490 {Assemblée nationale-! ARCHIVES PARLEMENTAIRES, {26 juin 1790.1 2e ANNEXE. Observations sur le rapport fait à l’Assemblée nationale et sur le décret pour la marine , du 26 juin 1790, par M. Bory , officier général de la marine (1). Ce décret a été reçu avec un empressement proportionné à l’impatience de ceux qui l’attendaient. Quelque respect que j’aie pour les décrets dont l’exécution est toujours obligatoire, cependant je demande la permission de proposer quelques doutes sur les articles 6, 7, 12 et 13. Ces doutes seront précédés d’observations sur le rapport lui-même ; il est fait, sans doute, avec beaucoup d’art et beaucoup d'esprit, mais il renferme des propositions hasardées et des inexactitudes sur lesquelles je donnerai quelques réflexions. 1° On y représente Colbert comme digne de la confiance d’un peuple libre, et son fils Seignelay comme ayant mis de côté le mérite pour ne favoriser que les gentilshommes. J’ai peine à croire que l’Assemblée nationale regarde comme digne de sa confiance un ministre qui, dans une dépêche écrite à un gouverneur au Canada, et lue à la tribune par le comte de Clermont-Tonnerre, mandait qu’iZ fallait empêcher que plusieurs citoyens ne se réunissent pour faire des demandes quelconques, parce que cela pourrait faire naître l’idée d’une convocation des Etats généraux , dont Louis XIV ne voulait pas entendre parler. Je crois avoir prouvé dans mes différents mémoires, partie première, page 6 et page 54 de la suite, que le régime administratif de la marine, établi par Colbert, était non seulement impopulaire, mais très despotique : c’est cependant à ce régime qu’on veut nous ramener. La mort a surpris Colbert, sans doute, puisqu’il est mort à cinquante-neuf ans, après une maladie de sept jours, mais il avait été contrôleur général pendant vingt ans et ministre de la marine pendant douze. Ainsi, il faut distinguer les différentes époques du ministère de Colbert, et ne lui attribuer les établissements relatifs à la marine que depuis 1671, alors qu’il remplaça Lyonne ; à cette époque, il y avait déjà dans ce corps des gentilshommes des gens de la plus haute qualité. En 1661, il n’y avait qu’un vaisseau de 70 canons, deux de 60, deux de 54, deux de 48, deux de 46, deux de 44 et sept frégates de 30. Mais en 1667, l’armée navale était déjà de trois vaisseaux de 80 canons, un de 72, huit de 70, un de 66, un de 64, cinq de 60, cinq de 56, deux de 52, trois de 50, deux de 48, cinq de 46, neuf de 44, trois de 42, trois de 40, sept de 38, deux de 36, deux de 34, cinq de 30, deux de 24. L’augmentation des vaisseaux devenant progressive, celle des officiers le fut à proportion ; la plupart de ceux-ci furent choisis dans l’ordre de Malte ; cet ordre ne pouvant pas fournir tout le supplément d’officiers, Colbert, chargé en 1671 de ce département, en appela de Hollande ; il en appela du commerce, et sans doute il donna la préférence au mérite. Exemple frappant d’un homme élevé au ministère à cause de ses talents, il était intéressé à justifier le choix de son maître par ceux qu’il faisait lui-même ; je ne sais si le commerce de (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. France put fournir alors beaucoup de sujets, car en 1691, c’est-à-dire huit ans après la mort de cet homme, dont le ministère avait été si favorable aux arts, aux manufactures et au commerce, il n’y avait dans tous les ports de France que 745 navires de commerce, 2,835 barques, 1,138 chaloupes, 3,492 bateaux, total : 8,310 bâtiments de commerce, tant grands que petits. Cet état est tiré d’un registre manuscrit que j’ai, des dépenses de la marine des années 1661 et suivantes, jus-ques et y compris (1664 ; on y trouve, sur une feuille volante, l’état de la marine de France en 1661, comparé à celui des années 1686, 1687, 1688, 1689, 1690 ; le même registre contient la liste des vaisseaux armés et des officiers avec leurs apostilles, pour les années 1666, 1667 et 1668 : en les parcourant, on voit beaucoup de noms nobles alors. En 1662, on voit sur le même état 20,135 livres de dépenses pour les gardes-marines, ils ne reparaissent plus dans les états postérieurs ; ils n’ont été établis en compagnie qu’en 1682, un an avant sa mort. Je suis entré dans ces détails pour faire voir que, sous Colbert et avant lui, les gentilshommes avaient