SÉANCE DU 24 BRUMAIRE AN III (14 NOVEMBRE 1794) - N08 43-46 209 43 Le représentant du peuple Roger Ducos, en mission dans les départemens de l’Aisne et du Nord, écrit de Valenciennes le 16 brumaire. Après avoir retracé les horreurs commises par les satellites autrichiens dans différentes communes, il présente le tableau le plus sensible de l’enthousiasme pour la liberté des habitans de plusieurs commîmes qui ne cessent de faire des voeux pour la liberté, après avoir combattu avec le plus grand courage ses ennemis; il détaille et représente des faits héroïques du citoyen Tillemand, maire du Cateau [Nord] ; du ci-devant curé de Mennevret [Aisne], du citoyen Landas, de Landrecies [Nord], du jeune Chinot, de Cambrai [Nord] ; qu’il a fait distribuer une partie des secours mis à sa disposition, aux familles les plus indigentes; que, malgré leur malheur, ces habitans, dignes de la liberté, après avoir presque tout perdu par l’invasion des ennemis, viennent encore au secours de ceux qu’ils reconnoissent être plus malheureux qu’eux; c’est dans la ci-devant église de Prémont, seul bâtiment échappé aux ravages et aux flammes, c’est là, sur quelques gerbes de blé enlevées et soustraites à la rapacité des ennemis, que le représentant du peuple instruit et adoucit les malheurs de ses habitans, c’est là qu’ils ne cessent de bénir la Convention, et de crier Vive la République française et la liberté! Insertion au bulletin, et renvoi au comité des Secours publics (95). Extrait d’une lettre des représentons du peuple en commission dans les départemens. Le citoyen Roger Ducos, représentant du peuple en mission dans les départemens de l’Aisne et du Nord, écrit de Valenciennes. Il transmet à la Convention nationale les actions héroïques et vertueuses qu’il a recueillies sur les ruines des communes qu’il a visitées ; il lui expose après la suite de ses opérations, et l’instruit que, dans les districts du Quesnoy et de Cambrai, il a distribué une somme de 478400 L sur les deux millions mis à sa disposition, et que son collègue J.-B. Lacoste et lui ont pris toutes les mesures qui leur ont paru indispensables, pour tarir la source des maux à l’aide desquels nos féroces ennemis ont inutilement tenté d’abattre l’énergie des bons citoyens (96). 44 La société populaire d’Uzès-la-Mon-tagne [Uzès, Gard] réclame la liberté ou la (95) P.-V., XLIX, 154-155. Débats, n° 784, 788. (96) Bull., 24 brum. mise en jugement du citoyen Fauvety, l’un de ses membres, dont elle atteste le patriotisme constant depuis la révolution. Renvoyé au comité de Sûreté générale (97). 45 Le citoyen Delormel, du collège de la Marche [Vosges], fait hommage à la Convention nationale d’un projet d’une langue universelle. Mention honorable, insertion au bulletin, et renvoyé au comité d’instruction publique (98). Le citoyen Delormel : « Cette langue, par la simplicité de ses moyens et la facilité de ses combinaisons, aurait le double avantage de classer dans la mémoire les objets des sciences et de devenir promptement universelle, comme l’art du calcul ». BARAILON : Je convertis en motion la pétition de Delormel. Il y a à peu près un siècle que les savants s’occupaient d’une langue universelle. Ils tentèrent en vain de réaliser ce projet; la tour de Babel s’en mêla. Il serait à désirer que le pétitionnaire pût réussir à rendre le genre humain à lui-même, à empêcher l’isolement de chaque peuple. Je demande donc la mention honorable et l’offrande, son insertion au Bulletin, et le renvoi de ce projet au comité d’instruction publique, pour l’examiner et lui en faire son rapport (99). Le président prend le fauteuil. (100) 46 Un membre [DU BOIS DU BAIS], au nom du comité des Secours publics, propose les décrets suivans, qui sont adoptés (101). a La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [DU BOIS DU BAIS au nom de] son comité des Secours publics, décrète que la Trésorerie nationale paiera, sur le vu du présent décret, au citoyen Edme Chariot, acquitté au Tribunal révo-(97) P.-V., XLIX, 155. (98) P.-V., XLIX, 155. Moniteur, XXII, 514. J. Perlet, n° 782. (99) Moniteur, XXII, 514. Débats, n° 784, 779. (100) P.-V, XLIX, 155. Legendre prend le fauteuil à deux reprises pendant cette séance. Voir plus haut, Arch. Pari., n° 1. (101) P.