[8 avril 1790.] K96 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. par les voies judiciaires; peut-on dire à celui qui se plaint que Je fait n’est pas prouvé, lorsqu’il demande à en faire la preuve? C’est pour faire cette preuve selon les règles indiquées et les formes prescrites par les ordonnances, que l’arrêt ordonne à tous les tribunaux de redoubler de zèle et d aciivité. Il fallait donc attendre que les procédures eussent été faites avant d’annoncer avec tant d’assurance qu’il n’y avait aucune preuve des faits contenus dans le réquisitoire. La notoriété publique, les avis reçus de toutes parts n’étaient-ils par suffisants pour engager le procureur général à les déférer au parlement, ou pour mieux dire, son ministère ne lui en faisait-il pas un devoir impérieux? « Mais, du reste, Monsieur le Président, on peut dire en quelque sorte que la preuve est déjà faite. Les déclarations fournies par les personnes les plus considérables, les procès-verbaux dressés par la maréchaussée et par les comités des villes, établissent, de la manière la moins équivoque, les excès auxquels les brigands se sont portés. M. le président d’Augeard est muni de toutes ces preuves et il pourra les mettre sous vos yeux si 1 Assemblée nationale l’ordonne. « Je ne vous parlerai point, Monsieur le Président, de tout ce qui s’est passé à Bordeaux, à l’occasion de cet arrêt. 11 était impossible de le prévoir et j’aime mieux garder le silence que d’inculper personne. Ma conduite est connue, ou rend justice à la pureté de mes intentions et je ne veux pas perdre dans vingt-quatre heures la confiance que j’ai acquise par cinquante années d’une magistrature laborieuse dans l’exercice du ministère public. « Permettez-moi de joindre à ma lettre le tableau abrégé des excès commis dans les proviuces du Périgord, de l’Agenois et du Gondomois ; il est fait sur les pièces dont M. le Président d’Augeard a bien voulu se charger. Je ne parle point des horreurs qui se sont passées dans le Limousin parce que je sais que l’Assemblée nationale doit en être parfaitement instruite. « 11 est malheureux pour les magistrats de la chambre des vacations, et pour moi plus particulièrement. que l’Assemblée nationale se soit hâtée de couronner les dénonciations qui lui ont été présentées, avant de demander les motifs de l’arrêt du 20 février. Nous nous serions empressés, Monsieur le Président, à les développer, et nous sommes assurés que les dénonciations n’auraient pas été favorablement accueillies. Alors j’aurais été dans le cas de repousser les reproches ue l’on m’a faits, en me supposant des vues et es intentions que je n’ai jamais eues, qui sont bien éloignées des sentiments dont je fais profession. On s’est permis d’isoler certaines phrases de mon réquisitoire au lieu de les réunir, et on n’a pas craint d’en déduire des conséquences directement contraires au but que je me suis proposé. Je n'en avais d’autre que d’arrêter les progrès des insurrections et de faire punir les coupables. C’est ce même but que l’Assemblée nationale a manifesté par ses décrets, que je me suis empressé de faire publier dans tout le ressort du parlement : l’exactitude que j’ai apportée à cet éüard doit me mettre à l’abri de toutes les inculpations qu’on a osé me faire. « J’espère, Monsieur le Président, que ma conduite paraîtra aux yeux de l’Assemblée nationale celle d'un magistrat pénétré de l’étendue de ses devoirs, et plus encure celle d’un bon citoyen, et que j’obtiendrai de sa justice un témoignage de sa satisfaction. « Je suis avec un respect infini, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur. « Signé : DüDON. « Bordeaux, ce 27 mars 1790. » M. le Président consulte l’Assemblée qui renvoie cette lettre et les pièces qui y sont jointes, au comité des rapports. M. le Président annonce ensuite que M. Au-geard, président de la chambre des vacations du parlement de Bordeaux, attend le moment de paraître à la barre. L’Assemblée ordonne qu’il soit introduit. M. le Président de l’Assemblée commence le discours qu’il a préparé; mais après avoir prononcé un petit nombre de phrases, il est interrompu par un très grand bruit. Ce trouble ayant continué dans la partie droite de la salle, M. le Président fait prier, par un huissier, le président de la chambre des vacations de se retirer pour un moment. Plusieurs membres s’opposent à ce que le président de la chambre des vacations se retire. Le tumulte est encore accru par un incident qui survient. MM. Duval d’Eprémesnil et l’abbé Maury, placés dans la partie de la salle où le bruit s’est élevé, se plaignent que quelques personnes situées dans les tribunes publiques, les ont insultés. Les officiers de garde de la milice nationale étant venus prendre les ordres de M. le Président, relativement à cet incident, M. le Président ordonne que celui ou ceux désignés pour avoir manqué de respect à l’Assemblée, soient arrêtés dans les tribunes; ce qui est exécuté sur-le-champ. M. le Président ayant ensuite obtenu du silence, dit qu’il ne croit pas possible que l’Assemblée délibère en présence du président de la chambre des vacations, sur la convenance ou la disconvenance du discours que le Président de l’Assemblée a préparé, et qu’il convient d’aller aux voix pour savoir si le président de la chambre des vacations doit se retirer ou non pour un moment. Cette proposition est mise aux voix, elle est décrétée, et le président de la chambre de3 vacations se retire. M. le Président dit alors que l’exemple de M. l’abbé deMontesqniou, et celui de plusieurs autres Présidents, l’ont dirigé dans le parti qu’il a pris de préparer son discours sans le communiquer préalablement à l’Assemblée ; mais que voulant lui donner une marque de sa respectueuse déférence, il la supplie d’entendre son discours, et de décider ensuite pour savoir s’il doit être prononcé ou non. L’Assemblée y consent: M. le Président lit son discours, qui excite de grands applaudissements. M. Emmery observe que la première phrase de ce discours est sévère, et demande qu’elle soit omise. La question préalable étant demandée, tant sur cet amendement que sur plusieurs autres qui sont proposés, l’Assemblée consultée décide : « Qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur tous les amendements. » M. le Président demande ensuite si l’Assemblée l’autorise ou non à prononcer son discours.