[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 mai 1791.] 987 être demandée. Il est peut être convenable, Messieurs, de rappeler de temps en temps l’exécution d’une loi constitutionnelle de laquelle on ne cherchera que trop à s’écarter. Le second objet de la pétition des entrepreneurs du canal de Givors concerne la manière de procéder aux estimations des terrains qu’ils doivent acquérir pour faire et pour perfectionner leurs travaux, et de terminer les difficultés qui pourraient s’élever à cette occasion: ils demandent que ces estimations soient préliminairement faites par des commissaires nommés par le directoire du département, sauf à en faire de contradictoires, s’il y a lieu: ils désirent que les difficultés qui en résulteront soient terminées par le département. Votre décret du 6 septembre 1790 veut que les difficultés, relatives aux estimations, soient d’abord portées au directoire du district, ensuite à celui du département, pour y être terminées par la voie de conciliation ; et que, si cette conciliation ne peut s’opérer, l’estimation soit faite par le juge de paix, et homologuée par le directoire du département. Ce circuit est long, difficile, frayeux; et il impose un retard bien préjudiciable à l’exécution des travaux publics. Votre comité de Constitution n’a proposé ce mode, que pour les travaux laits aux frais des départements ou (peut-être) da Trésor national. Il n’a pas voulu que les directoires fussent, en quelque sorte, juges et parties; et voilà pourquoi il les a obligés d’homologuer une estimation, à laquelle ils n’avaient aucune part; mais lorsqu’il s’agit de travaux faits par des compagnies, cette règle cesse : témoins les décrets rendus pour le canal Brullé, pour le dessèchement des marais, pour les canaux d’irrigation décrétés au profit des sieurs Fabre. En effet, Messieurs, vous ne pouvez et vous ne voulez pas ôter aux intéressés le droit naturel, qui leur appartient, de se défendre par des moyens légaux, ni les obliger à se contenter d’une estimation faite par un juge de paix expert-né, qu’un intérêt particulier peut conduire, ou qui pourrait bien n’avoir pas les connaissances requises, pour remplir des fonctions, qui sont réellement hors de l’ordre judicaire. Votre comité vous propose, par l’article 2 de son projet de décret, un moyen qui lui a paru propre à concilier tous les intérêts. 11 vous propose, en outre, de faire terminer les difficultés, relatives aux estimations, par les corps administratifs, et il s’appuie sur les lois. Votre décret sur l'organisation des corps administratifs, porte qu’ils ne pourront être troublés dans l’exercice de leurs fonctions administratives, par aucun acte du pouvoir judiciaire. L’instruction, sur ce décret, dit, formellement, que la Constitution serait violée, si le pouvoir judiciaire pouvait se mêler des choses d’administration. Enfin les décrets sur l’ordre judiciaire� ceux que vous rendez journellement, à l’occasion des travaux publics que vous autorisez, ordonnent que les difficultés relatives à leur exécution et notamment aux estimations des terrains qui y seront employés, seront décidées par les corps administratifs: on aurait donc tort de répéter que la proposition de votre comité renverse l’ordre actuel des choses ; au contraire, elle tend à le maintenir. Les entrepreneurs du canal de Givors demandent encore que les règlements, rendus pour la police de leur canal, soient provisoirement exécutés. Une navigation ne peut se faire sûrement et tranquillement sans police. La commission ci-devant existante, pour prononcer sur les difficultés relatives à ce canal, a fait deux règlements, les 13 février 1782 et 11 février 1783, sur la police à y observer. L’un concerne les crocheteurs et les gens de peine qui y sont employés; et l’autre regarde la manière d’y naviguer. Ils contiennent 46 articles que le temps ne permet pas de discuter. Il a paru à votre comité qu’on pouvait en ordonner l’exécution provisoire. En juillet 1790 on détruisit une partie des travaux de ce canal. Le ci-devant procureur du roi en la sénéchaussée de Lyon, rendit plainte à cette occasion, les informations ont été commencées, mais la suppression des anciens tribunaux suspendit la procédure. Ces entrepreneurs demandent qu’elle