340 [Assemblée nationale.] ARCHIVES Pj dans quelques municipalités du contreseing de J 'Assemblée. A cette lettre est joint un des paquets, effectivement timbré de Beauvais, et scellé du cachet de l’Assemblée. Un membre observe que ces paquets ont vraisemblablement été adressés par des députés de V Assemblée nationale à la munici palité de Beauvais, chef-lieu d’un département, pour être par elle envoyés aux municipalités des chefs-lieux de ses districts, et qu’ils peuvent contenir des instructions pour la formation des assemblées de district et de canton ; ce qui s’est ainsi pratiqué pour plusieurs autres départements. Cette réflexion détermine l'Assemblée à renvoyer la lettre et le paquet adressés à M. le Président par M. d’Ogny, aux députés du département de l’Oise , lesquels rendront compte à l’Assemblée, de ce qui a donné lieu à l’envoi de Beauvais des quatorze paquets contresignés de son cachet. M. Baron, membre du comité des domaines , expose à l’Assemblée les abus des échanges faits depuis quelques années -, lui propose de suspendre l’exécution de ceux qui ne sont pas encore consommés ; et, pour cet effet, il présente un projet de décret qui est adopté par l’Assemblée et qui est conçu en ces termes : « L’Assemblée nationale, après avoir ouï son comité des domaines, a décrété et décrète qu’il sera sursis à toutes opérations relatives aux échangesdes domainesde lanation non consommés, et notamment à l’expédition et au sceau de toutes lettres de ratification de ces échanges , jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné par l’Assemblée. » M. l’abbé Gouttes présente, au nom du comité de liquidation, un projet de décret relatif à la lettre de M. de La Tour-du-Pin. Ce projet est ainsi conçu : « Les appointements des officiers de l’état-major des places frontières, pour 1789, seront compris dans les dépenses courantes, et comme tels acquittés par le Trésor royal. L’Assemblée n’entend comprendre dans cette disposition que les lieutenants de roi, majors, aides-majors, sous-aides-majors, capitaines des ports et autres officiers subalternes qui sont en pleine activité de service. » M. Camus fait lecture de quelques-uns des articles des états des paiements faits au Trésor royal, pour le département de la guerre, depuis le l*r janvier au 4 mars. A la date du 18 janvier, c’est-à-dire quatre jours après le décret qui défendait toute espèce de paiement, se trouve M. le prince de Confié, pour son gouvernement de Bourgogne, 35,000 livres pour les six premiers mois et les six derniers mois de 1788; M. le duc de Bourbon, gouverneur de Champagne, 31,510 livres; M. le duc du Châtelet, gouverneur du pays de Toul, 28,000 livres. Les deux états réunis forment un total de 620,471 livres 13 sous. M. Camus propose de mander sur-le-champ à la barre le caissier de l’extraordinaire des guerres, pour qu’il rende compte des ordres en vertu desquels il a fait les paiements contenus dans les deux états déposés au comité de liquidation, et pour exhiber lesdits ordres. M. fréteau observe que ce décret ne peut être exécuté sur-le-champ, parce qu’il doit être envoyé ELEMENTAIRES. [24 mars 1790.] à la sanction ; l’Assemblée n’ayant point encore établi que cette formalité n’est pas nécessaire en pareil cas. M. Camus. Par un décret sanctionné , il est ordonné à tous les ordonnateurs des départements de remettre aux différents comités toutes les pièces et renseignements qui seront demandés ; la faculté accordée aux comités n’appartient-elle pas, de plein droit, à l’Assemblée, et n’est-il pas en ce moment uniquement question de renseignements nécessaires pour une opération aussi pressante que celle dont les comités sont chargés ? M. Target. Les observations du préopinant sont extrêmement justes : un fait vient encore à leur appui. L’Assemblée a déjà jugé la question, en ne faisant point sanctionner le décret par lequel, dans le mois de novembre, M. le garde des sceaux a été mandé. (La proposition de M. Camus est mise aux voix et décrétée.) M. le duc du Châtelet. Quand hier j’ai été interpellé, j’ignorais que celui qui est chargé de mes affaires eût touché plus de 3,000 livres ; il a encore reçu 2,655 livres. 