juste de les faire valoir l’un par l’autre. M. Goupil de Préfeln. Je demande que l’Assemblée décrète l’impression du discours de M. Malouet. (Cette motion est adoptée.) (La suite de la discussion est renvoyée à la séance de demain.) M. le Président. M. Gault, membre de l’assemblée coloniale de Saint-Domingue, à la suite de l’Assemblée nationale, demande un congé de six semaines pour se rendre à Rennes dans sa famille. M. Barnave. Je ne mets aucun obstacle au congé qui vous est demandé: mais la forme de la demande exige une observation importante. L’auteur y prend la qualité de membre de l’assemblée coloniale de Saint-Domingue, assemblée que vous avez dissoute par votre décret du 12 octobre. Ces méprises sont peu importantes ici; mais à 2,000 lieues, il est facile de s’en servir pour faire croire aux colonies à une espèce de renonciation tacite de l'Assemblée à un décret formel et pour exciter de nouveaux troubles. Cette désignation erronée est d’autant plus dangereuse qu’elle s’est glissée dans les procès-verbaux de quelques-unes des séances précédentes. Je demande donc que mon observation soit rapportée dans le procès-verbal et que l’Assemblée manifeste ses intentions d’une manière si précise qu’il ne puisse s’élever à cet égard aucun doute. De cette façon, on détruira toute impression contraire qu’on aurait voulu induire de la fausse qualification qu’aurait pu prendre ou qui aurait pu être donnée à quelques membres de la ci-devant assemblée coloniale de Saint-Domingue. (Celte motion est adoptée et le congé est accordé.) L’ordre du jour est un rapport du comité des finances sur l'aperçu de la dépense des trois premiers mois de 1791 (1). M. Lebrun, rapporteur. Je viens mettre sous vos yeux l’aperçu spéculatif de la dépense publique dans les trois premiers mois de cette année. Une partie, la plus grande partie de cette dépense, n’appartient point à l’année 1791. Placés entre les débris d’un régime nouveau, vous avez bien prévu, et toute la France a du prévoir qu’il y aurait une langueur inévitable dans les recouvrements, des accroissements momentanés dans les dépenses; vous entendrez donc sans inquiétude des détails que votre prévoyance a anticipés. Ce n’est point avec de vains ménagements que nous devons vous exposer le tableau d’une situation que vous pouvez changer, dont le changement est irrévocablement arrêté, et par la nature des choses, et par la sagesse de vos décrets. Les besoins présumés des trois derniers mois de 1790 devait élever la dépense à 132, 342, 000 liv. au-dessus de la recette effective. Au 1er octobre dernier il n’y avait dans la caisse nationale qu’environ 8 millions, soit en numéraire réel, soit en valeurs équivalentes. Les secours que vous avez fournis jusqu’au 31 décembre ont été de 124,095,000 livres. Il restait dans le Trésor public au 1er janvier 29,018,000 livres, dont près de 16 millions en numéraire. Les dépenses ont donc été réellement de 29,247,000 livres au-dessous de l’évaluation portéedaus l’aperçu spéculatif. Quelques recettes plus fortes qu’ou ne les avait prévues, quelques recouvrements inespérés, tels que les 3,700,000 livres payées par les Américains, les retards de nombre de pensionnaires qui n’ont point encore réclamé ce qui leur était dû sur 1789, ce que vous les aviez autorisés à toucher pour 1790, ont produit cette différence entre le calcul des événements et le calcul de la prévoyance; cependant toutes les rentes de 1789, toutes celles du moins qui se sont présentées, ont été acquittées en entier. Le payement des arrérages de 1790 est entamé; quelques capitaux ont été remboursés, et laissent au Trésor public des répétitions à exercer sur la caisse de l’extraordinaire. Il ne reste à fournir à la marine, sur sa dépense fixe de 40,500,000 livres, que 3,580,0001., environ 9 millions à la guerre, quelques objets de la liste civile sur les premiers mois de 1790, et antérieurement au décret qui l’a séparée de la dépense publique, et tout cela par la nécessité inévitable de ces arrièrements qui existeront dans tous les temps et sur toutes les caisses. C’est cette loi des arrièrements qui doit vous faire sentir la sagesse de Tinstitution rigoureuse d’une caisse unique, le danger, la perte réelle qui naîtraient de la division, de l’insubordination nés caisses. C’est cette indispensable loi qui vous rappellera toujours à ce principe d’unité qui doit soumettre toutes les parties de la recette et de la comptabilité à l’empire d’un seul ordonnateur, sous l’inspection suprême, sous la surveillance (l) Ce rapport n’est pas tout à fait complut au Moniteur. K l'14 janvier 1791. J archives parlementaires. 22g [Assemblée nationale.] active et permanente du Corps législasif. Jusque-là, Messieurs, ce tableau vous offre du moins les fruits de l’économie et la certitude d’une administration sévère et sévèrement éclairée. Je vais vous en présenter un autre qui serait moins consolant, si vous n’en aviez d’avance aperçu tous les détails, si tous ces détails n’étaient pas le dernier produit de nos anciens désordres. Je commence par la recette générale, jusqu’ici contrariée dans plusieurs parties, par les erreurs des contribuables, par la crainte des receveurs, par la fluctuation des principes, par les retards dans l’imposition, atténuée colin par les vices et par la ruine même de l’ancien régime. Les impositions directes des anciens pays d’élection et pays conquis ne sont évaluées, pendant les trois premiers mois de cette année, qu’à 16,300,000 livres. Cette évaluation, Messieurs, je la crois trop faible. Vous avez mis un terme à l’exercice languissant et intermittent des receveurs particuliers et des receveurs généraux; une