361 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mai 1791.J aussi importante de reconnaître la pureté de leurs intentions, en ordonnant que les preuves de leur civisme soient inscrites dans le procès-verbal de vos séances. ( Applaudissements à gauche. — Murmures à droite.) M. de lirîeu. Je m’oppose à la dernière partie de la motion de M. Prieur. Vous avez, par un décret, interdit aux sociétés particulières le droit de faire des pétitions. ( Murmures . — A gauche : Ce n’est pas une pétition, c’est une adresse.) Je réclame l’exécution de ce décret. M. Pétion de Villeneuve. Il est très important de décréter enfin les moyens d’exécution du décret rendu en faveur des hommes libres de couleur, issus de père et mère libres. J’appuie la motion de M. Prieur. Un membre : Gela devient très nécessaire, surtout depuis que le commerce de Bordeaux a fait le sacrifice de retarder le départ de ses vaisseaux pour les colonies, M. Prieur. Je ne suis pas étonné que M. de Yirieu s’oppose à une partie de la motion que j’ai faite; car il conclurait volontiers à ce qu’il fût défendu à tous les citoyens français d’être d’aucune société patriotique. M. de Virieu. Oui, je pense qu’il devrait être défendu à tout citoyen français d’être d’aucune société qui, sous le titre d’amîs de la Constitution, se permet de gêner les corps administratifs, d’influer sur leurs délibérations et d’exercer des actes d’oppression par tout le royaume. ( Murmures à gauche.) M. Gaultier-Biauzat. Il n’est question ici que d’une manifestation de vertus civiques ; je suis fort étonné que le préopinant s’oppose à ce que nous consacrions le patriotisme des citoyens qui nous en donnent des preuves si évidentes, lui qui s’est si souvent efforcé de nous persuader qu’il en avait. M. de Rostaing. Je ne contesterai pas l’authenticité des adresses qui viennent d’être lues; mais je demande qu’on rende justice à toutes celles qui vous ont été envoyées pour exprimer un vœu contraire, et qu’elles soient lues. A droite : Oui 1 oui ! M. Goupll-Préfeln. Toutes ces adresses dont on vous demande insidieusement, et sous une fausse allégation de justice, la lecture, tendaient à vous détourner de rendre le décret que vous avez pris, et pouvaient alors être lues. Mais aujourd’hui que la loi est faite, il n’est plus permis, la décence, le patriotisme devraient interdire à tout membre de l’As emblée de vous en demander la lecture. Je demande la question préalable contre ces étranges amendements. Quant à la motion de M. Prieur, je l’appuie; les actes de civisme du genre de ceux que le département de la Gironde vient de donner, méritent une mention honorable dans les travaux de l’Assemblée. (L’Assemblée, consultée, repousse les amendements par l’ordre du jour et décrète que les adresses et les délibérations dont il a été donné lecture seront im primées, annexées au procès-verbal, et que le président écrira au directoire du département de la Gironde et à la chambre du commerce de Bordeaux, pour leur témoigner la satisfaction de l'Assemblée nationale.) M. I�avle. Je demande que l'embargo mis sur plusieurs bâtiments prêts à partir pour l’Amérique et qui nous est annoncé par le directoire du département de la Gironde soit levé. M. Rewbell. Il faut renvoyer cette question au pouvoir exécutif. (L’Assemblée décrète le renvoi au pouvoir exécutif de la motion de M. Lavie.) M. le Président. J’ai reçu une lettre de M. le ministre de la marine dont je vais donner connaissance à l’Assemblée : « Monsieur le Président, « J’ai l’honneur de vous adresser copie de deux lettres; l’une est datée du 15 de ce mois, de M. du Chaffaud, commandant de division et le vaisseau l’Apollon , arrivant à Rochefort avec 1 bataillon du régiment ci-devant Poitou; l’autre est en date du 14 de M. Bélisac, commandant le vaisseau le Jupiter , arrivé à Brest avec 1 bataillon du régiment ci-devant Angoulême. « Il parait que sur l’avis de M. de Blanchelonde, qui avait transmis à M. de Béthune le récit de ce qui s’était passé à Port-au-Prince dans les premiers jours de mars, ce général, de concert avec les commissaires du roi aux Iles-du-Vent, s’est empressé de faire embarq uer sur ces deux vais-seaux 2 bataillons, et que M Duchilleau, commandant du bataillon, s’étant présenté au Gap le 15 avril, M. de Blanchelonde lui a [notifié que ses troupes étaient inutiles. « Les pièces dont M. Duchilleau m’annonce l’envoi ne me sont pas encore parvenues. « Je suis, avec respect, etc. « Signé : Thévenard. » M. 