[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { * Membre ÎW 433 Compte rendu du Moniteur universel (1). Barère. Je vais vous lire les nouvelles de la Vendée. (Suit le texte : 1° de l’adresse des soldats com¬ posant les armées de V Ouest, de Brest et de Cher-(1) Moniteur universel [n° 99 du 9 nivôse an II (dimanche 29 décembre 1793), p. 400, col. 1 et n» 100 du 10 nivôse an II (lundi 30 décembre .1793), p. 403, col. 3]. D’autre part, le Journal des Débals et des Décrets (nivôse an II, n" 466. p; 122) rend compte du rapport de Barère sur la Vendée, dans les termes suivants : Barebe lit les dépêches de la Vendée. Une lettre de Carrier, datée de Nantes le 2 ni¬ vôse renferme de nouveaux détails sur l’affaire de Savenay et confirme la nouvelle de la défaite des brigands, commandés par Charette et de la dé¬ route de leur fuite. Prieur (de la Marne) écrit de Savenay le 4 ni¬ vôse et parle de l’énergie que les républicains mon¬ trent constamment : « Autrefois, dit-il, les cris des blessés effrayaient les combattants; on ne leur entend aujourd’hui répéter que les cris de Vive la République ! » Francastel écrit d'Angers le 5 nivôse; voici le précis de sa lettre : « Vive la République ! Plus de brigands en deçà de la Loire. J’ai fait réunir et renfermer tous les individus que l'on pouvait soup¬ çonner de pencher pour eux. Les prisonniers que nous leur faisons sont fusillés. Désormais la garni¬ son de cette place ira renforcer les postes intérieurs de la Vendée. » L’un des citoyens annoncés par Barère, prend la parole à la barre : « Trois maux incurables, dit-il, poursuivent les brigands : La Loire, la guillotine et l'armée de Mar¬ ceau. Ceux qui étaient à Savenay sont détruits. Quant à l'armée de Charette, elle est en pleine dé¬ route et dispersée par petites troupes. Nous ne fai¬ sons plus de prisonniers. Depuis huit jours, les bri¬ gands qui restent n’ont vécu que de navets. Ils sont atteints d’une toux et d’une fièvre qui les tuent. « Envoyé en détachement, je trouvai 75 cava¬ liers, brigands, déserteurs de la Légion germanique; j’étais avec 15 républicains de la légion Wester-mann. Je les pris et leur enlevai le guidon que je vous présente. C’est le dernier qu’ils eussent. Je n’en fais point hommage à la Convention. Je l’ai porté aux Parisiens pour qu’ils eussent le plaisir de le brûler eux-mêmes. Ceux de nos frères blessés à Savenay sont rentrés à Nantes, en criant : Vive la République ! « L’armée ne demande, après la destruction de la Vendée, que les moyens de faire une descente dans la Grande-Bretagne et d’y aller cueillir de nouveaux lauriers. » (Vifs applaudissements.) Le Président accueille ce citoyen et lui accorde les honneurs de la séance. Un autre citoyen, envoyé par les armées de l’Ouest et de Cherbourg au ministre de la guerre, est aussi chargé de présenter à la Convention l’adresse dont il fait lecture. Elle est conçue en ces termes. (Suit le texte de l'adresse des soldats composant les armées de l’Ouest, de Brest et de Cherbourg réunies, que nous avons insérée ci-dessus,). On applaudit. Le Président exprime la satis¬ faction de l’Assemblée et invite le militaire qui a parlé à assister à la séance. Merlin (de Thionville). Le brave militaire que vous venez d’entendre a eu deux chevaux tués sous lui au Rhin. Il en a eu également deux tués sous lui à la Vendée. Cependant il n’est encore que lre SÉRIE, T, LXXXII. bourg réunies; 2° de la lettre de Prieur (de la Marne) et Turreau, datée de Savenay }e 4 nivôse ; 3° de la tettre de Francastel, datée d’Angers le 5 ni¬ vôse.) Barère. Les citoyens, qui ont apporté les nou¬ velles de la Vendée, prient la Convention de les entendre. L’un d’eux. Trois maux incurables poursui¬ vent les brigands de la Loire, la guillotine, et les armées de Westermann et de Marceau. Ceux de Savenay ont été exterminés; deux mille, qui cherchaient leur salut dans la fuite, ont été noyés. L’armée de Charette est en pleine dé¬ route et dispersée en petits corps; Boin est à nous. Nous