11 n’est pas étonnant que je n’en aie pas été instruit, parce que celte somme ne lui a été remise que le 20 de ce mois, et je ne compte pas tous les jours avec lui. C’est au Trésor royal à savoir ce qu i! doit payer, et non à des gens d’affaires, dont toute la mission est de recevoir. Les 3,000 livres dont il était hier question m’ont été données en vertu d’uu décret de l’Assemblée. Je demande qu’il me soit permis de faire un don patriotique des 2,655 livres dont je parle aujourd’hui. M. Devillas. Si M. le duc du Châtelet a reçu ce qui lui est légitimement dû, ou ne peut accepter son offre; les circonstances lui donneraient l’apparence d’un don forcé. S'il a reçu ce qu’il ne devait pas recevoir, il ne peut donner : c’est une restitution qu’ii doit faire. M. Voidel. Je demande comment il se fait que M. le duc du Châtelet se trouve pour 28,000 livres sur l’état des paiements de l’extraordinaire des guerres; je demande encore s’il est possible qu’il ait reçu, soit de l’argent, soit des ordonnances de paiement, sans avoir fourni ses quittances. M. le duc du Châtelet. Le préopinant ne connaît pas les arrangements d’usage, On remet à un homme d’affaires des blancs-seings pour toucher; les blancs-seings sont arrangés de manière qu’il ne puisse pas en user pour un autre objet. J’ai vu ce matin des ordonnances payables de mois en mois, qui auraient été payées à mon homme d’affaires, à mesure qu’elles se trouveront sur les rôles de distribution. On a dit hier que les gouvernements étaient donnés à la faveur. Je serais bien fâché d’avoir ainsi obtenu les grâces dont je jouis. Cinquante ans de service, un coup de fusil à travers le corps, six campagnes, huit ans d'ambassades; voilà mes titres. M. Garat l'ainé. Quand un fait est sujet à deux interprétations, l’une bonne et l’autre mauvaise, la justice et la raison veulent qu’on s’arrête à la première; et rien n'est digne de cette Assemblée que ce que veut Ja raison, que ce que veut la justice. Il suffit que M. du Châtelet atteste les détails qu'il nous a donnés, pour que nous n’en doutions 341 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mars 1790.] point. Attendu les circonstances particulières du don qu’il a offert, pour la délicatesse même de M. du Châtelet, nous ne devons pas l’accepter. M. le duc du Châtelet. J’affirme sur mcm honneur que les détails que j’ai donnés sont vrais. Si on le croit plus convenable, je retirerai les 2,655 livres déposées sur le bureau des dons patriotiques, et je remettrai cette somme au caissier de l’extraordinaire des guerres. (On revient à la discussion du projet de décret présenté par le comité de liquidation.) M. d’Estourmel demande qu’on ne dise pas places frontières , mais places de guerre. M. de Sinéty demande que les officiers généraux, commandants de place, actuellement en activité et en résidence, soient compris dans les dispositions du décret. M. Delley d’Agier. Il faut faire un article particulier, dans lequel on dira que toutes les fois qu’il se trouvera dans les places, soit de l’intérieur, soit des frontières, des officiers dont les appointements pourront être considérés comme des pensions de retraite, ces appointements seront payés dans la proportion ordonnée par les décrets relatifs aux pensions. M. d’Harambure. La demande du ministre n’a rapport qu’aux états-majors des places frontières; il faut se renfermer dans les bornes de cette demande. M. de Cazalès. Aux termes de vos décrets, on ne peut pas plus suspendre les appointements de toute personne en