'Verchère de Reffye, secrétaire , donne lecture des 2 lettres annoncées dans la dépêche ci-dessus du ministre de la marine ; elles portent que le meilleur ordre et la discipline la plus rigoureuse régnent dans les équipages et les troupes, mais que les vaisseaux sont en insurrection à Port-au-Prince et qu’il est essentiel d’y porter un prompt secours. L’ordre du jour est un rapport des comités diplomatique, de Constitution et d'Avignon sur la pétition d'Avignon et du comtat Venaissin pour leur réunion à la France. M. de Menou, au nom des comités diplomatique , de Constitution et d'Avignon (1). Messieurs, je viens encore, d’après les ordres formels de l’Assemblée nationale, vous parler, au nom de la justice et de l’humanité, des malheurs auxquels sont livrés depuis trop longtemps les habitants de deux pays, qui, voulant la liberté et votre Constitution, n’ont, -au lieu de liberté, qu’une monstrueuse anarchie , au lieu de votre Constitution, que les horreurs de la guerre civile, et qui, désirant être Français, ont été, j’ose le dire, inhumainement repoussés par uneinfluence dont j’ignore les causes secrètes, mais dont le résultat a été la destruction de plusieurs milliers d’individus, qu’un seul mot de votre part conservait à la vie. Encore quelques jours de délai, les (1) Ce discours n’est pas complet au Moniteur. 3(32 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mai 1791.' Avignonais et les Comtadins seront effacés de la liste des peuples. Quels reproches l’Assemblée nationale de France n’aurait-elle pas à se faire, si par une politique fausse, je dirai presque barbare, si par une crainte mal fondée, si par des considérations je ne sais de quelle espèce, pour une cour qui ne cherche qu’à nous faire du mal, qu’à allumer dans nos provinces le feu de la guerre civile, qu’à exciter partout les fureurs du Fanatisme ; ( Murmures à droite ; — Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) si, dis-je, par de semblables motifs, l’Assemblée nationale entraînait la ruine de deux peuples qui lui demandent à grands cris la vie et la liberté? Sans doute, nous ne cherchons point, ainsi que des missionnaires, à propager nos principes et nos opinions; sansdoute, nous ne voulons pointporter les peuples à l’insurrection ni troubler la tranquillité d’aucun pays, d’aucun gouvernement. Mais avons-nous pu croire que le spectacle que nous offrons n’aurait pas des imitateurs ? La liberté, semblable à l’étincelle électrique, se communique en un instant, lorsqu’elle trouve des peuples préparés à la recevoir. Quoi ! des représentants de la nation française trouveraient mauvais que les Avignonais et les Comtadins qui habitent au milieu de nous, qui ont suivi et étudié tous les progrès de notre Révolution, qui sont enveloppés de l’atmosphère de notre liberté, trouveraient, dis-je, mauvais que ces peuples voulussent être libres, tandis qu’à 400 lieues de la France une assemblée, jusqu’à présent la plus aristocratique de l’univers, composée de la noblesse la plus orgueilleuse de l’Europe, de ces fiers Sarmaihes qui ne connaissaient que leurs armes et des esclaves, vient d’adopter les principales bases de notre Constitution! (Vifs applaudissements à gauche ; — Murmures à droite.) M. de Virieu. On voit bien que M. le rapporteur a lu la Gazette de Paris et la Révolution de Pologne. M. l’abbé Manry. Monsieur le Président, je vous prie d’imposer silence au souveraiu des tribunes. (. Applaudissements .) M. de Virieu parle dans le tumulte. M. de Menou, rapporteur. J’entends dire que la révolution de Pologne, cet événement glorieux qui donne une grande leçon aux princes de l’Europe et qui mérite tant d’éloges au roi citoyen qui en a conçu le projet, ri’est qu’une belle chimère et n’existe que dans la Gazette. (Murmures.) Cependant j’ai l’honneur d’annoncer à l’Assemblée que, cette nuit, M. de Sainte-Croix, notre envoyé en Pologne, est parti pour la Pologne, précisément à cause de la révolution... Un membre à gauche: Vive la Pologne! (Applaudissements.) M. de Menou, rapporteur... Quoi I la liberté aura pu pénétrer jusque dans les forêts de la Lithuanie, et nous ne voudrions pas qu’elle étendît sou empire sur deux peuples qui sont continuellement en contact avec elle? Non, l’Assemblée nationale n’aura pus ce reproche à se faire; elle sentira que les Avignonais et les Comtadins ont le droit d’être libres, et qu’ils ne peuvent l’être vériiablement sans devenir Français (Murmures à droite.)