n’avons pas fait de prisonniers, parce que nous n’en faisons plus. Depuis huit jours, les restes des brigands ne se nourrissent que de navets; ils sont atteints d’une fièvre et d’une toux qui les conduisent au tombeau; neuf cents ont été fusillés à Nantes, et leurs corps jetés dans la Loire. Envoyé en détachement avec 15 républicains de la légion de Westermann, je rencontrai 75 ca¬ valiers brigands; je les pris et leur enlevai le drapeau blanc que voici : c’est le dernier qu’a¬ vait la cavalerie des rebelles. Je l’ai apporté aux Parisiens, afin qu’ils eussent le plaisir de le brûler eux-mêmes. Les besoins où se trouve quel¬ quefois l’armée, ne l’empêchent pas de com¬ battre. Après l’affaire de Granville, elle refusa plusieurs jours de suite l’eau-de-vie, afin de ne pas perdre un instant dans la poursuite des re¬ belles. Les représentants du peuple ont pourvu à tout. L’armée ne demande, après la destruc¬ tion de la V endée, qu’à faire une descente chez le tyran de la Grand -Bretagne, pour y aller cueil¬ lir de nouveaux lauriers. (On applaudit.) Le Président. Soldat de la République, tu viens annoncer à la Convention nationale de nouveaux succès sur les rebelles de la Vendée; tu lui apportes la preuve de la victoire de tes frères, et le signe de la rébellion et de la défaite des ennemis. Les applaudissements de la Con¬ vention nationale t’expriment assez sa vive satis¬ faction. Va, retourne auprès de tes frères d’ar¬ mes; dis-leur qu’ils ont bien mérité de la patrie; dis-leur que, comme eux, la Convention natio¬ nale a juré de sauver la République, et que, comme eux, elle saura tenir ses serments. (On applaudit. ) Un autre officier obtient la parole et présente une adresse des soldats de l’armée de l’Ouest et des Côtes de Cherbourg; qui promettent un capitaine, et il l’était déjà à Mayence. Je demande pour lui ie brevet d’adjudant général. Il lui sera glorieux de le tenir de la Convention. Plusieurs fois il lui a été offert. Il l’a toujours refusé, en disant qu’il le voulait mieux mériter; et il n’est pas un soldat de l’armée de Mayence qui n’ait été témoin de sa bravoure. Un membre. Je ne suis pas suspect; ce militaire est mon neveu; mais, pour le maintien des prin¬ cipes, je demande le renvoi au conseil exécutif. Danton. La nomination que l’on vous propose n’est point étrangère à la Convention; mais vous avez un comité de Salut public; il faut de l'ensemble et de l’unité dans votre marche; ce qui est bon aujourd'hui peut être mauvais demain. J'ajoute une foi entière à ce qu’a dit Merlin; mais je demande le renvoi au comité de Salut public, pour que ja¬ mais nous ne tombions en erreur. (Décrété.) 28 434 [Conveniioa nationale.] ARCHIVES PARLE3iEiVTA/if fS. ! J nivosaan il 1 J 28 décembre 1793 •attachement inviolable à la Convention, et ju¬ rent de se montrer toujours de dignes enfants de la République. Le même citoyen dépose sur le bureau une paire de bracelets d’or, qui sont les dépouilles d’une ci-devant comtesse. Il en fait hommage à la patrie, dit-il, parce que l’or des brigands ne peut rester dans les mains d’un républicain. La Convention donne de nombreux applau¬ dissements à la générosité et au patriotisme de ce brave militaire. Merlin/ de Thionville /.Je demande que le gui¬ don, la dépouille des rebelles, ne souille pas l’au¬ guste temple des lois. Un huissier le traîne hors de la salle. ■Merlin (de Thionville). Le brave républicain que vous venez d’entendre, et qui a été l’organe des sentiments de ses frères d’armes, a eu deux chevaux tués sous lui à Mayence, et deux encore dans la Vendée; il est capitaine depuis le com¬ mencement de la campagne. Je demande pour lui le brevet d’adjudant général; il lui sera glo¬ rieux d’obtenir ce grade par un décret de la Convention. S’il faut alléguer en sa faveur des ■actions d’éclat, pour recevoir une aussi hono¬ rable récompense; je pourrai vous en citer une foule; il aura l’armée entière pour témoin et pour garant. Un membre. Je m’oppose à la proposition de Merlin, parce