@9â (Assemblée nationale.] ARCHIVES PAî coupable l’usage légitime et vertueux qu’ils ont fuit de l’autorité qui leur a été confiée? Si le principe que votre comité vous propose d’adopter est injuste dans sa base, je ne le trouve pas moins abusif dans ses détails; je trouve que son zèle n’a pas moins égaré son équité lorsqu’il vous aproposédefairedécroîtred’un vingtième par année de possession ce qu’il appelle l'indemnité à accorder aux porteurs de brevets de retenue. Les appointements reçus par les possesseurs de charges n’étaient que le prix accordé à leur service et l’intérêt de leur argent; je ne vois donc dans cette échelle décroissante qu’un long tarif d’injustices, et l’Assemblée est incapable de s’en permettreaucune.Jedemandedoncqueles porteurs de brevets de retenue, qui en ont payé le montant à leurs prédécesseurs, soient remboursés de la totalité desdits brevets, comme ceux qui en ont versé les fonds au Trésor royal. M. Defermon. Je demande que la discussion soit fermée et qu’on, borne la délibération aux deux premiers articles du projet de décret du comité. M. Lucas. Vous ne devez pas avoir deux poids et deux mesures. Vous avez été justes, soyez conséquents. Les propriétaires de fiefs, ceux d’offices, n’ont pas obtenu de recours contre leurs vendeurs; les[porteurs de brevets de retenue sont dans la môme position. M. Muguet. Il faut diviser les brevets de retenue en deux classes : ceux qu’on a été obligé de paver, et sans le payement desquels on n’aurait pîi exercer l’office auquel ils étaient attachés. Ces brevets, qui comprennent ceux des secrétaires d’E at et des charges militaires, doivent être remboursés ; les autres sont des brevets provenant d’une pure libéralité. Les apôtres les plus zélés des brevets de retenue ne peuvent pas les défendre. Je demande donc qu’on décrète le remboursement des premiers, et que, pour les autres, on suive le projet de décret du comité. Quant à l’amendement de M. Dubois-Crancé, il n’aura sans doute aucun contradicteur. Il est évident que vous n’aurez pas à statuer sur tous les brevets de retenue qui concernent uniquement la maison du roi. M. Merlin. J’insiste sur l’ajournement tel que M. Defermon l'a demandé, i! faut bien que quelqu’un parle pour le peuple ; je n’ai entendu plaider que la cause des brevets de retenue. M. Camus, rapporteur. Voici une nouvelle rédaction du projet de décret. Je la soumets à l’Assemblée : « Les brevets de retenue expédiés pour autres charges que celles de la maison du roi, les secrétaires d’Etat exceptés, ou que l’on justifiera avoir été versés au Trésor public à l’époque même des provisions, et pour sommes payées au prédécesseur, seront remboursés au titulaire actuel ou à ses héritiers. « Les brevets de retenue obtenus postérieurement aux provisions ou au delà des sommes remboursées au prédécesseur, ne seront pas remboursés. » M. Chabrond. Ma rédaction diffère peu de celle de M. Camus. Elle est ainsi conçue : «Tout porteur de brevets de retenue recevra le remboursement total des sommes qui seront re-EMENTAIRES. (23 novembre 1790.] connues avoir été par lui versées dans le Trésor public, ou employées à payer son prédécesseur • à cet effet, ils rapporteront leur brevet au comité’ de liquidation, et il leur sera délivré à chacun une reconnaissance portant liquidation. A l’égard des brevets de retenue encore entre les mains des porteurs, ceux-ci pourront se présenter au comité des pensions pour y faire valoir leurs droits sur des récompenses au Trésor public, suivant le3 formes précédemment décrétées. Il ne sera accordé à l’avenir aucun brevet de retenue; l’Assemblée, au surplus, n’entend pas s’occuper des brevets de la maison du roi. » Je crois que cette rédaction remplit les Yœux de la majorité de l’Assemblée. Qu’il me soit permis de faire encore une observation. Vous me dites qu’il faut bien que quelqu’un parle pour le peuple. Nous avons tous plaidé pour lui; il est juste, et si on lui