la principale part au service de la mer. Le rapporteur sépare le ministère de Seignelay de celui de Colbert, je pense que c’est à tort, : le même esprit y a heureusement présidé. Imitons la postérité, elle est juste : elle a mis ces deux ministres à leur place ; Seignelay avait de grands talents, mais la gloire de son père a si fort obscurci la sienne qu’on ne le cite presque jamais. L’ordonnance de 1689, compilée par ses soins, et celle de 1681, portent l’une et l’autre le nom de Colbert. Gardons-nous de donner à ce dernier un patriotisme que rien ne dénote avoir été dans son cœur ; personne n’a mieux servi le despotisme. Ami de l’ordre et même de l’économie, il ne l’était pas de la forme juciciaire: vindicatif, non seulement il poursuivait Fouquet, mais il le faisait poursuivre par un homme qu’il s’était attaché. N’attribuons point à Seignelay les malheurs et les dépenses de la marine \ il n’en a vu que la gloire, et le combat de la Hogue, auquel il a peu survécu, ne l’avait pas obscurcie. Les malheurs suivants de la marine ont eu son infériorité pour cause, et ses dépenses sont dues à l’impéritie de ses administrateurs de tous les genres. La marine, régie par la dynastie des Pheli-peaux, a insensiblement perdu tout son éclat. Le combat de Malaga a été la dernière époque où elle ait paru avec son ancien brillant, et si Duguay-Trouin n’avait pas été introduit dans son sein, ses fastes n’offriraient rien qui pût consoler de ses disgrâces. L’auteur du rapport assure api'avanl la dernière guerre, c'était une opinion presque générale que les vaisseaux devaient se battre plutôt pour l’honneur du pavillon français que pour soutenir le commerce maritime. Je peux assurer que rien n’est moins exact que cette assertion. L’auteur ignore sans doute que la guerre de 1744 n’a été si malheureuse que parce que les vaisseaux de guerre français avaient ordre d’escorter ceux du commerce. Voyez mon mémoire sur le système à suivre dans une guerre purement maritime avec l’Angleterre. L’ennemi, averti fort exactement et longtemps à l’avance du départ de nos flottes, croisait sur la route et les rencontrait toujours. 491 JAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES {26 juin 1790.] Les commandants français mettaient en panne pour faire défiler tous les vaisseaux de commerce ; ils ne faisaient route qu’après avoir vu passer le moins bon voilier. Dans cette position, ils étaient joints par un ennemi supérieur; ils rendaient un combat inégal, dont la lin ne pouvait être que malheureuse. Telle a été, en 1747, la cause de la prise de l’escadre aux ordres de la Jonquière, par l’amiral Anson, et du combat de l’escadre commandée par l’Etenduere, contre l’amiral Hawke; cette journée fut glorieuse et funeste. Le Tonnant, commandé par le général, manqua de succomber, malgré son feu prodigieux , et les Anglais , fatigués d’un combat long et sanglant, furent obligés de l’abandonner. Le comte de Vaudreuil, que son poste avait jusque-là fixé à la tête de l’escadre française, vira de bord, passa entre son général et un vaisseau anglais, dont il reçut la bordée, jeta une amarre au Tonnant , le remorqua et l’emmena à Brest. Si la modestie de son fils, aujourd’hui lieutenant général des armées navales, président du comité de marine, ne lui a pas permis de rappeler une action aussi honorable à la mémoire de son père , je ne peux me dispenser de citer ce combat comme une suite du principe avoué, adopté et pratiqué de tous les temps par la marine, que les vaisseaux de guerre doivent se sacrifier pour ceux qu'ils escortent. Des huit vaisseaux, qui composaient l’escadre dont je parle, six furent pris, mais toute la flotte composée de 240 voiles , arriva saine et sauve à sa destination, sous l’escorte d’une frégate commandée par d’Essonville; il est donc prouvé, qu’avant la dernière guerre, on se battait à outrance pour soutenir le commerce maritime. Ainsi, l’armée navale de France a toujours regardé CGmme un de ses plus saints devoirs celui de protéger le commerce maritime et les possessions territoriales. A présent, je demande ce que peut avoir de répréhensible ce propos ordinaire qu’on se battait pour l’honneur du pavillon français : 1° se battre pour l’honneur est une expression chevaleresque, si on veut, mais qui ne peut qu’honorer ceux dont elle est la devise ; 2° un vaisseau n’est-il pas la patrie du marin, tant qu’il y est embarqué? Se battre pour l’honneur de son pavillon, n’est-ce pas se battre pour l’honneur de la patrie? Les marins seuls avaient donc une patrie, tandis que les autres soupiraient pour en avoir une. Cette expression se battre pour l’honneur du pavillon français est donc très patriotique, et beaucoup plus nationale qu’elle ne le paraît aux yeux de ceux qui la critiquent. Personne, je pense, ne trouvera mes réflexions déplacées; elles ont pour base la vérité à laquelle je n’ai rien prêté d’étranger. Je viens aux doutes que fait naître à mes yeux le décret lu, mis aux voix et adopté sans discussion le 26 juin. Doutes et questions sur les articles 6, 7, 12, 13 de ce décret. « Art. 6. Tous les citoyens sont également « admissibles aux emplois civils et militaires de « la marine, et les législateurs ni le pouvoir exé-« cutif ne pourront directement ni indirectement « porter atteinte à ce décret. « Art. 7. Il n’y aura de distinction entre les « officiers civils et militaires que celles des « grades, et ils seront tous susceptibles d’avance-« ment selon les règles qui seront déterminées. « Art. 12. Le ministre de la marine et tous les « agents, tant civils que militaires, seront res-« ponsable? selon les règles et les cas qui seront « déterminés. « Art. 13. Aucun officier militaire ne pourra « être destitué que par le jugement d’un conseil « de guerre, ni aucun officier civil, que d’après « l’avis d’un conseil d’administration. » J’observerai d’abord que l’Assemblée nationale n’a pas décrété l’existence des deux corps, l’un sous le nom d’officiers civils ; l’autre sous celui d’officiers militaires ; si elle l'avait fait, je respecterais le décret, et je garderais le silence. Mais comme cette importante question n’a pas été discutée, je demande la permission de présenter quelques doutes sur cette matière. Je compare ce décret avec celui du 21 mars 1790, concernant l’armée. Dans eelui-ci, il n’est point du tout question d’officiers civils. L’armée de terre n’en a donc pas besoin ; mais sont-ils nécessaires pour l’armée navale? Je crois avoir prouvé le contraire dans mes Mémoires sur l'administration de la marine et des colonies. D’après cette observation, je prends la liberté d’établir mes doutes:!0 Est-il constitutionnel d’avoir dans l’Empire un corps administratif quelconque perpétuel, dont les membres ne puissent être ni changés ni révoqués? Tous les corps chargés de l’administration dans les municipalités, les districts et les départements, sont élus pour un temps seulement. Les magistrats même sont amovibles. 2° Si par l’article 7, il n’y a d’autre distinction entre les officiers civils et militaires que celle de leurs grades, ils ont donc les mêmes fonctions, car jusqu’à présent les fonctions différentes ont distingué les corps, comme les grades ont distingué les individus des mêmes corps. 3° Est-il constitutionnel de donner à aucun secrétaire d’État quelconque, pour l’aider dans ses fonctions administratives, un corps dont il ne pourra changer ni destituer les membres s’il en est mécontent? Le roi est le chef snprême de l’armée navale, c’est-à-dire de la marine armée et à la mer. Mais il est aussi l’administrateur de cette même marine désarmée et renfermée dans fies ports. Les arsenaux où sont logés tous les agrès, tous les canons, toutes les munitions soat dans sa dépendance. C’est autant pour régir cette marine désarmée que pour donner des ordres à la marine armée, qu’il nomme un agent de son pouvoir sous le nom de secrétaire d’Etat ; ce ministre devenu responsable a deux fonctions différentes à remplir ; la première, de disposer tout pour l’armement des vaisseaux; la seconde, de les faire commander et de les envoyer à la mer. Par la première, il ordonne à tous ses subordonnés, en son propre nom , de faire toutes les recettes et les préparatifs nécessaires à l’armement. Par la seconde, il n’ordonDe pas en son nom, mais il parle au nom du roi : il transmet aux militaires les ordres de Sa Majesté, soit pour prendre le commandement des vaisseaux, soit pour mettre à la voile et exécuter pendant la campagne les instructions qu’il leur adresse. C’est alors que toutes ses dépêches doivent être signées du roi et contre-signées par lui. 492 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 