... Je prouve cette assertion. (Nouveaux murmures à droite. — A gauche : A l’ordre, aristocrates!)... ces peuples veulent-ils être libres, et séparés de nous ? nous les entourons nécessairement de barrières, car sans cette mesure, leurs manufactures s’accroîtraient au détriment des nôtres, parce que à ne contribuant pas nos charges, ils pourraient fournir leurs productions à infiniment meilleur marché. On a proposé d’établir, au lieu de barrières, un abonnement par lequel ces peuples se soumettraient à payer annuellement une certaine somme à notre lise; mais pour que cet arrangement ne nous fût pas préjudiciable, l’abonnement devrait être tellement calculé, que les Avignonais fussent forcés à vendre un peu plus cher que nos fabricants, parce que nous devons chercher, par tous les moyens possibles, à établir la balance du commerce en notre faveur. Ainsi les Avignonais et les Comtadins, qui sont obligés de tirer de la France leur subsistance journalière, seraient nécessairementruinés; car, ne trouvant pas un débit avantageux de leurs marchandises, ils ne pourraient suffire à nous payer les denrées de première nécessité. Si, dans une autre hypothèse, ils restaient soumis au pape, le même inconvénient subsisterait quant à leur commerce; car nous serions également forcés d’établir des barrières ou un abonnement. Libres au contraire, et réunis à la France, ils rentrent dans les classes de tous les autres citoyens et profitent de tous les avantages de notre Constitution. La liberté, sans réunion à la France, serait donc une véritable chimère pour les Avignonais et les Comtadins, Je ne vous rappellerai pas ici, Messieurs, les droits positifs de la France sur Avignon et le Comtat venaissin : pour ceux qui, voulant les connaître se sont donné la peine d’examiner avec impartialité les chartes, les titres et les bulles, et de faire des recherches dans l’histoire, ces droits, ainsi que je crois l’avoir prouvé dans mon premier rapport sont incontestables... ( Rires à droite.) M. l’abbé Maury. Ceux qui ont été chez M. de Clermont-Tonnerre l’ont prouvé aussi. (A gauche : A l’ordre! à l’ordre!) M. de Menou, rapporteur... mais je dois vous parler ici d’un motif bien plus puissant pour une Assemblée qui a si solennellement reconnu les droits imprescriptibles des peuples, je dois, dis-je, vous parler du vœu libre, formel et légal, émis par les Avignonais, pour se réunir à la France; je dois vous dire à quelles horreurs ils sont actuellement livrés ainsi que les Comtadins; je dois vous peindre les inconvénients incalculables qui résulteraient de la non-réunion. Je ne parlerai pas du premier vœu formé par les Avignonais, dans le mois de juin 1790, puisqu’on m’objecte qu’il fut émis au milieu du tumulte, du désordre et du massacre de plusieurs citoyens. Je passe aux actes subséquents. Tous renferment le vœu le plus solennel, le plus libre, le plus légal de se réunir à la France. Le premier est un serment prêté sur la roche du Don par toutes les gardes nationales d’Avignon, et de son territoire, à la Constitution française, à la nation, à la loi et au roi; il est en date du 14 juillet, jour de la fédération générale de l'Empire français. Il fut prêté en présence de plusieurs détachements de gardes nationales des villes françaises voisines d’Avignon. Le deuxième est une lettre écrite par la municipalité d’Avignon [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mai 1791.] 