192 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Supposons à présent que l’un de ces artisans n’ait absolument aucun revenu, l’article sus-énoncé devient inapplicable à son égard : car on a beau multiplier zéro, son produit est toujours zéro. Il manque donc dans la loi, comme je l’ai déjà dit, un article qui s’applique spécialement aux citoyens qui n’ont aucun revenu, ou dont le revenu est au-dessous de 100 L. C’est pour corriger cette imperfection que je viens, au nom de votre comité des secours, vous proposer le décret suivant. La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Saint-Martin au nom de son] comité des Secours publics, relatif à l’exécution de l’article VI de la loi du premier brumaire, additionnelle à celle des 20 février et 7 août 1793 (vieux style), concernant les indemnités ou secours dus pour des pertes occasionnées par des ac-cidens imprévus, décrète : Si celui qui a éprouvé des pertes par un incendie ou autre accident imprévu ne jouit d’aucun revenu, ou si son revenu annuel se trouve au dessous de cent livres, le maximum du mobilier dont il pourra être indemnisé, demeure fixé à la somme de 500 L (61). 37 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Louvet au nom de] son comité de Législation, décrète ce qui suit : Celui des membres de chaque comité civil des sections de Paris, qui, aux termes de l’article XVI de la loi du 14 de ce mois, doit être nommé pour exercer les fonctions d’agent national dans les actes relatifs aux mariages et divorces, est, et demeure chargé par la présente loi de remplir également les fonctions déléguées à l’agent national par l’article II de la loi du 11 ventôse, relativement aux successions échues aux défenseurs de la patrie et autres fonctions de l’agent national de Paris, sur lesquelles il n’au-roit pas été pourvu jusqu’ici (62). 38 Un membre [Roger Ducos], au nom du comité des Secours publics, obtient la parole et fait rendre les deux décrets sui-vans (63) : (61) P.-V., XLV, 269. C. 318, pl. 1286, p. 26. Décret n°10 893. Minute de la main de Saint-Martin, rapporteur anonyme selon C* II 20, p. 233. Bull., 29 fruct.; Moniteur, XXI, 765. (62) P.-V., XLV, 269. C 318, pl. 1286, p. 27. Décret n°10 887, minute de la main de Louvet, rapporteur. Bull., 29 fruct.; Moniteur, XXI, 761; F. de la Républ., n° 436; Mess. Soir, n° 758; Rép., n° 271; Gazette Fr., n° 989. (63) P.-V., XLV, 269-270. Débats, n° 725, 477. a La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de Roger Ducos, au nom] de son comité des Secours publics sur la pétition de la citoyenne Catherine Maury, femme Saumont, domiciliée à Bus-serolles, département de la Dordogne, laquelle, après sept mois de détention, a été acquittée et mise en liberté par jugement du tribunal révolutionnaire de Paris, du premier fructidor décrète que, sur le vu du présent décret, la trésorerie nationale paiera à ladite Maury une somme de 700 L, à titre de secours et indemnité, et pour l'aider à retourner à son domicile. Le présent décret sera inséré au bulletin de correspondance (64). b La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de Roger Ducos, au nom] de son comité des Secours publics sur la pétition du citoyen François Maréchal, perruquier, domicilié à Paris, lequel, après deux mois de détention, a été acquitté et mis en liberté par jugement du tribunal révolutionnaire de Paris, du 8 floréal, décrète que, sur le vu du présent décret, la trésorerie nationale paiera audit Maréchal une somme de 200 L, à titre de secours et d’indemnité. Le présent décret sera inséré au bulletin de correspondance (65). 39 BARAILON a ouvert la séance par une motion d’ordre, dont le but est d’inviter la Convention à s’occuper sérieusement de la propagation des découvertes faites par la nation française, depuis le commencement de la révolution. BARAILON après avoir rappelé que ce sont les Français qui ont fait revivre l’usage des signaux, connus de nos ancêtres les gaulois; que ce sont les Français qui ont rendu la fabrication de la poudre tellement familière, qu’on en fait plus dans un seul jour, qu’on en faisait autrefois en un an; que ce sont les Français qui ont forcé les cloches de concourir aux repos des humains, qu’elles avaient troublé pendant si longtemps; enfin ce sont les Français qui ont appris aux autres nations à tirer du savon des plantes marines et des marrons d’Inde. (64) P.-V., XLV, 269-270. C 318, pl. 1286, p. 28. Décret n° 10 890, minute de la main de Roger Ducos, rapporteur. Bull., 29 fruct. (65) P.