juin 1790.) Voilà donc deux formes différentes d’écrire, l’une aux administrateurs, pariant en son nom ; l’autre aux militaires, au nom du roi. Tous les délégués en administration sont donc à ses ordres directement, sans en excepter les militaires qui deviennent officiers civils dans les différents détails dont ils se chargent, comme les commandants, les directeurs généraux et particuliers des ports, les directeurs de l’artillerie, des constructions, etc. Ils doivent donc être amovibles au gré du secrétaire d’Etat, et destitués de leurs fonctions civiles, s’il juge qu’ils ne les remplissent pas bien. J’ouvre la liste de la marine et j’y vois dès les premières pages vingt membres, soit du conseil de marine, soit du comité d’administration, dont six maîtres des requêtes, des officiers généraux de terre, de mer, des capitaines de vaisseaux. J’y vois des commandants en chef en second des ports, des directeurs d’artillerie, un directeur général des constructions, des ingénieurs-constructeurs et sous-constructeurs, l’inspecteur général et l’intendant des classes, tous les officiers militaires et civils attachés à ce régime, quatre intendants de la marine, sept commissaires généraux, huit contrôleurs de la marine, vingt-sept commissaires, sept commissaires surnuméraires, quatre sous-contrôleurs, neuf gardes-magasins, deux sous-gardes-magasins. Les premiers commis ne sont point compris dans cette liste; mais quelle prodigieuse quantité d'officiers civils, depuis ceux qui composent le conseil de la marine, le comité de l’administration jusqu’au dernier syndic des classes? Je ne parle point de ceux qui sont employés dans les colonies, je m’en rapporte à leurs habitants pour s’en débarrasser. Je le demande ; tous ces officiers civils sont donc indestituables sans l’avis du conseil d’administration, et cependant leur chef véritable, le secrétaire d’Etat, qui leur donne des ordres en son nom, qui est responsable, comptable à la nation, ce chef est amovible à la volonté du roi. Son sort me paraît plus fâcheux que celui de ses subalternes. Si on me demande pourquoi les officiers civils seraient, pour cette partie, amovibles à la volonté du secrétaire d’Etat, et qu’en même temps les officiers militaires ne peuvent être destitués que par le jugement d’un conseil de guerre, je répondrai que le ministre répond non-seulement des ordres qu’il donne, concernant l’administration, mais même de leur exécution, parce que les moyens sont dans ses mains, et que dès lors ses délégués ne sont responsables qu’à lui. Il n’en est pas de même des militaires. Le ministre est responsable des ordres qu’il leur donne et ceux-ci répondent de leur exécution, parce que les moyens d’exécution dépendent d’eux et non du ministre, qui n’a pas pu les leur prescrire. Ils doivent donc être responsables de leur conduite vis-à-vis de la nation. Au reste, mon plan d’administration n’est point sujet à cette distinction, puisque je n’y emploie que peu d’agents, et tous pris parmi les agents nécessaires. Dans mon registre manuscrit en l’année 1669, on ne trouve point d’intendants, mais quatre commissaires généraux et treize commissaires ordinaires. 4° N’est-il point impolitique de créer constitutionnellement deux corps qui renouvelleront les débats scandaleux qui ont existé si longtemps? Je suppose que l’Assemblée nationale supprime tous les corps de la marine actuels, qu’elle congédie tous les officiers qui y sont employés, et qu’elle les remplace par deux corps sous le nom de civil et militaire, composés d’individus nouveaux, choisis dans l’élite des gens les plus instruits, les mieux disposés à bien vivre ensemble. Qu’arrivera-t-il ? Tous ces citoyens, parvenus à leurs destinations, commenceront parse constituer, conformément au décret de l’Assemblée nationale, ils se partageront leurs fonctions respectives, selon leurs grades et les corps dont ils sont membres. Dans un établissement mixte, comme celui-ci, est— il possible de tirer une ligne de démarcation, dont personne ne puisse franchir les bornes? Chacun y mettra sans doute du sien d’abord, mais on ne tardera pas à s’ennuyer d’une gêne perpétuelle et réciproque : la bonne intelligence cessera, et ces nouveaux officiers civils et militaires feront comme les anciens, iis auront leurs prétentions et leurs