[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juillet 1791.J l'envoi de 97,000 hommes de gardes nationales et vous en avez fixé la répariition. Assurément, dans cette distribution, le district de Saint-Hip-polyte aura une part quelconque et la proposition de M. Regnaud se trouvera remplie. A l’égard des instructmns à donner à notre envoyé auprès de l’évêque de Bâle, il y aurait peut-être quelque difficulté à les discuter en public. M. d’André aurait pu ajouter, il est vrai, dans ses réflexions, que l’empereur ne souffrira pas qu’il reste des Français le long de Porentruy de l’autre côté du Rhin ; nous n’avons pas ouï dire non plus qu’il eût souffert un rassemblement considérable de troupes dans les Pays-Bas, mais il est certain que le Brisgau renferme beaucoup plus de soldats qu’à l’ordinaire et que si les gorges étaient abandonnées par les Suisses, Userait possible que les Impériaux en prissent la garde. Cette réflexion n’échappera sûrement pas à l’envoyé. Une autre considération qui ne lui échappera pas non plus, c’est que votre traité n’est plus rien lorsqu’on combine entre eux les articles qu’il i enferme, et le ministre sentira qu’il faut faire expliquer clairement l’évéque de Bâle sur ce point : « Entendez-vous ou n’entendez-vous pas livrer les passages de vos Etats? Etes-vous décidé ou non à perpétuer le rôle que vous jouez à la diète ? » En tout cas, c’est à la vigilance du pouvoir exécutif à choisir comme envoyé un homme ferme et surtout ami de la Révolution. M. Gobel, évêque de Paris. J’ai plusieurs dispositions à proposer à l’Assemblée. Je demande tout d’abord que l’ambassadeur du roi soit chargé de sommer les cantons helvétiques de ne plus accorder de passage à des troupes étrangères dans le pays de Porentruy, attendu que ces troupes, dans les circonslances actuelles de la provocation du prince-évêque de Bâle, pourraient engager le corps germanique dans une guerre contre la France, et rendre illusoire l’assurance résultant du traité conclu avec la Suisse en 1776, de ne laisser passer au travers de son territoire aucun ennemi de la France. Le second article que je vous proposerai, c’est que votre commissaire ne parle pas sans connaître le caractère du prince-évêque avec lequel il va traiter ; car, pour une négociation de cette importance, il est nécessaire de connaître son caractère et sa contenance depuis notre Révolution. Je demande donc que M. de Montmorin promette de charger de cette commission un homme reconnu vraiment patriote et qu’il le charge de se faire instruire, par les députés du Doubs et du Haut-Rhin, de toutes les manœuvres de l’évêque de Bâle depuis le commencement de notre Révolution ; il importe qu’il soit bien instruit et qu’il ne parte pas sans cela. Il est une troisième disposition non moins importante et qui consiste à ne faire de démarches qu’avec la dignité qui convient à une grande nation et à les accompagner d’une contenance imposante. Pour cela, je propose au ministre de la guerre de faire un rapprochement d’une partie de troupes formant les garnisons d’Huningue, de Belfort et de Besançon, et d’un nombre de gardes nationales des départements du Doubs et du Haut-Rhin afin de ceintrer sur les limites françaises le pays de Porentruy, au moment où le commissaire français fera ouveriure de sa commission au prince-évêque à Porentruy, tant à l’effet d’en procurer le succès que pour avoir le 533 monde nécessaire aux réparations du fort de Blamont. Cette mesure est d’autant plus sûre que je suis persuadé qu’au moment où l’évêque de Bâle se verra ainsi ceintré, les troupes autrichiennes l’abandonneront; il ne pourra attendre de secours par la Suisse, puisqu’en conséquence de ma première proposition, vous serez assurés de la clôture de tous les passages, et il se trouvera ainsi très porté à terminer votre négociation. (Applaudissements.) M. liavie. Il est une précaution antérieure à celles que vient de vous présenter M. l’évêque de Paris. A Porentruy, les habitants out eu l’intention de renverser leur Constitution et de se mettre à la française. Il est important qu’en réclamant l’exécution d’un traité qui vous donne la facilité de conserver vos possessions, vous lui disiez que vous conserverez les siennes. Je demande donc que votre envoyé s’explique catégoriquement sur ce point, que toutes les possessions de l’évêque de Bâle seront conservées, et je demande à M. le rapporteur que cette condition soit insérée dans le décret. M. d’André, rapporteur. Toutes ces dispositions et plusieurs autres encore feront la matière de l’instruction qui sera donnée à l’envoyé, mais il est inutile de les comprendre dans le décret. Si, d’un côté, il est vrai que l’évêque de Bâle ait fait des manœuvres contre notre Révolution, il y a aussi une réclamation de l’empereur contre une lettre d’un officier de la garde nationale parisienne dans laquelle il est dit : « Nous serons 30 ou 40,000 dans tel bois, nous entrerons ensuite à main armée à Porentruy. » Il est inutile, comme vous voyez, de mettre cela dans une instruction : vous ne pouvez pas empêcher qu’il n’y ait de pareilles réclamations et il serait imprudent de forcer la mesure dans ce moment et par un décret qui bornât la mission de notre envoyé à notifier la loi que vous auriez rendue. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angèly). Les observations présentées par M. Fréteau relativement aux gardes nationales dont vous avez décrété hier l’envoi aux frontières ne détruisent point ma proposition. J’insiste pour que les premiers 600 hommes qui seront prêts à partir dans le département du Doubs soient envoyés à Blamont, comme je l’ai proposé. (La discussion est fermée.) M. le Président rappelle l’état de la délibération. Après quelques observations les décrets suivants sont mis aux voix : Premier décret. « L’Assemblée nationale décrète que le ministre des affaires étrangères enverra auprès de l’évêque de Bâle un ministre chargé de réclamer l’exécution du traité de 1780. » (Adopté.) Deuxième décret. « L’Assemblée nationale décrète que sur les gardes nationales qui se sont déjà fait inscrire dans le département du Doubs, il sera mis sur-le- 334 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. champ, et en attendant la formation générale décrétée par l’Assemblée, un bataillon complet en activité, lequel sera destiné à la garde des forts, postes et frontières du côté du territoire de Po-rentruy, sous les ordres du commandant militaire. Ordonne que le ministre de la guerre donnera des ordres en conséquence dans le plus court délai. » {Adopté.) Troisième décret. «i L’Assemblée nationale a renvoyé la partie de l’amendement sur laquelle elle n’a point statué, au ministre des affaires étrangères, pour servir aux instructions à donner à l’envoyé qui sera changé de réclamer l’exécution du traité de 1780 auprès de l’évêque de Bâle. » {Adopté.) L’ordre du jour est la discussion du projet de décret du comité des rapports et des recherches réunis tendant à la formation d'un tribunal criminel pour connaître des délits commis au champ de la Fédération (1). M. Salle, rapporteur. Avant de soumettre à la délibéiation le projet de décret que j’ai proposé hnr à l’Assemblée, je dois annoncer que j’ai été d’avis personnellement de la création d’un seul tribunal pour la connaissance des faits dont il s’agit et de tout ce qui concerne la formation de ce tribunal, mais que j’ai combattu de toutes mes forces la juridiction souveraine et sans ap[el que le projet de décret lui attribue. Dans les observations que j’ai présentées hier à l’Assemblée, je n’ai donc fait que rapporter les raisons du comité à cet égard. M. E-anjuinais. Vous avez à Paris 6 tribunaux ; vous avez encore 6 tribunaux provisoires pour l’arriéré des aidait es criminelles ; on vous propose un septième tribunal provisoire : je dis qu’il n’e-t pas possible de faire une censure p us amère de votre organisation judiciaire. Un tribun. d se trouve investi par la Constitution de la connaissance des faits dont il s’agit, C’est celui dans l’arrondissement duquel ces faits se sont passés; peut-on l’en dépouiller pour créer �ous le régime de la liberté un de ces tribunaux qui sont hors la loi et contre la loi et qui ont été décriés à si juste titre sous le nom de commbsions? Sans doute, il faut un seul tribunal, ce n’est pas d’aujourd’hui que l’on sait que tous les délits qui sont connexes doivent être poursuivis devant le même tribunal, mais il nb st pas besoin pour cela d’en creer un nouveau. 11 doit y avoir une règle, une loi stable ; et, j’ose le dire, celte règle existe dans la loi qui établit le tribunal de cassation. Vous lui avez don cé le droit d’évoquer, de renvoyer à un seul tribunal. Si on objecte que ce tribunal ne sera pas assez considérable, ce serait le cas d’ordonner qu’il sera renforcé. Si vous croytz ne devoir rien attendre de la diligence du tribunal de cassation qui aurait déjà dû être mis en activité par l’ordre du ministre de la justice, si vous croyez devoir prendre vous-mêmes cette mesure, je demande que le tribunal du sixième arrondissement de Paris soit déclaré celui auquel l’affaire sera renvoyée. (1) Voy. ci-dessus ce projet de décret, séance du 22 juillet 1791, page 526. 123 juillet 1791. J On vous propose, d’un autre côté, d’accorder à ce tribunal nouveau une juridiction en dernier ressort. Qui de nous peut souifrir une idée si luneste à I innocence, si contraire aux principes de notre Constitution? Déjà les ennemis de cette Constitution répandent le bruit que. nous ne pouvons plus soutenir les principes de liberté que nous avons consacrés et que nous détruisons notre ouvrage dans la pratique: gardons-nous de justifier une telle inculpation. Je demande que l’appel soit porté à l’un des 6 tribunaux. Je conclus donc à la question préalable sur le projet du comité et au renvoi des procédures devant les tiiimnaux ordinaires et je demande que le comité de Constitution nous présente un mode d’appel en matière criminelle en attendant que le juré soit en activité. M. Bril lat-Sa varl n . Le comité vous propose un tribunal de 12 juges pris dans les tribunaux de Paris. 11 propose de lui attribuer la connaissance de tous les délits qui viennent d’être commis, et que son jugement soit sans appel. Ces propositions ne peuvent souffrir de difficulté. Eu effet, chaque tribunal pris isolément, n’é-lant composé que d’un petit nombre de juges qui peuvent à peine suffi e à leurs occupations journalières, serait bien au-dessous des événements : d’uu autre côté, dans l’étendue de tout le département, c’est encore une nécessité d’étendre f s limites du tribunal temporaire que vous allez créer. Si le pouvoir de l’ordre judiciaire que nous avons organisé, était au niveau des évémments qui nous agitent, je dirais que nous avons fait une mauvaise Constitution ; car un pouvoir de cette intensité, de cette étendue, serait vraiment effrayant dans l’état de calme auquel i ou s nous < fforçons de parvenir ; mais dans ies moments orageux, il faut des mesures extraordinaires. Qn’est-il de plus contraire à la liberté des citoyens que la loi mariiale? Cependant elle est absolument nécessaire. La loi contre les émigrants est également une mesure extraordinaire, bien nécessitée par l’état critique où nous nous trouvons. Aujourd'hui vous avez à réprimer les crimes déjà commis