[15 janvier 1791.) [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAMES. 274 Il est ensuite fait lecture d’une lettre écrite à M. le Président par M. Bailly, maire de Paris, qui rend compte de deux adjudications de biens nationaux, faites la veille par la municipalité. Il est donné lecture d’un mémoire présenté à l’Assemblée nationale par le sieur Vieilh de Va-rennes pour i éclairer la récompense due aux services qu’il a rendus à la chose publique, à l’époque de la Révolution, et depuis le siège de la Bastille, où il fut blessé, et cù il sauva la vie, au péril de la sienne, au sieur Glouet, régisseur des poudres et salpêtres, services qui sont attestés par un grand nombre de citoyens les plus recommandables. Un membre demande le renvoi de ce mémoire au comité des pensions. (Ce renvoi est décrété.) M. Pétion de Villeneuve fait lecture d’une pétition relative à l'égalité des partages entre les enfants <t signée par plus de quatre mille citoyens de différentes sections de la ville de Lyon et par la société des amis de la Constitution, réunis au comité central. — Il demande que celle pétition soit renvoyée aux comités de Constitution et féodal réunis, chargés de présenter un travail sur cette matière, et que mention en soit faite dans le procès-verbal. (L’Assemblée décrète cette motion.) M. Duboîs-Crancé, au nom des comités du commerce et militaire. Vous avez décrété, le 5 septembre di rn er, un modèle de bouton uniforme des gardes nationales. Sur l’observation qui vous fut faite qu’il se fabriquait à Londres un approvisionnement de ces boutons, dont l’importation al ait faire tort aux manufactures françaises, vous ordonnâtes, le 23 décembre, un nouveau modèle. Depuis ce dernier décret, un grand nombre de manufacturiers français vous ont adressé des réclamations, fondées sur ce qu'ils ont fait, sur la foi de votre premier décret, des avances considérables pour la fourniture des boutons des gardes nationales ; qu’ils ont traité avec plusieurs districts. 11 serait injuste en effet de donner à votre décret du 23 décembre une exécution immédiate, dont l’effet serait de ruiner une foule de manufactures. Un délai de dix-huit mois suffirait pour assurer le débit des bou-Iods déjà fabriqués. Je sms chargé, par vos deux comités, de vous présenter le projet de décret suivant : « L’Assemblée mtioriale, après avoir entendu le rapport de ses comités du commerce et militaire, décrète que le bouton uniforme, déci été, le 23 décembre dernier, pour les gardes nationales du royaume, ne pourra être en usage qu a l’époque du 14 juillet 1792, et que, jusqu’à cette époque, les gardes nationales continueront de porter le bouton tel qu’ri a été décrété le 5 septembre dernier. » M. de Lachcze. Si les fabricants ont en magasin une grande quantité de boutons à l’ancien type, d’autres fabricants n’en ont peut-être pas moins au nouveau, etjevousdemaodes’ilestjuste défavoriser les premieis pour écraser les autres. Je prévois d’avance votre réponse et vous penserez comme moi qu’il est (dus sage, qu’il est plus juste d’admettre les deux espèces de boutons au concours. Je demande la question préalable sur la proposition des comités. M. Dnbois-Crancé, rapporteur. Le décret du 27 novembre n’est pas encore sanctionné et, par conséquent, il n’est pas présumable que les manufacturiers aient déjà fabriqué des boutons au nouveau type. Il serait dangereux d’ailleurs d’admettre à la concurrence les deux espèces de boutons, parce que ce serait un motif de division parmi les gardes nationales et une satisfaction pour les ennemis du bien public. M. Martineau. Rappelez-vous, Messieurs, que lorsqu’on fit dans cette Assemblée la motion de (tonner les boucles d’arg' ni, cette motion favorisa évidemment une trame spéculatrice de l’Angleterre; car, au moine d où elle fut adoptée, on vit pleuvoir en France un déluge de boucles de cuivre, qui se vendirent jusqu’à 15 et 24 livres la paire. Prenez bien garde, Messieurs, que ce nouveau projet ne cache quelque spéculation ; mais je n’ose la prévoir, je n’ose même la soupçonner; mais je ne puis m’empêcher de vous dire que la conduite de votre comité est étrange et