184 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE dans la douleur, que nous aurions à frissonner de nouveau du crime non moins atroce qui a pensé nous ravir Robespierre. Nous vous demandons qu’une vengeance aussi prompte qu’éclatante glace enfin de terreur et pétrifie ces monstres qui osent lever des poignards parricides sur la représentation nationale et assassiner la République en perçant ses plus intrépides défenseurs. Représentants, ce n’est pas assez de vouer à l’exécration la mémoire de ces forcenés, d’exterminer leurs complices, de dénoncer à l’univers indigné ces forfaits répétés, il faut encore les prévenir et les rendre impossibles. Ne nous dissimulons plus que le désespoir des tyrans peut tout enfreindre, peut enfanter les plus grands crimes pour arracher la vie aux courageux montagnards qui, d’une main sûre et hardie ébranlent leurs trônes ensanglantés; plus leur chute est prochaine, plus leur rage est incalculable. Les derniers momens des Néron, des Caligula, ne furent-ils pas marqués par des forfaits qui firent frémir la nature ! Vous ne pouvez résister plus longtemps aux vœux unanimes des patriotes; ils veulent vous servir d’égide; ne les refusez pas; il faut que désormais leurs corps forment autour de vous une enceinte inexpugnable, un mur d’airain contre lequel viendront se briser les poignards des tyrans et de leurs infâmes ministres. Acceptez donc les offres qui vous sont faites, voyez le peuple français qui vous crie : Citoyens, vos jours ne vous appartiennent plus, ils appartiennent à la patrie. La mort de cent rois est un bienfait de la divinité, mais celle d’un vertueux républicain met en deuil l’humanité entière. Et nous aussi nous demandons à partager la gloire de vous défendre, l’honneur de recevoir les coups qui vous sont destinés. Les républicains du Havre-Marat ne le céderont jamais en dévouement à aucun de leurs frères. Pour remplir ce devoir sacré il n’y aura de dissentiment entre eux que pour savoir qui volera le premier partager l’avantage de conserver à la Nation française ses fidèles mandataires, l’effroi des tigres couronnés. S. et F. » Burgain (vice-présid.) , Le Tellien, Alexandre, Hurninger, Duclere. 8 La société populaire de Bernay, département de l’Eure, écrit à la Convention nationale : Des monstres endurcis dans le crime, à qui le déchirement de leur conscience faisoit désirer l’impunité, ont voulu détruire le principe de toutes les vertus, dégrader l’homme en le dépouillant de toute espèce de moralité, en n’appercevant dans ses actions que le résultat d’un aveugle mécanisme. Mais votre main vengeresse a lancé la foudre sur ces obscurs blasphémateurs et leur supplice le plus affreux sera de ne pouvoir trouver le néant dans lequel ils croyoient ensevelir leur criminelle existence. Mention honorable, insertion au bulletin (1) . (1) P.V., XXXVIII, 235. B"*, 13 prair. (2« suppl1); C. Un iu., 15 prair.; J. Lois, n° 613; J. Sablier, n° 1354. [ Bernay , s.d.] (1) . « Citoyens représentans, L’ingénieuse allégorie de la boite à Pandore nous apprend que lorsque tous les maux qu’elle renfermait se furent répandus sur la terre, l’humanité consternée trouva dans le fond, le plus grand des biens, celui qui est à l’épreuve du malheur même, la douce espérance. Des monstres endurcis dans le crime, à qui le déchirement de leur conscience faisait désirer l’impunité, ont voulu nous le ravir, ce bien précieux en détruisant le principe de toutes les vertus, en dégradant l’homme, en le dépouillant de toute espèce de moralité, en n’apercevant dans ses actions que le résultat d’un aveugle mécanisme. Mais vous avez réalisé la fable des Titans; votre main vengeresse a lancé la foudre sur les obscurs blasphémateurs; vous les avez replongés dans la fange du marais dont ils étaient sortis; et leur supplice le plus affreux sera de ne pouvoir trouver le néant dans lequel ils croyaient ensevelir leur criminelle existence. Après avoir