136 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 octobre 1790.] 1671, de douane de Lyon, de douane de Valence, de 4 0/0 sur les drogueries et épiceries, de foraine.de table de mer, de 20/0 d’Arles, du denier Saint-André et liard du baron ; ceux de la patente du Languedoc, et foraine et traite d’Arzac,de la gabelle et foraine du Béarn ; ceux de la comptablie, du droit de convoi, de la traite de Charente, de la prévôté de la Rochelle, de courtage à Bordeaux, de la prévôté de Nantes, de Brieux et des ports et havres en Bretagne, d’issue foraine, traverse et haut conduit, transit et thoulieu dans la Lorraine, le Barrois et les Evêchés, le droit de passage sur les vins de Lorraine entrant dans le pays messin, le tarif des péages d’Alsace, qui tiennent lieu des droits de traite dans cette province; les péages du Rhône, celui du Paty, celui de Péronne, et généralement tous les péages royaux ; ceux pour les droits d’« abord » et de consommation, et tous autres tarifs servant à la perception des droits sur les relations des diverses parties du royaume, entre elles et avec l’étranger, cesseront d’avoir leur exécution et demeureront annulés, ainsi que les droits de courtage et meeurage à la Rochelle, de premier tonneau de fret, de branches de cyprès, de quillage, de tiers retranché, de parisis, de coutume des ci-devant seigneurs, de traite domaniale à la sortie, et ceux d’acquits et d’attributions attachés aux offices des maîtrises des ports et autres juridictions. Ges tarifs et droits seront remplacés par un tarif unique et uniforme, qui sera incessamment décrété, et dont les droits seront perceptibles à compter dudit jour 1er décembre prochain, à toutes les entrées et sorties du royaume, sauf les exceptions, entrepôts et transits reconnus nécessaires, et qui seront incessamment jugés sur les rapports qui en seront faits à l’Assemblée nationale. » M. le Président. Les comités militaire et des rapports demandent à être entendus immédiate-tement pour rendre compte de désordres arrivés à Belfort par le fait des régiments Royal-Liégeois et des hussards de Lauzun. (L’Assemblée décide que le rapporteur des deux comités aura la parole.) M. Miignet-iVanthou monte à la tribune et fait le rapport suivant sur les événements arrivés à Belfort, le 21 octobre (1) : Messieurs, les désordres qui ont été commis à Belfort, dans la journée du 21 octobre, vous ont été dénoncés par les officiers municipaux de cette ville; vous en avez renvoyé l’examen à vos comités militaire et des rapports réunis ; et c’est au nom de ces comités, que je vais avoir l’honneur de vous en rendre compte. Le 21 octobre, les officiers de Royal-Liégeois, en garnison à Belfort, donnèrent aux officiers du régiment de Lauzun-hussards , un repas de corps; au sortir de ce dîner, et devant la porte du café, le sieur Greimstein, major de Liégeois, dit au milieu d’un groupe d’officiers, des deux régiments; « AUe%, nous sommes les maîtres, nous avons des sabres, il faut hacher les bourgeois. Ce propos fut répété plusieurs fois, au milieu des désordres qui suivirent; en sortant du café, un nombre considérable d’officiers des deux régiments, avec la musique et les tambours à leur tête, se rendirent, en criant : Vive le roi, vive la joie! devant la maison du major de Lauzun, pour lui donner une sérénade ; de là ils allèrent au domicile de (1) Ce rapport est incomplet au Moniteur , M. de La Tour, colonel de Liégeois : cet officier se réunit à eux; la gaieté, qui jusqu’alors n’avait été que bruyante et inconsidérée, devint coupable par les excès qui suivirent. Le sieur de La Tour fit arrêter la troupe, cria : Vive le roi, vive la joie ! d'autres voix répondirent : Vive les aristocrates , au diable la nation; dès lors le délire s’empara de toutes les têtes : on ne garda plus ni ménagements, ni mesures : on.jnit l’épée à la main : on attacha, autour des épées et des sabres nus, des mouchoirs blancs. Le mépris le plus insultant pour la garde nationale et pour les bourgeois, qu’on traitait de vile canaille, fut manifesté; les