333 à l’Assemblée nationale, au nom des habitants de cette ville, pour demander la réunion. Elle est du 13 août 1790. Le troisième est un nouveau serment des gardes nationales avignonaises, prêté sur la roche du Don, en présence de plusieurs détachements de gardes nationales françaises, en date du 5 septembre 1790 ; cet acte est revêtu de plus de v4,000 signatures. Le quatrième est l’adhésion au serment précédent donné par les habitants de Morieresbourg dépendant d’Avignon, en date du 6 septembre. Le cinquième est un vœu formé par les 9 sections ou districts composant l’assemblée générale des citoyens actifs d’Avignon pour se réunir à la France, et s’incorporer au département des Bouches-du-Rhône, en date du 6 octobre 1790. Le sixième est un vœu formé par les 9 districts ou sections composant l’assemblée des citoyens actifs d’Avignon, pour se réunir à la France, et envoi de cette délibération à tous les départements du royaume, en date du 26 octobre 1790 : à cet acte est jointe une lettre d’envoi à l’Assemblée nationale. Le septième est un vœu formé par les citoyens actifs d’Avignon, pour se réunir à la France. Il a été transmis à l’Assemblée nationale;, par MM. les commissaires du roi, envoyés dans le département du Gard; à: cet acte est jointe une lettre des commissaires qui constate le vœu des Avignonais; cet acte est du 15 mars 1791. Le huitième est une lettre des électeurs de l’assemblée électorale de Vaucluse, séante à Avignon, à l’Assemblée nationale, pour demander la réunion, en date du 18 mars 1791 : cette lettre est revêtue des signatures de tous les électeurs. Le neuvième est une lettre de la municipalité d’Avignon à l’Assemblée nationale écrite au nom du peuple avignonais, et datée du 16 mai 1791 ; elle demande la réunion par les motifs les plus pressants, et a été lue hier matin à l’Assemblée nationale : elle est accompagnée d’une lettre au président de l’Assemblée nationale, en date du 17 mai. Je pense. Messieurs, que les différents actes dont je viens de vous rendre compte, vous paraîtront suffisants pour constater, de la manière la plus évidente, le vœu libre, solennel et formel desAvignonais. On ne pourra pas alléguer que ce vœu ait été émis au milieu des troubles : car j’ai entièrement écarté tous les actes qui ont eu lieu dans le mois de juin, quoique plusieurs d’entre eux soient revêtus des formes les plus authentiques et les plus légales. Tous les troubles étaient cessés à Avignon à la fin de ce mois, et je n’ai fait mention des actes qu’à commencer du 14 juillet, époque à laquelle on avait admis ici à la grande fédération une députation des gardes nationales avignonaises : je dois observer aussi que la population d’Avignon, n’étant que de 24,000 âmes, ne donne qu’environ 4 à 5,000 citoyens actifs. Le vœu des Avignonais est encore constaté par une infinité d’actes qui vous ont été envoyés des départements et districts voisins : Orange, Valence, Aix, Nions, Château-renard, Nîmes, Marseille, Arles, Courtheson, Tarascon, etc., etc., n’ont cessé d’écrire à l’Assemblée nationale pour l’engager à prononcer sur la pétition des Avignonais, et l’avertir du danger qu’il y aurait à rejeter leur vœu. En effet, Messieurs, les événements n’ont que trop prouvé combien les craintes des départements voisins d’Avignon étaient fondées; quels malheurs devaient entraîner le refus de prononcer une réunion tant désirée. Les fanatiques, les ennemis du bien public, ont ourdi dans ce pays les trames les plus noires. Désespérés du concert de volontés qui commençait à régner entre les Avignonais et les Gomta-ains, ils n’ont cessé de jeter les semences de la discorde, de la haine, de la jalousie et des passions les plus effrénées entre ces deux peuples. Ils ont dit à uoe partie des Gomtadins qu’Avi-gnoa voulait les despotiser et les ruiner; que Garpentras surtout serait anéantie si elle faisait cause commune avec Avignon. Aux habitants de celte dernière ville, ils ont dit que la majeure partie des Gomtadins étaient leurs ennemis les plus acharnés, qu’ils n’avaient d’autre intention que de les tromper, en paraissant se réunir avec eux; ils sont enfin venus à bout, ces infâmes scélérats, non seulement d’armer les Avignonais contre les Gomtadins, mais même de former plusieurs partis dans chacun de ces deux peuples; au point qu’actuellement les Gomtadins s’égorgent entre eux, et qu’il se forme plusieurs raclions parmi les Avignonais. Ge beau pays s’est tellement dévasté par les différents corps de troupes qui sont en armes, qu’il ne reste pas l’apparence de récolte sur pied. Les subsistances devenant d’une rareté extrême, chaque soldat cherche de quoi vivre à la pointe de son épée, et égorge quiconque lui refuse des aliments. La