qu’il semble se jouer de cette Assemblée. Voilà déjà, dans l’espace de moins de deux mois, le troisième décret sur le même objet; qui sait si dans quinze jours il ne vous en proposera pas un quatrième? Un décret, Messieurs, n’est pas un jeu d’enfant; un décret ne doit pas être soumis à tant de variations. J’appuie donc la demande de question préalable. M. Lavie. Je demande que la discussion soit fermée. (L’Assemblée consultée décide que la discussion est fermée.) (La question préalable est ensuite mise aux voix et rejetée.) (Le projet de décret du comité est adopté.) M. l’abbé Gassendi. Je demande la permission de communiquer à l’A�semiéée une adresse du sieur Templier, cuié u’Aubugne, district de Marseille, qui annonce qu’il a prêté son serment curial, à la grande satisfaciion nu peuple, et au milieu de tout le clergé .-éeulier et régulier de sa paroisse; elle renferme des sentiments vraiment patriotiques, et conformes au véritable esprit de la religion. . . (11 s’élève de violents murmures du côté droit.) Les membres ecclésiastiques de la minorité demandent l’ordre du jour. M. Lavle. Je demande que Monsieur soit entendu; c’est l’ordre du jour. (La lecture de l’adreese est ordonnée.) M. l’abbé Gassendi. Cette lettre est ainsi conçue : « Conformément au décret de l’Assemblée nationale rendu sur le rapport du comité ecclésiastique que vous présidez, le premier de ce mois, j’ai prêté dans mon église le serment civique concernant les curés conservés dans leurs fonctions; il a été suivi à la grande satisfaction du peujde, de celui de tout le clergé de cette ville séculier et régulier. « Le conseil général de la municipalité, animé du civisme le pins pur, a assisté à la cérémonie qui a été annoncée et consommée avec la plus grande célérité. Ministres d’uue religion dont les principes ne contrarient aucuue forme de gouvernement, queles hommes, par conséquent les empires, veulent adopter, nous nous sommes empressés de [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 janvier 1791. | donner l’exemple de l’obéissance qu’elle nous commande. «f Puisse mon zèle à faire connaître mon dévouement pour la chose publique, être prolitab'e à la patrie et déconcerier les menées des ennemis de la Révolution et mérit r l’honneur de vous dire qu’on ne peut être avec plus de respect, etc...» (Applaudissements.) Un membre du comité des rapports entretient l’Assemblée d’un conflit cle commerce élevé entre un restaurateur et un maître de café, tous les deux établis dans la partie de l’enceinte de l’Assemblée, appelle jardin des Capucins. Le second établi s’est tellement rapproché du premier que l’on ne peut plus parvenir chez ctdui-ci que par une ruelle; en outre, son enseigne se trouve totalement masquée. . . M. Foucault cle Fardimalïe. Je ne sais pourquoi le comité des rapports vient entretenir l’Assemblée d’uDe pareille affaire. Je demande qu’en punitio i ( e nous avoir tait perdre du temps pour un semblable sujet, le comité soit : 1° rappelé à l’ordre; 2° cassé. L’Assemblée adopte le décret suivant : « L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports sur la pétition de Louis-Charlemagne David, concernant la construction entreprise par Robert Payen dans le petit jardin des Capucins, déclare qu’il n’v a pas lieu à délibérer, et que la suspension 'des ouvrages, ordonnée le 11 de ce mois, n’aura aucun effet, sauf aux parties à se pourvoir, s’il y a lieu, devant qui de droit. » L’ordre du jour est la discussion du rapport du comité des domaines sur la donation et l'échange du Clermontois (i). M. l’abbé Maury. J’ai plusieurs titres à mettre sous vos yeux, relativement à l’affaire du Clermontois; l’ordre à mettre clans cette discussion m’oblige à en rejeter l’examen à la seconde partie de mou discours. Le rapporteur du comité a commencé par discuter les principes de la législation domaniale, pour prouver que Je Clermontois n’a pas pu être cédé au grand Condé. il a effectivement toujours été de principe dans la nation française que le domaine national est inaliénable ; son imprescriptibilité a été consacrée par toutes les luis uu royaume, et ces lois me paraissent infiniment sages; car on ne peut se dissimuler que dans les dons des cours il y avait les plus grands abus. Sans m’étendre davantage sur les principes qu’a établi à cet égard M. le rapporteur, principes auxquels je donne un plein et entier assentiment, je vous rappellerai, en faveur de M. de Condé, les devoirs les plus rigoureux, non s ulemeut du législateur, mais de tout homme chargé de remplir les engagements et les deties d’une nation. 