injures les plus coupables et les plus grossières furent proférées contre l’Assemblée nationale; les officiers parcoururent ainsi les différentes rues de la ville, suivis d’un nombre considérable de soldats qu’ils excitaient par leur exemple, qu’ils encourageaient par des promesses; ils se rendirent aux casernes pour soulever les soldats qui y étaient renfermés; la circonstance était favorable, la plupart étaient pris de vin : les hussards de Lauzun avaient régalé deux cents de leurs camarades, qui ce jour étaient arrivés de Troyes; les officiers, du nombre desquels étaient le major de Liégeois, prenaient les soldats sous les bras, les embrassaient, les engageaient à être pour eux et menaçaient ceux qui refusaient de les suivre : le désordre alors fut à son comble; les citoyens, qui étaient rencontrés, étaient insultés, maltraités, frappés de coups de plat de sabre, et obligés de crier : Vive le roi, au diable la nation ! Quelques-uns furent blessés, d’autres assaillis jusque dans leurs maisons par des soldats, et même par des officiers. En vain, les citoyens appelaient-ils à la garde; le sergent de Liégeois, qui était de garde à la porte de Brisach, empêcha ses soldats de sortir : forcés enfin de céder aux cris réitérés, il leur dit: Si ce sont des bourgeois, assommez-les ; si ce sont des soldats, laissez-les évader. Des soldats, des officiers de Lauzun et de Liégeois, avec le colonel et le major de ce dernier régiment, et le sieur Chalon, aide-major de la place, qui se trouvaient à la tête de tous ces désordres, s’étaient portés devant l’hôtel de ville : les officiers municipaux et le procureur-syndic du district y étaient accourus pour prévenir les effets funestes de ces scènes scandaleuses ; ils furent insultés, menacés, quelques-uns même maltraités; les portes del’hô-tel de ville furent enfoncées; et le calme ne fut rétabli que par les soins et le zèle de M. de Guy, major de la place, et le courage des officiers municipaux. Sur la réquisition du procureur-syndic de la commune, la municipalité dressa procès-verbal et fit une information des faits qui avaient été commis; le lendemain, l’arrivée de M. d’Hey-man, et surtout celle de M. de Rouillé, à la conduite et au zèle desquels la commune de Belfort donne des justes éloges, mit fin aux alarmes et aux désordres de la veille. M. de Bouillé ordonna le départ du régiment de Royal-Liégeois, promit celui des hussards de Lauzun, et mit aux arrêts le colonel et le major de Royal-Liégeois et deux autres officiers de ce corps, ainsi qu’un officier de Lauzun. Vos comités, après avoir examiné les procès-verbaux et informations envoyés par la municipalité de Belfort, ont cru devoir s’adresser au ministre de la guerre pour savoir quelles étaient les nouvelles officielles qu’il avait reçues sur ces faits : deux commissaires lui ont été envoyés. Le ministre a répondu que ees faits lui avaient été dénoncés par M. de Bouillé; que, depuis trois [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 octobre 1790.] 137 jours, il en avait rendu compte au roi, et que Sa Majesté avait ordonné que les officiers, auxquels M. de Bouille avait ordonné les arrêts, seraient mis en prison; que les ordres étaient partis, et qu’il donnerait aux comités une copie de la lettre de M. de Bouillé. Le ministre était instruit, depuis trois jours, et l’Assemblée ignorait un délit, dont la guerre civile pouvait être la suite 1 depuis trois jours le ministre connaisait tous ces désordres ! Je ne cherche point à pénétrer ses intentions, mais je ne puis me défendre d’un juste étonnement, lorsque je compare son officieux silence, dans une circonstance où les officiers paraissent seuls coupables, avec le zèle souvent indiscret, avec lequel il vous a toujours dénoncé les délits, j’ai presque dit les erreurs des soldats. La lettre de M. de Bouillé dont vous avez eu connaissance, confirme les faits consignés dans les procès-verbaux de la municipalité; il rend compte des mesures qu’il a prises et ajoute que les soldats et les officiers se plaignent qu’ils