correspondance plus active, une surveillance plus sévère, et j’ose l’espérer, une harmonie plus confiante, plus entière entre l’administration générale et les administrations subordonnées, la rentrée des impositions arriérées, celle du remplacement de la gabelle à des droits divers, que vous avez supprimés, marqueront les progrès de l’ordre nouveau que vous avez établi; 1,800,000 livres existaient dans la caisse des recettes générales, et ont été versées dans le Trésor public. La stagnation d’une pareille somme dans une caisse particulière, et dans des temps plus heureux, la stagnation constante d’une somme plus forte vous démontre la sagesse des mesures que vous avez prises en supprimant d’inutiles intermédiaires. Les impositions des ci-devant pays d’Etat donneront plus de 4 millions; elles en donneront 6, si la Bourgogne, qui doit plus de 2 millions d’arriérés, lient l’engagement que semblent avoir pris ses administraleurs, et que nous garantissent leur zèle et leur paMotisme. Vous avez uiis un terme aux fonctions des receveurs généraux et des receveurs particuliers dans les anciens pays d’élection; il faut étendre la même disposition aux ci-devant pays d’Etats. Les anciennes impositions des ci-devant pays d’Etats étaient et sont encore affectées à des arrérages de rentes constituées pour le compte de l’Etat, au remboursement des capitaux de leurs emprunts, à des dépenses locales; mais cette affectation ne sera point intervertie. Les recettes seront faites par le trésorier de chaque district, pressées, surveillées par chaque département. On payera en Bourgogne, en Bretagne et en Languedoc tout de qui devait être payé en Languedoc, en Bretagne, en Bourgogne; on payera au Trésor public tout ce qui devait être payé à Paris, à la caisse de l’extraordinaire tout ce qui devait être remboursé, et dès ce moment, chaque administration aura pour le passé, comme pour l’avenir, son activité distincte séparée. La ferme générale produira peut-être dans les trois premiers mois 6,500,000 livres. On n’ose plus, Messieurs, asseoir des calculs ni des espérances sur les débris d’un établissement qui s’écroule de tous côtés, il faut se hâter ou de ta détruire ou d’en relever quelque ruine. Son existence ne fait plus qu’attester l’impuissance des lois et tromper les peuples sur la soumission qu’ils doivent à vos décrets. Depuis que la question sur la vente exclusive du tabac se discuta devant vous, la contrebande s’accrédite, elle devient une profession. Ceux qui s’y vouent, dangereux par cela même qu’ils portent atteinte à vos lois, sont plus dangereux encore, parce qu’ils anéantissent une fabrication nationale, et livrent notre numéraire à l’étranger. Depuis Brest jusqu’à Dunkerque, nos rivaux envahissent cette nouvelle branche de commerce, trompent nos citoyens, et affament le royaume d’un argent déjà trop resserré pour nos besoins. En vain les départements, les districts, les municipalités s’arment contre cette fraude meurtrière, elle s’accroît chaque jour pour la ruine du royaume, pour la corruption des mœurs nationales et la perte de l’esprit public. Les traites attendent toujours leur tarif, et il est urgent de le décréter, dût-il être imparfait; puisque enfin vous avez voulu qu’il y eût des droits de traites; puisqu’il existe une administration des traites; puisque des établissements dispendieux sont déjà formés sur nos frontières, il faut qu’ils entrent immédiatement en activité. L’expérience vous démontrera qu’il faut pour l’appui, pour l’économie de cette administration, la réunir à d’autres perceptions, à d’autres entreprises. 11 y a déjà longtemps, Messieurs, que nous vous avons présenté l’idée de l’associer à l’administration des postes. Séparées, elles se gênent elles se tourmentent, elles se contrarient. Quelle que soit la surveillance, quelle que soit la délicatesse et la sévérité du directoire des postes, les postes seront l’éternel véhicule de la contrebande, si vous ne les incorporez à la régie chargée de la détruire. La régie générale des aides, tout expirante qu’elle est, a encore du produit et présente plus de 20 millions de recouvrements à faire, mais qui s’évanouiront avec elle, si vous en prononcez l’anéantissement. Elle versera, par aperçu, dans les trois premiers mois, plus de 5 millions dans le Trésor national. La régie des domaines nous promet un peu plus de 5 millions, et c’est promettre peut-être plus qu’elle ne pourra effectuer. Tout se porte sur tes biens nationaux, et vos décrets n’en ont soumis l’acquisition qu’à de modiques droits. Les autres transactions entre les citoyens languissent; les procédures sont encore suspendues entre la chute des anciens tribunaux et la formation complète des nouveaux tribunaux que vous avez créés. En lévrier, commenceront les droits d’enregistrement ; ils commenceront dans tout le royaume ; mais la perception ne sera vraiment active qu’au mois d’avril. C’est en avril encore que commencera le timbre, et le timbre lui-même aura ses lenteurs, ses tergiversations; mais enfin il s’établira; et réuni avec le droit d’enregistrement, il vous présentera un revenu de 48 à 50 millions. Je ne veux ni affaiblir, ni exagérer vos espérances, mais je crois que pendant les deux premières années, celte administration sera plutôt au-dessous qu’au-dessus de mes calculs. Ce sera toujours des biens nationaux, et presque rien autre chose que des biens nationaux, qui seront vendus. La Révolution fera longtemps encore sentir ses ondulations; les esprits, frappés d’une espèce de stupeur, n’oseront d’abord se livrer aux grandes entreprises ni s’abandonner à leurs spéculations. Mon devoir est de vous défendre des illusions, et de vous roidir d’avance contre toutes les difficultés qui nous attendent encore dans notre longue et périlleuse carrière. La loterie loyale donnera 1,800,000 livres; elle donnera davantage, si vous en décrétez la conservation : en la décrétant, vous la mettrez sous la garde des lois; vous réprimerez, comme des [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1 1 janvier 1791.] 