[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENT AIRES. | 2» M3 PIECES ET DOCUMENTS NON MENTIONNÉS AU PROCES-VERBAL, MAIS QUI SE RAP¬ PORTENT OU QUI PARAISSENT SE RAP¬ PORTER A LA SÉANCE DU 7 NIVOSE, AN II (VENDREDI 27 DÉCEMBRE 1793). I. Merlin (de Thionville) donne lecture d’une lettre que lui a adressée le GÉNÉRAL DE BRIGADE BEAUPUY (1). Compte rendu du Moniteur universel (2). Merlin donne lecture .d’une lettre que lui adresse le citoyen Beaupuy; elle est ainsi conçue : « Savenay, le 4 nivôse, l’an II de la Répu¬ blique française, une et indivisible. k Enfin, mon cher Merlin, elle n’est plus, cette armée royale ou .catholique, comme tu voudras ! J’en ai vu, avec tes braves collègues Prieur et Turreau, les débris, consistant en 150 cavaliers battant l’eau dans les marais de Montoire; et comme tu connais ma véracité, tu peux dire avec assurance que les deux combats de Savenay ont mis fin à la guerre fie la nou¬ velle Vendée, et aux chimériques espérances royalistes. « L’histoire ne nous présente point de com¬ bats dont les suites aient été plus décisives, Ab ! mon brave, comme tu aurais joui ! quelle attaque ! mais quelle déroute aussi ! Il fallait les voir, ces soldats de Jésus et de Louis XVII, se jetant dans les marais, ou obligés de se rendre .des 5 ou 600 à la fois, et Laugrenière pris, et les autres généraux dispersés et aux abois. « Cette armée, dont tu avais vu les restes de la terrasse de Saint-Florent, était redevenue formidable par son recrutement dans les dépar¬ tements envahis. Je les ai bien vus, bien exa¬ minés (j’ai reconnu même de mes figures de Cholet et de Laval), et à leur contenance et à leur mine, je t’assure qu’il ne leur manquait du soldat que l’habit. Des troupes qui ont battu .de tels Français peuvent se flatter aussi do vaincre des .peuples assez lâches pour se réunir contre un seul, et encore pour la cause des rois! ! ! Enfin, je ne sais si je me trompe, mais cotte guerre de brigands, de paysans, sur laquelle on a jeté tant de ridicule, que l’on dédai¬ gnait, que l’on affectait de regarder comme si méprisable, m’a toujours paru pour la Répu¬ blique� grande partie, et il me semble à présent, (1) La lettre du général de brigade -Beaupuy n’est pas mentionnée au procès-verbal de la séance du 7 nivôse an II ; mais on en trouve des extraits dans les comptes rendus de cette séance publiés par les divers journaux de l’époque. (2) Moniteur universel [n° 99 du 9 nivôse an II (dimanche 29 décembre 1793), p. 398, col. 3], D’autre part, le Journal des Débals el des Décréls (nivôse an II, n° 465, p. 106) et le Journal de Perlel [n° 462 du 8 nivôse an II (samedi 28 décembre 1793), p. 219] mentionnent que la lettre du général Beau¬ puy lut accueillie ,par des .applaudissements. Le Journal des Débats el des Decrets ajoute qu’elle fut lue par Bourdon fde l'Oise), secrétaire. qu’avec nos autres ennemis nous ne ferons plus .que peloter. « Adieu, brave Montagnard, adieu ! Actuelle.* ment que cette exécrable guerre est terminée, que les mânes de nos frères sont satisfaits, je vais guérir; j’ai obtenu de tes confrères un congé, qui finira au moment où la guerre recom¬ mencera. I « Le général de brigade, « Béai; Pur. » Merlin (de Thionville). C’est pourtant à ce même Beaupuy, à ce brave officier, qui s’est battu, à Cholet, en combat singulier ayec pn efief fies brigands; c’est à Marigpy, le plus intré¬ pide des hommes; c’est à plusieurs autres offi¬ ciers de l’armée de Mayence, incorporée à celle de l’.Ouest, que le ministre de la guerre s’obstine à refuser les brevets fies nominations faites pro¬ visoirement par les représentants .fin peuple. Il faut que la Convention, usant de la plénitude fie ses pouvoirs, ôte aux