rendu à l’homme toute sa dignité, vous l’avez fait remonter jusqu’à la source de sa grandeur. Et vous avez posé le monument éternel de sa félicité sur une base aussi solide que durable. Vous lui avez appris à reconnaître ses droits dont les titres sont inscrits dans le grand livre de la nature par la main sacrée de son auteur. Oui Citoyens, votre décret du 18 floréal achève de caractériser votre amour pour l’humanité, et élève dans tous les cœurs des trophées de reconnaissance. Daignez donc recevoir le témoignage sincère de ce sentiment qui vous est adressé par les membres de la société populaire de Bernay. Ils se flattent que vous le recevrez avec intérêt quand vous apprendrez que l’arbre de la liberté ne s’est élevé dans leurs murs que sous les auspices de l’être suprême dont le nom et les attributs formaient la majestueuse décoration; quand vous saurez que dès le mois de pluviôse, après avoir proscrit les ridicules emblèmes de la superstition, ils instituèrent des fêtes décadaires, et que les voûtes du temple retentirent, dès ce moment, des vœux qu’ils adresseront à la Divinité. C’est cette conception sublime d’un être suprême et de l’immortalité de l’âme, ce sentiment profond de l’ordre qui règne dans l’univers qui les a toujours conservés purs et sans tache; qui les a préservés des pièges que leur tendait le hideux fédéralisme dont ils vous ont dénoncé les perfides manœuvres, qui leur a fait braver les insultantes menaces, et qui enfin est le plus sûr garant de leur respect pour les lois, de leur dévouement pour la sainte Montagne et de leur amour pour la patrie. » Buschey ( présid .) , Lenepveu (secrét.) , Mutil. 9 Les administrateurs du district [de Bernay] écrivent à la Convention que les plus douces sensations se sont fait sentir à la lecture du décret du 18, et que la plus vive reconnaissance s’est manifestée à la publication du décret du (1) C 306, pl. 1159, p. 4. 184 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE dans la douleur, que nous aurions à frissonner de nouveau du crime non moins atroce qui a pensé nous ravir Robespierre. Nous vous demandons qu’une vengeance aussi prompte qu’éclatante glace enfin de terreur et pétrifie ces monstres qui osent lever des poignards parricides sur la représentation nationale et assassiner la République en perçant ses plus intrépides défenseurs. Représentants, ce n’est pas assez de vouer à l’exécration la mémoire de ces forcenés, d’exterminer leurs complices, de dénoncer à l’univers indigné ces forfaits répétés, il faut encore les prévenir et les rendre impossibles. Ne nous dissimulons plus que le désespoir des tyrans peut tout enfreindre, peut enfanter les plus grands crimes pour arracher la vie aux courageux montagnards qui, d’une main sûre et hardie ébranlent leurs trônes ensanglantés; plus leur chute est prochaine, plus leur rage est incalculable. Les derniers momens des Néron, des Caligula, ne furent-ils pas marqués par des forfaits qui firent frémir la nature ! Vous ne pouvez résister plus longtemps aux vœux unanimes des patriotes; ils veulent vous servir d’égide; ne les refusez pas; il faut que désormais leurs corps forment autour de vous une enceinte inexpugnable, un mur d’airain contre lequel viendront se briser les poignards des tyrans et de leurs infâmes ministres. Acceptez donc les offres qui vous sont faites, voyez le peuple français qui vous crie : Citoyens, vos jours ne vous appartiennent plus, ils appartiennent à la patrie. La mort de cent rois est un bienfait de la divinité, mais celle d’un vertueux républicain met en deuil l’humanité entière. Et nous aussi nous demandons à partager la gloire de vous défendre, l’honneur de recevoir les coups qui vous sont destinés. Les républicains du Havre-Marat ne le céderont jamais en dévouement à aucun de leurs frères. Pour remplir ce devoir sacré il n’y aura de dissentiment entre eux que pour savoir qui volera le premier partager l’avantage de conserver à la Nation française ses fidèles mandataires, l’effroi des tigres couronnés. S. et F. » Burgain (vice-présid.) , Le Tellien, Alexandre, Hurninger, Duclere. 8 La société populaire de Bernay, département de l’Eure, écrit à la Convention nationale : Des monstres endurcis dans le crime, à qui le déchirement de leur conscience faisoit désirer l’impunité, ont voulu détruire le principe de toutes les vertus, dégrader l’homme en le dépouillant de toute espèce de moralité, en n’appercevant dans ses actions que le résultat d’un aveugle mécanisme. Mais votre main vengeresse a lancé la foudre sur ces obscurs blasphémateurs et leur supplice le plus affreux sera de ne pouvoir trouver le néant dans lequel ils croyoient ensevelir leur criminelle existence. Mention honorable, insertion au bulletin (1) . (1) P.V., XXXVIII, 235. B"*, 13 prair. (2« suppl1); C. Un iu., 15 prair.; J. Lois, n° 613; J. Sablier, n° 1354. [ Bernay , s.d.] (1) . « Citoyens représentans, L’ingénieuse allégorie de la boite à Pandore nous apprend que lorsque tous les maux qu’elle renfermait se furent répandus sur la terre, l’humanité consternée trouva dans le fond, le plus grand des biens, celui qui est à l’épreuve du malheur même, la douce espérance. Des monstres endurcis dans le crime, à qui le déchirement de leur conscience faisait désirer l’impunité, ont voulu nous le ravir, ce bien précieux en détruisant le principe de toutes les vertus, en dégradant l’homme, en le dépouillant de toute espèce de moralité, en n’apercevant dans ses actions que le résultat d’un aveugle mécanisme. Mais vous avez réalisé la fable des Titans; votre main vengeresse a lancé la foudre sur les obscurs blasphémateurs; vous les avez replongés dans la fange du marais dont ils étaient sortis; et leur supplice le plus affreux sera de ne pouvoir trouver le néant dans lequel ils croyaient ensevelir leur criminelle existence. Après avoir rendu à l’homme toute sa dignité, vous l’avez fait remonter jusqu’à la source de sa grandeur. Et vous avez posé le monument éternel de sa félicité sur une base aussi solide que durable. Vous lui avez appris à reconnaître ses droits dont les titres sont inscrits dans le grand livre de la nature par la main sacrée de son auteur. Oui Citoyens, votre décret du 18 floréal achève de caractériser votre amour pour l’humanité, et élève dans tous les cœurs des trophées de reconnaissance. Daignez donc recevoir le témoignage sincère de ce sentiment qui vous est adressé par les membres de la société populaire de Bernay. Ils se flattent que vous le recevrez avec intérêt quand vous apprendrez que l’arbre de la liberté ne s’est élevé dans leurs murs que sous les auspices de l’être suprême dont le nom et les attributs formaient la majestueuse décoration; quand vous saurez que dès le mois de pluviôse, après avoir proscrit les ridicules emblèmes de la superstition, ils instituèrent des fêtes décadaires, et que les voûtes du temple retentirent, dès ce moment, des vœux qu’ils adresseront à la Divinité. C’est cette conception sublime d’un être suprême et de l’immortalité de l’âme, ce sentiment profond de l’ordre qui règne dans l’univers qui les a toujours conservés purs et sans tache; qui les a préservés des pièges que leur tendait le hideux fédéralisme dont ils vous ont dénoncé les perfides manœuvres, qui leur a fait braver les insultantes menaces, et qui enfin est le plus sûr garant de leur respect pour les lois, de leur dévouement pour la sainte Montagne et de leur amour pour la patrie. » Buschey ( présid .) , Lenepveu (secrét.) , Mutil. 9 Les administrateurs du district [de Bernay] écrivent à la Convention que les plus douces sensations se sont fait sentir à la lecture du décret du 18, et que la plus vive reconnaissance s’est manifestée à la publication du décret du (1) C 306, pl. 1159, p. 4. SÉANCE DU 13 PRAIRIAL AN II (1er JUIN 1794) - N° 10 185 23 Floréal; ils invitent la Convention à rester à son poste. Mention honorable, insertion au bulletin (1) . 10 La Société populaire d’Amiens (2) félicite la Convention nationale d’avoir proclamé au nom du peuple français, l’existence de l’Etre-Suprê-me et l’immortalité de l’âme. Nous regarderons comme contre-révolutionnaires, dit-elle, ceux qui voudront prêcher au peuple l’athéisme, c’est-à-dire, la subversion de tous les principes. Les Français républicains ne sont pas des athées; aucun peuple au contraire n’est plus persuadé que cette opinion, si elle étoit répandue, seroit destructive de la société. Cette société termine par féliciter la Convention sur son décret du 18 floréal, et l’invite à rester à son poste. Mention honorable, insertion au bulletin (3) . [ Amiens , 1er prair. II] (4). « Citoyens représentants, Vous avez enfin détrompé l’Europe entière et détruit l’inculpation injuste fait à la nation française. Vous avez dissipé l’erreur dans laquelle les despotes réunis avaient jeté les peuples qu’ils tiennent sous le joug, pour tâcher de légitimer à leurs yeux la haine qu’ils nous portent, et exciter de plus en plus leur fureur contre nous. Vous avez déclaré à l’univers que le peuple français reconnait l’existence de l’Etre suprême et l’immortalité de l’âme. Voilà donc encore un de leurs complots déjoué. Les voilà donc privés enfin du moyen de séduction le plus èfficace qu’ils aient jamais employé. Les scélérats ! ils publiaient partout que nous professions ouvertement l’athéisme; en même temps qu’ils payaient des traîtres qui siégeaient parmi vous, pour prêcher et nous faire adopter cette monstrueuse erreur. Insensés qu’ils sont ! pouvaient-ils croire qu’une nation aussi éclairée pouvait se livrer à cet excès de folie. Nous avons, il est vrai, banni la superstition et écrasé le fanatisme, nous avons rejeté des erreurs injurieuses à l’auteur de notre être; nous avons regardé comme nos ennemis et chassé du milieu de nous les druides inhumains qui voulaient nous persuader que c’était honorer la divinité que de massacrer en son nom des hommes innocens et justes qui refusaient d’admettre un dieu de sang, l’assemblage de toutes les absurdités et de tous les vices. Mais nous ne souffrirons pas non plus et nous regarderons comme des contre-révolutionnaires ceux qui voudront prêcher au peuple l’athéisme, c’est-à-dire les subversions de tous les principes. Il n’y a que les ennemis de la liberté et de l’égalité qui puissent être partisans du désordre, unique moyen de les détruire. (1) P.V., XXXV K, 235. J. Paris, n° 616. (2) Somme. (3) P.V., XXXVIII, 236. Bin, 13 prair. (2e suppl4) ; /. Sablier, n° 1354; J. Lois, n° 616. (4) C 306, pl. 1159, p. 6 (p. 5 : extraits de cette adresse, mêmes signatures) . Non, Citoyens, non les Français républicains ne sont point des athées, aucun peuple, au contraire, n’a plus qu’eux horreur de l’athéisme; aucun peuple n’est plus persuadé que cette opinion, si elle était répandue, serait destructive de la société. Le génie céleste de l’immortel Jean Jacques nous anime encore tous. Il nous a appris avec vous à n’être ni superstitieux ni matérialistes. L’idée de l’être suprême et de l’immortalité de l’âme qui relevaient nos espérances sous le poids de l’esclavage donne maintenant un nouveau lustre à la liberté que vous nous avez acquise. Que le despote impie ferme tant qu’il voudra son cœur à cette douce jouissance, le désordre absorbe son âme et le remords le poursuit. Mais nous qui sommes instruits à votre école et à qui vous avez enseigné à suivre en tout la voix de la nature, nous ne méconnaîtrons jamais son auteur. Citoyens représentans, vous avez appris à l’univers qu’il est des vérités éternelles et immuables que la durée du temps ni la force des préjugés ne peuvent détruire. Celui qui a mis dans nos cœurs l’amour de la liberté et de l’égalité, y a aussi gravé l’idée d’une cause première et le désir de l’immortalité; s’il nous a imprimé l’amour de nous même dans un haut degré, il nous a aussi doués d’une compassion irrésistible pour les maux d’autrui. C’est dans ces principes naturels que nous croyons que réside la force du lien social. Nous laissons aux amateurs de systèmes le soin d’établir l’égoisme ou l’amour exclusif de soi pour base de tout gouvernement. Amis du peuple, nous ne lui enseignerons que des vérités qui puissent le rendre bon et heureux. Nous ne voulons abandonner l’opinion de la génération naissante ni à l’impulsion des fanatiques ni aux raisonnements capricieux des faux philosophes, mais nous voulons qu’elle soit imbue de maximes utiles et consolantes qui soutiennent l’innocence dans le malheur. La société populaire d’Amiens qui avait dès longtemps déclaré par un arrêté solennel qu’elle renonçait aux dogmes de toute religion révélée a reçu avec enthousiasme votre décret du 18 floréal, elle vous en remercie et vous en félicite. Continuez, intrépides Législateurs, de résister à tous les orages que le despotisme aux abois soulève contre le vaisseau de la République, et bientôt vous le ferez entrer heureusement dans le port. Bientôt nous verrons flotter l’olivier de la paix à côté des couleurs nationales. Bientôt nous dirons à nos enfans en leur apprenant à balbutier vos noms chéris, « voilà les hommes » sages et courageux qui nous ont arrachés à la » fureur de nos ennemis et ont assuré notre » félicité ». Et lorsque la loi commune de la nature vous aura transportés au séjour de l’immortalité et vous aura réunis aux grands hommes de tous les siècles, qui ont combattu le despotisme, vous contemplerez du sein du repos éternel le bonheur dont la France jouira alors; et conversant avec Marat, Le pelletier, Aristide, Brutus et Caton, vous vous réjouirez avec eux de ce que plus heureux que ces derniers vous n’aurez point fait d’efforts inutiles pour la liberté de votre pays. S. et F. » Barbier Jenty (p résid.), Navel (secrét.) . SÉANCE DU 13 PRAIRIAL AN II (1er JUIN 1794) - N° 10 185 23 Floréal; ils invitent la Convention à rester à son poste. Mention honorable, insertion au bulletin (1) . 10 La Société populaire d’Amiens (2) félicite la Convention nationale d’avoir proclamé au nom du peuple français, l’existence de l’Etre-Suprê-me et l’immortalité de l’âme. Nous regarderons comme contre-révolutionnaires, dit-elle, ceux qui voudront prêcher au peuple l’athéisme, c’est-à-dire, la subversion de tous les principes. Les Français républicains ne sont pas des athées; aucun peuple au contraire n’est plus persuadé que cette opinion, si elle étoit répandue, seroit destructive de la société. Cette société termine par féliciter la Convention sur son décret du 18 floréal, et l’invite à rester à son poste. Mention honorable, insertion au bulletin (3) . [ Amiens , 1er prair. II] (4). « Citoyens représentants, Vous avez enfin détrompé l’Europe entière et détruit l’inculpation injuste fait à la nation française. Vous avez dissipé l’erreur dans laquelle les despotes réunis avaient jeté les peuples qu’ils tiennent sous le joug, pour tâcher de légitimer à leurs yeux la haine qu’ils nous portent, et exciter de plus en plus leur fureur contre nous. Vous avez déclaré à l’univers que le peuple français reconnait l’existence de l’Etre suprême et l’immortalité de l’âme. Voilà donc encore un de leurs complots déjoué. Les voilà donc privés enfin du moyen de séduction le plus èfficace qu’ils aient jamais employé. Les scélérats ! ils publiaient partout que nous professions ouvertement l’athéisme; en même temps qu’ils payaient des traîtres qui siégeaient parmi vous, pour prêcher et nous faire adopter cette monstrueuse erreur. Insensés qu’ils sont ! pouvaient-ils croire qu’une nation aussi éclairée pouvait se livrer à cet excès de folie. Nous avons, il est vrai, banni la superstition et écrasé le fanatisme, nous avons rejeté des erreurs injurieuses à l’auteur de notre être; nous avons regardé comme nos ennemis et chassé du milieu de nous les druides inhumains qui voulaient nous persuader que c’était honorer la divinité que de massacrer en son nom des hommes innocens et justes qui refusaient d’admettre un dieu de sang, l’assemblage de toutes les absurdités et de tous les vices. Mais nous ne souffrirons pas non plus et nous regarderons comme des contre-révolutionnaires ceux qui voudront prêcher au peuple l’athéisme, c’est-à-dire les subversions de tous les principes. Il n’y a que les ennemis de la liberté et de l’égalité qui puissent être partisans du désordre, unique moyen de les détruire. (1) P.V., XXXV K, 235. J. Paris, n° 616. (2) Somme. (3) P.V., XXXVIII, 236. Bin, 13 prair. (2e suppl4) ; /. Sablier, n° 1354; J. Lois, n° 616. (4) C 306, pl. 1159, p. 6 (p. 5 : extraits de cette adresse, mêmes signatures) . Non, Citoyens, non les Français républicains ne sont point des athées, aucun peuple, au contraire, n’a plus qu’eux horreur de l’athéisme; aucun peuple n’est plus persuadé que cette opinion, si elle était répandue, serait destructive de la société. Le génie céleste de l’immortel Jean Jacques nous anime encore tous. Il nous a appris avec vous à n’être ni superstitieux ni matérialistes. L’idée de l’être suprême et de l’immortalité de l’âme qui relevaient nos espérances sous le poids de l’esclavage donne maintenant un nouveau lustre à la liberté que vous nous avez acquise. Que le despote impie ferme tant qu’il voudra son cœur à cette douce jouissance, le désordre absorbe son âme et le remords le poursuit. Mais nous qui sommes instruits à votre école et à qui vous avez enseigné à suivre en tout la voix de la nature, nous ne méconnaîtrons jamais son auteur. Citoyens représentans, vous avez appris à l’univers qu’il est des vérités éternelles et immuables que la durée du temps ni la force des préjugés ne peuvent détruire. Celui qui a mis dans nos cœurs l’amour de la liberté et de l’égalité, y a aussi gravé l’idée d’une cause première et le désir de l’immortalité; s’il nous a imprimé l’amour de nous même dans un haut degré, il nous a aussi doués d’une compassion irrésistible pour les maux d’autrui. C’est dans ces principes naturels que nous croyons que réside la force du lien social. Nous laissons aux amateurs de systèmes le soin d’établir l’égoisme ou l’amour exclusif de soi pour base de tout gouvernement. Amis du peuple, nous ne lui enseignerons que des vérités qui puissent le rendre bon et heureux. Nous ne voulons abandonner l’opinion de la génération naissante ni à l’impulsion des fanatiques ni aux raisonnements capricieux des faux philosophes, mais nous voulons qu’elle soit imbue de maximes utiles et consolantes qui soutiennent l’innocence dans le malheur. La société populaire d’Amiens qui avait dès longtemps déclaré par un arrêté solennel qu’elle renonçait aux dogmes de toute religion révélée a reçu avec enthousiasme votre décret du 18 floréal, elle vous en remercie et vous en félicite. Continuez, intrépides Législateurs, de résister à tous les orages que le despotisme aux abois soulève contre le vaisseau de la République, et bientôt vous le ferez entrer heureusement dans le port. Bientôt nous verrons flotter l’olivier de la paix à côté des couleurs nationales. Bientôt nous dirons à nos enfans en leur apprenant à balbutier vos noms chéris, « voilà les hommes » sages et courageux qui nous ont arrachés à la » fureur de nos ennemis et ont assuré notre » félicité ». Et lorsque la loi commune de la nature vous aura transportés au séjour de l’immortalité et vous aura réunis aux grands hommes de tous les siècles, qui ont combattu le despotisme, vous contemplerez du sein du repos éternel le bonheur dont la France jouira alors; et conversant avec Marat, Le pelletier, Aristide, Brutus et Caton, vous vous réjouirez avec eux de ce que plus heureux que ces derniers vous n’aurez point fait d’efforts inutiles pour la liberté de votre pays. S. et F. » Barbier Jenty (p résid.), Navel (secrét.) .