238 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 14 Sur la motion d’un membre [BARRAS], la Convention nationale décrète que son comité d’agriculture, chargé de l’affaire du citoyen Vincent Denis, cultivateur à Brienon-sur-Armance (1), lui en fera sous trois jours le rapport, et lui présentera un projet de décret (2). 15 Sur la pétition de la citoyenne Panchard, convertie en motion par un membre, la Convention nationale rend le décret suivant : La Convention nationale, sur la pétition de la citoyenne Panchard, arrêtée ainsi que ses deux filles par ordre de Le Bon, décrète le renvoi de cette affaire au représentant du peuple dans le département de Seine-et-Marne pour y statuer définitivement (3). 16 La Société populaire de Chaumont, département de la Haute-Marne, sollicite des mesures sévères contre les prisonniers ou déserteurs des nations étrangères répandus dans les campagnes. Un membre [BEAUCHAMP] observe qu’effectivement les déserteurs et prisonniers de guerre divaguent dans les départe-mens pour piller, menacer et assassiner; que les craintes les plus grandes et les mieux fondées tourmentent les habitans des campagnes, plus particulièrement exposés aux entreprises de ces brigands. Il demande le renvoi de son observation aux comités réunis de salut public et de la guerre, pour présenter dans trois jours à la Convention nationale un projet de décret sur cet objet. Décrété (4). DELCHER a dit ensuite que, dans le département de la Haute-Loire, des prisonniers pié-montais donnent des inquiétudes aux habitans des campagnes; que, dans la petite commune de Monitrol, on en a placé deux cents, et que ces vils esclaves se répandant au-dehors, ont semé des chapelets, des agnus, pour fanatiser les citoyens crédules. D’autres députés ont cité des faits à peu près semblables, et la société populaire de Chaumont, département de la Haute-(1) Sic pour' Brienon-sur-Armançon (ci-devant Brienon-L’Archevêque, Yonne). (2) P.-V., XLIII, 68-69. Décret n° 10 283. Rapporteur: Barras. (3) P.-V., XLIII, 69. Décret n° 10 286. Sans nom de rapporteur dans C* II 20, p. 244. La minute est de la main de Barras dans C 311, pl. 1 225, p. 17. (4) P.-V., XLIII, 69. Décret n° 10 272, sans nom de rapporteur. Repris par le décret n° 10 292. Rapporteur : Beauchamp. J. Mont., n° 99; Ann. patr., n° DLXXXIII; J. Perlet, n° 683; Audit, nat., n° 682; J. Fr., n° 681. Marne, est venue à l’appui, et elle a demandé qu’un prompt échange délivre la République de ces hommes dangereux en lui rendant pareil nombre de défenseurs de la liberté. GOULY et plusieurs autres vouloient qu’on tînt en chartre privée les prisonniers et les déserteurs; mais cet avis a été renvoyé à l’examen des comités de salut public et de la guerre (1). 17 Un membre [PELET], au nom des comités des domaines et d’aliénation, réunis, fait un rapport, et présente un projet de décret : l’impression est ordonnée. Un membre obtient la parole, et demande que le gouvernement révolutionnaire soit perfectionné; que le code des lois soit clairement rédigé; et que les membres de l’assemblée, éclairés sur ces matières, soient invités à proposer leurs plans, leurs idées, les fruits de leurs recherches et de leur expérience, à un comité nommé pour les recevoir, les analyser, et en faire l’usage le plus avantageux. La Convention nationale décrète l’impression du discours (2). PELET : Citoyens, c’est dans les grands événements que le législateur puise ses instructions les plus précieuses; c’est en examinant avec soin quels mouvements les ont amenés, et par quelles causes ils ont été produits, que le vrai philosophe s’éclaire sur la connaissance des hommes; c’est enfin en combinant tous les effets qu’ils pourraient avoir et les suites qu’ils ont eues, que ceux qui sont appelés à la tête d’un gouvernement doivent asseoir leurs principes et travailler d’après eux au bonheur et à la prospérité de leur patrie. L’attentat exécrable préparé pour nous anéantir, le 10 thermidor, pour faire triompher le crime, pour subjuguer le peuple après l’avoir trompé; ce malheur qui, deux heures plus