disait : Des citoyens, pour exercer des fonctions publiques, ont payé en bonne foi (. Plusieurs voix : A qui ?) une somme sans le payement de laquelle ils n’auraient pu servir le peuple lui-même... (Il s'élève des murmures.) Il ne s’agit pas de confirmer une libéralité sans motif; la libéralité odieuse était consommée lorsque ceux pour lesquels je réclame un acte de justice rigoureuse ont payé la somme... (De nouveaux murmures .) Je demande la priorité pour ma rédaction. (La priorité est accordée pour la rédaction de M. Camus.) M. de Folleville. M. de Saint-Germain avait établi que les propriétaires de compagnies dans les régiments, au lieu de conserver une propriété que leur famille perdrait s’ils mouraient avant d’en avoir disposé, pourraient recevoir des brevets de retenue en perdant un quart sur le prix de leur compagnie ; il faut rembourser ces brevets-là. M. de Montlosier. Il manque au décret de M. Camus un article essentiel, concernant les maîtrises et les jurandes... Un perruquier a autant de droit à être remboursé qu’un gentilhomme. (M. Camus fait une nouvelle lecture de sa rédaction, dans laquelle on remarque quelques changements qui excitent beaucoup de murr mures.) M. Lepeletier-Saint-Fargeau, après une discussion très agitée, demanne qu’on ne paye que les brevets dont il sera justifié que le montant a été versé au Trésor public. M. Prieur demaude à son tour, que les brevets de retenue ne soient considérés que comme des pols-de-vin que les acquéreurs ont respectivement donnés, et dont ils ont dû courir les hasards et les chances. (On réclame l’ajournement.) (Sur la proposition de M. de Cazalès, l’Assemblée renvoie la délibération à demain.) M. le Président lit une lettreque lui a adressée M. Duport-Dutertre, nouvellement nommé à la place de garde des sceaux, dont voici la teneur : « Monsieur le Président, le roi a informé hier l’Assemblée nationale du choix qu’il a daigné faire de moi pour le département de la justice. « En confiant le sceau de l’Etat à un homme uniquement connu par son respect pour ses devoirs, son attachement aux principes de la Gons- [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 novembre 1790. J 693 titution, et son dévouement à la cause de la liberté, Sa Majesté a, pour ainsi dire, sanctionné de nouveau l’article fondamental du plus sublime de vos décrets. « Si je n’eusse consulté que mon goût, que mes forces, je me serais refusé à cette tâche effrayante, à ce périlleux honneur ; mais j’ai cru qu’il serait d’un mauvais exemple que celui qui avait accepté plusieurs fois des marques de la confiance du peuple, ne se crût pas digne de celle du roi. Cette réflexion m’a décidé (1). « J’ose aussi, Monsieur le Président, invoquer celle de l’Assemblée nationale, sans laquelle tout bien deviendrait impossible aux ministres du roi, qui sont ceux de la nation, dont ils doivent exécuter la volonté souveraine; ils l’exécuteront, car cette volonté est la leur, elle est celle du roi. « Je suis avec respect, etc. « Signé : M.-L -F. Duport. •> (L’Assemblée, après avoir, à plusieurs reprises, vivement applaudi aux sentiments patriotiques dont cette lettre est remplie, en ordonne l’impression.) M. le Président lève la séance à trois heures de l’après-midi. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. ALEXANDRE DE LAMETH. Séance du mardi 23 novembre 1790, au soir (2). M. Treilhard, ancien président, occupe le fauteuil en l’absence de M. le président et ouvre la séance à six heures du soir. M. Poulain de Boutancourt, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance du 20 novembre au soir. Divers membres font quelques observations sur sa rédaction. D'autres membres demandent l’ordre du jour, qui est adopté. M. le Président fait donner lecture des adresses suivantes : Adresse des juges du tribunal du district de Lisieux, qui consacrent les premiers moments de leur existence constitutionnelle à offrir à l’Assemblée nationale le