plupart des villes et bourgs du Gomiat ont été incendiées et pillées; depuis le commencement d’avril, le sang ruisselle dans ce malheureux pays; et si l’Assemblée nationale ne se détermine enfin à accéder au vœu des Avignonais, bientôt on ne rencontrera plus dans cette, contrée que des cendres et des morts. Oui, je ne crains pas de le dire, nous serons profondément coupables aux yeux de toute la France, si nous ne prononçons pas la réunion d’Avignon. Il n’est plus temps de prendre des mesures provisoires. Si vous envoyez des troupes, avec la simple mission d’y rétablir l’ordre, c’est la guerre civile que vous allumez parmi nous-mêmes; nos troupes se battront les unes contre les autres, parce que nécessairement elles se livreront aux différents partis. Et comment pourraient-elles résister aux pièges qui leur seront tendus, lorsque les ennemis du bien public sont parvenus à armer le frère contre le frère, les amis contre les amis, et cela non seulement dans l’espérance d’arrêter le progrès de la liberté dans Avignon et dans le Gomtat, mais bien plus encore, d’entretenir un foyer dont les flammes gagneront nécessairement une partie des déparlements voisins? En effet, Messieurs, qui d’entre vous ne sait que les Français voisins de ce pays y ont des possessions, des parents, des amis qu’il s cherchent à conserver, à défendre? Qui d’entre vous ne sait que parmi les villes, districts et départements environnants, les uns ont pris le parti des Avignonais, les autres celui des Gomtadins ; qu’ils ont mutuellement fourni des secours d’armes et de munitions aux différents partis belligérants; et que peut-être, au moment où j’ai l’honneur de vous parler, des portions des départements environnants se battent les uns contre les autres : si vous n’y portez, Messieurs, le remède le plus prompt, je ne crains pas de le dire, vous serez responsables de la guerre civile qui va s’allumer ; et qu’on ne dise pas ici que je charge le tableau ; on n’a qu’à consulter les députés des départements voisins. Je ne m’arrêterai point à combattre les opinions 364 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mai 1791.] qu’on a tirées de la crainte qu’occasionnerait notre conduite aux nations étrangères; il n’en est pas une qui ne connaisse nos droits sur Avignon; pas une qui ne sache que tôt ou tard ces deux pays devaient nécessairement être réunis à la France; pas une ne dira que cette réunion est une conquête; il n’y a que les gens de mauvaise foi qui peuvent répandre cette opinion; il n’y a que ceux qui ont intérêt à la guerre civile qui peuvent l’accréditer. Au reste, Messieurs, vos comités, quoique très convaincus que la grande majorité, ou l’unanimité des communes du Gomtat, voulût et dé.sirât la réunion, vos comités, dis-je, n’avant reconnu que des vœux partiels, et non un vœu général et simultané des Comtadins, n’ont pas cru devoir persister dans le projet de réunion totale qu’ils vous avaient proposé ; ils se bornent aujourd’hui à la réunion d'Avignon et de son territoire. Cette mesure juste et nécessaire fera cesser toutes les calamités et les désordres qui affligent ces pays ; car à l’instant de la réunion, il sera ordonné aux Avignonais de mettre bas les armes, et de cesser toutes hostilités ; il ne restera plus alors même aux Comtadins aucun prétexte d’être en armes : personne n’aura rien à nous reprocher ; car nous n’aurons usé de notre droit sur Avignon, que parce que les Avignonais ont eux-mêmes émis le vœule plus formel et le plus légal de se réunir à nous. Nous n’en aurons pas usé envers les Comtadins, parce que respectant les droits des peuples, même contre notre intérêt, nous n’avons pas jugé que le vœu des Comtadins fût suffisamment prononcé. Vos comités vous proposent encore d’être justes envers la cour de Rome, quoique peut-être elle ne le mérite pas ; (. Applaudissements à gauche ; murmures à droite.)