-V., XLV, 269-270. C 318, pl. 1286, p. 29. Décret n° 10 889, minute de la main de Roger Ducos, rapporteur. Bull., 29 fruct. SÉANCE DU 29 FRUCTIDOR AN II (LUNDI 15 SEPTEMBRE 1794) - N° 40 193 Tremblez Tyrans, a-t-il dit, si les Français disent un mot, le feu grégeois est là, demain vous ne serez plus; et vous peuples de l’univers, s’est-il ensuite écrié, qu’avez vous fait depuis 1789? Rien; et nous tout en conquérant notre liberté, et en vous apprenant à devenir libres, nous avons agrandi le cercle des connoissances humaines (66)... BARAILON, après avoir récapitulé les découvertes faites en France depuis la révolution, découvertes qui ont servi si puissament la guerre de la liberté, propose de décréter qu’il sera accordé un dédommagement pour chaque découverte, proportionné à son importance, et aux dépenses qu’elle aura coûtées. Il croit qu’il faut réveiller l’attention des Français sur les moyens de remplacer, par des substances indigènes, les drogues exotiques, d’usage en médecine, dans la teinture et dans les autres arts. Il voudroit qu’on imprimât les manuscrits des ci-devant académies et compagnies savantes, qui en seront jugées dignes d’après l’examen du Lycée des Arts et du comité d’instruction publique. Enfin il propose de faire connoître, même aux nations étrangères, les découvertes faites par les Français, sauf à taire celles que la politique empêchera de publier. Ces propositions sont renvoyées au comité de Salut public (67). On a observé à Barailon qu’une partie de ce qu’il demandait était déjà décrétée; mais comme il ne demandait qu’un simple renvoi, la Convention n’y a vu aucun inconvénient et elle a chargé les comités de Salut public, de Commerce et d’ Agriculture et d’instruction publique de se concerter pour examiner ces propositions et en faire leur rapport à la Convention (68). Un membre [Barailon] demande que l’on assure des encouragemens et des dé-dommagemens pour chaque découverte, surtout pour celles qui remplaceront les drogues exotiques utiles à la médecine et aux arts; l’impression de tous les manuscrits [des] sociétés savantes supprimées qui la mériteront; et enfin, que l'on se hâte de donner connoissance de toutes les découvertes faites depuis 1789 par des Français. Renvoyé aux comités de Salut public, d’ Agriculture et des Arts (69). (66) Mess. Soir, n° 758. (67) Débats, n° 725, 477. Reproduit dans Moniteur, XXI, 774. (68) Mess. Soir, n° 758. Débats, n° 725, 477; Moniteur, XXI, 774; M. U., XLIII, 475; J. Fr., n° 721; Rép., n° 271; J. Perlet, n° 723; J. Paris, n° 624. La Gazette Fr., n° 989, lie cette intervention de Barailon à «la motion faite hier par Petit, ou plutôt la partie de cette motion relative au commerce et aux arts ». (69) P.-V, XLV, 270. C 318, pl. 1286, p. 30. Décret n° 10 895, minute de la main de Barailon, rapporteur. 40 Rapport fait par BORDAS, au nom du comité des Finances (70). Citoyens, il ne suffit pas de faire une révolution, il faut encore cicatriser les blessures qu’elle laisse après elle. Si la liberté commande quelquefois l’exercice rigoureux de ses droits, jamais elle ne voulut faire des victimes. Ses victoires doivent être pures comme son objet. C’est dans les grands mouvemens que s’agitent les grandes passions. S’ils sont utiles à la liberté, ils prêtent souvent des armes terribles aux hommes injustes, haineux et méchans. Citoyens, vous avez vu depuis long-temps les coups qui se montoient contre le peuple; vous avez vu le mal, vous en avez connu la source, vous y avez porté un remède dépuratif. Dans le grand nombre d’arrestations que le salut public a nécessitées, il s’est nécessairement trouvé des hommes sans reproche, et dont tout le crime étoit d’avoir quelques ennemis particuliers qui exerçoient, non la justice nationale, mais leurs vengeances personnelles. Dans le mélange de crime et de vertus que renfermoient les maisons d’arrêt, les moins coupables étoient quelquefois les plus persécutés; la voix de l’innocent sur-tout étoit étouffée par la main criminelle qui l’avoit plongé dans cet abîme de douleur. L’intérêt, l’honneur, la vie, voilà les sacrifices que le crime poursuivoit contre les hommes purs. Les hommes purs ! Ah ! certes, je conviendrai avec vous que parmi les détenus, le nombre en étoit bien petit; mais ne s’en trouvât-il qu’un seul, que celui-là, au moins, qui s’est montré digne de conserver la vie, l’honneur ne soit pas dépouillé de sa fortune. Votre comité, citoyens, auroit à peine le temps de préparer des rapports partiels, vous n’auriez vous-mêmes qu’à vous occuper des réclamations en relevée de déchéance que font les détenus élargis, si vous ne preniez des moyens prompts pour les admettre ou les écarter. Tout le monde connoit l’apposition des scellés qui a eu lieu sur les meubles et les effets des citoyens mis en arrestation. Vous savez que ces scellés ont été et dévoient être en permanence, puisque les détenus n’avoient seulement pas la faculté de se faire entendre. Un grand nombre à coup sûr a passé dans les cachots tout le temps que la loi avoit prescrit pour la remise des titres de créances sur la nation. La fatalité du délai doit-elle donc frapper aussi ceux qu’une force majeure a empêchés d’obéir à la loi, ceux dont l’innocence a été enchaînée ? La perte de leurs droits seroit-elle donc l’indemnité due aux persécutions qu’ils ont éprouvées, aux calomnies dont ils (70) Débats, n° 729, 559-560. Moniteur, XXI, 765; F. de la Républ., n° 436; Ann. R. F., n° 288; Gazette Fr., n° 989.