tard, aurait perdu la République, et auquel vous avez échappé vous-même par votre prudence, votre surveillance extrême, et votre imposante énergie, prouve que les intrigants, les ambitieux sont véritablement les ennemis les plus dangereux de la chose publique, et que, pour arriver au but si difficile que vous voulez atteindre, ce sont eux principalement que vous devez renverser. Une république fondée en principes immuables, conduite sans passions, gouvernée sans intrigues, serait le chef-d’œuvre de l’esprit humain; et ce sera lorsque vous l’aurez ainsi établie que vous verrez tous les peuples de la terre admirer votre ouvrage, envier votre bonheur, et vous prendre partout pour exemple. (1) C. uniu., n° 949; Ann. R.F., n° 249; J. Sablier (du soir), n° 1483; Mess. Soir, n° 717; F.S.P., n° 398; J. Paris, n° 584; M.U., XLII, 318-319. Les gazettes lient ce n° 16 au n° 20, ci-dessous, la discussion sur l’affaire du Lot, ayant, à leurs dires, entraîné un débat sur la situation des prisonniers. (2) P.-V., XLIII, 69. Décret n° 10 293. Rapporteur: Le-cointe-Puyraveau. 238 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 14 Sur la motion d’un membre [BARRAS], la Convention nationale décrète que son comité d’agriculture, chargé de l’affaire du citoyen Vincent Denis, cultivateur à Brienon-sur-Armance (1), lui en fera sous trois jours le rapport, et lui présentera un projet de décret (2). 15 Sur la pétition de la citoyenne Panchard, convertie en motion par un membre, la Convention nationale rend le décret suivant : La Convention nationale, sur la pétition de la citoyenne Panchard, arrêtée ainsi que ses deux filles par ordre de Le Bon, décrète le renvoi de cette affaire au représentant du peuple dans le département de Seine-et-Marne pour y statuer définitivement (3). 16 La Société populaire de Chaumont, département de la Haute-Marne, sollicite des mesures sévères contre les prisonniers ou déserteurs des nations étrangères répandus dans les campagnes. Un membre [BEAUCHAMP] observe qu’effectivement les déserteurs et prisonniers de guerre divaguent dans les départe-mens pour piller, menacer et assassiner; que les craintes les plus grandes et les mieux fondées tourmentent les habitans des campagnes, plus particulièrement exposés aux entreprises de ces brigands. Il demande le renvoi de son observation aux comités réunis de salut public et de la guerre, pour présenter dans trois jours à la Convention nationale un projet de décret sur cet objet. Décrété (4). DELCHER a dit ensuite que, dans le département de la Haute-Loire, des prisonniers pié-montais donnent des inquiétudes aux habitans des campagnes; que, dans la petite commune de Monitrol, on en a placé deux cents, et que ces vils esclaves se répandant au-dehors, ont semé des chapelets, des agnus, pour fanatiser les citoyens crédules. D’autres députés ont cité des faits à peu près semblables, et la société populaire de Chaumont, département de la Haute-(1) Sic pour' Brienon-sur-Armançon (ci-devant Brienon-L’Archevêque, Yonne). (2) P.-V., XLIII, 68-69. Décret n° 10 283. Rapporteur: Barras. (3) P.-V., XLIII, 69. Décret n° 10 286. Sans nom de rapporteur dans C* II 20, p. 244. La minute est de la main de Barras dans C 311, pl. 1 225, p. 17. (4) P.-V., XLIII, 69. Décret n° 10 272, sans nom de rapporteur. Repris par le décret n° 10 292. Rapporteur : Beauchamp. J. Mont., n° 99; Ann. patr., n° DLXXXIII; J. Perlet, n° 683; Audit, nat., n° 682; J. Fr., n° 681. Marne, est venue à l’appui, et elle a demandé qu’un prompt échange délivre la République de ces hommes dangereux en lui rendant pareil nombre de défenseurs de la liberté. GOULY et plusieurs autres vouloient qu’on tînt en chartre privée les prisonniers et les déserteurs; mais cet avis a été renvoyé à l’examen des comités de salut public et de la guerre (1). 