agents, appelés encore ministres, la nomination fies officiers. Au sur¬ plus, je demande que le comité de Salut public examine ma proposition. Goupilleau (de Montaigu)- Je soutiens qu’il u’y a pas d’exemple que le ministre fie la guerre ait confirmé les promotions ou nominations faites par les représentants fin peuple. Merlin (de Thionville). Je demande que la Convention nationale ôte aux ministres la nomi¬ nation des premiers officiers de l’armée et que le Comité de Salut public examine ma proposi¬ tion, et présente des moyens d’exécution. Goupilleau (de Mont&igu). Je demanfie que la Convention confirme provisoirement les promotions faites par les représentants du peuple. Un membre. L’objet qui vous occupe est fort simple. Quand vous avez envoyé des représen¬ tants du peuple dans les départements, vous les avez investis fie pouvoirs illimités. Il faut que les patriotes jouissent provisoirement de l’effet des mesures qu’ils ont prises. Bourdon (de l’Oise). Je demande le renvoi de cette proposition au comité de Salut public, pour en faire le rapport au plus tôt. (Décrété.) LI. Le citoyen Maillard, fonctionnaire public de Lan grès, se plaint -de ce que cette COMMUNE A DÉCLARÉ NU;LS TOUS LES ACTES PAR LUI PASSÉS SOUS LE NOM DE SOCRATE Maillard (1). Compte rendu du Journal de la Montagne (2). Thibeaudeau donne lecture d’une lettre d’un juge de paix de Nantes qui se plaint de ce que (1) La plainte du citoyen Maillard n’est pas mentionnée au procès-verbal de la séance du 7 nivôse an II; mais il y est fait allusion dans le compte rendu de cette séance publié [par divers journaux de l’époque. (2) Journal de la Montagne fn° 46 du 9 nivôse an IJ (dimanche 29 décembre 1793), p. 367, col. I]. D’autre part le Mercure universel [8 nivôse an II 404 [Convention nationale.] le département a cassé tous les actes qu’il avait signés, en faisant précéder son nom de famille de celui de Socrate. Thibaudeau observe à ce sujet que depuis qu’on a commencé à changer de nom, une foule d’aristocrates ont usé de ce moyen pour mas¬ quer leurs sentiments, profanant ainsi ce que l’antiquité nous avait transmis de plus respec¬ table. Il demande que le comité de législation soit chargé de présenter un projet qui déter¬ mine les cas où le changement de nom pourra être permis. Danton appuie cette motion. Il pense que ce n’est qu’après la mort que l’on peut prononcer s’il y a de l’analogie entre un moderne et un ancien, parce qu’ alors la prévention et la flatterie n’égarent plus les suffrages. On ne sau¬ rait, cependant, continue-t-il, empêcher un homme de rougir du prénom qu’on lui a donné sans le consulter, ni lui faire un crime de ne vouloir plus s’appeler Claude ou Georges. Mais à présent qu’il n’y a plus de saints, qu’il choi¬ sisse dans le nouveau calendrier et prenne telle dénomination qu’il voudra, pourvu que le nom de famille soit conservé, car autrement ce sera bouleverser l’ordre social. Il est décrété qu’on ne pourra changer son nom de famille et que le changement ne sera permis qu’à l’égard du prénom, d’après le mode qui sera présenté par le comité de légis¬ lation. (samedi 28 décembre 1793), p. 122, col. 1] et le Journal de Perlel [n° 462 du 8 nivôse an II (samedi 28 décembre 1793), p. 219j rendent compte de la plainte du citoyen Maillard dans les termes suivants : I. Compte rendu du Mercure universel. Le conseil de la commune de Langres a cassé les actes d’un président du bureau de conciliation qui avait pris le nom de Socrale pour prénom. Un membre fait observer que maintenant les aristocrates prennent des noms de républicains. Il veut que cela leur soit défendu. Danton fait observer que les noms fameux de l’antiquité ne peuvent être raisonnablement