querelles. Il n’y a qu’une seule hypothèse dans laquelle les fonctions des deux corps seraient parfaitement séparées. C’est celle où les officiers civils armeraient les vaisseaux et les mettraient en rade ; là, les militaires en prendraient le commandement : mais quels seront les militaires assez confiants pour commander des vaisseaux à l’armement desquels ils n’auront pas présidé? et quels seraient les administrateurs assez intrépides pour se charger des événements, comme fit Arnoux , intendant de Toulon, qui prit sur lui d’envoyer à la mer des vaisseaux commandés par le chevalier de Tour-ville ? Tout officier commandant un bâtiment du roi en signe l’inventaire: parla il reconnaît la bonté de tout ce qu’il renferme ; et, dès lors, il est responsable de toutes les consommations. Peut-on exiger qu’il remplisse cette formalité sans avoir vérifié par lui ou par ses subalternes l’état qu’il a signé ? Ce commandant est de plus responsable de l’exécution des ordres qu’il a reçus du roi : autre genre de responsabilité qui n’a jusqu’à présent presque jamais eu d’autre juge que la volonté arbitraire du ministre. Quelque chose qu’on fasse, s’il y a deux corps, leurs fonctions seront mixtes, excepté celle des fonds dont les militaires ne doivent jamais être chargés. L’Assemblée nationale a détruit tous les corps, elle a changé le nom des provinces pour en détruire l’esprit ; renfermera-t-elle dans une enceinte aussi resserrée que l’est celle d’un port ou d’un arsenal, deux corps sans cesse en regard vis-à-vis l’un de l’autre , et se détestant dès leur origine ? Fera-t-elle embarquer dans un vaisseau un citoyen à prétention qui se croira destiné à inspecter et même à ordonner ou à défendre les consommations, tandis que son emploi véritable n’est que de les constater ? N’est-il pas certain que les intendants prétendent régler les consommations différentes ? (Voy. les différents mémoires publiés depuis peu sur cet objet). 5° Les intendants de province sont tous supprimés, la marine sera-t-elle le seul corps où on les conservera? 6° Enfin, n’est-il pas plus constitutionnel, plus politique et moins dispendieux de n’employer pour l’administration que les agents déjà nécessaires ? Ce sont les militaires. On ne peut faire de recettes ni de consommation sans leur avis motivé, et même sans leur signature. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 juin 1790.] 493 N’est-il pas naturel de s’en rapporter à eux pour ces mêmes consommations ? Iis auront l’intérêt le plus vif à les faire, suivant la méthode la plus économique et la plus utile. Voyez pour la responsabilité et la comptabilité les règles que j’ai établies dans mes réflexions sur le rapport d’un des membres du comité de marine, pages 54 et suivantes de la suite des mémoires. L’auteur de ces doutes a-t-il tort de désirer que l’importante question de deux corps distincts dans la marine soit discutée dans une assemblée nombreuse? On propose de faire un nouveau Gode pénal : rien de mieux sans doute que de proportionner les peines aux délits et d’abroger des lois ennemies de l’humanité; cependant ne serait-il pas plus expédient de prendre pour cette opération tout le temps nécessaire, de ne rien précipiter, et de rendre un décret provisoire qui ordonnât d’observer les anciennes ordonnances, comme on a fait sur le régime des classes ? D’ailleurs ne serait-il pas sage de ne faire ce Gode qu’après avoir achevé la Constitution, car il me paraît qu’avant de prescrire des peines, il faut imposer des devoirs. On distinguera, sans doute, les délits civils, c’est-à-dire contre l’administration, des délits militaires ; ceux-ci sont fort graves, surtout quand ils sont un manque de subordination, et je conçois que, vu leur importance et leur rareté, ils doivent être jugés par un conseil de guerre. Si les autres peuvent être plus fréquents, ils sont aussi moins graves : faudra-t-il toujours demander son avis à un conseil d’administration? et le secrétaire d’Etat ne devra-t-il pas avoir la police intérieure sur tous les officiers civils qui sont, à proprement parler, membres du corps dont il est le chef? Ce n'est point assez de décerner des peines contre les délits: il faut aussi fixer les récompenses, et cette détermination n’est peut-être pas trop aisée. Heureuse jeunesse ! vous entrez dans le