17 Un membre [PELET], au nom des comités des domaines et d’aliénation, réunis, fait un rapport, et présente un projet de décret : l’impression est ordonnée. Un membre obtient la parole, et demande que le gouvernement révolutionnaire soit perfectionné; que le code des lois soit clairement rédigé; et que les membres de l’assemblée, éclairés sur ces matières, soient invités à proposer leurs plans, leurs idées, les fruits de leurs recherches et de leur expérience, à un comité nommé pour les recevoir, les analyser, et en faire l’usage le plus avantageux. La Convention nationale décrète l’impression du discours (2). PELET : Citoyens, c’est dans les grands événements que le législateur puise ses instructions les plus précieuses; c’est en examinant avec soin quels mouvements les ont amenés, et par quelles causes ils ont été produits, que le vrai philosophe s’éclaire sur la connaissance des hommes; c’est enfin en combinant tous les effets qu’ils pourraient avoir et les suites qu’ils ont eues, que ceux qui sont appelés à la tête d’un gouvernement doivent asseoir leurs principes et travailler d’après eux au bonheur et à la prospérité de leur patrie. L’attentat exécrable préparé pour nous anéantir, le 10 thermidor, pour faire triompher le crime, pour subjuguer le peuple après l’avoir trompé; ce malheur qui, deux heures plus tard, aurait perdu la République, et auquel vous avez échappé vous-même par votre prudence, votre surveillance extrême, et votre imposante énergie, prouve que les intrigants, les ambitieux sont véritablement les ennemis les plus dangereux de la chose publique, et que, pour arriver au but si difficile que vous voulez atteindre, ce sont eux principalement que vous devez renverser. Une république fondée en principes immuables, conduite sans passions, gouvernée sans intrigues, serait le chef-d’œuvre de l’esprit humain; et ce sera lorsque vous l’aurez ainsi établie que vous verrez tous les peuples de la terre admirer votre ouvrage, envier votre bonheur, et vous prendre partout pour exemple. (1) C. uniu., n° 949; Ann. R.F., n° 249; J. Sablier (du soir), n° 1483; Mess. Soir, n° 717; F.S.P., n° 398; J. Paris, n° 584; M.U., XLII, 318-319. Les gazettes lient ce n° 16 au n° 20, ci-dessous, la discussion sur l’affaire du Lot, ayant, à leurs dires, entraîné un débat sur la situation des prisonniers. (2) P.-V., XLIII, 69. Décret n° 10 293. Rapporteur: Le-cointe-Puyraveau. SÉANCE DU 19 THERMIDOR AN II (6 AOÛT 1794) - N° 17 239 C’est donc vers ce chef-d’œuvre qu’il faut diriger tous vos efforts; c’est dans cette route remplie d’écueils qu’il faut entrer avec un nouveau courage; c’est à son terme que nos travaux seront couronnés par la gloire, et qu’on dira des Français qu’il leur appartenait seuls d’être les régénérateurs du monde. Mais, citoyens collègues, était-ce bien au milieu des troubles de tous les genres, environnés de divisions cruelles, toujours occupés à déjouer des trames criminelles, et à parer les coups de la malveillance, de la calomnie et de la scélératesse la plus consommée, que vous pouviez perfectionner cet ouvrage sublime ? Souvent obligés d’adopter des mesures nouvelles, des opinions trop peu développées, et quelquefois incohérentes entre elles, que d’obstacles s’offraient pour vous empêcher de consolider ce superbe édifice ! Mais les auteurs de ces maux cruels ont disparu; leurs vils sectateurs que vous poursuivez disparaîtront encore, et les jours purs qui vont luire vous rendront tout entiers à la chose publique pour ne vous occuper que de son bonheur. Oh ! combien il est à désirer qu’un calme salutaire succède à cette continuité d’orages excités par le crime, qui, portant de toutes parts et la crainte et la mort, paralysaient toutes les sources où l’on pouvait puiser des lumières précieuses, de même qu’ils réduisaient au plus morne silence ceux qui, véritablement amis du peuple, sans la nullité machiavélique où on les avait plongés, se seraient fait un devoir sacré de vous soumettre les fruits de leurs longues méditations et de leurs utiles travaux. N’allez pas, citoyens, inférer de cette idée que je prêche ici le modérantisme; loin de moi toute proposition, toute mesure qui rendrait l’ombre de l’espoir à nos ennemis cachés, et ranimerait leur malveillance coupable; loin de suspendre le cours des justes punitions que provoquent