[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 153 [23 septembre 1790.] Région du Centre. Art. lep. L’emprunt et toutes opérations qui en portent le caractère, s’il n’est pourvu en même temps au remboursement;, sont défendus en France. Art. 2. L’impôt pesant sur tous les citoyens, dans la proportion de la richesse de chacun, "sous quelque forme que cette richesse se représente, productive ou non, sera la seule mesure que la nation emploiera pour subvenir à ses besoins ordinaires. Art. 3. La richesse sur laquelle l’impôt sera prélevé, se divise en trois parties sous les dénominations suivantes : La richesse territoriale, foncière ou immobilière ; La richesse mobilière ou facultative ; La richesse industrielle ou mercantile. Art. 4. La contribution sur les trois richesses sera répartie dans les proportions suivantes : Deux cinquièmes de la richesse foncière, etc. Un cinquième sur la richesse mobilière, sous le titre de contribution facultative des citoyens, d’après le prix des loyers des maisons ou autres édifices ; et deux cinquièmes sur la richesse industrielle et mercantile. Art. 5. Les comités des impositions et des finances réunis présenteront incessamment un projet de décret des impôts conservés ; mais ils ne conserveront que ceux qui ne seront pas nuisibles à la liberté, et qui n’exigeront ni gardes, ni barrières pour leur perception. Art. 6. Le cadastre présenté à l’Assemblée sera vérifié, et, à cet effet, il est établi un comité de cadastre composé de six membres, dont deux pris dans le comité des finances, deux dans celui des impositions, et deux dans le sein de l'Assemblée nationale, et la nomination sera faite par liste à la majorité relative. Art. 7. Le comité de cadastre présentera aussi incessamment un projet de cadastre provisoire, pour la répartition des impôts de 1791. Plusieurs membres demandent l’impression du discours de M. Aubry et des pièces qui l’appuient. D'autres membres réclament la question préalable. La question préalable est mise aux voix et rejetée. L’impression est ensuite ordonnée. M. Ramel-Mogaret, député de Carcassonne ( 1). Messieurs, il est nécessaire d’assurer au Trésor public, une rentrée de 500 millions (2), mais l’Assemblée nationale n’est pas obligée d’imposer la totalité de cette somme sur les peuples. L’Etat peut retirer 60 millions au moins du produit des forêts conservées, des ventes exclusives, des postes et messageries, des loteries, du bénéfice sur les monnaies et affinages et de ses créances actives. Il ne faut s’occuper que de 440 millions. Le système de l’impôt unique, impraticable dans son exécution, est inadmissible dans les circonstances. Sa perception est exposée à trop de lenteurs; elle, nuirait à la Révolution, parce que bien des personnes encore la jugeront par la comparaison des rôles sur les impositions directes. Il est donc indispensable d’établir des impôts indirects. Quatre objets peuvent produire 140 millions : ce sont les droits de contrôle et de centième denier, le timbre et la marque de certaines marchandises, les traites et douanes, les consommations. Les 200 millions déjà indiqués seront portés directement au Trésor public, sans que les corps administratifs puissent en rien déduire, au lieu qu’ils fourniront à leurs dépenses particulières, ainsi que les municipalités, au moyen des sols additionnels aux 300 millions qu’il reste à trouver. Cette somme peut être mise en recouvrement sur trois rôles séparés : la contribution personnelle, celle des bâtiments et celle des terres. Le mode des nouvelles impositions doit être proportionné aux moyens des assemblées administratives et des municipalités naissantes. Celui-ci peut avoir cet avantage. IMPÔT PERSONNEL. Il sera procédé, dans chaque municipalité, au dénombrement exact de sa population, telle qu’elle était à l’époque du 1er juillet dernier. Les tableaux qui en seront dressés serviront an partage de la contribution personnelle, entre les départements et les municipalités, sur ce tarif. Dans les communes qui ont trois officiers municipaux, à raison de 24 sols par tête; dans celles qui en ont 6, à raison de 30 sols, etc. Enlin, dans celles qui en ont 21 ou davantage, à raison de 3 livres. Les municipalités partageront la somme qui leur sera demandée, sur les habitants, à raison de leur aisance et facultés, et principalement sur celles quine proviennent d’ailleurs quedu produit des terres et des bâtiments. Car on est bien loin de prétendre que cette contribution doive être acquittée à raison de tant par tête, de manière que le pauvre paye autant que le riche, et le père de famille autant que le célibataire. (1) Le discours de M. Ramel-Nogaret est simplement mentionné au Moniteur. (2) Il en recevait l’année dernière 574, parce qu’il faut considérer la dîme comme un impôt. 