qu’elle est contraire aux prin-.cipes qui exigent qu’un tel décret soit précédé d’un rapport du comité de Salut public. Danton. Je ne pense pas qu’il soit hors des : pouvoirs de la Convention d’accorder la faveur : que Merlin réclame; mais je pense qu’il est de sa sagesse de ne faire aucunes promotions mili-■ taires sans avoir entendu le comité de Salut publie; et, quoique je sois persuadé que le mili¬ taire qui est devant vous mérite les éloges qu’il vient de recevoir, ce qui serait bon aujourd’hui, donnerait lieu demain à une imitation moins ; heureuse, de là naîtraient les abus. Ainsi, je de¬ mande Je renvoi au comité de Salut public qui, j certainement, partagera le sentiments que nous venons d’éprouver pour un digne défenseur de la République. Cette proposition est décrétée. D’après le rapport du comité de liquidation, la Convention rend le décret suivant : « La Convention nationale, après avoir en-; tendu le rapport de son comité de liquidation, décrète que son décret du jour d’hier, portant liquidation des offices de finance militaires, de¬ meure suspendu, pour ce qui concerne seule¬ ment le remboursement des frais de marc d’or, provisions et autres accessoires, jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné (1). » Un rapporteur du comité de Salut public fait part des trahisons et fies perfidies que vient d’essuyer l’armée des Pyrénées-Orientales; il propose et la Convention adopte la proclamation et les décrets suivants : Adresse à V armée des Pyrénées-Orientales. « Soldats de la liberté, � « Comment avez-vous pu souffrir que le plus lâcha de nos ennemis, le plus superstitieux des soldats de l’Europe, (souillât si longtemps le sol de la République? Comment le même climat, les mêmes hommes, ont-ils pu être témoins de la victoire glorieuse de Toulon et de la prise honteuse de Collioure? Français, l’esclave espagnol et anglais porte, eu fuyant nos ri¬ vages, sa honte sur les mers; et vous, au pied de rochers inaccessibles, vous reculez devant l’ignare soldat du tyran de Madrid? On vous dit que les troupes du féroce Rieardos sont nombreuses ; mais celles de la France sont répu¬ blicaines. Les hordes du Capet Espagnol ont une artillerie formidable; mais les républicains n’ont-ils pas des baïonnettes ? Non, vous ne lais¬ serez pas les Pyrénées sans gloire, au milieu des succès qui couronnent nos armes dans le Var, dans le Rhin et dans la Vendée. Qu’en marchant au combat, la victoire de Toulon en¬ flamme votre courage. Les défenseurs glorieux du Port-de-Ia-Montagne et son intrépide géné¬ ral volent à votre secours avec la victoire : mar¬ chez avec eux vers ces esclaves; vous répondrez de Perpignan, de Bellegarde et de Port-Vendre à la République. » « Barère a dit. « Citoyens, avec de l’Union et de l’ensemble, nous sommes invincibles. La politique des Ro¬ mains était de ne se battre qu’avec un peuple l’un après l’autre ; vous, vous les combattez à la fois; mais, dans ce moment, l’Espagnol est à l’ordre du jour. Le comité a pensé que vous deviez mettre hors de la loi le traître Dufar [Dufaux], commandant le fort Saint-Elme; il a pensé aussi que la voix de la Convention nationale devait se faire entendre au milieu de cette année désorganisée et frappée par fies tra¬ hisons encore plus que par des revers. C’est à la représentation nationale à rallier les répu¬ blicains, à leur répéter les victoires récentes du Nord et du Midi, et à leur annoncer les secours nombreux qui marchent vers les Pyrénées-Orientales, après avoir triomphé sur les bords fie la Méditerranée. » Décret. « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport du comité de Salut public, met hors de la loi Dufar [Dufaux], comman¬ dant le fort Saint-Elme. Elle décrète que l’adresse qui a été présentée par le comité sera sur-le-champ envoyée à l’armée des Pyrénées-Orientales (1). » ( Suivent les documents lus par Barère.) - (1) Procès-Verbaux de la' Convention, l. 28, p. 149. ( 1 ) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 149_