les crimes, je serai toujours un des premiers à appeler sur la tête de ces hommes perfides toute la rigueur de la justice : leur supplice importe au bien public, au salut de l’Etat; votre existence tient à votre continuelle sévérité; vous ne devez ni en ralentir les effets, ni les restreindre; périssent tous ceux qui, réfractaires aux lois, rebelles aux vœux du peuple souverain, traîtres à leurs serments, osent former de sacrilèges complots contre les autorités qu’eux-mêmes ont constituées ! Périssent les membres gangrenés de toute autorité secondaire qui, abusant de l’autorité que la confiance du peuple a déposée dans leurs mains, osent avec une insolente audace s’élever contre le pouvoir suprême et braver sa dignité ! Périssent tous ceux qui n’appliquent ou leurs moyens ou leur dangereuse influence sur le peuple que pour donner plus de force à leurs complots patricides, servir leur insatiable avidité, et alimenter l’ambition désastreuse qui les dévore; voilà les grands criminels ! Quant à ceux qu’un geste de démence ou d’exagération, ou d’entêtement ridicule attache encore à la malveillance, qui s’agitent dans les bras de la peur; se cachent dans l’ombre, et croient encore, par leurs menées sourdes et ténébreuses, ébranler l’arbre de la liberté, qu’une surveillance active éclaire leurs démarches; la mort les attend de même s’ils deviennent conspirateurs, mais que la loi seule les punisse; que les peines soient proportionnées aux délits et sagement graduées; que l’homme faible, ignorant ou égaré ne soit pas traité comme le grand criminel. Sans doute il faut qu’ils expient leurs forfaits, et portent la peine de leur aveuglement pour l’esclavage; mais il faut les convaincre légalement du crime dont ils se sont rendus coupables. Que les juges soient froids et impassibles comme la loi; qu’ils ne prononcent que d’après elle, et que partout un accusé puisse se faire entendre. L’innocence n’a qu’une voix, l’injustice en a mille. Qu’ils sont coupables, ces hommes qui, revêtus du titre imposant de juges, et tenant dans leur main le fil de la vie des prévenus, se rendent sourds au cri du malheureux comme à celui de leur conscience qu’ils devraient seule écouter; ces hommes qui, loin d’être les organes de la loi, sont les vils instruments de la vengeance et de l’atrocité de ceux dont le crédit les effraie, et dont la barbarie leur dicte les arrêts ! Les proscriptions arbitraires qu’ils secondent sont le comble de la plus affreuse tyrannie; c’était l’arme du monstre dont vous avez purgé la terre; et vouant à l’horreur son exécrable mémoire, vous avez déjà fait traiter et vous réservez au même supplice les hommes pervers, cruels, abominables qui servaient sa rage, et ceux qui tenteraient d’imiter un exemple aussi révoltant. Ainsi, quand j’appelle, quand je désire le calme et la tranquillité, c’est pour le peuple que je les demande; c’est pour qu’il ne se laisse plus séduire, entraîner par ces impulsions perfides qui finissent par le rendre coupable lui-même en l’égarant sur la route qu’il doit suivre, et en détruisant la confiance qu’il doit avoir dans l’autorité suprême qu’il a investie de tous ses pouvoirs; c’est pour que, rendu à ses travaux, il jouisse paisiblement de l’aisance qu’ils doivent lui procurer, et du repos que la fatigue qu’ils lui occasionnent exige. Je demande le calme imposant et majestueux d’un grand peuple, pour que ses représentants, libres des soins pénibles, des agitations, du tumulte et des troubles que la malveillance et la scélératesse n’ont jusqu’ici que trop mis en activité, puissent travailler froidement et consommer en paix le grand œuvre duquel doit naître la félicité publique. Je demande donc que l’on s’occupe enfin de perfectionner les formes du gouvernement révolutionnaire; qu’elles embrassent toutes ses parties, qu’elles établissent entre elles des rapports et une connexité qui seuls peuvent le rendre fixe, immuable, bienfaisant et juste; ce que ne produiront jamais des lois successivement rendues, provoquées par des circonstances isolées, présentées sous un point