229 délits publics, des atteintes qui seraient encore des délits publics quand ils n’attaqueraient pas un revenu national. Ce serait trop ajouter à l’immoralité de cette institution, que d’appeler, par notre indolence, la cupidité des étrangers et les fraudes de nos propres citoyens. Nous aurions déjà invoqué la sévérité de vos décrets contre une foule d’agents qui trafiquent de l’ignorance et de la misère du peuple, si nous n’avions pas cru devoir attendre la décision qui fixera le sort de cet établissement. Les messageries attendent la nouvelle organisation que votre sagesse a déterminée; nous ne les comptons point dans les revenus publics, et pussent-elles n’y être jamais comptées! Loin de calculer sur ce genre de produit, vous encouragerez partout la liberté qui doit le détruire. Vous regarderez comme l’époque de notre prospérité celle où le voyageur ne payera plus qu’au citoyen, et ne lui payera que des salaires ou des consommations. Vous vous rappellerez toujours que Colbert soudoyait les voitures qui allaient sur nos frontières s’offrir aux marchandises étrangères. Vous êtes tellement situés, que vous pouvez être le lien de communication entre les différentes parties de l’Europe. Un si beau ciel, tant de monuments, tant de jouissances, des mœurs jadis douces, jusqu’à la faiblesse, mais qui désormais seront fortes, franches et généreuses comme la liberté! Les citoyens de tous les pays voudront encore, comme autrefois, voir la France; ils voudront s’y arrêter quelques instants, et il ne tiendra désormais qu’à nous qu’ils veuillent s’y fixer sans retour. La régie des poudres et salpêtres ne versera rien, mais elle éteindra des dettes, mais elle remplira ses magasins et nos arsenaux. La caisse de Poissy ne fait plus guère que rembourser les fonds d’avance de ses régisseurs; et dans quelques mois elle vous livrera un établissement dégagé de toute dette, un établissement que vous pourrez compter encore dans vos revenus, ou dans ceux de la municipalité de Paris. Les affinages demandent toujours un compte de clerc à maître. Ils ne sont pas absolument sans produit, mais le fermier les garde et renvoie le Trésor public à son cautionnement. La contribution patriotique doit encore, sur le premier tiers, 7,687,000 livres. La caisse de l’extraordinaire versera par mois 5 millions, ainsi que vous l’avez décrété, pour balancer les revenus nationaux qui lui sont affectés. Quelques recettes particulières, quelques débets de comptable rendront à peu près un million; et dans cette somme je comprends 300,000 livres qui seront payées par le duc des Deux-Ponts. Tous ces objets de recette, et ce qui était en caisse au 31 décembre, sont évalués, pour les trois premiers mois, à 99,123.000 livres, et cette somme est distribuée ainsi qu’il suit : En janvier, 57,300,000 liv. En février, 21,683,000 En mars, 20,140,000 99,123,000 liv. Dépense. La dépense est bien loin de cette recette ; vous en connaissez les divers éléments, une grande partie est déjà déterminée par vos décrets. La liste civile, les maisons des princes ont des limites qu’elles ne déborderont pas. Je dois vous observer que vous avez assigné sur le Trésor public le payement des rentes viagères de M. d’Artois; elles s’élèvent aujourd’hui à environ 850,000 liv. Ce serait une mesure sage, une mesure économique pour lui et pour la nation, de les assigner sur la même caisse, qui payera les intérêts de la dette publique. Les affaires étrangères ont une dépense fixe; la guerre, la marine ne roulent encore que sur des aperçus. On a évalué la guerre à 7 millions par mois, indépendamment des 4 millions que vous avez affectés aux fortifications à réparer, dépense successive, etqui se prolongera au moins sur toute l’année 1791. On a porté encore la marine à 40,500,000 liv., 3,375,000 liv. par mois, et on ne croit pas que ni la marine, ni la guerre s’écartent beaucoup de cette estimation. Plus de dettes désormais qui pèsent sur les départements; et dans le système général de l’Europe, rien encore qui fasse craindre une fluctuation dans la dépense. Les renies, les intérêts des créances, vous avez arrêté que l’année entière 1790 en serait payée dans les six premiers mois 1791. Vous voudrez sans doute que toute l’année 1791 des pensions qui vont être rétablies, soit payée dans la même époque. Ces différents objets formeront pour les six premiers mois la sommé d’environ 235 millions. Mais les payements seront plus lents dans les trois premiers; et d’ailleurs, le créancier dort quand le débiteur est exact et ponctuel. On peut donc n’évaluer la dépense des trois premiers mois qu’à 100 millions, à 115 ou 117, si vous y ajoutez ce qui reste de renies de 1789 et de pensions noa réclamées. Vous seriez effrayés de cette masse de dépenses, si vous ne vous rappeliez pas que tout entière elle appartieutà l’arriéré, qu’en l’acquittant vous libérez le présent d’un ancien fardeau qui l’accablait; qu’en accélérant l’extinction de cet arriéré, vous ranimez les contributions, vous rendez la vie au commerce, des capitaux à l’industrie, à la culture ; an peuple, des salaires et du travail ; du travail, son véritable besoin, sans lequel il nVxiste ni bonheur ni espérance pour lui, ni sûreté pour les autres citoyens, ni salut pour la Constitution. Une dépense