454 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 juin 1790.] M. Chabroud, organe du comité des rapports. ' Les officiers municipaux de Riom ont été nommés le 7 février. Les citoyens réunis au mois d’avril pour établir la garde nationale se sont formés en assemblée délibérante et ont nommé une nouvelle municipalité. Le comité des rapports, pour mettre un terme à l’anarchie qui résulte d’un tel état de choses, vous propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir ouï son comité des rapports, a décrété et décrète que nonobstant toute nomination d’officiers municipaux qui serait prétendue avoir été faite dans la ville de Riom, depuis et au préjudice de celle constatée par les procès-verbaux du 7 février dernier et jours suivants, celle-ci sera exécutée suivant sa forme et teneur : enjoint à la commune de reconnaître les officiers municipaux nommés dans lesdits procès-verbaux, et défend à toutes personnes de les troubler dans l’exercice de leurs fonctions, sauf les voies de droit, s’il y a lieu, contre cette nomination. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. Périer, député de Châteauneuf en Thi-merais , demande à l’Assemblée la permission de s’absenter. M.de Malidc, évêque et député de Montpellier, adresse une demande semblable. Ces deux congés sont accordés. M. Relley, secrétaire , annonce que la ville de Lyon offre d’acquérir pour vingt millions de domaines nationaux. Cette soumission est renvoyée au comité d’aliénation. M. Delley fait lecture d’une délibération des officiers municipaux de Vienne, contenant dénonciation de l’envoi fait par les soi-disant catholiques de Nîmes, de leur déclaration du premier de ce mois, aux syndics des corporations. M. Vernier, rapporteur du comité des finances. La ville de Lyon est dans un état très inquiétant: elle s’est adressée à l’Assemblée nationale pour obtenir des secours. En 1788, le déficit était de 36,493 liv. : sa dette en capital est de 32,000,000 de livres cette dette a été formée parles dons gratuits que demandaient les ministres, et qu’on était obligé de les supplier d’accepter. Le revenu de la ville est formé par des octrois sur les soies, qui rapportaient 2,200,000 liv. Le produit de cette perception a essuyé cette année une très grande diminution. Les circonstances ont forcé la ville de Lyon à des dépenses considérables: elle est créancière de l’Etat d’une somme de 2,000,000 de liv. en deux contrats qui ne produisent que 100,000 liv. d’intérêt net. La ville de Lyon demande: 1° que ces contrats lui soient remboursés, non à raison des intérêts, mais à raison du capital ; 2° que ses dettes soient déclarées dettes de la nation. Le comité ayant fait connaître qu’il serait impossible d’accorder aucune de ces demandes, la ville de Lyon sollicite la permission d’emprunter 5 millions, pour payer au mois de juillet l’intérêt de ses capitaux, et de prendre 600,000 livres sur les deniers publics. Le comité, après avoir apprécié ces demandes,' propose de les accueillir. M. Perissè-Dnlnc. La situation des finances de la ville de Lyon était améliorée depuis quelques années : sa dette est ce qu’elle était il v a longtemps. Le gouvernement l’avait chargée” de percevoir des octrois sur les soies ; elle a éprouvé un déficit sur cet objet. Le trésorier de la ville de Lyon a avancé 1 ,400,000 liv. : il vient de donner sa démission; il faut les rembourser. La destruction des barrières a occasionné sur l’octroi une perle de 600,000 liv. C’est pour ces deux objets que l’emprunt de 2,000,000 de livres est nécessaire. Le décret proposé par M. Vernier, au nom du comité des finances, est adopté en ces termes: « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances, voulant donner à la ville de Lyon un témoignage particulier qu’elle prend à la prospérité de ses manufactures, de son commerce et de son crédit, autorise les officiers municipaux de ladite ville à faire un emprunt de deux millions, soit en France, soit à l’étranger , aux conditions les plus favorables qu’ils trouveront convenir, sous la condition expresse de pourvoir à ce que le remboursement de ladite somme soit fait dans dix ans, à commencer de 1791, en acquittant chaque année un dixième du capital et des intérêts, ou