de vue seul, par cela même quelquefois destructives du grand ordre et de l’harmonie continuelle qui doit régner dans les opérations. Je demande un code de lois raisonné, qui mette chaque individu soumis à leur empire en état de connaître ses devoirs et ses droits, et que SÉANCE DU 19 THERMIDOR AN II (6 AOÛT 1794) - N° 17 239 C’est donc vers ce chef-d’œuvre qu’il faut diriger tous vos efforts; c’est dans cette route remplie d’écueils qu’il faut entrer avec un nouveau courage; c’est à son terme que nos travaux seront couronnés par la gloire, et qu’on dira des Français qu’il leur appartenait seuls d’être les régénérateurs du monde. Mais, citoyens collègues, était-ce bien au milieu des troubles de tous les genres, environnés de divisions cruelles, toujours occupés à déjouer des trames criminelles, et à parer les coups de la malveillance, de la calomnie et de la scélératesse la plus consommée, que vous pouviez perfectionner cet ouvrage sublime ? Souvent obligés d’adopter des mesures nouvelles, des opinions trop peu développées, et quelquefois incohérentes entre elles, que d’obstacles s’offraient pour vous empêcher de consolider ce superbe édifice ! Mais les auteurs de ces maux cruels ont disparu; leurs vils sectateurs que vous poursuivez disparaîtront encore, et les jours purs qui vont luire vous rendront tout entiers à la chose publique pour ne vous occuper que de son bonheur. Oh ! combien il est à désirer qu’un calme salutaire succède à cette continuité d’orages excités par le crime, qui, portant de toutes parts et la crainte et la mort, paralysaient toutes les sources où l’on pouvait puiser des lumières précieuses, de même qu’ils réduisaient au plus morne silence ceux qui, véritablement amis du peuple, sans la nullité machiavélique où on les avait plongés, se seraient fait un devoir sacré de vous soumettre les fruits de leurs longues méditations et de leurs utiles travaux. N’allez pas, citoyens, inférer de cette idée que je prêche ici le modérantisme; loin de moi toute proposition, toute mesure qui rendrait l’ombre de l’espoir à nos ennemis cachés, et ranimerait leur malveillance coupable; loin de suspendre le cours des justes punitions que provoquent les crimes, je serai toujours un des premiers à appeler sur la tête de ces hommes perfides toute la rigueur de la justice : leur supplice importe au bien public, au salut de l’Etat; votre existence tient à votre continuelle sévérité; vous ne devez ni en ralentir les effets, ni les restreindre; périssent tous ceux qui, réfractaires aux lois, rebelles aux vœux du peuple souverain, traîtres à leurs serments, osent former de sacrilèges complots contre les autorités qu’eux-mêmes ont constituées ! Périssent les membres gangrenés de toute autorité secondaire qui, abusant de l’autorité que la confiance du peuple a déposée dans leurs mains, osent avec une insolente audace s’élever contre le pouvoir suprême et braver sa dignité ! Périssent tous ceux qui n’appliquent ou leurs moyens ou leur dangereuse influence sur le peuple que pour donner plus de force à leurs complots patricides, servir leur insatiable avidité, et alimenter l’ambition désastreuse qui les dévore; voilà les grands criminels ! Quant à ceux qu’un geste de démence ou d’exagération, ou d’entêtement ridicule attache encore à la malveillance, qui s’agitent dans les bras de la peur; se cachent dans l’ombre, et croient encore, par leurs menées sourdes et ténébreuses, ébranler l’arbre de la liberté, qu’une surveillance active éclaire leurs démarches; la mort les attend de même s’ils deviennent conspirateurs, mais que la loi seule les punisse; que les peines soient proportionnées aux délits et sagement graduées; que l’homme faible, ignorant ou égaré ne soit pas traité comme le grand criminel. Sans doute il faut qu’ils expient leurs forfaits, et portent la peine de leur aveuglement pour l’esclavage; mais il faut les convaincre légalement du crime dont ils se sont rendus coupables. Que les juges soient froids et impassibles comme la loi; qu’ils ne prononcent que d’après elle, et que partout un accusé