soit continuée pardevant le tribunal de Saint-Etienne, dans le territoire duquel le délit fut commis. C’est d’après ces considérations, Messieurs, que votre comité a l’honneur de vous proposer les articles suivants : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d’agriculture et de commerce, décrète : « Art. 1er. Les entrepreneurs du canal de Givors sont autorisés, en vertu du présent décret seulement, à faire, à la rivière de Gier, au chemin de Rive-de-Gier à Vienne, et aux possessions de quelques citoyens, moyennant une préalable indemnité à ces derniers, les changements énoncés dans l’arrêté pris le 3 février 1791, parle directoire du département de Rhône-et-Loire. « Les moyens d’exécution seront présentés au roi pour être approuvés s’il y a lieu. « Art. 2. Ils acquerront, selon les formes prescrites par les décrets sanctionnés, les terrains rappelés, tant dans cet arrêté que dans le plan y joint, et nécessaires pour effectuer ces changements. Us acquerront également ceux indispensables à la construction et à la parfaite exécution du réservoir d’eau, de ses dépendances, des francs-bords de ce canal, et de tous les autres travaux autorisés par les lettres patentes du mois de décembre 1788, enregistrées au Parlement de Paris, le 5 septembre suivant, et par les plans y annexés, ou ils en feront faire une estimation provisoire, par des experts que le directoire de départementnommera. Si elle ne satisfait pas les intéressés, il en sera fait une nouvelle, par des experts respectivement nommés, sinon d’office ; les difficultés, s’il en survient, seront portées en première instance au directoire de district, et par appel à celui de département. « Art. 3. Les règlements rendus le 23 février 1782 et 11 février 1783, par le commissaire alors départi dans la ci-devant généralité de Lyon, pour la police particulière de ce canal, seront provisoirement exécutés. Les difficultés y relatives seront portées pardevant les juges qui en doivent connaître. « Art. 4. La procédure criminelle commencée à la ci-devant sénéchaussée de Lyon, à l’occasion des dégradations faites en 1790 aux travaux de ce canal, sera continuée par le tribunal de district, dans le ressort duquel ce délit fut commis.» (L’Assemblée ordonne l’impression de ce rapport et décrète l’ajournement de la discussion.) M. Rewbell. Le décret que vous avez rendu ce matin annonce positivement que vous n’aurez pas de petits assignats et de monnaie d’ici à un mois; or, dès demain... (A l'ordre du jour!) Je rends responsables ceux qui m’interrom: 288 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 mai 1791.] pront, de tous les malheurs qui arriveront. {Applaudissements.) Plusieurs honorables membres, même le comité des finances, ont pensé que les caisses de secours n’étaient pas impossibles, et n’ont trouvé que l’embarras d’avoir de l’argent ; mais, Messieurs, je crois que le Trésor public pourrait faire une avance d’un mois, parce qu’au bout d’un moisvous aurezdespetitsassignats.Ona insinué que le Trésor public n’était pas même en état de faire l’avance d’un mois : Messieurs, jamais je ne le croirai. Le Trésor public devait avoir 10 millions d’espèces en réserve; il est impossible qu’il s’en soit dessaisi. On objecte la solde des troupes : c’est la réponse à toute demande; mais cette réponse ne vaut rien, surtout lorsqu’on lui a donné des assignats en suffisance, surtout lorsqu’on lui a passé ses achats d’argent en dépense ; au moyen de quoi, s’il s’était dessaisi, je le soutiens publiquement, il n’y a pas de supplice assez grand pour lui. ( Rires ; applaudissements dans les tribunes.) Mais, Messieurs, c’est une calomnie infâme qu’on débite contre lui : décrétez demain une caisse do secours, après demain il fournira de l’argent. j’en suis certain. Il y a plus, et ne comptez-vous donc pas sur les Parisiens? Jamais je ne me persuaderai qu’ils laisseront dire d’eux qu’ils étaient plutôt portés vers la cupidité que vers le véritable amour de la patrie, vers la licence que vers la liberté. Non, Messieurs, il ne faut que 3 millions d’avances ; et on les trouvera. Je demande donc que la motion pour les secours provisoires soit mise à l’ordre du jour. Je le demande, au nom de la patrie, au nom du péril public qui est éminent, qui