ont été provoqués par les citoyens, qui leur ont reproché d’avoir servi à l’expédition de Nancy; que ce fait lui a paru vraisemblable, puisqu’à son arrivée on lui a remis une lettre anonyme, qui contient les mêmes reproches. Je dois ajouter, Messieurs, qu’il résulte des lettres des officiers municipaux, et de celle de M. de Bouillé, que le régiment de Lauzun est moins coupable que celui de Royal-Liégeois ; que, dans l’information, les chefs de ce dernier régiment, avec le sieur Gha-lon, aide-major de la place, sont désignés comme les principaux auteurs des désordres ; et que deux dépositions donnent au major de Lauzun des intentions bien opposées. Tel est, Messieurs, le récit des faits; la vérité vous en sera démontrée par l’information, dont je vous prierai d’ordonner la lecture; cette lecture de l’information peut seule fixer votre décision : je vous prierai cependant de la suspendre, jusqu’à la fin du rapport que j’ai l’honneur de vous faire. Il résulte des faits que je viens de présenter, que ceux qui étaient établis pour arrêter les désordres, les ont eux-mêmes provoqués; que des chefs ont donné à leurs soldats l’exemple coupable de la plus scandaleuse insurrection contre la loi; que des citoyens paisibles ont été assaillis et poursuivis, jusque dans leurs foyers, par ceux que la nation avait armés pour les protéger et les défendre; que des officiers municipaux ont été insultés dans leurs fonctions ; que les outrages les plus formels ont été proférés contre la Constitution et l’Assemblée nationale; que les intentions les plus criminelles ont été manifestées; les autorités les plus respectables menacées ou méconnues. Vos comités ont considéré d’abord quelle était la nature du délit qui avait été commis; comment et par qui il devait être jugé, et quelles étaient les mesures qu’ils devaient présenter, soit à l’égard des individus, soit à l’égard des deux régiments. Les délits qui ont eu lieu à Belfort le 21 octobre ont été commis par des militaires; mais ces militaires n’étaient point en fonctions : les excès auxquels ils ont pu se livrer n’appartiennent plus aux tribunaux militaires, et doivent être jugés comme s’ils avaient été commis par d’autres citoyens. S’il s’agissait de quelques fautes de discipline, de quelques désordres intérieurs, d’une orgie, même tumultueuse et sans objet, sans doute on pourrait s’en reposer sur les chefs du soin de les punir et de les réprimer; mais il s’agit d’un délit public, d’un délit contre la Constitution, et qui, par conséquent, intéresse la nation entière. Quels sont en effet les caractères qui distinguent ce délit ? Un chef invite les officiers et les soldats à attaquer des citoyens ; des mouchoirs blancs sont suspendus au bout des épées, comme pour insulter aux couleurs nationales, et arborer ce signe de ralliement auquel puissent se réunir tous les ennemis de la chose publique. Ces cris de : vive le roi , au diable la nation , ait diable l'Assemblée nationale, vivent les aristocrates ! n’annoncent-ils pas le projet, insensé, il est vrai, d’isoler le roi de la nation, pour le transformer en un chef de parti ; de séparer Louis XVI, qui s’est si loyalement uni à l’Assemblée nationale, de l’Assemblée nationale, qui, au milieu des circonstances les plus orageuses, s’est déclarée inséparable de sa personne ? par ces cris ne voulait-on pas présenter au peuple l’Assemblée nationale comme une puissance usurpatrice ennemie de l’autorité, royale, et, en abusant de cet amour de tout Français pour le monarque, raviver de coupables abus et d’absurdes et odieux préjugés. Je n’entrerai pas dans de plus grands développements pour justifier l’opinion de vos comités, qui ont pensé que ce qui s’était passé à Belfort, était un délit national. Vos comités, en vous exprimant que leur opinion était que les événements qui avaient eu lieu à Belfort intéressaient la nation entière, vous ont par là même indiqué qu’ils ne pouvaient être jugés que par le tribunal auquel vous attribuerez la connaissance des crimes de lèse-nation ; mais ce tribunal