puisse se faire entendre. L’innocence n’a qu’une voix, l’injustice en a mille. Qu’ils sont coupables, ces hommes qui, revêtus du titre imposant de juges, et tenant dans leur main le fil de la vie des prévenus, se rendent sourds au cri du malheureux comme à celui de leur conscience qu’ils devraient seule écouter; ces hommes qui, loin d’être les organes de la loi, sont les vils instruments de la vengeance et de l’atrocité de ceux dont le crédit les effraie, et dont la barbarie leur dicte les arrêts ! Les proscriptions arbitraires qu’ils secondent sont le comble de la plus affreuse tyrannie; c’était l’arme du monstre dont vous avez purgé la terre; et vouant à l’horreur son exécrable mémoire, vous avez déjà fait traiter et vous réservez au même supplice les hommes pervers, cruels, abominables qui servaient sa rage, et ceux qui tenteraient d’imiter un exemple aussi révoltant. Ainsi, quand j’appelle, quand je désire le calme et la tranquillité, c’est pour le peuple que je les demande; c’est pour qu’il ne se laisse plus séduire, entraîner par ces impulsions perfides qui finissent par le rendre coupable lui-même en l’égarant sur la route qu’il doit suivre, et en détruisant la confiance qu’il doit avoir dans l’autorité suprême qu’il a investie de tous ses pouvoirs; c’est pour que, rendu à ses travaux, il jouisse paisiblement de l’aisance qu’ils doivent lui procurer, et du repos que la fatigue qu’ils lui occasionnent exige. Je demande le calme imposant et majestueux d’un grand peuple, pour que ses représentants, libres des soins pénibles, des agitations, du tumulte et des troubles que la malveillance et la scélératesse n’ont jusqu’ici que trop mis en activité, puissent travailler froidement et consommer en paix le grand œuvre duquel doit naître la félicité publique. Je demande donc que l’on s’occupe enfin de perfectionner les formes du gouvernement révolutionnaire; qu’elles embrassent toutes ses parties, qu’elles établissent entre elles des rapports et une connexité qui seuls peuvent le rendre fixe, immuable, bienfaisant et juste; ce que ne produiront jamais des lois successivement rendues, provoquées par des circonstances isolées, présentées sous un point de vue seul, par cela même quelquefois destructives du grand ordre et de l’harmonie continuelle qui doit régner dans les opérations. Je demande un code de lois raisonné, qui mette chaque individu soumis à leur empire en état de connaître ses devoirs et ses droits, et que 240 ARCHIVES PARLEMENTAIRES — CONVENTION NATIONALE ces lois mûrement réfléchies, comparées les unes aux autres, parfaitement d’accord entre elles, clairement rédigées, et une fois promulguées, soient religieusement exécutées. Celles qui concerneront la justice, établiront de la manière la plus positive le droit du tien et du mien, la première de toutes celles qui constituent une société d’hommes faits et nés pour la liberté. Elles étoufferont la mauvaise foi, le brigandage; elles seront la terreur du crime, et rétabliront les mœurs. Celles qui constitueront la police veilleront à la sûreté personnelle des citoyens : elles assureront le bon ordre et la tranquillité publique; elles surveilleront les approvisionnements, les subsistances, sans nuire aux propriétés, parce que celles-ci sont si respectables, même aux yeux du gouvernement, qu’il n’y a plus de société partout où un pouvoir quelconque ose les attaquer, et que toute justice est détruite quand il les viole. Celles qui régleront les finances de l’Etat prépareront et éclaireront le système de l’impôt, sur lequel on n’a fait jusqu’ici qu’un travail dont les résultats sont trop incertains, qui n’a servi qu’à décourager les contribuables et à tarir une des premières ressources de l’Etat; puisque leur étendue, qui passe toute mesure, leur obscurité, qui met l’arbitraire à la place du droit juste, forcent les contribuables à recourir à tous les moyens possibles d’éluder la taxe, et même de s’y soustraire; et dans la vérité, les impôts ne se paient pas. En effet, les répartiteurs eux-mêmes entendent si peu le système de l’imposition, qu’on