plus sacrée, mais une dépense indéterminée encore, c’est celle du culte, celle des pensions dont l’Etat est chargé envers les ecclésiastiques, envers les religieux qui n’ont point de fonctions publiques. Cette double dépense, nous l’avons évaluée à 140 millions par année. Si elle eût été toute entière affectée sur le Trésor public en 1790, vous auriez à payer dans les trois premiers mois 175 millions : 140 millions pour 1790, 35 millions pour 1791. Mais un grand nombre d’ecclésiastiques, plusieurs maisons religieuses ont joui, eu 1790, des revenus dont ils étaient en possession ; d’autres ont reçu des secours, et ils est permis de penser que 50 millions suffiront à la dépense effective qui se fera dans les trois premiers mois. Les dîmes, les revenus affermés formeront dans les caisses de districts, et bientôt dans la caisse de l’extraordinaire, une masse de recette qui compensera les versements que nous vous demanderons dans le Trésor public. Jusqu’i l cette recette a du être languissante; à peine les administrations ont-elles pu en former les états préparatoires ; les fermiers et les locataires ont profité du sommeil et des lenteurs des administrations. Désormais une impulsion constante entretiendra partout l’activité ; et le travail des directoires, mûri parle temps et déjà par l’expérience, rappellera tout à la règle etàl’exactilude. $30 (Assemblée nationale, J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 janvier 1791 1. Les dépenses premières de l’ordre judiciaire, les dépenses des districts et des départements, les dépenses d’administration ont été fixées à 3,500,000 livres.... Vos décrets ont rejeté ces dépenses sur les départements mêmes; mais ce n’est que pour l’année 1791 que cet ordre nouveau doit commencer, et avec le système général que vous allez créer pour 1791. Jusque-là les administrations sontsans revenus et sans moyens; il faut donc que l’établissement premier et les frais intermédiaires soient portés sur la masse commune. Mais, et ce sera une sage, une nécessaire opération, il faudra que toutes ces avances soient restituées par les départements. Ce n’est qu’à cette époque que commencera la véritable économie, que les administrations seront vraiment épurées, qu’une censure sévère et toujours vigilante les contiendra dans les bornes du besoin et de la nécessité. Des anticipations qui vous sontconnues exigeront dans le cours de ces trois mois 32,147,000 1.; 3,700,000 livres de plus achèveront d’éteindre tout ce qui restera de cette ancienne lèpre de la finance. Peut-être quelques receveurs généraux ne pourront pas faire face à leurs engagements. Ce hasard a élé calculé à 5 millions. Vous avez décrété un secours général de 15millions delivres, et de ces 15millionsde livres 6,640,000 livres portent sur les trois premiers mois 1791. Les ponts et chaussées réclameront 252,000 1., reste de la dépense qui leur avait été fixée pour 1790; bientôt nous vous présenterons sur cette partie les besoins de 1791. Si nos espérances se réalisent, si le calme public vient ranimer les travaux, les 15 millions que vous avez accordés rendront peut-être inutile toute autre dépense dans ce département. Il n’est dans le cours ordinaire des choses qu’une somme de travaux publics qu’on puisse exécuter : quand l’industrie particulière est en activité, quand le commerce et les arts ont de la vigueur, les bras manquent aux entreprises, et les travaux publics ne feraient que peser sur les fortunes particulières et sur la véritable propriété de l’Etat. C’est donc cette activité dans tous les genres que nous devons réveiller par toutes sortes de moyens, surtout par les plus puissants de tous les moyens, l’exécution des lois, le rétablissement de l’ordre, le retour de la paix et de la sécurité. Alors, liez-vous au génie de la nation, à cette ardeur qui la tourmente, à cette impatience des obstacles, à ces charmes puissants de tous nos maux, l’espérance et l’illusion. Des dépenses à solder, des dépenses courantes, et qui toutes vous sont connues, à payer à leurs époques, des remboursements à Gênes et en Hollande : voilà l’énumération rapide de tous les objets que comprend ce trop long chapitre de dépenses. Je n’ai point parlé des gages des offices, les derniers qui vous resteront à acquitter; mais ces gages ne porteront point sur 1791, ils appartiennent tous à 1790. Peut-être serait-il dans l’ordre que tout ce qui en reste fût payé à la caisse de l’extraordinaire, puisqu’en effet le Trésor public en a déjà payé une année entière en 1790. Nous avons craint surtout, Messieurs, de vous tromper par des calculs atténués; nous avons placé les bornes à la plus grande distance, et l’évaluation porte à 207,518,000 livres, le secours extraordinaire que le Trésor public pourra réclamer dans les trois premiers mois. En janvier, 60,521,000 1. ) En février, 73,295,0001. > 207,518,000 livres. En mars, 73,702,000 1. ) Mais le tableau spéculatif suppose et comprend dans cette somme 1,200,000 livres pour des besoins imprévus et un fonds de caisse de 20 millions. Après vous avoir développé nos besoins et leurs causes, qu’il me soit permis de m’arrêter sur les véritables dépenses de 1791, d’en mesurer encore l’étendue; d’éclairer, si je puis, de presser du moins votre patriotisme sur la détermination des impôts et des moyens qui doivent la remplir. Nous avons fixé cette dépense à 528 millions, en supposant que 40 millions de plus fournis par les revenus des biens nationaux. Nous vous avons prévenu que cette fixation n’embrassait, ni les dépenses d’administration dans les départements, ni les dépenses de la justice, ni la prestation nécessaire pour l’entretien et la