97 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PAR avait excité en moi plus de frayeur que de curiosité. Cependant j’ai souvent lu et quelquefois médité ce livre élémentaire et précieux qu’on en regarde comme le catéchisme. J’y ai observé que le taux moyen des contributions individuelles des provinces rédimées n’est que de 16 livres 10 sous 8 deniers par tête, tandis que celui des provinces de grande gabelle sans y comprendre Paris, est de 24 livres 6 sous 3 deniers; et j’ai toujours attribué à l’impôt du sel cette énorme, cette injuste différence. Je me suis encore attaché quelquefois à suivre le progrès des prix de la ferme générale à l’époque des différents baux, et j’ai vu avec étonnement que dans le bail de Prévôt commencé en 1761, les gabelles n’entraient que pour une somme de 35,596,404 livres, en temps de paix, tandis que dans le bail actuel, elles approchent de 60 millions. De tous ces éléments rapprochés et combinés selon mes lumières, j’ai tiré la conséquence que la diminution du prix du sel, arrachée par les circonstances, est en elle-même un acte de justice (1), qu’elle ne peut donner lieu à aucune indemnité au profit de qui que ce soit; que son unique effet sera de rétablir l’équilibre qui doit subsister entre les impositions respectives de toutes les provinces; en un mot, je n’ai vu dans le soulagement qu’on vient d’accorder aux pays de grande gabelle que le retour à l’ordre, et la réparation d’une longue injustice. D’après cette digression, que la réclamation des provinces franches a rendue nécessaire, j’en reviens à la proposition que j’ai d’abord établie que l’impôt désastreux de la gabelle doit être aboli sans retour, qu’il faut en effacer jusqu’au nom ; mais cet impôt infiniment productif doit être remplacé. Nous avons, du moins on nous annonce un déficit énorme; l’anarchie actuelle l’a encore considérablement augmenté. Si l’on supprime une branche de revenu, il faut sur-le-champ lui en substituer une autre. S’il était question de faire dès à présent un règlement définitif on indiquerait les moyens de remplacement dont la nécessité est constante; mais il ne s’agit encore que d’un règlement provisoire, et le temps ne permet pas de s’arrêter à des spéculations et des calculs qui feraient naître des discussions interminables. il faut trancher court et supprimer irrévocablement la gabelle. C’est avec complaisance que je répète cette phrase que je voudrais qui fût entendue de mes commettants; mais pour obtenir ce bienfait, il faut que chaque province calcule la part qu’elle supporterait encore de cet impôt, si le système proposé par le premier ministre des finances était adopté ; qu'elle déduise sur le montant de sa portion : 1° les frais de régie; 2° la valeur intrinsèque de la denrée, et qu’ensuite la somme restante soit répartie dans chaque province d’après la base et le mode de répartition que chacune d’elles jugera à propos d’adopter. Il faut enfin que cet abonnement ne soit que provisoire, j usqu’à ce que l’Assemblée ait pris sur cette matière importante un parti définitif. M. Roger, député du Comminges (2). Messieurs, (1) Cette diminution sera moindre qu’elle ne parait au premier coup d’œil. La consommation sera plus forte et les barrières qui séparent les pays de grande et petite gabelle seront enlevées. {•£) Le discours de M. Roger n’a pas été inséré au Moniteur. lre Sékie, T. IN. ■EMENTAIRES. [21 septembre 1789.J loin de retarder le vœu de l’Assemblée nationale et son empressement à faire jouir les peuples d’un bienfait par l’abolition d’un impôt aussi contraire aux principes de l’humanité que meurtrier au progrès de l’agriculture, je la supplie de hâter l’exécution de son projet; mais j’ai l’honneurdelui observer que le pays du Comminges et du Nébouzan , dont je suis un député, a payé et paye encore l'impôt de la gabelle au moyen d’une augmentation considérable de ses impositions réelles, personnelles et accessoires. L’Assemblée nationale, en ordonnant par ses précédents arrêtés une égalité dans la répartition de l’impôt de toute espèce, sans distinction de personnes et de biens, contrarierait ses propres principes en exceptant le Comminges et le Nébouzan de la règle commune. Or, si par la loi qu’elle veut établir elle prononce que le sel doit être vendu 6 sous la livre dans tout le royaume, il est évident que cette égalité s’évanouirait pour le pays du Comminges et du Nébouzan, par une surtaxe qui consommerait la ruine de ses habitants. En effet, Messieurs, l’augmentation en représentation de l’impôt de la gabelle est telle, que le sel est vendu dans ce pays à raison de 30 livres le minot; et si, par le nouveau régime, nous étions assujettis à l’acheter 4 sous de plus la livre, le Comminges et le Nébouzan payeraient effectivement la livre de sel plus de 12 sous : vous ne feriez alors autre chose que transporter la gabelle d’un lieu à un autre, l’abolir d’un côté pour l’établir ailleurs, affranchir quelques provinces et surcharger le reste du royaume ; enfin l’Assemblée nationale manquerait le but qu’elle se propose d’atteindre, de procurer la liberté, l’égalité et la fécilité publique et de maintenir un parfait équilibre dans les contributions aux charges de l’Etat parmi tous les citoyens. Cette considération n’échappera pas sans doute à l’Assemblée nationale ; je la conjure de se pénétrer qu’il est de sa sagesse et de sa justice d’accueillir les réclamations que je fais au nom de mes commettants et de mes collègues, et de ne pas comprendre dans son décret les provinces rédimées, qui, comme le Comminges et le Nébouzan, acquittent l’impôt de la gabelle par une contribution confondue dans la masse générale de ses impositions, et représentative du prix que l’Assemblée se propose de fixer. J’espère aussi que ces raisons détermineront l’Assemblée à ne pas faire supporter au Comminges, au Nébouzan et autres provinces rédimées les trente millions que l’on veut défalquer sur la totalité de ceux qui étaient ci-devant payés par les provinces sujettes à la gabelle. J’enfais la motion expresse tan t en mon nom qu’en celui de mes collègues, MM. Cornus, curé , Las-martres, curé , le baron de Montagut-Barrau, le vicomte d’Ustou de Saint-Michel, Latour, Pégot, La Viguerie, députés du Comminges et du Nébouzan. M. le Président rappelle les divers projets d’arrêtés qui ont été proposés. Les trois projets de décrets présentés par M. de Boisgelin, archevêque d’Aix, par M. Dupont et par le comité des finances semblent se partager les suffrages. Un membre fait la motion de charger quelques députés réunis à M. Dupont de conférer avec le premier ministre des finances sur ces différents projets et d’arrêter les termes du décret. Cette motion est appuyée, discutée, mise aux voix et finalement rejetée. 7