[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [22 août 1791.] M. Martineau (s’adressant à l’extrême gauche). Je vous iuterpelle de dire pourquoi vous demandez l’ordre du jour? Un membre à l'extrême gauche .-Parce que la lettre qui vous a été lue est la répétition de toutes les diatribes qui ont été débitées ici par les colons qui paraissent s’entendre pour faire rétracter le décret. M. Rewbell. La contre-révolution était dans les îles ; elle y était déjà fomentée par ceux qui ont fait écrire cette lettre infernale. M. Cigongne. Je suis porteur d’un fait contraire. (Murmures.) M. Rewbell. Il est affreux qu’on vous ait fait lecture de cette pièce, tandis qu’on en cache tant d’autres. M. le Président. L’Assemblée fera ce qu’elle jugera convenable, ruais il est du devoir du président d’expliquer les convenances des choses. M. Lanjuinuis a fait une proposition; M. Moreau demande à lui répondre et à informer l’Assemblée de faits importants ; je ne puis lui refuser la parole. M. Cfoupilleau. Il est constant, Messieurs, que l’Assemblée ne pourra prendre de parti sur la lettre qui vient d’être lue, que lorsqu’elle aura un rapport du comité colonial. Or, les renseignements que M. Moreau a à donner peuvent être portés à ce comité qui en fera l’usage qu’il jugera convenable. Je demande donc le renvoi, et qu’on passe à l’ordre du jour. M. Moreau-Saint-Méry. Je demande à répondre aux calomnies répandues dans l’Assemblée. M. le Président. Je consulte l’Assemblée. Plusieurs membres : Oui 1 oui ! M. Martineau. Je demande à entendre M. de Saint-Méry. M. de Tracy. Le décret qui nous occupe doit être l’objet d’un simple renvoi et de l’ordre du jour; mais je pense qu’il faut en même temps charger le comité de rendre compte à l’Asstm-blée des mesures efficaces qui ont dû être prises pour assurer l'exécution de ses volontés, telle qu’elle les a exprimées dans son décret du 15 mai; parce que s’il se trouvç qu’on n’en ait prise aucune ..... M. le Président. Monsieur, vous n’avez pas la parole, elle est àM. Moreau. M. de Tracy... et que malheureusement cette négligence ait des suites fâcheuses, il faudra bien qu’il y ait inculpation contre ceux qui n’auront pas fait ce qu’ils devaient faire pour les éviter. M. Rewbell. Je demande que M. Blanchelande soit mandé à la barre, parce qu’il annonce formellement qu’il ne défendra point les décrets. (Bruit.) Plusieurs membres : Aux voix le renvoi au comité et l’ordre du jour! lre Série. T. XXIX. 625 (L’Assemblée consultée ordonne le renvoi au comité et passe à l’ordre du jour.) M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angèly). II y a une autre iettre dans les bureaux qui annonce la convocation de l’assemblée coloniale; je demande pourquoi on ne nous la communique pas. M. Rœderer. Mais encore faut-il s’expliquer. A quel comité a-t-on entendu renvoyer cette lettre?.. A V extrême gauche : Au comité des recherches. M. Rœderer. . . Est-ce au comité colonial influencé par le parti des colons blancs? M. de Tracy. Monsieur le Président, tous ceux qui m’entourent me demandent de continuer mon opinion; vous n’avez pas le droit d’interrompre un opinant. M. le Président. Vous n’avez pas la parole. M. Rœderer. Il sera nécessaire d’adjoindre au comité des colonies 6 personnes. M. Rewbell. Nous sommes trahis. (Une grande agitation règne dans l’Assemblée.) M. le Président se couvre. M. de Tracy insiste pour avoir la parole. (Le calme se rétablit peu à peu.) M. le Président se découvre et dit : Je prie l'Assemblée de se mettre à l’ordre, je vais lui représenter la circonstance telle qu’elle se passe. Après la lecture de la lettre qui vous a été envoyée par M. le ministre de la marine, M. Lan-juinais a pris la parole. M. Moreau l’a ensuite obtenue. . . M. Merlin. C’est M. de Tracy qui l’avait. M. le Président. Lorsqu’il est monté à la tribune, on a fait la motion, plusieurs fois répétée, de renvoyer au comité colonial et de passer à IVdre du jour. J’ai rais cette proposition aux voix, elle a été décrétée. Dans cet intervalle, M. de Tracy a pris la parole ; il ne l’avait pas. M. Merlin. Si! si! Monsieur. (Bruit.) M. le Président. J’ai fait ce que j’ai pu pour que M. de Suint-Méry l’eût; il m’a été impossible de la lui conserver. Depuis, M. Rewbell, pour des inculpations de plusieurs genres, a désiré avoir la parole, et malgré mes observations, a dit vouloir la parole, et qu’il l’aurait malgré votre président. J’ai cru devoir vous rendre compte de ma conduite. Maintenant je suis aux ordres de l’Assem-b!ée. Si elle veut entendre la discussion, il est indispensable que M. Moreau-Saint-Méry, qui avait le premier la parole, soit entendu; M. de Tr acv le sera ensuite. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angély). Je demande la parole pour dire à i’ Assemblée qu’on la trompe. Plusieurs membres : A l’ordre du jour! (L’Assemblée, consultée, décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) 40 g26 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 août 1791.J M. Moreau-Saint-Méry quitte la tribune. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angêly). Je demande à parler sur un fait. M. le Président. Vous n’avez pas la parole. Plusieurs membres : Il demande à parler sur un fait. M. Regnand (de Saint-Jean-d’ Angély). Tout le monde sait qu’il existe une autre lettre. M. d’André. Eh! bien, allez la chercher. JL le Président. L’Assemblée a passé à l’ordre du jour. La parole est à M. Thouret. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angêly). C’et une tactique d’envoyer les lettres les unes après les autres ; il n’y a personne qui ne le sente. Je demande la parole pour l’expliquer. M. Babey. Monsieur le Président, il y a un très grand nombre de personnes qui vous disent de consulter l’Assemblée pour savoir si M. Regnaud sera entendu. Vous devez la consulter, c’est votre devoir. M. le Président. Je vais exposer à l’Assemblée la proposition de M. Regnaud. M, Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angély). Lais-sez-ia moi dire* Monsieur le Président. M. Moreau (de Toufs). Je demande que M. Regnaud ait la parole pour la motiver; M. le Président. Monsieur Regnaud, vous avez la parole. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angély). Le fait que j’ai à exposer à l’Assemblée est assez important pour être éclairci : on annonce publiquement qu’outre la lettre officielle qui vient de vous être lue, il en est arrivé une, d’upe date subséquente, qui annonce que M. de Blanche-lande s’est rendu lui-même à l’assemblée coloniale, dont la convocation est annoncée par la première lettre ; qu’on y a même pris des mesures pour suspendre l’exécution de votre décret. Il est encore un objet plus important à éclaircir : c’est de savoir pourquoi on ne nous a pas envoyé ces deux lettres à la fois, pourquoi on ne nous a fait parvenir cette première lettre qui a l’air d’une transition à la deuxième qui vous sera adressée plus tard. J’en trouve une explication dans le désir que l’on a de vous amener insensiblement, à une transaction, à la révocation même de votre décret. Il paraîtrait démontré que, loin de vouloir faire exécuter le décret, on a pris toutes les mesures pour qu’il ne s’exécutât pas, et ce qui s’est passé ici confirme mon opinion. Depuis 5 mois, voüs avez décrété l’envoi de commissaires ; et les commissaires ne sont pas encore partis. Vous avez voulu que la nouvelle, officielle de votre décret parvînt dans, les colonies avant les nouvelles particulières. Eh bien ! , malgré vos ordres, on a tellement su retarder l’envoi de ce décret, que les lettres officielles du ministre ont été précédées de plusieurs semaines par les diatribes des colons, par les lettres de M. Moreau et de M. Gouy d’Arsy. Une opposition est évidemment provoquée qui coïncide avec les oppositions des individus de la capitale. (Applaudissements.) Voilà ce que ma conscience me prescrivait de vous dire, parce que c’est la vérité et qu’il me paraît que dans ce moment on vous environne de terreur dans le continent. Dans ce moment où la terreur se répand dans les colonies, il faut savoir si vous n’avez pas dans le nouveau monde à combattre les mêmes ennemis que vous aviez à combattre en Europe. (Applaudissements.) Je dis que nul pouvoir que celui de l’Assemblée nationale, que je respecterai éternellement, ne m’imposera silence sur des faits de cette importance, et que je réclamerai de toutes mes forces physiques et morales, pour lui faire entendre des vérités desquelles le salut de la patrie dépend. Je recommande que M. le président soit chargé de s’informer auprès du ministre de la marine s’il y a des lettres subséquentes. Plusieurs membres : Il faut le mander à la barre. M. Morean-Saint-Méry. Si j’avais été entendu la première fois que je me suis présenté à la tribune, on aurait obtenu les éclaircissements convenables. On a parlé depuis longtemps d’une prétendue contre-révolution arrivée dans la colonie que je représentera Martinique; et on a dit que là cocarde blanche y avait été arborée dès les premiers jours du mois de juin. Je déclare que j’ai des lettres officielles de cette colonie, qui vont jusqu’à l’époqué du 17 du même mois; il n’est pas plus question là qu’ici de cocardes blanches, et il n’y à d’autre autorité dans la colonie que celle des 3 commissaires civils qui ont été envoyés par un décret de l’Assemblée nationale. Sur le fait des nouvelles de Saint-Domingue, colonie à laquelle j’appartiens par ma résidence, mais que je ne représente pas, je n’en ai reçu, moi, qu’hier après-midi ; elles sont de nature à affecter quelqu’un qui, comme moi, a donné des preuves d’attachement assez marqué à la Constitution de la France et à son sort, pour que je n’entre pas ici dans une apologie que je crois superflue.En recevant cette lettre, j’ai été chez le ministre de la marine, parce qu’elle me donnait lieu de penser qu’il avait reçu une lettre officielle. Cette lettre officielle, je l’ai vue : j’ai communiqué ma lettre particulière au ministre de la marine, et je lui ai donné, Messieurs, un extrait de l’un des alinéas de cette lettre. C’est par cette lettre que l’on a su qu’il y a eu des mesures subséquentes. La voici, elle est du 5 juillet 1791 : « L’assemblée provinciale du fiord, dans la séance du 4, à 3 heures de l’après-midi, a donné lecture de plusieurs délibérations adressées à la colonie parle département de la Gironde ; la discussion s’est établie sut Ja prompte formation de l’assemblée coloniale. L’asserùblée provinciale a arrêté que les districts s’assembleront aujourd’hui pour lui nommer des députés, qui se rendront à Léogane. Pour ne point s’écarter de l’esprit du décret du 12 octobre, par le courrier de dimanche dernier, on en a instruit les paroisses, et on les a provoquées de nommer leurs députés à ladite assemblée. Ils doivent être rendus au plus tard pour le 20 du courant à Léogane. Même invitation aux deux autres parties de la colonie. Ici les citoyens se sont réunis pour la cause commune. Les opinions ne les divisent plus