croît à chaque instant. J’annonce un fait très glorieux: un particulier, au Palais-Royal, a distribué 2,000 livresen argent gratuitement. Il est impossible qu’on ne voye pasde pareils actes quand une fois on parlera au peuple. M. Belzais-Courménil. Le préopinant vous a dit qu’il déclarait rendre responsable des malheurs qui pourraient arriver quiconque s’opposerait à sa motion; et moi je pourrais dire, avec une raison plus solide, que quiconque vous dira dans celte tribune que la matière de cuivre ne paiaîtra que dans un mois, qu’elle ne va pas être incessamment à votre disposition, sera responsable des troubles qui arriveront. (Applaudissements.) J’ai l’honneur de vous assurer qu’avant qu’il soit 8 jours, vous aurez abondamment delà petite mon nam. M. Duport. Je demande que vos comités des finances et des monnaies soient chargés d’examiner le procédédequelquesartistesqui, sans opération de chimie, ont fondu tout simplement une cloche et en ont tiré des pièces auxquelles ils ont donné la figure, le millésime et toute l’empreinte des pièces ordinaires. Ils prétendent qu’il en coûterait plus pour contrefaire ces pièces qu’elles ne valent. Je demande que vos comités des finances et des monnaies soient tenus, demain ou après-demain, de faire un rapport motivé sur cette mesure. (L’Assemblée, consultée, ordonne le renvoi de la motion de M. Duport aux comités desfinances et des monnaies, pour présenter le plus tôt possible ses vues sur cet objet.) M. Boullé, au nom du comité des rapports , fait un rapport sur la sédition et les troubles qui ont eu lieu, dans le mois de janvier dernier , dans la ville de Milhau, département de l’Aveyron à l’occasion de la promulgation de la loi sur le serment exigé des fonctionnaires publics : il Dronose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir ouï le compte qui lui a été rendu par son comité des rapports, des instructions et des renseignements qui lui ont été adressés par les commissaires extraordinaires envoyés par le roi dans le département du Gard et autres départements voisins, en exécution du décret du 23 février 1790, sanctionné le 24, relativement à la sédition et aux troubles qui ont eu lieu le 25 janvier dernier dans la ville de Milhau, chef-lieu d’un des districts du département de i’Aveyron, et aux obstacles qui ont empêché jusqu’à présent d’en poursuivre les auteurs ; « Décrète qu’à la diligence de l’accusateur public près le tribunal de Rodez, chef-lieu du département de l’Aveyron, il sera informé par devant ce tribunal contre les auteurs, instigateurs et complices de la sédition, des troubles et des excès qui ont eu lieu dans la ville de Milhau le 25 janvier dernier, et que le procès leur sera fait et parfait. « Charge son président de prier le roi de donner les ordres les plus prompts pour l’exécution du présent décret. >» (Ce décret est adopté.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur l’ organisation des monnaies (1). M. de 'Virieu, rapporteur, présente la suite des articles, à partir du chapitre 6 du titre III, et répond à diverses questions qui lui sont adressées au cours de la délibération. Les articles suivants qui forment le complément du décret sont, après quelques légères modifications, décrétés en ces termes : Chapitre VI . ‘ De l’essayeur. Art. 1er. « L’essayeur sera chargé de la vérification du titre des espèces fabriquées; il y procédera toutes les fois qu’il en sera requis par le commissaire du roi, avec les formalités prescrites par la loi. Il inscrira sur un registre particulier à ce destiné, la quantité et le titre des espèces dont il aura fait les essais, avec la date de leur fabrication, et celle du jour de l’essai. Art. 2. « Il ne pourra, sous peine de révocation, faire aucun essai pour le compte du directeur de la monnaie, ni essayer des monnaies par lui fabriquées, autres que celles qui lui seront remises par le commissaire du roi, pour servir au jugement de délivrance. Art. 3. « Il pourra essayer les espèces étrangères et matières qui lui seront remises par le public; il inscrira sur son registre le poids des lingots qu’il essaiera, et le nom des propriétaires ; il ne pourra les rendre qu’apres avoir apposé sur chaque lin— (1) Voy. ci-dessus, séance du 19 mai 1791, p. 238.