409 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 octobre 1789.] tends et entends donner toute la suite possible. Je passe à l’ordre du jour. Dans une saison de craintes, de terreurs, il est important de montrer que la nation n’a jamais eu de si instantes, de si belles, de si abondantes ressources ; je demande donc qu’on décrète deux principes : premièrement, que la propriété des biens du clergé appartient à la nation, à la charge par elle de pourvoir à l’existence des membres de cet ordre; secondement, que la disposition de ces biens sera telle, qu’aucun curé ne pourra avoir moins de 1,200 livres avec le logement. M. l’abbé Grégoire. On n’a pas encore imprimé le mémoire de M. l’évêque d’Autun. 11 faut donc renvoyer à vendredi la délibération sur cet objet. M. de Volney. Il faut déclarer en même temps, et celte déclaration est conforme à mon cahier, que la propriété des domaines du Roi appartient à la nation. Je pense cependant que la motion de M. de Mirabeau peut être renvoyée à vendredi. Un de MM. les secrétaires donne lecture d’une lettre signée de Polverel, syndic, député des Etats de Navarre ; elle est ainsi conçue (1) : « Monsieur le président, la question qui doit être discutée ce matin est de la plus haute importance pour la France et pour la Navarre : si ce mémoire contient quelque assertion qui exige des preuves plus positives ou des développements ultérieurs, je serai aux ordres de l’Assemblée nationale et je lui donnerai soit de vive voix, soit par écrit, tous les éclaircissements qui sont en mon pouvoir. «Si la députation de la Navarre s’était présenté à l’Assemblée nationale et qu’elle y eût été reçue, il est probable que la suppression sur le titre de Roi de Navarre n’aurait pas été matière à discussion, ou la députation se serait présentée avec des pouvoirs illimités et alors la Navarre se serait déclarée membre du royaume de France, et alors vous auriez pu, sans inconvénient, sup-rimer le titre de Roi de Navarre, puisque les avarrais auraient été compris sous la dénomination deFrançais ; ou vous auriez reçu la députation de Navarre avec ses pouvoirs limités et dans la forme que les Etats de Navarre lui avaient donnée : vous ne vous y seriez déterminés que parce que vous auriez cru que la Navarre n’était pas membre du royaume de France ; et alors vous auriez su d’avance pourquoi il était nécessaire de conserver au Roi des Français le titre de Roi de Navarre. « Le mal n’est pas irréparable pour la chose publique, puisque l’Assemblée nationale n’a encore rien décrété sur la question intéressante des deux royaumes. « Nous espérons aussi qu’elle voudra bien ne pas précipiter son mgement sur la conduite qu’ont tenue à son égard les Etats de Navarre et leur députation. « La députation est à Versailles depuis la fin de juillet. Elle n’a pas encore présenté ses pouvoirs à la vérification, et l’on a dit dans l’Assemblée nationale qu’elle était ici pour sonder le terrain. Le mot est vague, insignifiant, mais il présente des soupçons : la Navarre, ni ses députés ne peuvent (1) Le Moniteur ne donne qu’une analyse de cette lettre. en laisser subsister aucun. Puisque nous ne sommes pas là pour nous défendre, nous osons espérer, Monsieur le Président, que l’Assemblée nationale daignera entendre avec quelque intérêt le compte que nous allons lui rendre de la conduite des Etats de Navarre et de leur députation. « L’intérêt et le vœu de la Navarre est d’être indissolublement unie à la France: ses Etats ont exprimé leur vœu dans les pouvoirs qu’ils ont donnés à leurs députés. Ils l’ont motivé sur la faiblesse de la Navarre, sur le besoin qu’elle avait de l’appui d’une nation libre et puissante pour protéger sa liberté contre les entreprises de J’au-torité arbitraire. « Ils ont donné une preuve non équivoque de la sincérité de ce vœu. L’ordre de la succession à la couronne de Navarre appelait les femmes à défaut de mâles. Pour qu’aucun événement ne pût les séparer du royaume de France, ils ont fait ce que personne ne leur avait demandé et qu’eux seuls pouvaient