réparation des routes. Nous avons supposé que vous cumuleriez avec les capitaux les portions d’intérêt qui seront dus pour 1791, aux diverses créances que vous éteindrez dans cette année; enfin, vous avez décrété, depuis, 15 millions de secours généraux. Nous croyons toujours que nos calculs sont rigoureusement exacts. Si le travail de vos autres comités ne dérange pas des bases dont leur marche jusqu’ici nous a garanti l’exactitude; si l’on peut nous sauver les hasards et les événements imprévus, j’oserai, moi, répondre des évaluations, et c’est tout ce que vous pouvez exiger de votre comité. Des tableaux, qui bientôt sont tous dressés, vous présenteront la partie de la dépense qui n’est point entrée dans notre fixation, et que vos décrets ont rejetée sur les départements. Mais tout cela ne sera qu’un vain calcul, si bientôt, si tout à l’heure, des impositions déterminées ne sont pas réparties et assises; si le citoyen, qui attend avec inquiétude le sort de la Constitution, n’en voit pas les fondements irrévocablement fixés dans rétablissement d’un revenu public. Je ne dis pas, Messieurs, un revenu parfaitement égal à votre dépense. Loin de vous la funeste idée de vouloir tout à l’heure constituer, répartir, asseoir des impositions qui correspondent exactement à la totalité de vos besoins. Ce n’est pas là ce que je vous demande, ce n’est pas là ce qu’attendent de votre sagesse ceux qui veulent la fin de vos travaux, et le dénouement heureux de notre longue et douloureuse entreprise. Que faut-il donc? il faut que des bases posées d’une main sure, appuient un véritable système de finances. Qu’aucune partie de ce système ne blesse dans la racine de la prospérité publique. Que de vains égards, des considérations de circonstance ne fassent pas fléchir les principes, et ne mettent pas vos successeurs dans l’impossibilité de rectifier, d’améliorer votre ouvrage. J’avais cru jusqu’ici qu’il ne convenait pas à ma position particulière de vous parler de contributions. J’avais retenu soigneusement toutes les idées que j’avais recueillies dans un temps où le comité des finances semblait appelé à cette difficile et périlleuse tâche. J’oserai pourtant aujourd’hui jeter parmi vous quelques opinions qui semblent tenir à mon sujet, qui tiennent du moins au bien public, qui vous offriront peut-être quelque clarté, ou du moins épargneront à d’autres la peine de rebattre mes erreurs. Pour être véritablement une nation, il faut avoir un territoire, et un territoire tel qu’il puisse [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 janvier 1791.] 231 nourrir sa population, salarier ses administrateurs et ses juges, payer la dépense du culte public, stipendier la force extérieure qui doit le défendre des incursions étrangères, et la force domestique, qui doit garantir la Constitution des insurrections de ses ennemis, et le citoyen des attentats du citoyen. Ainsi, ce n’est point une nation, ce n’est qu’une nation précaire, celle qui ne fait pas toutes les dépenses de nécessité première, avec les revenus de son territoire, qui n’entretient sa population et ses forces qu’aux dépens de son commerce ou de son industrie mercantile. Qu’une nation plus industrieuse, plus active, devienne sa rivale, ses moyens s’affaiblissent et s’énervent, sa population languit et décroît à la mesure de son petit territoire. Que toutes les nations donnent l’essor à leur commerce, à leur industrie, il faut qu’elle-même disparaisse et s’efface. Ainsi, la contribution de notre territoire, notre contribution directe, la seule vraiment directe, celle qui porte sur ses biens réels et sur leurs produits, cette contribution doit égaler nos premiers besoins, nos besoins permanents. Cette contribution, je l’évalue à 261 millions; et en voici les éléments : 11 vous faut un magistrat suprême, un monarque ; et vous avez fixé sa dépense, celle de sa famille, à environ 31 millions. Il vous faut un culte et des ministres du culte : celte dépense réduite aux limites du nécessaire, s’élèvera à 60 millions. Il vous faudra une institution publique, celle qui forme les hommes et les citoyens. Elle ne sera pas dispendieuse, Messieurs, si elle est sagement conçue et sagement ordonnée. Je la porte à 3 millions. Vous devez avoir une armée extérieure et une gendarmerie nationale ; jusqu’ici c’est à 89 millions que doit s’en élever la dépense. Une marine ..... mais la marine n’appartient pas tout entière à vos premiers besoins ; elle est nécessaire surtout au commerce avec l’étranger, et ce commerce ajoute plus à nos jouissances qu’il ne donne à nos besoins, et ce commerce doit avoir pour nous une balance avantageuse, ou il n’est que funeste à nos intérêts. Ce n’est donc pas sur le territoire seul que doit porter la dépense de la marine, il faut qu’elle se partage entre le territoire dont elle accroît les richesses, et l’industrie nationale, dont elle augmente les bénéfices. J’en assigne 25 millions à la contribution foncière. Il nous faut des administrateurs et des magistrats. Je n’estimerai point cette dépense d’après les bases que des circonstances impérieuses lui ont données. Déjà vous avez senti, bientôt les peuples sentiront, avec plus d’énergie, qu’ils ont, et trop d’administrateurs, et trop de juges. Je fixe pour ces objets 20 millions. Vos relations avec les puissances étrangères : si vous ne considériez que celles qui tiennent à l’intérêt de votre existence comme nation, la dépense en serait médiocre, en serait presque nulle. Il n’est point de voisins redoutables pour des hommes qui ont du fer et une patrie. C’est comme nation commerçante, comme nation qui a des possessions lointaines, que ces relations sont chères et précieuses. Je n’en mettrai que 3,000,000 à la charge du territoire. . Vous avez besoin de routes, de communications, �de canaux, cette dépense reste indéterminée. C’est au territoire de la supporter tout entière. Elle enrichit le territoire, elle s’y consomme, et s’y reproduit au même instant. C’est une simple avance qui rentre avec usure dans les mains qui l’ont faite. Je la porte à 30 millions. Je récapitule toute cette dépense première, nécessaire, permanente : Dépense du roi et de sa famille. . . 