par une économie sur les revenus de la commune, ou par la voie de l’imposition additionnelle ; et à défaut, par les administrateurs et officiers municipaux, d’avoir pourvu audit remboursement annuel, ils en demeureront responsables ; et, au surplus, à charge de rendre compte de l’emploi. » M. le Président. Je dois faire part à l’Assemblée d’une lettre qui m’a été adressée par M. d’Au-busson de La Feuillade qui réclame comme une propriété de famille les quatre esclaves de bronze enchaînés, placés aux pieds de la statue de Louis XIV, place des Victoires, et dont l’enlèvement a été ordonné par l’Assemblée. La lettre deM. d’Aubusson de La Feuillade se termine ainsi : « J’ai trop d’années et trop peu de talents pour me flatter de pouvoir être aujourd’hui un citoyen utile ; mais je puis, du moins, me flatter avec justice d’être le doyen le plus zélé et le plus sincère des amis de la Constitution. » (Cette lettre est renvoyée au comité des domaines.) M. Gossin, rapporteur du comité de Constitution, donne lecture du projet de décret suivant qui est adopté sans discussion : « L’Assemblée nationale décrète que l’élection des juges consuls, dans toutes les villes où ils sont établis, se fera provisoirement comme ci-devant, jusqu’à l’organisation de l’ordre judiciaire. » M. de La Rochefoucauld, député de Paris, rapporteur du comité d'aliénation. Votre comité a reçu deux adresses, l’une de la municipalité de Paris, l’autre des 60 districts. Toutes les deux sont relatives à l’aliénation des biens nationaux et c’est pour répondre aux vœux qui nous sont manifestés que nous vous proposons le décret suivant: « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le compte qui lui a été rendu par le comité qu’elle a chargé de l’aliénation des domaines nationaux, des adresses de la municipalité provisoire et des députés des soixante sections de la ville de Paris ; et rendant justice aux sentiments patriotiques exprimés dans ces adresses, « Autorise son comité à continuer de traiter (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 juin 1790.] 455 avec les commissaires nommés par les soixante sections, et munis de leurs pouvoirs, pour la vente des domaines nationaux dont ils ont donné ou donneront la désignation, et pour toutes les opérations relatives à cette vente ; et ce, jusques au moment où la nouvelle municipalité aura été élue, conformément aux décrets de l’Assemblée : se réservant l’Assemblée nationale de statuer incessamment sur les formes qui devront être suivies pour les reventes de ceux de ces domaines qui auront été acquis, au nom de la commune de Paris, par ses commissaires. » (Ce projet de décret est mis aux voix et adopté.) M. Se Président. L’ordre du jour est maintenant la discussion du projet de décret proposé par le comité d'aliénation sur la vente des domaines nationaux aux particuliers (1). M. de La Rochefoucauld, député de Paris , rapporteur. Nous vous avons présenté un projet de décret sur la vente des domaines nationaux aux particuliers. M. l’évêque d’Autun a présenté une série d’articles pour remplacer l’article 14. Nous nous sommes réunis à une section du comité des finances pour examiner ces articles ; et nous vous en rendrons compte dans une huitaine de jours. Nous recevons sans cesse des soumissions de particuliers. Il faut prendre un parti sur les demandes qui sont faites ; c’est l’objet des articles qui vont être soumis à votre discussion. L’esprit de ce décret est de mettre le plus de citoyens possible à portée d’acquérir des domaines nationaux, et d’obtenir un meilleur prix par une plus grande concurrence. Je donne lecture de l’article 1er : « L’Assemblée nationale, considérant que l’aliénation des domaines nationaux est le meilleur moyen d’éteindre une grande partie de la dette publique, d’animer l’agriculture et l’industrie, et de procurer l’accroissement de la masse générale des richesses par la division de ces biens nationaux en propriétés particulières, toujours mieux administrées, et par les facilités qu’elle donne à beaucoup de citoyens de devenir propriétaires, a décrété et décrète ce qui suit: « Art. 1er. Tous les domaines nationaux dont la jouissance n’aura pas été réservée au roi, ou la conservation ordonnée par