adoptés par personne. Ces tournures de noms ampoulés ne montrent que mieux, dit-il, la nullité de l’individu qui le porte. Il est des aristocrates qui boivent fort bien la ciguë dans des verres dorés. Je propose que l’Assemblée décrète que nul ne pourra adopter de prénoms s’il ne les prend dans le nouveau calen¬ drier. (On ril.) L’Assemblée renvoie cette proposition à son comité pour en faire un rapport. II. Compte rendu du Journal de Perlel. Maillard, fonctionnaire public de Langres, se plaint de ce que cette commune a déclaré nuis tous les actes par lui passés sous le nom de Socrate Maillard. Danton demande à ce sujet que nul ne puisse changer de nom, mais seulement de prénom, en lui substituant toutefois un pris dans le nouveau ca-[ondrier. Le tout en renvoyé aux comités de législation et de Salut public. 7 nivôse an U 11 décembre 1 793 Suit le texte de V arrêté du conseil général de la commune de Langres qui a donné lieu à la plainte du citoyen Maillard (1). A la Convention nationale. Extrait du registre des délibérations du conseil général de la commune de Langres, en la séance du conseil général de la commune de Langres, du 23 frimaire, l’an II de la République fran¬ çaise, une et indivisible. Le citoyen maire a donné lecture d’une péti¬ tion, adressée au conseil général de la commune par le citoyen Denis-Pierre Maillard, et son élève Clément, enfant de la patrie, dont la teneur suit : « Citoyens, « Au moment où la raison guidée par la phi¬ losophie, marche en souveraine sur la terre de la liberté, où le fanatisme expirant descend dans le tombeau de la tyrannie, où la véritable religion, qui n’est que la soumission aux lois et l’observance des devoirs sociaux, triomphe de l’erreur, de la tradition mensongère et sacerdo¬ tale, les républicains doivent professer publique¬ ment les principes de la vérité depuis si long¬ temps enchaînés par l’ignorance, les préjugés et la superstition. « J’en veux donner l’exemple, en me débap¬ tisant des deux noms Denis et Pierre, qui, dans les fables anciennes, n’offrent, Denis le guillo¬ tiné, que le charlatanisme du miracle, dont la traduction physique est mensonge, et Pierre que le caractère de l’imposteur. Je vous demande le baptême civil, et le nom de Socrate, le véri¬ table apôtre de la vertu. C’est lui qui a démon¬ tré avec tant d’évidence la nécessité de se tenir dans un état de guerre contre ses passions, et dans un état de paix contre les passions des autres. « Je vous demande aussi le baptême civil pour un enfant naturel de la patrie, nommé Clément, que je vous ai demandé, et que vous avez confié à mes soins paternels, il y a un an. « Cet enfant, dont le cœur s’est conservé pur, quoique élevé dans le fanatisme et l’aristocra¬ tie, prouve qu’il faut étrangement violer la nature, pour lui imprimer les caractères du vice et de l’erreur. Aimant la vérité, chérissant la vertu, il consume sa jeunesse à regretter de ne pouvoir atteindre que dans six ans l’âge où il sera admis à signaler dans les combats contre les tyrans, son amour pour la liberté et l’égalité. « Avec une grande justesse d’esprit, il appré¬ cie, il admire les héros de l’antiquité et de la Eépublique française. Il est convaincu que les fondateurs des Eépubliques, tant anciennes que modernes, n’ont pu y parvenir qu’avec des talents et un génie supérieur; mais les phi¬ losophes qui n’ont pour essence que la vertu, pour sujet d’étude que la nature, pour but que la vérité, sont les seuls patrons qu’il veut désor¬ mais invoquer et qu’il se propose pour mo¬ dèle. (1) Second supplément au Bulletin de la Conven¬ tion nationale du 7 nivôse an II (vendredi 27 dé¬ cembre 1793). ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j