citerait nombre d’endroits, et Paris à la tête, où l’impôt de 1793 n’est pas encore assis. Il est un principe constant : c’est qu’il ne faut jamais arrérager l’impôt; car si l’imposé ne paie qu’avec la plus grande peine ce qu’on lui demande pour une année, comment en paiera-t-il deux à la fois ? Et cependant que deviennent les revenus de l’Etat avec de pareilles lenteurs ? D’ailleurs, de quelle base est-on parti pour répartir les impôts et pour les asseoir ? Dans quelle proportion les a-t-on fixés ? Qu’est devenu ce cadastre si vanté, qui devait être si salutaire, auquel on travaille depuis 5 ans, et qui n’a rien produit encore, qui coûte excessivement cher, quand il était possible de le faire pesque pour rien, et dont on n’a pas encore tiré l’ombre de résultat ? Cette partie des lois de la finance réglera aussi le commerce, et lui rendra une activité sans laquelle il ne peut être qu’onéreux à l’Etat, puisqu’il perd son équilibre avec celui des étrangers, et dégoûte tous ceux que leur génie industriel porterait à l’entreprendre; et le commerce, vous ne l’ignorez pas, est une des sources qui produit l’abondance. Enfin vous aurez des lois politiques, et celles-là, lorsqu’elles sont sages et dictées par l’équité, ont le double avantage de vous concilier l’estime et la confiance des nations, d’enrichir la vôtre et d’attirer dans son sein une infinité d’étrangers, qui, pénétrés de leur légitimité, de leur prudence, de leur douceur, formeront bientôt le vœu de vous apporter leur richesse et leur industrie, et de venir au milieu de vous vivre sous leur empire. Je demande, pour réunir toutes les lumières et pour en profiter, que tout membre de cette assemblée, éclairé sur ces matières, propose ses plans, ses idées, les fruits de ses recherches et de son expérience à un comité nommé pour les recevoir, les analyser et en faire l’usage qui sera jugé devoir être le plus avantageux (1). Un autre membre [DELBREL] demande que Pelet, auteur du discours, remplace l’infâme Couthon dans la rédaction des lois : cette proposition est ajournée jusqu’après l’organisation définitive des comités (2). [DELBREL : L’infâme Couthon était membre de la commission de la rédaction des lois. Je demande que Pelet le remplace. LECOINTE-PUYRAVEAU : Je demande l’ajournement de cette proposition jusqu’après l’organisation définitive des comités; car il serait très possible que la Convention charge une section du comité de législation de la rédaction définitive des lois (3). [LECOINTE-PUYRAVEAU a cru qu’il falloit attendre, pour s’occuper de cet objet, la réorganisation des comités. J’observe, a dit MERLIN de Douai, que Couthon n’étoit qu’ad honores dans cette commission. [ Applaudissements ]. Ce que vient de dire notre collègue, a répliqué LECOINTE-PUYRAVEAU, prouve d’une manière plus particulière ls projets des ennemis que nous venons d’abattre. L’exécrable Couthon ne s’était fait nommer membre de la commission, que pour y exercer une influence funeste. Sans doute il ne l’y a pas exercée; le patriotisme de ses collègues nous en est un sûr garant. Cependant je n’en persiste pas moins à réclamer l’ajournement. Cette proposition a été décrétée; quant aux idées très détaillées de Pelet, que la foiblesse de son organe a empêché d’être entendu, on en a décrété l’impression (4)]. 18 Un membre [A. DUMONT] demande qu’un prisonnier ne puisse pas être retenu au secret plus de 3 jours sans être entendu : cette proposition est renvoyée au comité de législation pour en faire un rapport sous 3 jours (5). [Applaudissements ] André DUMONT : Hier vous avez rendu un décret qui rendra la liberté à bien des victimes. (1) Moniteur (réimpr.), XXI, 416-418. (2) P.-V., XLIII, 69. (3) Moniteur (réimpr.), XXI, 418. (4) C. univ., nos 949, 950; Mess. Soir, n° 717 (selon cette gazette, c’est Bentabole qui a demandé l’impression du discours de Pelet); Ann. R. F., n° 249; Rép., n° 230; J. Perlet, n° 683; J. Fr., n° 681; F.S.P., n° 398; J.S.-Culottes, n° 538; J. Sablier (soir), n° 1 483. (5) P.-V., XLIII, 69. Décret n° 10 291. Rapporteur : André Dumont.