... car ils ont pensé qu’il fallait lui rembourser toutes indemnités qui pourraient lui être dues, et cela avec la générosité d’une grande nation, qui méprise les petites injures, et ne veut s’en rappeler que pour donner des preuves de sa justice et de sa générosité. J’ai, en conséquence, l’honneur de vous proposer le projet de décret suivant, au nom des comités diplomatique, de Constitution et d’Avignon : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de Constitution, diplomatique et d’Avignon, relativement aux droiis de la France sur l’Etat d’Avignon et son territoire, ainsi qu’au vœu libre, légal et solennel des Avignonais pour se réunir à l’Empire français, décrète : « 1° Qu’elle admet et incorpore les Avignonais dans la nation française, dont ils feront désormais partie intégrante, leur accordant tous les droits et avantages de sa Constitution; « 2° Que le roi sera prié de donner au ministre des affaires étrangères, tous les ordres nécessaires pour négocier, avec le pape , les indemnités qui pourraient lui être dues; « 3° Le roi sera également prié d’ordonner aux citoyens dudit Etat et territoire d’Avignon, de cesser tout acte d’hostilité contre les habitants du Comtat Venaissin, avec lesquels la nation française veut vivre en bonne intelligence : « L’Assemblée nationale décrète également ; « 1° Que nul français, sans exception, ne pourra s’immiscer dans les querelles des Comtadins, ni porter les armes pour ou contre les habitants du Gomtat, sous peine d’être poursuivi comme perturbateur du repos public; « 2° Le roi sera prié de nommer des commissaires civils, lesquels se transporteront à Avignon, pour y opérer la réunion et y rétablir l’ordre, avec plein pouvoir auxdits commissaires civils de requérir les forces, tant des gardes nationales que des troupes de ligne des départements voisins, pour faire exécuter, assurer et maintenir toutes les dispositions du décret. » ( Applaudis - sements.) J’ai encore, Messieurs, deux pièces à vous lire. Depuis mon arrivée à la séance, j’ai reçu de M. Delessart, ministre de l’intérieur, une lettre que voici : « Paris, le 24 mai 1791. « Deux citoyens d’Avignon, Monsieur, s’annonçant comme députés de cette ville, m’ont demandé de remettre au roi une lettre qu’ils m’ont dit être de la municipalité d’Avignon, et ils m’ont également demandé de supplier le roi de vouloir bien la faire passer à l’Assemblée nationale. Sa Majesté, à qui j’ai présenté la lettre, m’a chargé, après en avoir pris lecture, de la remettre de sa part au comité chargé de l’affaire d’Avignon. J’ai en conséquence l’honneur, Monsieur, de vous adresser cette lettre, conformément à l’ordre du roi. Le ministre de l’intérieur, « Signé : DELESSART. » Voici la lettre au roi : « Sire, « Le peuple avignonais veut être Français. Il brûle de vivre sous l’empire des lois que vous avez sanctionnées et promulguées, de ces lois sages que vous avez juré de faire exécuter, et dont vous êtes le plus ferme appui. Sire, nous désirons ardemment d’être réunis à l’heureuse famille dont vous êtes le chef. On nous en a arrachés de cette famille, on nous en a injustement séparés ; il est digne de Votre Majesté, Sire, il est de votre justice de nous faire restituer la place qui nous appartient, et que nous réclamons depuis si longtemps. Quel motif peut donc retenir les représentants français? Quelle peut être la cause de ces retards accablants, de ces lenteurs effrayantes, qui nous laissent haletants entre les craintes les plus affreuses et les espérances les plus consolantes?... Sire, vous connaissez l’état affreux où nous sommes réduits; Votre Majesté a daigné y compatir, elle a déclaré qu’elle désirait le faire cesser : Grand roi, nous vous conjurons, au nom de l’humanité sainte, dont vous êtes l’auguste protecteur, de ne pas détourner un moment de dessus nous les regards que vous nous avez accordés. Nous sommes dignes d’intéresser le cœur paternel de Votre Majesté : Nous nous jetons dans vos bras, et nous vous supplions de faire au plutôt cesser l’horreur de notre situation. Daignez, Sire, faire cesser tous les retards; enveloppez-nous sur-le-champ de votre puissante protection, et ne permettez pas qu’un bon peuple périsse pour vouloir redevenir Français. (Applaudissements.) « Dans tous les cas, notre volonté constante est de vivre Français, ou mourir. Sire, de Votre Majesté, les fidèles sujets, les maire et officiers municipaux de la ville d’Avignon, Richard, maire , Coulet, officier municipal, L. Sauvan, l’aîné, officier municipal, MlEL, officier municipal , J. GÉRARD, officier municipal, NamüG, notable commissaire, DESCATTE, notable commissaire. « Avignon, 16 mai 1791. »