31 millions Dépense du culte ................ 60 Dépense de la guerre et de la gendarmerie nationale ............ 89 Marine à la charge du territoire. . 25 Affaires étrangères .............. 3 Administration, justice .......... 20 Education nationale ............. 3 Routes, navigation .............. 30 Total ........ 261 millions Et pour aller jusqu’aux dernières limites du besoin, 300 millions. C’est là que j’arrêterais en ce moment la masse des contributions directes. Je n’en sépare point la contribution personnelle que je réprouve, et qui ne pourra être tolérée qu’autant qu’elle sera presque insensible. Je ne crois pas que jamais, je ne crois pas surtout qu’aujourd’hui vous puissiez excéder cette mesure. Mais, vous a-t-on dit, le territoire payait davantage; mais il payait la dîme, mais il y avait des exemptions et des privilèges; mais toutes les dépenses publiques se résolvent en impôts, et tous les impôts, quelque nom qu’on leur donne, quelque forme qu’ils empruntent, sur quelque objet qu’ils soient assis, se résolvent toujours en impôt territorial. Je sais jusqu’où peut nous conduire une subtile analyse. Mais pour moi, pour le vulgaire des hommes, toutes les vérités d’administration sont à la surface des choses, et je ne veux entendre que ce que peut concevoir le simple bou sens de mon fermier. Ni mon fermier, ni le peuple ne vous suivront point dans vos décompositions. Us appliqueront au territoire l’impôt qui est assis sur le territoire; ils trouveront cet impôt cruel, oppressif, s’il emporte une grande partie du produit net du territoire. Mais la survente de ce tabac qu’ils sont libres d’acheter, la survente de ce vin qu’ils sont libres de consommer, mais tant d’autres perceptions qu’ils payaient volontairement et qu’ils oubliaient au moment où ils les avaient payées, ils ne les regarderont point comme un impôt sur leur propriété. Le territoire payait davantage ..... Mais le peuple était malheureux, mais l’agriculture était sans force, mais les campagnes étaient sans population, mais au milieu de vos plus belles provinces vous aviez de vastes landes et d’immenses déserts. Le territoire était donc trop chargé; ce n’est donc point une charge égale à l’ancienne qu’il faut lui donner ; ce n’est pas seulement une charge moindre que l’ancienne, c’est uniquement celle qu’il peut supporter, celle que commandent vos besoins naturels et indépendants de votre dette, vos besoins fixes, vos besoins permanents, ceux qui resteront encore quand vos dettes seront éteintes. Je vous dirai plus, Messieurs, il serait d’une sage politique, d’une sublime administration, même en finance, de diminuer cette contribution quand les circonstances seraient telles que vous pussiez l’étendre, sans altérer la prospérité de votre territoire. En effet, vous avez, en ce moment, une population qui n’a plus d’aliment ni d’appui; la population de vos grandes villes, cette population qui n’existait que par le luxe que [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [U janvier 1791 -J vous avez détruit, que par les abus que vous avez frappés, que par les professions dévorantes que vous avez anéanties : il faut la repomper cette population dans les campagnes, et vous ne le pouvez qu’en lui montrant là le bonheur et d’utiles travaux. Si vous ne lui ouvrez pas cet asile, elle se consumera dans la misère et la honte, accusant vos lois et calomniant votre ouvrage. J’ajouterai que vous avez à répartir cette contribution entre les differentes parties de l’Empire, entre des parties jusqu’ici soumises à des luis inégales, les unes courbées sous la verge de l’oppression, les autres tranquilles à l’ombre des privilèges. Si vous faites un fardeau trop lourd, vous ne pourrez le partager ni avec une rigoureuse égalité, ni avec une juste proportion. Les départements, jadis favorisés , repousseront la part que vous leur aurez faite ; les autres accuseront encore une distribution qui ne les soulagera pas. Atténuez donc votre contribution, afin de faire supporter ici une augmentation légère, là une moindre diminution. Atténuez-la, parce qu’au-jourd’hui tous vos moyens sont atténués; parce que l’anarchie a tout appauvri, tout énervé; parce que vos denrées sont sans valeur et sans circulation. Bientôt l’activité de la culture, ses progrès, ses entreprises vous livreront une nouvelle matière imposable; bientôt tous les genres d’industrie répandus dans vos villes, et de vos villes dans vos campagnes, y porteront, avec l’abondance et la vie, de nouveaux moyens de contribution. Ainsi, Messieurs, ont fait les grands administrateurs; c’est en diminuant les impositions qu’ils sont toujours parvenus à rétablir la perception et à restaurer les finances. Mes calculs sur la contribution foncière et directe me laissent à 300 millions au-dessous de vos besoins effectifs. Je dis 300 millions, parce que je n’avais pas compris dans l’évaluation spéculative des dépenses de 1791, ni l’administration, ni la justice, ni les routes. Je ne prétends point couvrir ce déficit tout entier par des impositions effectives en 1791; ce serait une erreur, ce serait, j’ose le dire, un crime d’y penser. Mon opinion personnelle, c’est qu’une pareille euireprise nous jetterait dans les convulsions du désespoir et dans les horreurs de l’anarchie. Mais il faut approcher de cette somme autant que Je permettront les circonstances, il faut surtout préparer le germe d’une augmentation nécessaire dans nos perceptions. 