184 [AiMmbléé tiàtiéûâle. j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1790.] IMPÔT SUR LES BATIMENTS. Pour Celui-ci, il sera procédé â tin dénombrement de toutes les portes et fenêtres extérieures: on aurait 20 millions de plus, si on y ajoutait les cheminées. Les portes et fenêtres des métairies seront partout sujettes à la même taxe; les autres seront imposées sur un tarif calculé sur celui de la population. Ges deux rôles peuvent produire 50 millions chacun. Leur base est parfaitement juste. La richesse des municipalités est proportionnée graduellement et progressivement à leur population; les maisons des villes sont d’un bien plus grand produit que celles des bourgs, etc. : elles sont plus élevées dans le centre des cités que dans les faubourgs; le riche se donne plus d’appartements que le pauvre. Ges deux tôles peuvent être en recouvrement au Ie* janvier prochain; ils seront payables un douzième par mois; il en sera de même des impôts indirects et des revenus fixes : ainsi, à compter de cette époque, le Trésor public recevra 25 millions par mois. CONTRIBUTION FONCIÈRE. Le comité la porte â 300 millions : d’après ce nouveau système, on n’en â besoin que de 200. Ils seront réduits successivement à 150, parce qu’on peut lui affecter les extinctions qui s’opéreront sur les 50 millions de pensions viagères, payables aux ecclésiastiques sans fonctions. La répartition de cette somme sera égale, juste, par conséquent. G’est vers ce but que tous nos efforts doivent tendre, si 300 livres de revenu, quitte dé tous frais de culture, supportent la même contribution dans chacun des départements du royaume. Le comité des impositions en indiqüe le moyen. Quelques dispositions ajoutées à son projet le donneront et l’on aura le cadastre général le plus exact qu’on puisse désirer. En effet, le comité propose d’ordonner que les municipalités procéderont à l’évaluation du revenu net de toutes les propriétés de leur enclave. ( Dans ce nouveau système-ci , on n’aura plus à s’occuper des bâtiments .) Si l’Assemblée nationale se faisait rapporter tous les procès-verbaux d’évaluation, lorsque ce plan du comité sera exécuté, elle connaîtrait la valeur du produit de tout le sol de l’Empire. Elle peut s’en assurer, sans être obligée de vérifier plus de 40,000 rôles, et pour cela il suffit de prescrire la procédure de l' allivrement. L’allivrement est le résultat d’une estimation réduite sur un pied déterminé et uniforme : on peut indiquer le pied du dixième, parce qu’il s'applique très facilement à toutes les sommes. Son application consiste en ce qu’étant une fois ordonné, la municipalité d 'Antibes allivrera 300 livres de revenu, 30 livres; 10 livres de revenu, 1 livre; celle de Calais donnera le même allivrement, à chaque 300 livres et à chaque 10 livres, de revenu déterminé ainsi, par son procès-verbal d’évaluation de tous ses fonds de terre; il en sera de même dans toutes les municipalités du royaume. Chacune d’elles remettra à son district, l’état de son allivrement; le directoire le vérifiera et il s’en servira pour dresser le tableau de l’allivre-ment dé son arrondissement. Ces tableaux seront représentés aü directoire ÜU département, ils ÿ seront vérifiés, et ils y serviront à la rédaction du rôle de l’allivrement du département. La réunion de 83 de ces rôles formera le cadastre général du royaume, sur lequel les législatures feront le partage des sommes à imposer sur les terres. Craindra-t-on que les corps administratifs et les municipalités connivefit pour diminuer leur allivrement? Trois conditions répondent de leur exactitude : 1° On les intéresse à bien faire l’opération, eh leur annonçant qu’il sera fourni à leurs dépenses particulières, au moyen des sols additionnels aux sommes à départir; 2° Il sera enjoint aux municipalités d’estimer les objets