-V, XLIX, 155. 210 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE lutionnaire, la somme de 1200 L, à titre d’indemnité et de secours, pour douze mois et neuf jours de détention, et pour retourner à son domicile. Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (102). b La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [DU BOIS DU BAIS au nom de] son comité des Secours publics, décrète que la Trésorerie nationale paiera, sur le vu du présent décret, au citoyen Bon-Louis-Joseph Voland, acquitté au Tribunal révolutionnaire, ainsi qu’à la femme Voland, son épouse, aussi acquittée, à l’un la somme de 540 L, pour cinq mois et douze jours de détention, et l’autre, celle de 466 L pour quatre mois et vingt jours de détention, à titre d’indemnité et de secours et pour retourner à leur domicile. Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (103). c La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [DU BOIS DU BAIS au nom de] son comité des Secours publics, décrète que la Trésorerie nationale paiera, sur le vu du présent décret, au citoyen Georges Auproux, acquitté au Tribunal révolutionnaire, la somme de 900 L, à titre d’indemnité et de secours, pour neuf mois de détention, et pour retourner à son domicile. Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (104). d La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [DU BOIS DU BAIS au nom de] son comité des Secours publics, décrète que la Trésorerie nationale paiera, sur le vu du présent décret, au citoyen François Bordel, acquitté au Tribunal révolutionnaire, la somme de 200 L, à titre d’indemnité et de secours, pour deux mois de détention, et pour retourner à son domicile. Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (105). (102) P.-V., XLIX, 155-156. Bull., 24 brum., (suppl.). Rapporteur Du Bois Du Bais selon C* II, 21. (103) P.-V., XLIX, 156. Bull., 24 brum., (suppl.). Rapporteur Du Bois Du Bais selon C* II, 21. (104) P.-V., XLIX, 156. Bull., 24 brum., (suppl.). Rapporteur Du Bois Du Bais selon C* II, 21. (105) P.-V., XLIX, 156. Bull., 24 brum., (suppl.). Rapporteur Du Bois Du Bais selon C* II, 21. e La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [DU BOIS DU BAIS au nom de] son comité des Secours publics, décrète que la Trésorerie nationale paiera, sur le vu du présent décret, au citoyen Frédéric Butenschoen, acquitté au Tribunal révolutionnaire, la somme de 1000 L, à titre d’indemnité et de secours, pour dix mois de détention, et pour retourner à son domicile. Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (106). f La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [DU BOIS DU BAIS au nom de] son comité des Secours publics, décrète que la Trésorerie nationale paiera, sur le vu du présent décret, au citoyen Jean Lenoan, acquitté au Tribunal révolutionnaire, la somme de 1200 L, à titre d’indemnité et de secours, pour douze mois et plus de détention et pour retourner à son domicile. Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (107). g La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [DU BOIS DU BAIS au nom de] son comité des Secours publics, décrète que la Trésorerie nationale paiera, sur le vu du présent décret, au citoyen Jean-Baptiste Laperche, acquitté au Tribunal révolutionnaire, la somme de 1200 L, à titre d’indemnité et de secours, pour quinze mois de détention, et pour retourner à son domicile. Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (108). h La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [DU BOIS DU BAIS au nom de] son comité des Secours publics, décrète que la Trésorerie nationale paiera, sur le vu du présent décret, au citoyen Jacques Berthomé, acquitté au Tribunal révolutionnaire, la somme de 350 L, à titre (106) P.-V., XLIX, 157. Bull., 24 brum., (suppl.). Rapporteur Du Bois Du Bais selon C* II, 21. (107) P.-V., XLIX, 157. Bull., 24 brum., (suppl.). Rapporteur Du Bois Du Bais selon C* II, 21. (108) P.-V., XLIX, 157. Bull., 24 brum., (suppl.). Rapporteur Du Bois Du Bais selon C* II, 21. SÉANCE DU 24 BRUMAIRE AN III (14 NOVEMBRE 1794) - Nos 47-48 211 d’indemnité et de secours, pour trois mois et demi de détention, et pour retourner à son domicile. Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (109). 47 Un membre, [ENGERRAN] au nom du comité des Décrets et procès-verbaux, propose, et la Convention décrète : la Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Décrets et procès-verbaux, décrète, Article premier. - Les représentans du peuple, ayant été secrétaires de la Convention, qui n’ont pas encore remis leurs procès-verbaux audit comité, sont tenus d’y satisfaire sous dix jours pour tout délai. Art. II. - Les noms de ceux qui ne se seront pas conformés à la disposition de l’article précédent, seront inscrits dans un tableau affiché dans la salle de la Convention (110). 48 CLAUZEL (111) : Citoyens, à peine le décret d’avant-hier fut-il rendu que l’Assemblée, ivre de la joie que les victoires de la République avaient répandue dans tous les coeurs, leva sa séance sans ordonner l’impression du rapport de Lai-gnelot. Je demande aujourd’hui qu’il soit inséré au Bulletin et envoyé aux sociétés populaires. Cette mesure est d’autant plus nécessaire que l’on cherche à faire croire que l’intention de l’Assemblée est d’anéantir les sociétés populaires ; le rapport de Laignelot prouve le contraire. [Aux voix, s’écrie t-on; Levasseur (de la Sarthe) tempère cependant cet enthousiasme.] (112) LEVASSEUR (de la Sarthe) : Je demande aussi l’envoi du décret aux sociétés populaires ; mais je m’oppose à ce que le rapport de Laignelot soit imprimé. Ce rapport a été improvisé, et j’étais assis à côté de plusieurs membres des comités de Salut public et de Législation, qui m’ont assuré n’en avoir eu aucune connaissance. C’est donc l’opinion d’un membre qui. vous a été présentée, et non celle des comités: Je demande que les quatre comités présentent une nouvelle rédaction du rapport; alors la Convention, si elle le juge à propos, en ordonnera l’impression. (109) P.-V., XLIX, 157-158. Bull., 24 brum., (suppl.). Rapporteur Du Bois Du Bais selon C* II, 21. (110) P.-V., XLIX, 158. Rapporteur Engerran selon C* II, 21. (111) Moniteur, XXII, 497. (112) Rép., n° 55. Ann. R. F., n° 54. CLAUZEL : S’il s’agissait de réfuter ce que vient de dire Levasseur, certes je ne manquerais pas de moyens ; je prouverais à la Convention que Laignelot n’a rapporté qu’une très petite partie de la discussion qui a eu lieu aux comités ; mais j’observe que, la presque unanimité de la Convention ayant approuvé le rapport de Laignelot, elle ne peut s’opposer à son impression. (On applaudit .) GASTON : Il est impossible que les comités aient approuvé un rapport qui est sorti du cerveau de Laignelot au moment où il montait à la tribune. (Rumeurs.) Plusieurs membres : La Convention Ta approuvé ! GASTON : D’ailleurs la postérité saura que ce rapport contient d’atroces calomnies envers cent membres de la Convention qui se sont lancés les premiers dans la carrière de la Révolution (rumeurs), qui, à la face de l’Europe, ont combattu... (Mêmes interruptions.) On ne m’accusera pas sans doute de lâcheté, moi, qui avec mes braves frères... [Dira-t-on que je suis un scélérat, moi qui ai reculé les frontières de la République, moi qui ai volé avec mes braves frères d’armes au-delà des Alpes, moi qui...] (113) *** : Il ne s’agit pas de toi. GASTON : Si chaque membre de l’Assemblée voulait se rendre compte à lui-même de la conduite des représentants fidèles contre lesquels sont dirigés plusieurs traits de ce rapport, il dirait certainement que ces représentants n’en peuvent être atteints; c’est pourquoi je demande, préalablement à l’impression du rapport, son renvoi aux quatre comités. La Convention décrète l’impression du rapport de Laignelot, et l’envoi aux autorités constituées et aux sociétés populaires. Gaston et Taillefer réclament dans le tumulte contre le décret rendu. LEGENDRE, président : Le décret est rendu ; on ne m’intimidera pas par des vociférations. (Applaudissements.) (114) (113) Ann. R. F., n° 54. (114) Moniteur, XXII, 497. Débats, n° 782, 763 et n° 783, 769-770; J. Paris, n° 55; J. Mont., n° 31; Rép., n° 55; M.U., n° 1342 ; J. Perlet, n° 782 ; C. Eg., n° 816 ; F. de la Républ., n° 55 ; Mess. Soir, n° 817 ; J. Fr., n° 780 ; Gazette Fr., n° 1047 ; Ann. R. F., n° 54.