faire ; ils ont adopté la loi salique pour l’ordre de la succession à la couronne de Navarre et ils ont chargé leur députation de présenter cet acte à l'Assemblée nationale de France. « Mais la Navarre avait une bonne Constitution. Sa puissance législative résidait dans ses Etats généraux. Nul impôt ne pouvait être perçu ni exigé en Navarre, s'il n’avait été consenti par les Etats, et il était encore incertain si la France parviendrait à se donner une bonne Constitution. « Les Etats de Navarre ne doutaient pas qu’au xvme siècle, l’élite de la nation la plus éclairée de l’univers ne pût faire pour la liberté publique beaucoup mieux qu’on n’avait fait, dans le vme, en Navarre et en France; mais il était permis de craindre avecM. Necker, les ambitions , les vanités et les moyens de tout genre qui reposaient entre les mains du gouvernement et qui lui donnaient le pouvoir de captiver les esprits par tant d’intérêts divers. « Dans cette incertitude, les Etals de Navarre ont cru ne devoir se confondre avec la France et renoncer à leur Constitution que lorsque la France pourrait leur offrir une Constitution aussi bonne que la leur; en attendant ils offraient et demandaient à l’Assemblée nationale de France un traité fédératif. « Tel était notre mandat auprès de l’Assemblée nationale. Nous ne pouvions accepter voix délibérative, ni sur la Constitution, ni sur la législation, ni sur l’impôt, parce que les Etats avaient craint que s’ils nous eussent autorisés à délibérer sur ces objets dans l’Assemblée nationale, on n’en induisît qu’ils avaient renoncé à leur Constitution, à leur puissance législative, et à leur droit exclusif de s’imposer eux-mêmes. « D’un autre côté, l’Assemblée nationale avait déclaré par son arrêté du 19 juin son droit exclusif d’ordonner sur l’impôt pour toutes les provinces du royaume, quelle que fût la formule de leur administration. « Elle avait déclaré, par celui du 4 août, que les privilèges particuliers des provinces, des principautés , des villes, corps et communautés d’habitants, soit pécuniaires, soit de toute autre nature, étaient abolis sans retour et demeureraient confondus dans le droit commun des Français. « Enfin nous fûmes bientôt instruits des principes de l’Assembiée nationale sur la nullité des limites et des clauses impératives des mandats. 440 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 octobre 1789.] « Nous avions, dans la certitude morale, ou de n’être pas reçus à l’Assemblée nationale, ou de n’être reçus qu’à la charge de faire rectifier nos pouvoirs* ou que si nous étions reçus sans examen et sans contestation sur nos pouvoirs, on regarderait notre présence seule comme un acte d’adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale, comme une renonciation de la Navarre à sa Constitution, à son indépendance et à ses privilèges. « Dans la première supposition, il valait mieux ne pas nous présenter, que de nous présenter avec la certitude de n’être pas reçus. « Dans la seconde, puisqu’il fallait toujours faire changer les pouvoirs et que ce changement ne pouvait se faire que par les Etats assemblés, il valait mieux conserver les droits de la Navarre intacts et laisser aux Etats la liberté absolue de donner de nouveaux pouvoirs sans limites, ou de laisser subsister les limites des anciens pouvoirs, que de nous exposer à contrarier le vœu des Etats en les prévenant. « Dans la troisième, nous ne pouvions nous présenter sans compromettre les droits de la Navarre, sans paraître donner au nom de nos commettants un consentement désavoué par notre mandat. « Pour faire cesser cet état de perplexité, nous avons cru devoir supplier le Roi de consulter de nouveau le vœu des Etats généraux de Navarre sur l’adhésion ou la non-adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale. Nous avons obtenu une convocation extraordinaire des Etats. « Mais de nouvelles combinaisons ont fait, à notre insu, révoquer l’ordre du Roi, et Je ministre a dissous les Etats de Navarre trois jours après leur ouverture, sans leur avoir donné le temps