1° Faut-il appliquer à M. de Condé la rigueur des principes nationaux, relativement au domaine? 2° üou-il être dépouillé ? Telles sont les deux questions que je vais discuter. Je prouverai que la rigueur des principes ne peut être appliquée à l’affaire dont il s’agii, que M. de Coudé ne peut être privé du droit dont il jouit depuis 150 ans. La maison de Coudé-, branciie cadetie de la maLou de Boui-|T) Voyez ci-dessus, séance du matin, le rapport et le projet de décret du comité. m bon, a joui depuis 1589 jusqu’en 1623 de l’état, du rang, des prérogatives du premier prince du sang; c’est-à-dire qu’elle n’a perdu la qualité de premier prince du sang que lorsqu'elle a été obligée de la céder à Louis de Bourbon, fils du régent. Dans cet intervalle de 150 ans, elle n’a-vait certainement pas le droit de demande» à la nation des apanages; les princes cadets delà maison de France étaient frappés de 23 générations depuis que Robert cadet avait été déchu de ce droit. La maison de Bourbon étant montée sur le trône, a acquis le droit de donner des apanages à la branche cadette. Lorsque Henri IV est devenu roi de France, sa maison était apanagée; il était souverain du Béirn, qu’il a, pendant 50 ans, refusé de réunir à la France. Le duché de Bourbon était pareillement u e propriété patrimoniale de cette branche. La maison de Condé n’a obtenu de la munilicence de la nation que le seul Clermontois. 11 me semble que l’Iicriiier de tant de rois, lorsqu’il n’a reçu qu’une si faible recompense de ses services, ne saurait être considère comme un usurpateur qui aurait profité des abus et des prodigalités de la cour. M. de Condé est le descendant de vos rois, et il paraîtrait singulier d’appliquer à ce prince la rigueur des principes, lorsque, pendant 150 ans qu’il a été le premier prince du sang de Francs il n’a reçu de la nation aucun apanage ..... A ces considérations, qui me paraissent suliisautes pour exciter la générosité des citoyens Ira çais qui se voient aujourd’hui propriétaires de l’ancien domaine de leurs rois, j’ajouterai qu’il serait barbare d’absorber leur héritage lout entier, qu’il serait indigne de la majesté de la nation de dépouiller de son héritage Je rejeton de celle tige que la munificence de la nation n’avait pas jusqu’ici récompensée ..... J’ai eu l’honneur ne vous annoncer que j’avais des considérations particulières à vous soumettre; je suis loin de vous les présenter comme des titres légaux et comme d -s preuves; mais en parlant à une nation généreuse... (Il s'élève des murmures.) Je croyais jusqu’ici que tout ce qui intéressait la gloire de la nation ne pouvait être étranger à la justice. M. Dabcy. Croyez-vous, Monsieur l’abbé, que la gloire de la nation dépende de M. Capet Condé, d’un homme qui l’a quittée, qui est devenu l’ennemi de sa patrie... M. l’abbé Maury. Rien n’est plus digne d’un bon citoyen, dans une discu-sion de celte importance, que de présenter paisiblement ses observations. Je demande donc que le membre qui m’a interrompu soit entendu. M. Charles «le Cauieth. Puisque M. l’abbé Miury demande qu’on lui fasse paisiblement des ob'ervaiions, j’en ferai quelques-unes sur la première partie de son discours. J’ai l'honneur d'observer que longtemps on s’eu servi, en parlant des rois, du terme de générosité : ce n’ét if qu’un mot vide de sens. Les rois étaient généreux de l’argent qui ne leur appartenait pas. (On applaudit.] ) M. Necker, qui ne s’atten lait peu -être pas à être cité ici, nous a dit, par citation aussi, dans ses ouvrages : que les courtisans jouissaient de la générosité des rois, et les peuples de leurs refus ..... M. l’abbé Maury. C’est Montesquieu qui a dit cela. M. Charles de Lainetk. Je sais très bien que