11 faut établir des bases sur lesquelles les législatures qui nous succéderont puissent poser l’équilibre de la recette et de la dépense; il ne faut, pas sacrifiera de vaines terreurs, à des considérations du moment, des sources importantes de revenu. Vous avez établi le droit d’enregistrement, vous avez établi le timbre, vous étendrez les conservateurs des hypothèques dans tous les départements, vous conserverez la marque d’or et d’argent, et le droit sur les cartes. Tous ces objets vous formeront un revenu de 51 à 56 millions. Les postes, bien organisées, les postes liées à une autre administration rendront 15 millions; les traites unies aux postes 12 millions. Les forêts nationales, les débris des droits féodaux 18 millions. La loterie royale, si vous croyez la conserver, 10 millions; en total 111 millions. Il vous manquera encore 200 millions pour vous élever au niveau de la dépense de 1791. Vous en prendrez, Messieurs, une partie sur vos capitaux, vous prendrez l’autre sur les consommations, sur les jouissances de luxe ; vous ferez ce que font les nations libres, les nations commerçantes. Vous avez vu en Angleterre des droits onéreux sur le thé, vous en avez vu sur les boissons, et ie peuple consomme le thé, et le peuple boit sans murmurer contre l’impôt ; mais le peuple a du travail, et quand le peuple a du travail il paye plus facilement que le riche ses jouissances et ses plaisirs. Vous conserverez donc et le tabac et les droits sur la boisson ; mais des droits modifiés, transformés, purgés de ce régime décrié, dont le nom seul arme contre eux ceux qui ne le connaissent pas. Le tabac réduit au prix le plus modéré, vous donnera encore 23 millions; vous en sacrifierez cinq pour apaiser les cris de l’Alsace, de la Flandre, de l’Artois. Avec cinq millions vous encouragerez dans les anciennes provinces d’autres cultures, d’autres fabrications, et elles ne perdront pas encore la fabrication du tabac, qu’une Compagnie privilégiée pourrait y exploiter avec plus d’étendue que des manufactures particulières. Vous réduirez les droits sur les boissons à 25 millions, et sur ce pied vous n’aurez ni fraudes ni murmures. Je ne puis adopter ces licences, ces maîtrises qu’il faudrait vendre tous les ans et tous les ans racheter, qui armeraient l’industrie contre l’industrie, qui ne feraient que substituer aux exercices des commis les inquisitions des citoyens. Avec 15 ou 20 millions d’entrées dans les villes, vous aurez en 1791 un revenu de 471 millions, et avec les 60 millions de la caisse de l’extraordinaire, 531 millions. De là, jusqu’à 600 millions, il ne vous reste que 70 millions à prendre sur vos capitaux, et je vous abandonne la contribution patriotique, et, s’il le faut, une partie des restes de 1790. Eu 1792, votre culture, votre commerce, les travaux du peuple seront dans la plus grande activité. Alors des remboursements de capitaux, des extinctions de rentes viagères et de pensions auront diminué de plus de trente millions la masse de vos besoins; alors les parties arriérées de la dépense publique vous laisseront encore un jeu de 20 à 25 millions. Votre déficit réel ne s’évalue donc en 1792 que d’environ 20 millions, et vous les trouverez dans l’augmentation naturelle, insensible de vos impositions indirectes. Chaque année qui succédera, effacera une partie considérable de votre dette, et peut-être cette vaste opération que vous avez osé entreprendre l’absorbera tout entière. Osons, Messieurs, nous élever à ces grandes espérances, mais surtout assurons-en la réalité par l’union, par la concorde. Qu’un heureux oubli de nos dissensions nous rende à notre véritable caractère, à nos véritables sentiments, et et que désormais tout se rallie au nom de la religion, de l’humanité, de la patrie et du trône! Je reviens au Trésor public. J’avais oublié de vous en rappeler l’organisation. Il est urgent, Messieurs, que vous la décrétiez; il est urgent que vous reconstituiez ce ministère. Dans Félat de fluctuation et d’incertitude où il est aujourd'hui, son action est sans force et sans mesure. Il est chargé d’instruments inutiles; it lui manque 1 Assemblée nationale. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 janvier 1791.| 233 les instruments nécessaires. Personne n’est à sa place, personne ne connaît ses fonctions; les départements hésiteut et cherchent l’autorité qu’ils doivent reconnaître ; tout appelle une force de compression qui unisse, qui relie toutes les parties de l’Empire. Je doute, ou plutôt je ne crains pas que vous adoptiez le plan qui vous a été proposé par votre comité de l’imposition; je le combattrai avec tout l’avantage de la raison et des principes, et j’aurai pour auxiliaires votre sagesse, le grand intérêt de la Constitution, votre intérêt à vous et votre gloire. 