activité de service, officiers supérieurs ou subalternes dans les places, soit frontières, soit intérieures, que ceux des officiers qui sont à leurs régiments. M. d’Harambure. Il ne doit pas être ici question des officiers généraux, pour lesquels il n’y a rien d’arriéré. M. Démeunier. Il faut mettre aux voix le décret présenté, et ne rien préjuger quant aux officiers généraux et quant aux places qui ne sont pas frontières. L’Assemblée ajourne à vendredi, et ordonne au comité de liquidation de prendre sur ces deux objets les renseignements nécessaires. — Le caissier de l’extraordinaire des guerres est introduit à la barre. M. le Président lui expose les motifs pour lesquels il est mandé. Le caissier de V extraordinaire des guerres. Nous ne connaissons pas les ordres sur lesquels les paiements sont faits; nous payons sur les mandats des administrateurs ou de leurs représentants : les administrateurs conservent les ordres. M. Camus. L’Assemblée désire savoir par qui sont signés les mandats. Le caissier de V extraordinaire. Us sont signés par l’administrateur. M. Camus. Quel est l’administrateur? Le caissier de l'extraordinaire. M. de Biré, ou «es représentants. M. Camus. Eh bien! c’est M. de Biré qu’il faut demander. — Comment paie-t-on? est-ce-en billets, en argent, ou en ordonnances ? Le caissier de l'extraordinaire. Dès que les objets dont il s’agit sont portés sur l’état comme acquittés, ils ont été payés en argent ou en billets, Quand j’ai fait les paiements, je remets les mandats au caissier général; il me donne sur mon bordereau une décharge, et je ne connais rien de plus. M, l’abbé Maury. C’est manquer essentiellement à la majesté de cette Assemblée, que de faire subir des interrogatoires sans préparation... (A ce mot, il s’élève un murmure général : M. l’abbé Maury n’achève pas.) M. Camus présente au caissier de l’extraordinaire la copie des états qui ont été remis au comité de liquidation. M. Camus. Voilà des états; monsieur ne les nie pas : il convient que, puisqu’ils ont été fournis, ils ont été payés par lui. — M. de Biré ou son représentant sont-ils en état de nous donner des éclaircissements? Le caissier de l'extraordinaire. 11 n’y a pas de doute. (Le caissier de l’extraordinaire des guerres se retire.) M. Ce Chapelier. Je suis d’avis, ainsi que M. Camus, que M.de Biré doit être mandé sur-le-champ. J’observe à M. I’abbé Maury qu’il n’est nullement contraire à la majesté de cette Assemblée de demander des éclaircissements sur des objets qu’il est de notre devoir d’examiner avec la plus sérieuse attention. J’observe encore que l’Assemblée peut, sans blesser sa dignité, interroger les personnes en état de lui donner les éclaircissements dont elle a besoin : j’ajoute que, pour beaucoup de motifs, l’Assemblée ne doit pas différer d’un instant à mander M. de Biré. M. l’abbé Maury monte à la tribune. L’Assemblée consultée lui refuse la parole. Elle ordonne, à une grande majorité, uniquement formée par le côté gaucbe, queM. de Biré sera mandé sur-le-champ. M. le Président. M. Dubois de Crancé a la parole, pour faire un rapport au nom du comité des finances , sur la contribution patriotique du quart des revenus. M. Dubois de Crancé (1). Messieurs, dans un temps où l’extrême besoin ne s’était pas encore fait sentir, maisdont votre prévoyance calculait les dangers, vous avez voté la contribution du quart des revenus, et cette offrande à la patrie a été répétée avec enthousiasme par nos commettants jus-ques dans les plus petites bourgades. Par un second décret vous avez ordonné l’impression des listes de tous les contribuants, ainsi que des sommes par eux offertes, afin de soumettre à l’opinion publique l’appréciation des efforts, que, relativement à sa fortune, chaque citoyen ferait pour le salut de la patrie. (1) Le Moniteur ne donne qu’ane analyse de «• rapport.