n’existe pas encore : son organisation entraînera peut-être encore des délais considérables, et chaque jour cependant nous en rend la formation plis nécessaire et plus urgente; votre comité de Constitution vous présentera, sans doute, incessamment un moyen d’y suppléer. La nécessité de faire promptement l’information, pour ne pas laisser altérer ou dépérir les preuves, a déterminé une disposition du décret qui vous sera présenté, qui tend à ordonner que l’information sera faite par les juges de Belfort, jusqu’aux décrets inclusivement, et à renvoyer ensuite la procédure par-devant les juges qui seront établis pour juger les crimes de lèse-nation. Des mesures ultérieures à l’égard des individus que l’information, faite par la municipalité, désigne comme les auteurs des désordres, ont paru indispensables à vos comités; la gravité et le caractère du délit, le scandale public qu’il a excité; les alarmes qu’on en a conçus; l’indignation que les voies de fait ont inspirée, la multitude et l’uniformité des déclarations confirmées par le témoignage de M. de Bouillé; les décrets que vous avez rendus dans des circonstances à peu près semblables, toutes les fois qu’il s’est agi de flagrant délit, nous ont déterminés, Messieurs, à vous proposer de prier le roi de donner des ordres pour faire arrêter les sieurs de La Tour, de Grem-stein et Chalon, et de les faire amener, sous bonne et sûre garde, dans les prisons de l’Abbaye de Saint-Germain. Vos comités ont pensé aussi que par l’arrestation des deux chefs du régiment de Royal-Liégeois, la présence de M. de Ternan, colonel de ce corps, et qui en méritait la confiance, y devenait indispensable, et que le roi devait être également prié de donner des ordres à cet officier, pour qu’il ait à s’y rendre incessamment. Je m’attends bien qu’on va faire ici cette objection si souvent répétée, que nous usurpons sur les fonctions du pouvoir exécutif : eh bien, Messieurs, sans discuter la question de savoir si ce n'est archives parlementaires. [3ô octobre îm] [Assemblée nationale.] pas un devoir, et un devoir rigoureux pour l’Assemblée que d’avertir le roi de ce qu’elle croit utile à la chose publique, je dirai, oui : nous exerçons une fonction administrative, et c'est un malheur pour l’Assemblée nationale. Mais la faute en est au ministre; des membres du comité des recherches m’ont assuré que depuis deux mois ce comité, instruit des dispositions de M. de La Tour, en avait prévenu te ministre de la guerre, et l’avait prié d’éloigner M. de La Tour d’un corps où sa présence, dans les circonstances, pouvait être dangereuse; l’avis a été négligé, et les événements du 21 octobre ont eu lieu à Belfort. Si dans ce moment-ci vous ne priez pas, dans votre-décret, le roi de prendre les mesures que vous croyez efficaces, le même motif qui a déterminé le ministre à laisser au régiment de Royal-Liégeois un chef qui y était dangereux, le même motif le portera à ne pas y envoyer un chef qui peut y être utile. Il s’agit d’ailleurs de rétablir l’ordre ; tous les moyens qui pourront l’assurer seront agréables au roi, et il les accueillera avec satisfaction, lorsque •ceux qui l’environnent n’envenimeront pas les motifs qui nous déterminent à les lui présenter. Après avoir examiné ce que les circonstances exigeaient de vous, à l’égard, de ceux qui paraissaient les auteurs des désordres de Belfort, il restait à vos comités à vous proposer ce qu’ils croyaient que vous deviez prononcer à l’égard des deux régiments. Je ne dois pas vous dissimuler que, quoique M. de Bouille et la commune de Belfort aient mis une différence entre la conduite du régiment de Lauzun et celle de Royal-Liégeois, et que ce dernier corps leur ait paru plus coupable que l’autre, cependant plusieurs membres avaient pensé que vous deviez licencier les deux régiments. Je sais que dans les corps militaires les actions sont solidaires ; que si l’on participe à l’honneur des bonnes, l’on partage aussi lu honte des mauvaises; que cet esprit de corps, qut établit une surveillance réciproque,