11 faut enfin que les incertitudes cessent, et que la nation sache à quels pouvoirs elle doit obéir. Je vous propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que la caisse de l’extraordinaire versera dans celle du Trésor public soixante millions cinq cent vingt et une mille livres. » M. «le EL a Ifiocliefoucauld. Je demande l’impression du rapport de M. Lebrun. Plusieurs voix: Oui! oui!... Non! non! M. Anson. J’ai l’honneur de prévenir l’Assemblée que le comité n’a pas eu connaissance du rapport qui vient d’être fait. Ce n’est pas la première fois que sur des matières importantes M. Lebrun a lu son travail sans l’avoir communiqué. Les états qu’il vous a présentés ne sont connus ni du comité des douze, ni du comité des finances. L’opinion particulière de M. Lebrun est ici un hors-d’œuvre ; il ne pouvait en présenter une sur les impositions, que quand celte matière aurait été à l’ordre du jour. Il y a môme dans ce travail des choses contraires à vos décrets. Si vous ordonnez l’impression, il faut séparer cetle opinion de la première partie, qui serait imprimée, non pas au nom du comité, mais pour lui être communiquée. Au surplus, je conclus à ce qu’on décrète les secours nécessaires au Trésor public. M. Lebrun, rapporteur. J’ai l’honneur d’observer au préopinant qu’il n’était point hier au comité des fiuances, quand j’ai présenté les états au nom de la section du Trésor public. 11 est inutile d’ordonner l’impression pour communiquer au comité. L’Assemblée doit se rappeler qu’elle avait ajourné ce rapport. Le jour fixé pour l’ajournement, je me suis présenté. Gomme il ne s’agissait que de l’exécution du décret, j’ai cru pouvoir rédiger ce travail ; je l’ai porté à la section du Trésor public, où les états ont été discutés. Quant à la seconde partie de mon rapport, il est certain qu’elle contient mon opinion personnelle. Je demande que l’Assemblée décrète le secours de 60 millions au Trésor public. Elle décidera sur le reste ce que sa sagesse lui prescrira. (Le projet de décret présenté par M. Lebrun est adopté.) M. SMonis dn Séjour. L’Assemblée a ordonné à son comité ecclésiastique de lui présenter une adresse aux Français sur la constitution civile du clergé. Le comité ecclésiastique a nommé des commissaires pour rédiger celte adresse. Un de MM. les commissaires a observé que M. de Mirabeau avait un travail sur celte matière; nous l’avons prié de vouloir bien nous le communiquer. D’après des observations que nous avons faites à M. de Mirabeau, et auxquelles il a bien voulu avoir égard, nous avons relu ce travail, et votre comité l’a adopté. En conséquence, je vous propose d’en entendre la lecture en ce moment. ( Applaudissements .) M. de Mirabeau lisant (1) : Français, au moment où l’Assemblée nationale coordonne le sacerdoce à vos lois nouvelles, afin que toutes les institutions de lE’mpire se prêtant un mutuel appui, votre liberté soit inébranlable, ou s’efforce d’égarer la conscience des peuples. On dénonce de toute part la constitution civile du clergé, décrétée par vos représentants, comme dénaturant l’organisation divine de l’Eglise chrétienne, et ne pouvant subsister avec les principes consacrés par J’antiquité ecclésiastique. Ainsi, nous n’aurions pu briser les chaînes de notre servitude sans secouer le joug de la loi?... Non : la liberté est loin de nous prescrire un si impraticable sacrifice. Regardez, ô concitoyens ! regardez cette église de France dont les fondements s’enlacent et se perdent dans ceux de l’empire lui-même ; voyez comme elle se régénère avec lui, et comme la liberté, qui vient du ciel, aussi bien que notre foi, semble montrer en elle la compagne de son éternité et de sa divinité! Voyez comme ces deux filles de la raison souveraine s’unissent pour développer et remplir toute la perfectibilité de votre sublime nature, et pour combler votre double besoin d’exister avecgloire, et d’exister toujours ! On nous reproche d’avoir refusé de décréter (1) Je livre cette adresse à l’impression ; car ce qu’on m’a le plus reproché, c’est qu’il est difficile de m’entendre, et je conviens que, pour être jugé, il faut être entendu. Un autre motif, c’est qu’un membre du comité ecclésiastique a désiré l’aveu que l’adresse, approuvée par lo comité dans deux conférences, n’est pas entièrement la mémo que j’ai lue dans la tribune. Or non seulement je n’ai pas voulu, pour lui plaire, dire celte fausseté ; mais j’ai dû constater, si mon adresse est mauvaise, que j’ai eu des censeurs trop indulgents ; et si elle est bonne, que l’approbation do plusieurs de mes collègues m’a autorisé à le croire. J’ai déposé mon manuscrit sur le bureau ; MM. les secrétaires en ont paraphé, signé et cacheté le dépôt, et il n’est sorti de leurs mains que pour passer dans celles de l’imprimeur de l’Assemblée nationale. Il était important, dans une matière aussi délicate, de ne pas laisser le choix à la critique entre ce que j’ai dit et ce que je n’ai pas dit. J’ai dû encore faire imprimer cette adresse pour que ceux qui ne l’ont pas entondue, ne soient pas obligés d’en croire sur parole ceux qui ont cru devoir ou la méconnaître ou la censurer. On a blâmé un discours, en effet très répréhensible, si un bon citoyen l’avait tenu ; et je Je plaçais dans la bouche d'un impie. On a supposé qu’en parlant de la feuille des bénéfices, j’avais attaqué tous les prélats. Il est vrai que je n’ai pas fait l’éloge de la feuille des bénéfices; mais, en disant qu’elle avait donné souvent de très mauvais choix, j’ai parlé seulement de quelques prélats. Enfin, on a supposé que je prêchais l’hércsie et la violence ; je le croirais si l’Assemblée l’avait pensé de même, et je me serais sur-le-champ rétracté. Mais n’ayant éprouvé qu’une attaque individuelle d’un homme qu’on a accusé lm-même de n’êlre pas orthodoxe, j’en appelle au public : c’est à lui à prononcer. Enfin, l’impression de cette adresse serait indispensable, ne fut-ce que pour empêcher qu'elle ne fût jugée d’après 1 (-journal taehy graphique. Je pardonne qu’on ne me comprenne pas; mais je dois au moins m’entendre moi-même, et je ne veux être ni hérétique ni absurde : or, je serais facilement tout cela d’a[irès le galimatias double que me prête ce journal. ( Note de l’ auteur .)