[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 novembre 1790.] M. le Président. L’intention de l'Assemblée est-elle dé discuter ainsi tous les articles ensemble, ou bien séparément ? (L’Assemblée décide qu’elle discutera article par article.) M. Dauehy fait lecture de l’article iar. M. Bouehe. On ne connaît pas les contrées du Midi, elles sont bien différentes de celles du Nord, autant pour le ciel que pour le sol. Nous avons en Provence des terres vagues que nous appelons des terres gastes; ce sont des rochers qui ne produisent rien, et je ne crois pas que l'on puissq imposer ce qui ne produit rien. tyf. d’André. Il y a dans mon département de ces terres qui ne produisent rien. Je citerai par exemple la montagne de Saint-Victor, qui a huit lieues d’étendue. Je vous assure que je n’en voudrais pas pour rien. Il ne faut pas cependant que le propriétaire de ces sortes de terres soit obligé de les abandonner, et en voilà le motif. C’est u’on pourrait y apercevoir des mines de fer ou es carrières dé marbre. Si le propriétaire n’a pas besoin de les exploiter sur-le-champ, il faut lui laisser assez de temps pour qu’il puisse commencer l’entreprise. Je demande donc qu’à ces mots : quelque modique que soit leur revenu , on substitue ceux-ci : qui rapportent un produit quelconque. M. Martineau. Il est dangereux de déclarer qu’il y aura des terres exemptes d’impôt : je soutiens, au contraire, qu’il n’y a pas un pouce de terre dans le royaume qui ne doive être imposé. L’impôt est le prix de la protection accordée à toutes les propriétés. Il n’y a pas de terrain qui ne rapporte, ou qui ne puisse rapporter quelque chose, ne fût-ce que le droit d’aller s’y établir pour détruire le gibier. M. DevIHas. Je suis possesseur d’une montagne au milieu de laquelle est un rpcher très vaste, qui ne produit pas de quoi nourrir une alouette. On me dira : payez l’imposition, ou bien abandonnez ce terrain. Je répondrai, prenez-le ; si vous voulez l’emporter, je vous donne encore 1,000 écus; mais si vous voulez faire passer tqus les bestiaux de la commune sur ma montagne pour gagner ce rocher, oh! je vous en défie, malgré toute l’autorité de M. Martineau. M. Malouet. Un terrain ne reste inculte que parce qu’il est stérile, ou parce que son propriétaire n’a pas de fonds pour le mettre en valeur. Dans l’un et l’autre cas, le sol doit être affranchi. M. l’abbé Bourdon. Les malheureux cultivateurs de mon département sont accablés sous le faix des charges publiques, ils sont obligés de défricher des montagnes qui n’ont pas plus de deux pouces dé' sol. L’infempérie des saisons fait perdre souvent et la récolte et les frais de culture : il ne serait pas juste de décourager entièrement ces malheureux en chargeant d’un nouvel impôt le sol ingrat qu’ils ont tant de peine à défricher. (On demande là question préalable sur l’ar-ticie 1er-) M, Tracy. Et mni je demande que tout terÿain, spn produit fût-il nul, spit imposé, q’est un hommage qu’il doit à la force publique. La discussion est fermée. — Les amendements sont rejetés par la question préalable Pt l’ar« ticle l" est adopté en ces termes : Art. lef. « Les marais, les terres yaines et vagues seront assujettis à la contribution foncière* quelque modique que soit leur produit. » M, Dauehy, rapporteur, relit l’artjple 2. M. d’André. J’observe que les mesures n’étant pas les mêmes dans diverses parties du royaume, on doit prendre des moyens pour que l’imposition soit assise d’une manière juste ; il faut une mesure commune, une mesure comparative. Je demande que les députés de chaque département soient tenus de remettre dans quinzaine, au comité d’ipipositioh, les notions relatives aux mesures territoriales en usage dans chaque département. M. de Foucault. Pour faire disparaître Par-bitraire de l’article, il suffit que la taxe à établir sur les terrains vagues ne soit que de trois deniers par arpent, lorsqu’ils ne seront susceptibles d’aucun produit. M. Bauchy, rapporteur. Dans la généralité du royaume, la mesure de roi, la plus commune, est de 1,344 toises 16 trente-sixièmes. M. I�egrand. Je propose de fixer un maximum de trois deniers pour les terres vaines et vagues qui n’ont aucun produit apparent, afin d’éviter les vexations et les injustices que l’on emploie pour forcer les propriétaires à les abandonner pour en faire des communaux. M. Aapoule. Le maximum doit être réduit à un denier. M. le Président consulte l’Assemblée sur l’amendement de M. d’André. Il est adopté et renvoyé à l’instruction que le comité d’imposition est chargé de préparer. L’article 2 modifié est ensuite décrété en ces termes : Art. 2, « La taxe . qui sera établie sur cea terrains pourra n’être que de trois deniers par arpent, mesure d’ordonnance. » M. Dauehy, rapporteur , donne une nouvelle lecture de l’article 3. M. de Lachèze. Cet article blesse tous Ips principes et, s il n’est pas repoussé, je dergqpde à vous proposer une addition. M-Dégnlpy, Je propose la question préalable sur l’article comme étant inutile, puisqu’on soumettant à l’impôtles terrains vains et vagues, [es propriétaires eq répondent sur l’universajité de leur fortune. Rieq p’ept plus indigne de la loi que de la surcharger de dispositions étraqgères. M. Dauehy, rapporteur. Le comité pense qu’il faut proscrire la saisie des meubles pour le payement des impôts, mais qu’il est impossible de saisir des fruits sur des terres qui n’en produisent fas. Au reste, l’on peut ajourner l’article jusqu’à époque où l’on s’occupera des moyens de contrainte pour le payement des impôts. 264 [Assemblée national®.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 novembre 1790.] (Cette proposition est adoptée et l’article 3 est retranché.) M. Danehy, rapporteur , relit l’article 4. M. Itegrand, député du Berry. Je propose la question préalable sur cet article et je me fonde sur ce qu’il ne iaut pas donner lieu à l’arbitraire, surtout quand cet arbitraire peut être intéressé; or, une communauté, qui aurait intérêt à jouir d'un terrain vain et vague, pourrait forcer le propriétaire à s’en dépouiller, en l’imposant à un taux exorbitant. M. Martineau. On ne peut supposer une pareille fraude de la part d’une administration populaire, et qui, dans l’ordre de la Constitution, sera continuellement surveillée ; d’ailleurs, cette fraude est d’autant moins à craindre que la communauté ne pourra recevoir les fonds abandonnés qu’en se soumettant à la charge qu’elle leur aurait imposée, et qui retomberait ainsi sur elle-même. Enfin, le propriétaire aura toujours le droit de se pourvoir en modération de taxe, plutôt que d’abandonner. M. Gaultier de Biauzat. Je propose, par amendement, de permettre au propriétaire des terres abandonnées de pouvoir y rentrer dans dix ans en indemnisant des dépenses et améliorations. (On demande la question préalable sur tous les amendements.) La question préalable est mise aux voix et prononcée. L’article 4, devenu le 3e, est mis aux voix et décrété en ces termes : Art. 3. « Les particuliers ne pourront s’affranchir de la contribution à laquelle leurs marais, (erres vaines et vagues devraient être soumis, qu’en reaonçant à ces propriétés, au profit de la commune dans le territoire de laquelle ces terrains sont situés. « La déclaration détaillée de cet abandon perpétuel sera faite, par écrit, au secrétariat de la municipalité, par le propriétaire ou son fondé de pouvoir. « Les cotisations des objets ainsi abandonnés dans les rôles faits antérieurement à la cession, resteront à la charge de l’ancien propriétaire. » M. Dauchy, rapporteur , passe à la lecture de l’article 5. M. Ramel. Je propose une disposition ainsi conçue : « L’Assemblée nationale décrète qne les municipalités seront tenues d’aliéner les terres vagues et vaines de leur territoire et de les adjuger à celui qui fera la condition meilleure, quand bien même l’adjudicataire n’offrirait que d’acquitter les impositions. » (L’Assemblée renvoie l’examen de cette proposition aux comités des impositions et d’agriculture réunis.) L’article 5, qui devient le 4e du décret, est ensuite adopté comme il suit : Art. 4. * La taxe des marais, terres vaines et vagues, situés dans l’étendue du territoire d’une communauté, «jui n’ont ou n’auront aucun propriétaire particulier, sera supportée par la communauté, et acquittée ainsi qu’il sera réglé pour les autres cotisations de biens communaux. » M. Dauchy, rapporteurt relit l’article 6 qui est soumis à la discussion. M. Martineau. Je ne vois dans les dispositions de cet article qu’un moyen de favoriser l’arbitraire et de laisser échapper à l’impôt un grand nombre de terres qu’on prétendrait défrichées ou desséchées. Je demande ou l'ajournement ou la question préalable. M.Heurtault-Lattiervllle. Le résultat de l’article le voici ; on aura, au bout de 25 ans, des terrains qui présenteront de plus grandes ressources à l’Etat par les impôts qu’ils supporteront. Je conclus donc que le préopinant s’entend mieux en éloquence qu’en agriculture. M. Iiaveuue. On devrait, je crois, réduire l’exemption de l’impôt à 15 années. M. Regnaud, de Saint-Jean-d' Ângely . Je suis d’un pays où il y a au moins cent mille journaux de marais. Les exemptions accordées sous l’ancien régime, portées, comme on lésait, à quinze ans, n’ont engagé qui que ce soit à dessécher ces marais, parce que les propriétaires ont constaté visiblement que cette exemption n'était pas suffisante pour les dédommager. Mon avis serait donc de porter l’exemption à quarante ans, au lieu de la restreindre à quinze comme le préopinanl. (On demande à aller aux voix sur l'article du comité.) L’article 6, devenu le 5* du décret, est adopté en ces termes : Art. 5. « A l’avenir, la cotisation des marais qui seront desséchés ne pourra être augmentée pendant les 25 premières années après leur dessèchement.» Les articles 7 et 8 du projet, qui deviennent les articles 6 et 7 du décret, sont ensuite adoptés ainsi qu’il suit : Art. 6. « La cotisation des terres vaines et vagues depuis 25 ans, et qui seront mises en culture, ne pourra de même être augmentée pendant les 15 premières années après leur défrichement.» Art. 7. « La cotisation des terres en friche, qui seront plantées ou semées en bois, ne pourra non plus être augmentée pendant les 30 premières années du semis ou de la plantation.» M. le Président. Je propose à l’Assemblée d’interrompre son ordre du jour et la discussion commencée pour entendre le rapport des commissaires nommés pour préparer , surveiller et diriger la fabrication des nouveaux assignats. (Cette proposition est adoptée.) M. Périsse-Buluc, rapporteur. Vous avez été frappés du danger de la contrefaction des assignats. Pour aller au-devant de cette falsification, vous avez chargé plusieurs de vos membres de se réunir, avec les deux e«&mi*eaires du roi, pour surveiller la fabrication des assignats. Dans une fabrication très commune on peut placer des indices secrets qui suffiraient aux vérificateurs du