l’Assemblée nationale, ou qui ne feront pas partie des 400 millions qui seront incessamment vendus aux municipalités, en exécution du décret du 14 mai de la présente année, pourront être aliénés en vertu du présent décret, et conformément à ses dispositions. » M. Martineau. Cet article est inadmissible : on ignore les biens qui seront réservés. Les particuliers ne peuvent pas faire de soumissions. On excepte aussi les 400 millions des municipalités; mais qui pourra distinguer ces biens? Les deux exceptions rendent le décret inutile. Il faut ajourner cet article à bref délai, et ne faire qu’un seul et unique décret sur le payement des biens nationaux et sur ceux de ces biens qui ne sont pas compris dans la vente ordonnée. M. Rewbell. Je demande l’ajournement dans un autre sens que M. Martineau. Vous avez décrété une vente de 400 millions seulement. Aujour-(1) Voyez le rapport de M. de La Rochefoucauld du 12 juin 1790, Archives parlementaires, t. XVI, p. 207. d’hui on demande la vente de la totalité des biens nationaux. Cette vente générale empêchera celle des 400 millions. Il faut attendre que les municipalités aient revendu; sans cela elles ne pourront revendre. Je demande l’ajournement jusqu’à ce qu’il soit justifié de la vente aux municipalités, et de la revente par elles à des particuliers. M. Delley d’Agier. Par l’article 2 du décret du 14 mai vous nous avez chargés de recevoir les soumissions des particuliers; elles sont arrivées ; votre comité vous demande aujourd’hui ce qu’il doit en faire ? M. de Follevllle. Outre les rapports sous lesquels MM. Martineau et Rewbell vous ont montré que le décret proposé était prématuré, j’en vois un autre que j’ai l’honneur de proposer à l’Assemblée: le rapporteur vous a dit qu’il proposait de statuer sur tous les articles du décret à l’exception de l'article 14 par lequel il doit être prononcé sur les valeurs à admettre en payement; et moi je demande que le décret soit ajourné jusqu’à ce que l’article 14 ait été rédigé, de manière à ce que toutes les valeurs à admettre en payement soient parfaitement définies. Dans ce nombre, je pense que vous admettrez au premier degré les dîmes inféodées. L’affinité de ces propriétés avec les biens nationaux, le respect pour la déclaration des droits de l’homme si éloquemment invoqués par M.Barrère et Le Chapelier, lorsque ce sujet fut traité, ont été sentis de manière à me persuader que l’indemnité préalable et équivalente, due aux propriétaires des dîmes inféodées , seront admis en concurrence avec les autres valeurs. Je demande donc que l’évaluation et liquidation de ces propriétés soient faites par les départements qui, peu occupés aujourd’hui, peuvent se livrer à ce soin sur la réquisition des particuliers qui se présenteront à cet effet, et que le projet de décret soit ajourné au moment où la fixation de ces valeurs sera déterminée pour être rapportée avant lui ou ensemble. M. de l�a Rochefoucand, rapporteur . Beaucoup de particuliers, m’envoyant des offres, ont proposé de payer en argent, ou dans des termes très courts. Notre silence laisserait un très grand embarras dans leurs affaires. Il faut leur répondre, et dire si leurs offres seront admises ou rejetées. On ne peut donc ajourner. Je propose d’ajouter à la fin de l’article, ces mots : « L’Assemblée nationale réservant aux assignats-monnaie leur hypothèque spéciale. » M. liiicas ( de Moulins). Je suis du nombre de ceux qui ont fait des soumissions : j’en ai présenté pour un grand nombre de particuliers ; il est nécessaire que je sache si elles seront acceptées. M. l'abbé Maury. J’ai l’honneur d’être député par votre comité des finances au comité d’aliénation. J’ai reçu deux avis par lesquels on m’annonçait que le travaille ce comité était remis à demain. Je vais vous faire hommage de mes réflexions. L’opération qu’on vous propose est le chef-d’œuvre de l’agiotage, et jamais les agioteurs n’ont formé de projets plus funestes. Je vais vous révéler leur secret. Les agioteurs de Paris sont en possession de gouvernerîle royaume et l’administration des finances. Ils sont ruinés quand les effets sont au pair. Que leur faut-il? Que les effets haussent ou baissent, sans cela ils ne peuvent faire.de spéculation.