affermés sur le prix du bail, et les autres sur la même proposition; 3° Il leur sera pareillement ordonné de rendre compte aux directoires des districts, et même des départements, au besoin* des bases de leur opération; elles pourront répondre à cet égard: 1° qu’elles ont porté à telle somme le revenu de l’arpent de telle qualité, et à telle autre somme celui qui lui était inférieur; 2° que leur territoire, composé de telle étendue,, est en général d’une telle qualité, ou mêlé de telle autre, et sur telle proportion. Les corps administratifs seront à portée de vérifier les faits, de punir la mauvaise foi et de rétablir l’égalité, en forçant l’Etat de l’allivrement présenté. On courrait dire que l’allivrement n’est qu’une pure formalité, parce que, ne changeant rien aux estimations, Celles-ci pourront servir aussi bien que lui aü partage de la contribution foncière. On répond que l’allivrement a cet avantage, qu’il facilite toutes les opérations, parce qu’il met le type de la somme imposable au-dessous de la somme à départir. La procédure de l’allivrement était observée dans la plupart des provinces encadastrêes et ses calculs étaient même appliqués à la contribution départie sur les fortunes mobilières. Un temps viendra que les législatures pourront l’appliquer à l’impôt personnel. Tel moyen peut être adopté à cet égard, qu’il en résulte que 300 livres de gain commercial ou industriel supportent la même contribution dans chacun des départements. APPLICATION DU MODE INDIQUÉ. Supposons que l’allivrement général duroyaume s’élève à 100 millions ; on a 200 millions à imposer, c’est deux livres d’imposition pour chaque livre d’allivrement. Ges deux livres s’appellent la livre livrante et dans ce cas on dit que la livre livrante est de deux livres. Un département sé trouve compris dans ces 100 millions d’alliVrement pour 100,000 livres, on sait de suite que sa quote-part d’impositions sé porte à 200,000 livres; il y ajoute les quatrê sixièmes des sommes qui lui sont nécessaires pour ses dépenses particulières ; on suppose qu’ils se portent à 50,000 livres, il aura à partager entre les districts 250,000 livres; sa livre livrante vis-à-vis des districts sera dé 2 livrés 10 sols. Le district A, situé dans ce département, est al-livré 25,000 livres; il se charge de 62,500 livres ; il y ajoute les quatre sixièmes de ses dépenses particulières, on les suppose encore de 12,500 livres, il aura à Imposer 75,000 livrés ; sa livré [Assembléô nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 123 Septembre 1790.] 19g livrante Vis-à-Vis des municipalité» sera de 3 livres. La municipalité B, située dans ce district, est a livrée 500 livres, elle se chargera de 1,500 livres d’imposition; elle y ajoutera les quatre sixièmes des sommes qui lui sont nécessaires pour ses dépenses particulières, on les suppose de 2,500 livres : elle aura à imposer 1,750 livres : sa livre livrante vis-à-vis des particuliers sera de 3 livres 10 sols, et chaque particulier payera autant de fois 3 livres 10 sols, qu’il aura delivres d’allivre-ment, à raison du revenu net de ses propriétés. La livre livrante peut varier dans les départements, à raison de leurs affaires particulières ; mais vis-à-vis du Trésorfpublic, elle est uniforme dans tout le royaume. Maintenant arrive-t-il que l’Etat ait besoin de quelques secours extraordinaires? La législature décrète quelques sols additionnels à la livre livrante générale et les fonds sont aussitôt et en tout temps mis en recouvrement. Un département, un district, une municipalité éprouvent-ils quelques malheurs? On diminue leur allivrement, ou Lien on augmente la livre livrante générale ; on leur tient compte du produit de cette augmentation: le Trésor public fait la même recette et cependant la contrée est soulagée. Demandent-ils à entreprendre quelque objet important? On examine la somme totale de leur allivrement, létaux de leur livre livrante, et l’on juge s’ils sont à même de se livrer à la dépense qu’il nécessite. Peu de projets peuvent être d’uné exécution aussi facile que celui-ci ; il mettra l’Assemblée nationale à portée de terminer bientôt ses travaux, de convoquer la prochaine législature et de se séparer pour aller faire exécuter les décrets qu’elle aura portés à cet effet; on lui propose de décréter ce qui suit : « L’Assemblée nationale décrète : « Pour le service de 1791, il sera fait un fonds de 500 millions. 