tribut de respect, de reconnaissance et d’admiration que leur inspirent ses importants travaux. Adresse de la société des amis de la Constitution de Valogne, qui supplient l’Assemblée, par les motifs les plus pressants, de s’occuper au plus tôt de l’organisation des gardes nationales. Adresse du sieur Galopin, ancien maître fondeur de la monnaie d’Aix, qui soumet à l’Assemblée quelques réflexions appuyées de plusieurs expériences qu’il a faites sur le parti le plus (1) Voy. aux Annexes de la séance de ce jour l’extrait du registre des délibérations du conseil général de la commune de Paris relatif à l’éléyation de M. Duport-Du-tertre au ministère. (2) Cette séance est incomplète au Moniteur. avantageux que l’Etat pourrait tirer de la matière des cloches. (Cette adresse est renvoyée au comité des monnaies.) Adresse des patrons pêcheurs de la ville de Cassis, qui présentent à l’Assemblée un mémoire contenant leurs pétitions et doléances. (L’Assemblée renvoie celte adresse au comité de Constitution, pour en faire le rapport incessamment.) Adresse des officiers municipaux de la ville de Bordeaux, qui annoncent que six députés de l’assemblée provinciale du Nord de Saint-Domingue, se rendent auprès de l’Assemblée pour lui faire connaître plus particulièrement l’influence que les bons, citoyens des divers quartiers formant la partie du Nord, les troupes de ligne, et notamment les braves grenadiers du Gap, ont eue sur les divers événements de Saint-Domingue; ils s’élèvent avec la plus grande force contre les membres de la prétendue assemblée générale de cette colonie, séante à Saint-Marc. Adresse des directeurs et commissaires du commerce de Bordeaux, qui annoncent la même députation et manifestent les mêmes sentiments. Adresse du conseil général de la commune d’Angers, qui expose que cette ville renferme un jardin de Botanique qui, quciqu’uniquement en tretenu jusqu’à ce jour par le zèle et les sacriti ces de quelques particuliers, .a cependant l’avau tage de servir d’école aux élèves de médecine et de chirurgie, et a toujours été considéré comme faisant partie du jardin des plantes de Paris avec lequel il correspond sans cesse, et auquel il sert même de pépinière, pour élever des plantes qui prospèrent sous sa latitude. Le conseil général de la commune supplie l’Assemblée de prendre en considération cet établissement, qui, parla douce température du climat et par l’heureuse disposition du local, peut devenir de plu3 en plus intéressant pour la médecine, l’Agriculture et les arts. Adresse des citoyens actifs de la ville de Ve-soul, par laquelle ils demandent à l’Assemblée que la garde des frontières soit principalement confiée à des troupes françaises; que les délits commis à Belfort soient poursuivis; qu’il soit ordonné aux émigrants de rentrer dans 3 mois, à peine de confiscation de leurs biens, et qu’il soit déclaré que les ministres avaient perdu la confiance de la nation. (L’Assemblée ordonne le renvoi de ces dernières adresses aux différents comités qui doivent en connaître.) M. Alexandre de Lameth, président , entre dans la salle et occupe Je fauteuil. L’ordre du jour est un rapport du comité des rapports sur les troubles arrivés à Uzès. M. Cliabroud, rapporteur. Messieurs, la force publique a été refusée à la réquisition de3 corps administratifs ; le corps du directoire du département du Gard vous a dénoncé la situation critique de la ville d’Uzès, les malheurs dont elle est menacée, les mesures que l’on a prises pour prévenir les grands désordres et les obstacles que l’on a rencontrés là même où la Constitution voulait que l’on trouvât des secours. Au nom de votre comité des rapports, j e viens vous rendre compte de cette dénonciation. Vous savez quelle est à Nîmes la disposition des esprits, les ressorts se crets qu'y font jouer les ennemis de la Constitution et du peuple, et les cruelles discussions qu’ilsont eu l’art d’y introduire. La ville d’Uzè3 est à peu