monde sous les auspices les plus favorables, je vous en félicite. Tous vos pas seront marqués par la loi dans la carrière que vous embrasserez, vous n’avez pas eu la peine de conquérir la liberté, vous n’aurez que celle de la conserver. Vous ne ramperez point sous l’empire d’un ministre ignorant et altier ; remplissez bien vos devoirs, vous en aurez la récompense sans être obligé de la solliciter dans l’antichambre de ce ministre ou d’un autre personnage moins élevé en dignité, mais tout aussi important ; soyez citoyen, servez bien la patrie, vous n’aurez pas à jouer le triste rôle de solliciteur ; les grâces viendront au devant de vous; est-il un sort plus agréable? Dans votre jeunesse vous n’essuierez pas d’injustice, ou ne vous promettra pas une grâce sans vous la donner, on n’en éludera pas l’accomplissement. Vous n’aurez donc pas dans votre vieillesse la douleur de vous entendre dire que votre demande est surannée, qu’il y a prescription, réponse digne de ministres façonnés par le dispotisme et élevés par lui aux postes qu’ils occupent. Peut-il jamais avoir de prescription contre une dette légitime ? on, sans doute, l'ancienneté de son titre la rend encore plus sacrée; la prescription ne peut s’exercer que contre une possession injuste qu’on ne saurait faire cesser trop tôt, mais une récompense, une décoration promise pour dédommagement d’une injustice commise envers un individu quelconque doit être accordée aussitôt qu’elle est réclamée. Puisse le Gode pénal, qu’on promet, être accompagné du tarif des récompenses ! c’est le plus beau présent que les législateurs puissent faire, dans leur sagesse, à la marine. 3° ANNEXE. Idées présentées au comité militaire, par M. Em-mery, l'un de ses membres. Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale (1). C’est pour la guerre qu’on a besoin d’une armée, il faut donc créer l’armée uniquement en vue de la guerre. Les militaires estiment que ni 140 ni 150,000 hommes ne suffiraient en temps de guerre ; ils pensent qu’il en faudrait au moins 200,000, c’est donc une armée de 200,000 hommes au moins qu’il est nécessaire de créer. Si l’on tenait constamment sous les armes deux cent mille hommes au moins, on ferait une dépense excessive et ruineuse pour l’Etat. Si l’on ne tenait pas constamment sous les armes un grand nombre d’hommes, on n’aurait pour la guerre ni soldats exercés, ni officiers instruits. Il faut donc avoir, même pendant la paix, des troupes constamment sous les armes ; mais leur nombre doit être exactement proportionné au besoin de l’instruction. Les corps actifs et continuellement exercés pendant la paix doivent être à la fois le séminaire de l’armée, et des cadres préparés pour recevoir au moment de la guerre une grande partie des soldats qui ne sont pas habituellement sous les armes. Nous avons à notre solde 10 à 11,000 fantassins suisses, et à peu près autant de fantassins allemands, irlandais et liégeois. Les Suisses sont à conserver, par beaucoup de considérations , seulement on doit chercher à rendre les conditions de leur traité moins onéreuses à l’Etat, ce qui n’est peut-être pas extrêmement difficile. Il convient aussi de conserver 5 à 6,000 étrangers, pour recevoir à la guerre les déserteurs ennemis, qu’il n’est plus possible d’admettre dans les corps nationaux. Si nous conservons à notre solde 10 à 11,000 Suisses, 5 à 6,000 étrangers, nous n’avons plus besoin de lever chez nous que 184,000 hommes, pour avoir une armée forte de 200 ,000. L’infanterie doit être plus nombreuse que la cavalerie, et celle-ci plus nombreuse encore que l’artillerie. La première chose à faire est d’établir la juste proportion entre ces trois armes, et de l’établir en vue de la guerre, sur une masse de 200,000 hommes. Cette masse étant fixée, on connaîtra combien, dans 184,000 nationaux, nous devons avoir.de fantassins, d’hommes de cheval et de soldats d’artillerie. Il s’agira de déterminer ensuite combien, dans chacune de ces trois armes, on tiendra d’hommes constamment en activité, en observant qu’il en faut moins dans l’arme qui exige le moins d’instruction, qu’il en faut davantage dans les armes où 1 instrucion est plus difficile et plus longue. G’est aux militaires à prononcer, je leur présente deux problèmes à résoudre. (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur ,