038 (Assemblé* Mtiooale.J dangereux dans cette question, mais que le sort de y os colonies, de votre commerce, conséquemment de votre état politique, se trouve attaché à la manière dont vous la déciderez. Je crois que les raisons que j’ai eu l’honneur de vous exposer, Messieurs, n’ont pas besoin de plus de développement, je vais vous donner lecture du projet de décret que vos comités réunis ont rédigé. « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait au nom de ses comités de Constitution, d’agriculture et de commerce, des colonies et de la marine, décrète ce qui suit : « Art. 1er. L’Assemblée nationale décrète, comme article constitutionnel, qu’aucune loi sur l’état des personnes ne pourra être faite par le Corps législatif, pour les colonies, que sur la demande précise et formelle des assemblées coloniales. « Art. 2. Attendu qu’il importe à l’intérêt général des colonies qu’elles énonceut leur vœu d’une manière commune et uniforme, sur ce qui concerne les hommes de couleur et nègres libres, dans le moment où leurs assemblées sont spécialement chargées du travail de la constitution coloniale, afin que, tout éiant clairement réglé dans cette constitution, la tranquillité des colonies soit invariablement garantie à l’avenir, au moyen de la jouissance pleine et constante du droit d’initiative qui leur est assuré par l’article premier, l’Assemblée nationale ordonne qu’il sera formé un comité général des colonies, ainsi qu’il va être expliqué. « Art. 3. Chacune des assemblées coloniales d’Amérique nommera des commissaires pris dans son sein; savoir, celle de Saint-Domingue, 12; celle de la Martinique, 5; celle de la Guadeloupe et dépendances, 6; celle de Sainte-Lucie, 2; celle de Tabago, 2 et celie de Cayenne 2. « Art. 4. Ges commissaires, choisis au scrutin et à la majorité absolue des voix, auront la mission unique de s’expliquer au nom des colonies sur ce q i est relatif aux hommes de couleur et nègres libres, sans pouvoir étendre leur délibération à aucun autre objet, à peine de nullité, pour tout ce qui sera étranger à l’ubjet spécial de leur mission. « Art. 5. Les commissaires seront tenus de se rendre dans la partie française de l’ile Saint-Martin, à l’effet dfy ouvrir leurs séances à l’époque du premier du mois de décembre prochain, à moins qu’ils ne s’y trouvent tous réunis auparavant; auquel cas ils pourront procéder sans attendre ladite époque. « Art. 6. Il sera loisible aux assemblées coloniales de fournir des mémoires & leurs commissaires respectifs, mais seulement à titre d’instruc-tiouset m>n pas de mandats impératifs. * Art. 7. Le comité s’occupera, à la première séance, de son organisation par ticulière, et du choix de son président et de son secrétaire. « Art. 8. Toute délibération sera prise à la majorité des voix; mais il ne pourra y avoir de délibérai ion s’il ue se trouve au moins 19 membres présents. « Art. 9. Le comité sera tenu de terminer son travail dans l’espace de 40 jours au plus tard, à compter de sa première séance. « Art. 10. La minute du procès-verbal des séances du comité demeurera entre les mains de l’officier commandant la partie française de i’ile Saint-Martin, pour servir en cas d événement; mais il en sera adressé, directement par le comité, des expéditions à l'Assemblée nationale, afin qu’il soit statué par elle sur ce qui aura été proposé par [1 Btti 1791.] le comité, sans qu’aucun article puisse être exécuté provisoirement dans aucune colonie. « Art. 11. U en sera pareillement adressé des expéditions au roi, et il en sera délivré une à chaque commission. « Art. 12. Les commissaires de chaque colonie déposeront, aux archives de leur assemblée coloniale respective, l’expédition qui leur aura été délivrée. « Art. 13. Aussitôt après ce dépôt, les assemblées coloniale s seront tenues d’adresser à l’Assemblée nationale et au roi des expéditions de l’acte qui contiendra la preuve du dépôt. « Art. 14. L’état des hommes de couleur etnègres libres ayant été réglé définitivement par le Corps légistatif sur la proposition du comité de Saint-Martin, le premier article du présent décret sera pleinement exécuté, et les législatures suivantes ne pourront provoquer une nouvelle proposition des colonies relativement à l’état des personnes quelconques. « Art. 15. Chaque assemblée coloniale statuera, lors de la nomination de ses commissaires, sur le traitement qu’il conviendra de leur accorder à raison de leur déplacement. « Art. 16. Le roi sera prié de donner tous les ordres nécessaires à l’exécution du présent décret, notamment pour le transport des commissaires nommés par les différentes colonies au comité de l’île de Saint-Martin, et pour les dispositions relatives aux séances de ce comité. » M. l’abbé Grégoire. Je ne puis m’empêcher de faire part à l’Assemblée de mou étonnement, lorsque je vois présenter un projet d’un si graod intérêt sans nous l’avoir fait préalablement connaître par la voie de l’impre-sion. C’est, à mon sens, un moyen très adroit pour faire coasacrer constitutionnellement la tyrannie et l’oppression. Ce projet renferme les objets de la plus haute importance. On nous parle de convertir un acte constitutionnel, le considérant du décret du mois d'octobre. J’observerai, eu passant, que ce n’est pas là un objet de Constitution; car ce considérant tient à la déclaration des droits de Thomme et on ne nous propose rien moins que de l’anéantir. On nous dit qu’il faut être juste avec prudence, j’avoue que, dans le projet de décret qu’on nous propose, je ne vois qu’un moyen d’être oppresseur avec adress ■, d<* perpétuer encore l’oppression sur une classe d’hommes qui sont libres par la nature et par la loi et que l’on veut réduire a l’esclavage en les livrant à la domination des autres. On nous dit qu’il ne faut pas ajourner. Mais après avoir attendu 4 mois pour nous présenter ce projet, on peut bien attendre 4 jours encore pour avoir l’impression du rapport. Il faut au moins laisser aux membres de l’Assemblée le temps de réfléchir sur une proposition qui tient de ai prés aux premiers principes de la Constitution. Je demande donc l’impression du rapport et l’ajournement du projet de décret. ( Murmures et applaudissements.) MM. Pélioa de Yilleneave et Mureaa de Sainft-Méry demandent en même temps la parole. M. Moréas de Saiat-Méry. Je m’oppose à l’ajournement. ARCHIVE» PARLEMENTAIRES. (Assamblée nttioMle.l A&CBIVS» tAJUJEHEIf XAlHfi& [7 am 11SH.J M. Cmmiu. La motion de l'impression passe ayant tout. M. Pétiss 4e Wllleneave. Laissez parler M. Moreau; peut-être nous expliquera-t-il les motifs du projet horrible qu’on ose vous présenter. Ou répondra. M. Moreaa de Saint-Méry (1). Je ne suis Iias étonné, Messieurs, d’entendre donner la qua-ification d’horrible au projet de décret qu'on tous présente par ceux qui se fout un devoir de publier sans cesse des écrits, non seulement contre tous les projets de décret qui vous sont pré-semés relativement aux colo lies, mois même contre les décrets que vous avez rendus, et qui prétendent toujours que ce sont des outrages contre l’h imanité, et des actes criminels de la part de l’Assemblée. 11 n’j a que trop longtemps que nous sommes en butte aux calomnies de toute espèce de la part d’hommes qui, gequaliiiaat du titre d’amis des noirs, ih -rcnent à exciter les gens de couleur contre les habitants blancs. Le public est inondé d’écrits incendiaires de la part de ces personnes qui prennent un titre, à l'ombre duquel ils croient peut-être justifier toutes les décantations et toutes les horreurs qu’ils se permettent contre les colons. C’est dans l'Assemblée nationale que ces derniers doivent trouver un asile qui leur a été promis, que j’ose dire qu’on ne doit pas violer sans violer ce que l’on lui doit à elle-même. Ils se sont jetés dans l’enceinte où siègent les législateurs pour invoquer leur justice et sefair - entendre sans éprouver d’obstacle. Mais que penseront-ils alors qu’ils sauront que vous différt z? Quel funeste pn sage ne se présentera pas à leur pensée, et qui peut calculer la mesure et la suitede leur désespoir? Ne redoutez-vous point les calculs des méchants qui sauront mettre à prolit votre hésitation et vos délais, pour répandre des doutes sur vos intentions, égarer les esprits, allumer la guerre dans les colonies et les couvrir de désolation, de ruines et de deuil? Tous les maux qui ont affligé les colonies sont partis de ces mêmes mains, qui vont encore s’armer pour y renouveler les troubles que notre sagesse avait su apaiser. Les libelles les plus atroces vont reprendre leurs cours, et je ne puis fixer le terme où s’arrêtera l’incendie. Prétendez-vous donc que la Constitution que vous avez donnée à la France puisse convenir aux colonies? Il faut renoncer à vos richesses, à votre commerce, ou déclarer franchement que la déclaration des droits n’est pas applicable aux colonies. Les colonies ne ressemblent pas à la France, cette vérité ne peut être méconaue par personne. Biles ne peuvent avoir le même régime inté ieur ni la même organisation. Je dis que les colonies ne n sseinblent pas à la Fanee, et que c’est un bonheur pour celte dernière. Leur commerce ne ressemble en aucune manière à celui des autres parties de l’Empire, et si elles ne pouvaient pas faire dans le commerce d*s opérations différentes des vôtres, elles cesserai-nt bientôt d’èîre votre colonie, et si vous les assujettissiez aux mêmes lois, elles deviendraient bientôt inutiles, et vu us perdriez voire ctonmerce avec vos colonies; saus elfes touls perdriez votre maxime, votre (1) Le discours do M. Moreau do Saiut-Mory n’a pas été inséré au Moniteur. m» commerce, voire splendeur et votre rang politique dans l’Europe. ( Murmures prolongés.) M. Reederer. U ne s’agit pas du fond, mais de l’ajournemeDt. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angely) . Toute ces déciamations-là sont mutiles. M. Movgins. Monsieur le Président, mettez aux voix l’ajournement. M. Rareait de Saint-Méry. J'ai demandé la parole sur l'ajournement. Plusieurs membres : Vous parlez sur le fond. M. Bureau de Saiat-Réry. J’ai demandé à parler sur l'ajournement, et il n’appartient à personne de me dire comme je dois parler sur i’ajouroemeol. Il ne s'agit pas de préparer une espèce de comédie, si j’ose m'exprimer ainsi, et de vouloir que lu France ait incognito encore la propriété des colonies qui sout si utiles à son commerce et à sa prospérité. L’Assemblée nationale a déc'aré que les colonies font partie de l’empire français; elle a reconnu que les colonies ne ressemblaient pas au reste de l’empire; elle a déclaré, noa pas dans le considérant du décret du 12 octobre, mais dans le décret constitutionnel du 8 mars, que la cona-tiiutkm décrétée pour le royaume ne convenait pas aux colonies; elle a reconnu qu’elle n’avait jamais entendu assujettir les possessions éloignées à des règle» et à une constitution incompatible avec b uis convenances loca es. Le principe est posé ; il vous est imi«>ssiblede nousameoer désormais à une assimilation que la nature repousse, et de tenter de nous idacer entre cette alternative cruelle de ne pouvoir être qu’entre l’obéissance ou la mort. M. de F elle ville. M. Moreau de Saint-Méry va eu venir à l’ajouruement. Un membre : Quand il s’agit des colonies, on ue permet pas de discuter. M. Roreau de Saint-Réry. Je trouve dans le projet do décret pui vous est présenté deux pjities très di-unctes : l'une tend à déclarer coMStilmiouoeltement un principe que vous avez déjà établi dans te préambule du décret du 12 octobre et dans le décret du 8 mars, savoir : qu’il ne sera rien innové au régime des colonies, à l’état des personnes, que sur la demande formelle des habLants. J'ai entendu parler ici de la dérla-ration dt-s d oitsde l’homme. Eh! bien, si vous voulez la déclaration des droits, quant à nous, il n’y a plus de colonies. ( Violents murmures.) M. de Follevilte. Mais laissez donc parler. Que votre sages edu 8 mars soit le point ae ralliement de tous les bons esprits. M. Roreau de Saint-Béry. Je ne sais s’il est écrit quelque part, ou s’il est dans lesmaxi m» s ce l’Assamblée qu’un ne lui parlera jamais des colonies. Si cela e t, j’en tire la conséquence, et je demande, par amendement, que les députés des colonies se relire ut dans l’Aseeniblée. M. Roreau (de Tours). C’est à la Icibone surtout qu’il faut être libre. Je demande si on refu- 040 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (7 mai 1791.] sera toujours d'entendre les députés des colonies. M. de Traey. Nous avons toujours décrété sur les colonies sans entendre. Puisque Monsieur parle contre l’ajournement, il faut qu’il soit écouté. M. Moreau de Saint-Méry. Je dis qu’il y a deux parties distinctes dans ce décret : le premier article, qui n’est que le résultat de ce que vous avez décrété constitutionnellement, doit être décrété dès à présent, car je soutiens que si vous ajourniez la discussion sur cet article, discussion qu'on peut ouvrir sur-le-champ, vous ne pourriez pas empêcher que l’on ne sût aux colonies, peut-être avant le décret que vous rendriez, l’espèce d’ince-titude qui aurait lieu dans l’Assemblée, sur ce qui a été décrété le 8 mars, et sur le considérant du 12 octobre. ( Murmures à gauche .) Il ne s’agit seulement de prémunir les colonies contre les principes de cette Assemblée, mais contre ceux de la législature prochaine qui ne sont pas connus et qui peuvent inspirer de la défiance. Il est aisé de calculer les effets que produirait aux colonies la nouvelle de l’ajournement. Messieurs, il est fort aisé de raisonner dans l’Assemblée nationale, et à Paris, de l’effet que chacun juge d’après ses principes, ses calculs, ou d’après ses idées et ses intérêts. Vous ne sauriez calculer, dis-je, l’effet que peut produire un pareil doute dans la colonie. On peut en juger par l’accueil universel qu’a reçu ce préambule du 12 octobre, qui a calmé les inquiétudes, et que chacun a regardé comme lem «yen de rétablir la tranquillité. Si vous ajournez, on ne saura plus où vous en êtes, ni à quoi s’en tenir. Je le dis avec la plus grande douleur, mais avec vérité, vous perdrez la confiance des colonies (Murmures.) que vms demandent en ce moment les colonies? Rien autre chose que l’execution de vos promesses. Peut-être me répondra-t-on que la France est puissante, et qu’elle pe it soumettre les co'onies. Je le dis, Messieurs, vous avez des vaisseaux, vous y avez des troupes, é bienl c’est par cela même que vous devez ménager les colonies, c’est pour cela que vous devez craindre de les agiter. Je dis que vous ne pouvez pas ajourner le premier article; que la discussion, s’il doit en exister une, doit être o i verte à l’instant. Q« ant au surplus du décret, je vous prie de considérer que si quelqu’un devait s’en plaindre, ce serait les colons; car votre décret du 8 mars, sans aucune distinction, a dit que la Constitution coloniale serait préparée par les As emblées de chaque colonie, que l’initiative partirait d’elle. Or, je vois d’ici d’une manière très claire que l’on a usurpé, si je puis me servir de ce mot, l’initiative laissée aux colonies; car en même temps qun vous avez dit, le 12 octobre, que vous attendriez notre initiative pour prononcer, vous nous l'êtez en nous oblig*ant à former un comité dans la partie française de i’île de Saint-Martin. On a proposé celte mesure pour avoir un vœu commun sur les gens de couleur; mais à combien d’inconvénients ne serait-elle pas sujette, nous ne l’avons pas dissimulé aux comités, et il était de notre devoir de le faire, parce que notre devoir le plus sa