11 sera, en conséquence, établi des impôts jusqu’à concurrence de 440 millions, attendu que les revenus de l’Etat s’élèvent d’ailleurs à 60 millions. « Ces impôts consisteront en un impôt du contrôle et centième denier de 30 millions. « Uû droit de timbre et marque de 30 millions. « Un droit des traites et douanes de 30 millions. « Un droit sur les consommations de 50 millions. « Un impôt personnel de 50 millions. « Un impôt sur les bâtiments de 50 millions. « Une contribution foncière de 200 millions. « Les corps administratifs et les municipalités fourniront à leurs dépenses particulières, au moyen de sols additionnels, pour un sixième à l’impôt personnel, pour un sixième à l’impôt des bâtiments, pourquatre sixièmes à la contribution foncière. Les municipalités pourront être d’ailleurs autorisées à établir pour leurs besoins particuliers tels octrois qu’il sera jugé convenable. Le comité des impositions donnera successivement des projets de décrets sur les impôts ci-dessus énoncés. » M. de La Rochefoucauld. La discussion s’est un peu égarée depuis quelque temps et je prie l’Assemblée de revenir à la question précise qui nous occupe en décrétant l’assiette et la répartition dé l’impôt. Il suffit pour cela de délibérer sur le titre Ier du projet de décret que nous vous avons soumis. On ne peut fixer en ce moment la somme de la contribution foncière. Les dépenses publiques ne sont pas suffisamment établies. Ce qu’il importe de définir, c’est le principe afin que les corps administratifs puissent travailler sur les bases que vous pouvez décréter tout de suite: M. Regnaud {de Saint-Jeati-d' Angèly). le croi» qu’On peut ainsi poser la question : sera-t-il établi Une contribution foncière? {On Murmuré dé toutes parts.) Messieurs, je dois à l'Assemblée ié tribut de ma pensée ; mon opinion peut être ëtroUée, mais je la dirai toujours avec la fermeté qui caractérise un homme qui veut le bien. M. Charles de Lameth. L'établissement d’une contribution foncière n’est contesté par personne; ce que nous recherchons tous, c’est le meilleur mode d’application. M. Rœderer. Ce n’est pas sur des surfaces et sur le nombre de têtes qu’il faut établir des impôts, comme vient de le proposer le premier orateur entendu dans cette séance, mais sur la richesse du sol. Je crois qu’il faut circonscrire la discussion si nous ne voulons pas perdre un temps précieux. M. d’Harambtire. Je propose dé continuer la discussion en laissant aux orateurs la plus grande liberté. Toutes les opinions doivent avoir le moyen de se produire. L’Assemblée décidera en dernier ressort. ( Voy.aux annexes de la sèancô les observations de M. d' Haramburé sur V impôt foncier . ) M. RoiipHIean. J’appuie la proposition de M. Rœderer ayant pour objet dé circonscrire lâ discussion au rapport de votre comité d’imposition. M. de Delley. La mesure serait trop rigoureuse. Je crois que la discussion doit porter principalement sur le projet de décret du comité, mais sans borner l’opinion de Ceux qui sont inscrits pour l’ordre de la parole. M. le Président consulte l’Assemblée qui adopte la proposition de M. de Delley. (M. Rey, député de fiéziers est appelé à la tribune et prononce un discours sur le mode d'impôt.) M. Rey, député de Béziers (1). Messieurs, après avoir examiné le plan du comité de t’irüpositiofl sur la contribution foncière et sur l’impôt personnel, j’ai aperçu la possibilité d’établir qu’il est contraire aux principes de la Gonstitutiod, injuste dans ses dispositions, vicieux dans ses formes. Mais j’ai cru qu’à une époque oü un nouveau régime est indispensable dans l’administration des finances, je vous montrerais en vain les dangers où ce projet expose la chose publique, si je n’indiquais, en même temps, les moyens de le3 éviter. Vous ne sere£ donc pas étonnés, Messieurs, de voir concourir avec la réfutation du plan du comité un autre projet, et les motifs qüi doivent, selon moi, le faire adopter. Je n’eom» :.s pas vous soumettre des vues générales sur cette importante question : l’embarras, en matière d’impôt, n’est pas dans le choix des principes qui doivent régler la marche du légis-(1) Le Moniteur a mentionné le discours do M. Rey, mais ne l’a pas inséré.